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3. Expérience de la mise en place d’un jeu pédagogique

3.1 Pourquoi le jeu pédagogique ?

3.1.2 Les jeux à Humanis

Pour plus de clarté et afin d’éviter tout confusion, les jeux développés par le FIRC à Humanis seront ici présentés indépendamment de leurs conceptions. Celles-ci, riches et denses, seront traitées ultérieurement dans une partie dédiée. (cf. infra partie 3.2.2, p. 62). Intéressons-nous pour le moment aux jeux en tant que tels.

Le premier jeu créé fut nommé

A la Pursuit de la Relation Client.

Reprenant les éléments « cadres » du très connu Trivial Pursuit, il vise lors d’une intégration à balayer le plus de thématiques possibles concernant la Relation Client. Il est utilisé lors de la dernière semaine de formation, avant la prise de poste tutorée du correspondant

16 Retranscription de l’entretien effectué avec la Responsable de l’ICR. 30/01/14 (cf. annexe 8).

54 client. Produit initial d’un « système D » qui fit néanmoins ses preuves, le premier jet (daté de 2012) fut remis à jour à l’été 2013, sur le modèle des jeux nouvellement créés présentés ci- après (cf. figure 4). Le but de ce jeu est de répondre correctement au plus grand nombre de questions, pour compléter son « camembert » dont les couleurs représentent les 6 thématiques ou types d’épreuves du jeu17

:

Tabou : il s’agit de l’unique carte que le stagiaire doit lui-même tirer. Il doit réussir

à faire deviner à l’animateur le mot inscrit dessus.

Les intrus du discours Client : Parmi les mots énoncés un à un, le joueur indique

quelles sont les formulations qui peuvent être abordées lors d’un entretien téléphonique et celles qui ne peuvent l’être.

Contexte : Elle permet au stagiaire de se familiariser avec le contexte. Une

question est notée sur la carte, et est posée à l’apprenant directement par l’animateur.

Traduction : Une phrase est énoncée en jargon technique par l’animateur. Le

stagiaire doit alors la traduire en discours client.

Non au négatif : Une phrase est énoncée dans une forme négative par l’animateur.

Le stagiaire doit trouver une autre manière de faire passer le message mais dans un discours positif.

Pumas : Le stagiaire devra trouver le motif et le profil18 PUMAS (cf. supra. partie 1.4.3, p.23) associés à la question énoncée.

Si le joueur se trouve sur l’une des cases à la base d'un rayon et qu’il répond correctement à la question, il peut prendre la part du « camembert » de la couleur en question. Une fois le « camembert » rempli, le joueur doit rejoindre le centre du plateau et répondre à

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Extraits de la règle du A la Pursuit de la Relation Client

55 une dernière question pour gagner la partie. Ce jeu dure environ une heure et demi et se pratique à six personnes maximum.

Le Trivial Pursuit, troisième jeu le plus vendu au monde après le Scrabble et le Monopoly, jouit d’une notoriété certaine. Le A la Pursuit de la Relation Client dont il est largement inspiré, va pouvoir mettre les apprenants dans une situation confortable en terrain plus ou moins connu. Ses règles, épurées et de prime abord simple à comprendre assurent d’autant plus ce sentiment de quiétude. L’utilisation ce jeu en intégration peut être perçue comme un point faible, notamment par certains formateurs qui remontent le caractère relativement facile des questions posées, limitant ainsi son utilisation aux seuls correspondants clients nouvellement embauchés. Nous verrons que cet attribut regretté du

A la Pursuit de la Relation Client, se trouve être à l’exact opposé de ceux du Jeu de l’oi(e) et

du Vive la Vie ! dont nous parlerons ci-dessous. Utilisés lors de formations de perfectionnement, ceux-ci comportent des questions bien trop difficiles et poussées pour les collaborateurs récemment embauchés qui ne maitrisent pas encore les bases réglementaires de la retraite complémentaire, ou des fonctionnalités propres à leur poste.

Fort de retours plutôt positifs quant à l’utilisation du A la Pursuit de la Relation

Client, le FIRC, à l’initiative d’Adeline Carlier entreprit la création de deux nouveaux jeux

pédagogiques à destination des collaborateurs déjà en poste : Le jeu de l’oi(e) donc, et Vive la

Vie !

