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Les jeux de hasard dans le Kursaal

5. Forage 3 (1910 -1925)

5.2 Capital Gouvernance : un régime de développement en crise

5.3.2. Les jeux de hasard dans le Kursaal

La ressource qui va ici nous intéresser touche aux infrastructures touristiques et de loisirs, plus particulièrement le Kursaal de Montreux. Ce type d’établissement est typique des villes d’eau et des stations touristiques européennes et constitue un lieu de sociabilité et de rencontre pour les étrangers en villégiature (Narindal, 2011). Comme nous l’avons vu dans la section 2.2.1, ce sont les étrangers en séjour à Montreux qui avaient lancé un appel en 1868 pour que soit construit un Kursaal, à l’instar de celui qui existait déjà dans la station d’Interlaken. Une société est fondée dans ce but en 1880 et l’établissement ouvre ses portes en 1881. Il comprend notamment une grande salle de concerts et de spectacles, une salle de jeux et un tea-room. Le Kursaal de Montreux joue dès lors un grand rôle dans la vie sociale et musicale de la ville (Rieben, 1972).

Figure 9 : Le Kursaal de Montreux Source : (My Montreux, 2012a)

DESCRIPTION DE LA RIVALITE

Pour cette ressource d’infrastructure touristique et de loisirs, nous allons nous pencher plus particulièrement sur un type d’activité pratiqué dans ce lieu, à savoir les jeux de hasard. Comme leur nom l’indique, ceux-ci se distinguent des autres jeux par le fait que la chance joue un rôle décisif dans le gain. Dès le Moyen Age, les jeux de hasard ont souvent été interdits ou limités dans le temps et l’espace en raison des dangers qu’ils représentaient, par exemple des bagarres ou des endettements. L’essor du tourisme au XIXe siècle favorisa la création de maisons de jeu dans divers pays, notamment la Suisse. Celles-ci étaient, la plupart du temps, exploitées dans les Kursaal des grandes stations thermales ou touristiques telles que, outre Montreux, Interlaken, Baden, Thoune ou encore Lucerne (Kopp, 2007). Nous nous intéressons tout d’abord à l’usage économique de cette activité. Les jeux de hasard sont indispensables pour financer le tourisme. En effet, un Kursaal avec des spectacles captivants et des concerts intéressants est indispensable pour retenir les étrangers dans une station. Or, les dépenses que ces représentations nécessitent ne peuvent être uniquement couvertes par les entrées. Par exemple, en 1884, le Conseil d’administration du Kursaal de Montreux engage un chef d’orchestre ainsi que 14 musiciens pour une somme de Fr. 26'000.- pour l’année(Mayer, 1963), alors que les étrangers paient auprès de leur hôtel une Kurtaxe destinée au Kursaal entre Fr. 1.- et Fr. 2.50.- par semaine selon la classe et la distance depuis l’hôtel (Dubochet, 1886). Ainsi, pour récolter des recettes supplémentaires, les directions des Kursaals suisses ont introduit les jeux de hasard, qui permettent de financer les autres événements de l’établissement (concerts, spectacles, animations diverses) et donc de retenir plus longtemps les étrangers dans la station. Concernant les utilisateurs, à Montreux, seuls les étrangers, contre présentation de leur Kurtaxe délivrée par leur hôtel, sont autorisés à accéder à la salle de jeux, et, de plus, uniquement entre 15h30 et 17h30 ainsi que le soir durant l’entracte des spectacles.

Cette activité est alors indispensable à la bonne marche des affaires. Cependant, selon l’avis de certains, elle revêt un caractère profondément néfaste (Narindal, 2011). En effet, les établissements abritant des jeux de hasard suscitent de vives oppositions d’ordre moral et religieux. Leurs détracteurs les accusent d’attirer une clientèle aux mœurs douteuses et de salir la réputation du pays : « il y a clientèle et clientèle pour une station d’étrangers et celle qu’attirent les jeux n’est pas la plus désirable parce qu’elle éloigne l’autre, qui est la bonne » (Petits chevaux et maîtres d'hôtels, 1900) et « là où les jeux existent, ils attirent une clientèle interlope qui fera fuir l’étranger sérieux, celui qui vient chercher chez nous le repos, une nature admirable et non des amusements ruineux et une société douteuse » (L'initiative contre les jeux, 1914). De plus, ils voient dans la création de maisons de jeux un danger grave pour la jeunesse et pour les locaux, qui jouent également et perdent des sommes qui ne sont pas négligeables pour eux. Selon ces opposants, « tout ce qui favorise la pratique des jeux de hasard pour de l’argent favorise un des plus funestes penchants de l’être humain : la passion du gain sans travail pour l’obtenir » (Emery, 1910). Ils ne contestent pas fondamentalement l’existence d’un Kursaal en lui-même, mais refusent d’y voir associer des jeux de hasard. C’est sous cet angle que nous allons alors traiter cette rivalité entre l’usage économique du Kursaal et son usage moral.