« Le geste de lancer le dé et d’avancer son pion dans le Jeu de l’oie » (Kaufman, Sauvé, 1995, p.61) et donc de

manipuler du matériel, s’apparentent pour l’apprenant d’après Sauvé et Chamberland (2006) à de la « participation active » (op.cit.). Ainsi, le jeu de l’oie apparait être un outil convenable à utiliser dans les formations animées par le jeu puisqu’il induit une implication effective du joueur. A Humanis, le Jeu de l’oi(e)

56 reprend à l’aide de toute une batterie de questions, toute la structure réglementaire concernant les déclarations annuelles (aux Institutions de Retraite Complémentaire) des particuliers et des entreprises.

Il se compose comme l’original de 63 cases, et de quelques cases « pièges » instaurant les mêmes gages. Celles-ci ont cependant été renommées pour éviter tout caractère anachronique ou fantaisiste. Ainsi le pont devient l’ascenseur, l’hôtel devient la salle de pause, etc. A chaque case « ? » l’apprenant se voit poser une question par son voisin de droite, question à laquelle il devra correctement répondre s’il souhaite pouvoir lancer le dé, avancer, et répondre à une autre question. Le Jeu de l’oi(e) dure environ une heure, cinq personnes peuvent y jouer en même temps.

En ne prenant simplement que les auteurs que nous avons déjà cités dans cet écrit, on peut aisément constater que faire référence à la vie (dans et autour du jeu) est un procédé communément employé : prenons quelques exemples. Béville (1986, p.98) fait de la vie « le

jeu le meilleur qui réponde » à de nombreux critères, car elle apparait comme « l’expérience de situations paradoxales » (op.cit.). Lors du Séminaire sur les Jeux en Entreprise et la

Formation Professionnelle (2008, p.3), il fut également dit (reprenant le Dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation, 1998) que « jouer c’est vivre pour le plaisir

de vivre », et Winnicott (1971, p.103) enfin, avance que jouer « c’est une expérience, une forme fondamentale de vie ». Avant même d’avoir pris connaissance de ces références, mais

après quelques tergiversations cependant au sein du service, c’est le nom Vive la Vie ! qui s’est imposé comme étant le plus adapté à ce nouveau jeu que le FIRC souhaitait créer. Habité par ce credo depuis déjà quelques années, le Vive la Vie ! se veut être un formidable vecteur d’optimisme et de bonne humeur.

Le jeu Vive la Vie ! donc, initié au sein d’Humanis est une création originale empruntant le principe phare du jeu Life (plus connu sous son ancien nom Destin) qui voit son plateau être transformé en un parcours de vie allant de la naissance au décès. La version conçue par le FIRC s’attache uniquement au métier de la retraite complémentaire à destination du client particulier, c’est-à-dire qu’elle ne concerne que les correspondants clients compétents dans ce domaine. Grâce à deux éléments constitutifs du jeu, Vive la Vie ! se veut être le plus exhaustif possible quant aux thématiques abordées. Premièrement, en arpentant les quatre grandes phases d’une vie ayant une incidence plus ou moins large sur la

57 retraite (études, vie active, période de départ en retraite et retraite-même) ; le joueur/apprenant peut ainsi faire l’expérience du second degré (cf. supra. partie 2.1.2, p. 31). Au regard des lectures effectuées, que peut il y avoir de mieux pour favoriser cette expérience que de se retrouver à incarner un personnage sur

un plateau de jeu reprenant les grandes phases d’une vie ? Deuxième élément, chaque joueur/apprenant dispose d’un profil singulier se différenciant des autres par le sexe, l’âge, la situation maritale, la tranche19 et le nombre d’enfants (ces situations peuvent évoluer tout au long du jeu lorsque le joueur tombe sur une case appropriée). Ces différences, couplées au caractère

volontairement abstrait des questions, introduisent une forte dimension d’aléa (cf. supra. partie 2.1.3, p. 33) qui démultiplie ainsi les possibilités de réponses aux questions : profil A = réponse A, profil B = réponse B, et les deux sont correctes ! Le second degré et l’aléa dont d’autant plus favorisés dans Vive la vie ! qu’un élément de jeu (pour le coup repris du jeu Life) permet au joueur/apprenant de choisir à trois reprises sur le plateau de jeu quel chemin il souhaite prendre : études longues ou courtes, retraite ou retraite anticipée, et enfin retraite ou cumul/emploi retraite. Nous pouvons considérer ces deux aspects comme de formidables points forts.