ANALYSE DU REGIME INSTITUTIONNEL DE RESSOURCE

Il s’agit dans cette partie de voir la manière dont est régulé ce conflit. Au niveau fédéral, la question des jeux émerge suite au débat concernant le casino de Saxon-les-Bains en Valais. Les Chambres fédérales sont saisies en 1870 suite à pétition réclamant la fermeture de l’établissement mais, en l’absence de législation, elles doivent constater que cette question relève de la seule compétence cantonale. La Constitution fédérale de 1874 a pour objectif de régler définitivement le problème, via l’article 35 qui stipule que « il est interdit d’ouvrir et d’exploiter des maisons de jeu. Celles qui

existent actuellement seront fermées le 31 décembre 1877. Les concessions qui auraient été accordées ou renouvelées depuis le commencement de l’année 1871 sont déclarées nulles » (Constitution fédérale du 29 mai 1874). Malgré cette interdiction, la pratique des jeux de hasard se généralise au cours des années 1880 dans les plus importants Kursaals du pays. Considérant que, dans ces établissements, le jeu n’est pas l’attrait principal mais uniquement une distraction parmi d’autres, les propriétaires jugent qu’ils ne contreviennent pas à la Constitution (Narindal, 2011). Durant les années 1890, divers abus vont contraindre le Conseil fédéral à revoir sa conduite. En 1897, il décide de limiter la durée du jeu et le montant des mises. La même année, suite à une réunion organisée entre les directeurs de police des cantons de Berne, Lucerne, Grisons, Argovie, Vaud et Genève au sujet des règles à fixer pour autoriser les jeux de hasard dans les Kursaals suisses, il renonce à établir des règles uniformes sur les jeux mais se réserve le droit de prendre, de son propre chef ou sur plainte portée, les mesures qui lui paraitront nécessaires pour faire respecter les prescriptions de l’article 35 de la Constitution fédérale (Conseil Fédéral, 1916). Ce laxisme provoque la colère des opposants aux jeux de hasard. Plusieurs parlementaires fédéraux déposent en juin 1899 un postulat demandant une application plus stricte de l’article 35 de la Constitution. Lors de la discussion de ce postulat à la séance du Conseil national du 20 mars 1900, les signataires, en reprenant les habituels arguments sur la morale et la mauvaise réputation, affirment que « quant à la prospérité générale, morale et matérielle du pays, à son bon renom, les jeux publics ne peuvent que leur nuire » (Assemblée fédérale, 1900). Evidemment, les défenseurs du tourisme montent au créneau en insistant sur le fait que « les casinos sont nécessaires pour satisfaire les goûts de la clientèle étrangère qui voyage en Suisse et fait la prospérité de nos hôtels et, par contrecoup, celle du pays » (Assemblée fédérale, 1900). Le Conseil fédéral, quant à lui,

« n’a pas le sentiment d’avoir laissé violer la Constitution. Les casinos suisses ne sont pas à proprement parler des maisons de jeux. On y donne des concerts, des représentations théâtrales, et le jeu, après tout, n’est qu’un accessoire. Le Conseil fédéral a toujours considéré que l’article 35 n’était point violé aussi longtemps que le jeu conservait le caractère d’un simple passe-temps, d’un amusement innocent. Il a par conséquent limité le montant des mises, limité la durée du jeu, surveillé l’emploi qui était fait du produit du jeu » (Assemblée fédérale, 1900)

Le Conseil fédéral refuse d’aller plus loin. Il est suivi par la majorité du Conseil national, puisque la prise en considération de ce postulat est rejetée par 73 voix contre 32. En 1913, dans cette même logique, le Conseil fédéral proclame dans un arrêté76 que les jeux de hasard exploités dans les Kursaals ne tombaient pas sous l’interdiction établie par l’article 35 de la Constitution lorsqu’un certain nombre de principes étaient respectés, notamment une mise maximum, un temps de jeu limité et une interdiction de jouer pour certaines catégories de personnes (Conseil Fédéral, 1916). Ensuite, une initiative populaire est déposée en 1915, afin de modifier ce fameux article 35 de la manière suivante : « Il est interdit d’ouvrir des maisons de jeux. Est considérée comme maison de jeu, toute entreprise qui exploite des jeux de hasard. Les exploitations de jeu de hasard actuellement existantes doivent être supprimées dans le délai de cinq ans dès l’adoption de la présente disposition » (Conseil Fédéral, 1916, p. 1). L’idée est alors de définir clairement une maison de jeu comme étant toute entreprise qui exploite des jeux de hasard, que ce soit de manière accessoire ou non. Les Kursaals sont ainsi désormais considérés comme des maisons de jeux. Cette initiative populaire est acceptée le 21 mars 1920 par 53 % des voix, tandis que le contre-projet de l’Assemblée fédérale prévoyant que les entreprises de jeu poursuivant un but récréatif ou d’utilité publique continueraient à être tolérées, est

rejeté (Narindal, 2011). L’Assemblée fédérale proclame donc le 21 mars 1920 un Arrêté fédéral77 modifiant l’article 35 de la Constitution de la manière dont nous l’avons mentionné ci-dessus. Cette victoire des forces conservatrices sera de courte durée car une initiative en faveur du maintien des Kursaals et de l’encouragement du tourisme en Suisse, est déposée en 1926. Acceptée par votation populaire le 2 décembre 1928 avec 52 % des voix, elle donne naissance à un nouvel Arrêté fédéral78

modifiant l’article 35 de la Constitution : « il est interdit d’ouvrir et d’exploiter des maisons de jeu. Les gouvernements cantonaux peuvent, à certaines conditions dictées par l’intérêt public, autoriser les jeux d’agrément en usage dans les kursaals jusqu’au printemps 1925, en tant que l’autorité compétente estime ces jeux nécessaires au maintien et au développement du tourisme et que leur organisation est assurée par une entreprise exploitant à cette fin un kursaal. Les cantons peuvent également interdire de tels jeux » (Conseil Fédéral, 1929). Les compétences en matière de jeux se retrouvent alors entre les mains des autorités cantonales.