D’une façon générale les retours concernant ce jeu pédagogique sont concluants. Un point non négligeable est cependant à garder en mémoire, en vue de futures conceptions. Certains formateurs/animateurs, ont manifesté un modeste malaise quant à la complexité des règles à énoncer, comparativement au temps global du jeu qui est de deux heures environ… Ce jeu se joue à cinq personnes maximum.

Il n’y a pas pour ces trois jeux de phase de débriefing formalisée dans laquelle l’animateur revient sur les savoir abordés. Cette phase dont nous parlerons ci-après (cf. infra.

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La tranche de salaire est définie en fonction du plafond de la Sécurité Sociale, et sert à calculer les montants de la retraite.

58 partie 4.2.3, p. 80) n’existe pour le moment qu’au bon vouloir du formateur et peut intervenir aussi bien après chaque question, qu’à la fin du jeu, voire même (peut-être) pas du tout. Il n’y a pas non plus d’évaluation et/ou de contrôle des connaissances consécutifs et propres au jeu. Les doubles-écoutes, pickings, et quiz (cf. supra partie 1.4.2, p.22) constituent à l’heure actuelle les seules possibilités dont nous disposons pour mesurer l’efficacité d’un jeu pédagogique. Or, ces démarches s’intègrent dans un processus bien plus large puisqu’elles concernent tout le parcours d’intégration ou de perfectionnement.

Un dernier jeu enfin, en cours de conception, se veut être une création originale au même titre que Vive le Vie !, mais à destination du périmètre entreprise de la retraite complémentaire. Encore très peu avancé il est impossible ici d’en faire un état des lieux détaillé. Nous pouvons seulement dire que ne pouvant reprendre le concept d’un plateau retraçant la vie entreprise, il sera constitué de cinq épreuves différentes dans lesquelles les joueurs/apprenants devront néanmoins faire évoluer leurs pions sur des sentiers de jeu. Cet écrit, à travers l’analyse qu’il porte et la discussion qu’il mettra en évidence sur sa fin, permettra inéluctablement d’aider le FIRC à améliorer toujours plus la véracité pédagogique des jeux qu’il propose et qu’il conçoit.

Cette étape de conception d’ailleurs, fort intéressante, fait partie intégrante de l’ingénierie pédagogique dont nous avons déjà parlé (cf. supra. partie 1.3.1, p.15). On ne pourrait faire l’étude du jeu dans la formation sans aborder les mécanismes d’ingénierie développés à des fins de conception. Nous pouvons supposer en effet qu’un jeu pédagogique aura d’autant plus de chances de fonctionner et de remplir sa mission principale, l’apprentissage, s’il est en amont pensé, conceptualisé, et testé. Les ressorts qui font qu’un jeu est efficace en apprentissage sont, nous l’avons vu nombreux, et un juste équilibre entre ceux- ci et entre « le temps de jeu et le temps d’apprentissage est nécessaire pour maintenir la

motivation »Sauvé (1995, p.49). Voyons comment le FIRC et les ingénieurs pédagogiques qui le composent se sont attelés à travailler cette problématique lors des phases de conception.

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3.2 L’ingénierie pédagogique menée

Lors de la conception d’un jeu pédagogique, tout concepteur doit avoir à l’esprit (en dépit des contraintes organisationnelles et structurelles) une liste d’atouts qui feront de ses jeux des jeux efficaces. Barthélémy-Ruiz (1993, p.135) nous donne une liste comprenant cinq « ingrédients fondamentaux », nécessaires selon l’auteure au jeu utilisé en formation : « un

formateur à l’aise » auquel on peut associer « une technique d’animation ouverte », « un matériel simple », « un objectif pédagogique bien cerné » et enfin « un transfert et un suivi indispensables ». Tous ces ingrédients ne dépendent pas directement du concepteur, puisque

l’animateur tient une place également importante dans la transmission du savoir, mais nous pensons cependant qu’un jeu conçu en toute intelligence peut anticiper et appuyer ou limiter (le cas échéant) les actions d’un animateur. Pour illustrer quelque peu ce propos, prenons par exemple le premier ingrédient : « un formateur à l’aise ». Le concepteur a tout loisir de favoriser la quiétude de l’animateur, en rédigeant une règle claire et précise ou en lui destinant un feuillet avec les actions à entreprendre. Mais avant même de penser à ces quelques ingrédients à prendre en compte lors de toute conception, il convient de s’attacher à régler quelques problématiques antérieures et à définir ce que l’on souhaite vraiment pour le jeu en formation… Il s’agit de la conceptualisation.