Avant la Constitution fédérale de 1874, seuls les cantons ont compétence en la matière. Dans l’affaire du Casino de Saxon-les-Bains, malgré plusieurs requêtes de particuliers auprès de l’Assemblée fédérale, le Conseil fédéral déclara en 1871 « que les autorités fédérales n’étaient pas compétentes en la matière » (Conseil Fédéral, 1916). Il se borna à prendre note que la Canton du Valais ne renouvèlerait pas la concession à son expiration en 1877. Notons que certains cantons ont légiféré à ce sujet avant la Confédération, notamment celui de Berne, qui promulgua en 1869 une loi sur le jeu interdisant « tous les jeux pour de l’argent ou des objets de valeur, dans lesquels le gain dépend uniquement du hasard » (Emery, 1910). A la suite de l’inscription de l’article 35 dans la Constitution fédérale en 1874, les cantons sont chargés de faire respecter cet article, comme il leur incombe selon les principes du fédéralisme d’exécution (cf. section 2.1.3). C’est le cas pour Montreux en 1884 lorsque le Conseil fédéral, informé qu’on y jouait dans le Kursaal au jeu du baccarat, demanda au gouvernement du Canton de Vaud d’ouvrir une enquête à ce sujet et de lui faire un rapport. Vu le résultat de l’enquête, le Conseil d’Etat vaudois décida « l’enlèvement immédiat de la table de baccarat et de la roulette, en prévenant le comité d’administration du Kursaal qu’il prendrait des mesures de rigueur si des faits semblables venaient à se reproduire » (Conseil Fédéral, 1916). Dans la Constitution de 1874, en omettant de définir clairement une maison de jeu, l’article 35 est suffisamment vague pour laisser une certaine marge de manœuvre aux cantons, qui ont la possibilité de légiférer soit en étant plus sévère, soit plus laxiste. Par exemple, c’est cette dernière option qu’a prise le Canton du Tessin en autorisant en 1908 les jeux de hasard dans les établissements fréquentés presque exclusivement par les étrangers, c’est-à-dire les Kursaals (Les Grands Conseils, 1908). Le Canton de Vaud ne va pas promulguer de loi particulière sur la question, mais se contente de prendre quelques mesures. Le 12 octobre 1886, le Conseil d’Etat vaudois fait parvenir aux préfets du canton un circulaire leur annonçant sa décision d’interdire « tous les jeux offrant un gain au public et qui par leur nature, laissent à l’adresse ou au hasard le moyen de l’obtenir » (Jeux populaires, 1886). Cependant, huit jours plus, il précise que cette interdiction ne vise que « les jeux exploités par des artistes ou industriels ambulants » (id.), c’est-à-dire pas ceux des Kursaals. A la fin du XIXe siècle, les membres du Conseil d’Etat prennent position quant au projet de Kursaal de Lausanne. Se déclarant « absolument sympathiques à l’ouverture à Lausanne d’un Kursaal offrant à la population indigène et étrangère des divertissements convenables » (Pas de Kursaal à Lausanne, 1898), ils s’opposent pourtant à la variante proposée car les jeux constitueraient le revenu principal, ce qui en ferait une

77 Arrêté fédéral du 19 avril 1920 concernant le résultat de la votation populaire du 21 mars 1920 sur la demande d’initiative pour la modification de l’article 35 de la constitution fédérale (interdiction des maisons de jeu)

78 Arrêté fédéral du 15 janvier 1929 constatant le résultat de la votation populaire du 2 décembre 1928 sur la demande d’initiative portant modification de l’article 35 de la constitution fédérale (initiative populaire en faveur du maintien des Kursaals et de l’encouragement du tourisme en Suisse)

maison de jeu. Les membres de l’autorité cantonale ne sont cependant uniquement « interrogés à titre consultatif sur leur position » (Narindal, 2011, p. 63), puisqu’une autorisation cantonale n’est pas nécessaire pour l’ouverture d’un Kursaal. Cet état de fait changera, comme nous l’avons vu, dès 1929 avec la modification de l’article 35 permettant aux gouvernements cantonaux d’autoriser, sous certaines conditions, les jeux de hasard dans les Kursaals. Les autorisations cantonales sont cependant soumises à l’approbation du Conseil fédéral (Conseil Fédéral, 1929). Le Conseil d’Etat vaudois se trouve dans une position délicate après le résultat du scrutin fédéral de 1929 car le Canton de Vaud a largement rejeté l’initiative à 59 % des voix, montrant par là son hostilité aux jeux de hasard. En même temps, il ne peut, « sans flagrante injustice, refuser à Montreux ce que d’autres cantons auront accordé à des Kursaals qui se trouvent placés dans les mêmes conditions que Montreux. En outre, une attitude trop intransigeante du Conseil d’Etat risquerait de créer à Montreux un état d’exaspération qui serait préjudiciable à l’intérêt général » (Après le scrutin du 2 décembre, 1928). Au mois de mars 1929, le Conseil d’Etat autorise ainsi la Société immobilière du Kursaal de Montreux à exploiter le jeu de la boule dans son établissement mais précise qu’il « ne sera pas délivré d’autres autorisations dans le canton » (L'exploitation des jeux au Kursaal de Montreux, 1929). Grâce à cela, les jeux sont rouverts au Kursaal de Montreux après quatre ans de fermeture (Mayer, 1963).

A l’échelle communale, les entités locales ont également une certaine marge de manœuvre, vu l’absence de législation stricte sur les jeux de hasard avant 1920. Certaines communes, dont par exemple Moudon et Payerne en 1878, les interdisent. La commune des Planches, sur le territoire de laquelle se trouve le Kursaal, ne prend aucune décision législative à ce sujet.

Concernant le système régulatif des droits de propriété, le Kursaal de Montreux, comme c’est le cas d’ailleurs des autres Kursaals suisses, est la propriété d’une société anonyme depuis sa construction en 1881. Rappelons que le Code Civil vaudois assure la garantie de la propriété privée, mais dans les limites de la loi : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » (Art. 345). Le Kursaal est « administré par un conseil, qui ne touche aucun traitement, et qui est composé de personnalités connues et de parfaite honorabilité : commerçants, docteurs, avocats, députés, hôteliers, etc. » (Emery, 1911). Comme nous l’avons vu dans la section 2.2.2, le Conseil d’administration signe en 1881 une convention avec un groupe français pour louer durant 12 ans l’établissement, mais le bail est résilié une année plus tard à cause de la faillite du locataire. Aucun autre contrat de location ne sera plus établi. Rappelons également que la commune des Planches rachète en 1948 la majorité des actions.

Sur la base de ces éléments, il s’agit de déterminer le type de Régime Institutionnel autour de cette rivalité. Concernant sa première dimension, nous avons pu constater qu’il devenait, au fil du temps, de plus en plus étendu, avec notamment la multiplication des arrêtés à ce sujet alors qu’avant 1874, il n’y aucune réglementation autour des jeux. Ensuite, nous pouvons relever plusieurs incohérences du régime dans la définition même, ou plutôt son absence, du droit d’usage des jeux de hasard. L’article 35 de la Constitution de 1874 interdit les maisons de jeu, mais sans préciser ce qu’est réellement une maison de jeu. Les Kursaals des stations touristiques profiteront alors de cette incohérence pour !contourner! cette interdiction et avancer le fait que le jeu étant accessoire dans leurs établissements, ils ne violent pas la loi. De plus, le canton ne s’étant pas vu spécifiquement confier la compétence de délivrer des autorisations, il en est réduit à un rôle !consultatif!, comme dans l’affaire du Kursaal de Lausanne. Ensuite, l’arrêté fédéral de 1913 précise que le jeu dans les Kursaals est autorisé sous certaines conditions. Ce texte semble ainsi apparaître comme une volonté de corriger cette incohérence de la Constitution, même si celle-ci demeure partiellement étant donné que la Constitution n’est pas

elle-même corrigée. Dès 1920, avec la modification de cet article introduisant la définition d’une maison de jeu comme toute entreprise qui exploite des jeux de hasard, puis en 1929 avec l’attribution de la compétence aux gouvernements cantonaux de délivrer des autorisations, ces incohérences sont corrigées. Nous pouvons donc conclure que, entre 1870 et 1929, le RIR passe d’un régime inexistant à un régime plutôt intégré.

ARRANGEMENTS DE REGULATION LOCALISES

Maintenant que le Régime Institutionnel a été décrit, observons ce qui se passe localement, c’est-à-dire ce que font avec ces règles les acteurs montreusiens, en particulier la Société du Kursaal. Tout d’abord, si elle défend l’exploitation des jeux dans leur Kursaal, c’est pour préserver sa place à l’intérieur du champ touristique :

« ces touristes qui viennent chez nous pour y admirer les beautés naturelles de notre pays ou pour y jouir des bienfaits de notre climat, il faut les retenir, et cela d’autant plus que la concurrence hôtelière devient chaque année plus grande grâce à l’exemple que nous avons donné à d’autres pays. Pour cela, il ne suffit pas d’offrir aux étrangers des hôtels confortables, une cuisine substantielle et saine, des installations hygiéniques parfaites, il faut encore se préoccuper de leurs distractions. » (Emery, 1911)

Alors que les Kursaal suisses profitent du flou autour de la définition d’une maison de jeu pour nier le fait qu’ils contreviennent à la Constitution étant donné que le jeu n’est pas l’attrait principal du lieu (Narindal, 2011), les membres de la société du Kursaal de Montreux choisissent une stratégie un peu différente. Dans une lettre ouverte publiée dans la Gazette de Lausanne, ils affirment que supprimer les jeux dans le Kursaal, qui se jouent au grand jour et sous le contrôle du public, ouvrirait la porte aux jeux clandestins joués à huis clos dans les hôtels et les cabarets. Ainsi, « entre ces deux maux – si