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Capital Ressourciel : une sous-exploitation des hôtels à gérer

6. Forage 4 (1925 -1955)

6.3 Capital Ressourciel : une sous-exploitation des hôtels à gérer

ENJEUX LIES A LA RESSOURCE

La ressource qui va nous intéresser ici est celle du parc d’hébergement touristique, plus précisément celui hôtelier. Dans ce cas, la problématique sur laquelle nous nous penchons est un peu différente des autres que nous traitons. A cause de la crise des années 1930 et de la deuxième guerre mondiale qui amènent un fort ralentissement des activités notamment touristiques, il n’y a pas, durant ce forage, de conflits d’usages autour d’une ressource qui aboutiraient à une surexploitation de celle-ci. Vu le contexte difficile, l’enjeu principal concerne la sous-exploitation d’une ressource, en l’occurrence les hôtels, durant la deuxième guerre mondiale. Il s’agit ici d’assurer un usage d’hébergement hôtelier suffisant pour couvrir les frais d’exploitation et ainsi rester ouvert. De la sorte, dès la fin du conflit, les hôtels seront plus rapidement prêts à accueillir à nouveau les touristes puisqu’ils ont pu rester en activité. Des hôtels ouverts profitent également à l’économie montreusienne dans son ensemble, car ils nécessitent la fourniture de différents biens (notamment les produits agricoles) et services (par exemple blanchisseries, chauffeurs, etc.). Nous étudions donc les modalités de cette sous-exploitation des hôtels. L’enjeu consiste à remplacer les usagers habituels, soit les touristes, par d’autres qui sont, en ces temps de guerre, les troupes militaires suisses, les internés88 et les réfugiés89. Comment ces nouveaux usages de la ressource hôtelière sont-ils régulés ?

ANALYSE DU REGIME INSTITUTIONNEL DE RESSOURCE

Concernant l’analyse des droits de propriété sur la ressource, les hôtels appartiennent soit à des privés, soit à des sociétés, celles-ci pouvant être anonymes. Nous avons décrit plusieurs d’entre elles, par exemple la Société des Hôtels National et Cygne, la Société immobilière de Caux ou encore la Société du Grand Hôtel de Territet. Le Code Civil suisse de 1912 garantit la propriété ainsi que son libre usage : « le propriétaire d’une chose a le droit d’en disposer librement, dans les limites de la loi » (Art. 641). L’article 702 réserve le droit à la Confédération, aux cantons et aux communes d’apporter, dans l’intérêt public, des restrictions à la propriété foncière. De plus, dans notre cas, les circonstances sont particulières car le Conseil fédéral dispose dès le début du conflit en août 1939 et comme pour la première guerre mondiale, de pouvoirs extraordinaires que l’Assemblée fédérale lui attribue via un Arrêté90 en 1939. Celui-ci stipule que l’Assemblée fédérale lui donne pouvoir et mandat de prendre les mesures nécessaires pour maintenir la sécurité, l’indépendance et la neutralité de la Suisse, pour sauvegarder le crédit et les intérêts économiques du pays et pour assurer l’alimentation publique (Art. 3). Comme le Conseil fédéral le précise, les circonstances pourraient justifier que, de manière générale, il transgresse certaines lois : « en usant de ces pouvoirs nous nous en tiendrons autant que faire se pourra, à la constitution et aux lois en vigueur ; mais le but des pouvoirs extraordinaires est précisément de nous permettre de nous écarter de ces limites » (Conseil Fédéral, 1939a, p. 218). Le Conseil fédéral jouit ainsi d’une marge de manœuvre importante pour, s’il le pense nécessaire,

88 En temps de guerre, les internés sont des étrangers, militaires ou civils, placés dans des camps gérés par l’armée. Durant la deuxième guerre mondiale, les autorités suisses ont considéré comme internés les militaires hospitalisés, les déserteurs, les réfractaires, les objecteurs de conscience et les prisonniers de guerre évadés (de Weck, 2008).

89 La Convention de Genève relative au statut des réfugiés définit un réfugié comme étant toute personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son

appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays donc elle a la nationalité » (Art. 1A, cité par Portmann-Tinguely & von Cranach, 2012)

90 Arrêté fédéral du 30 août 1939 sur les mesures propres à assurer la sécurité du pays et le maintien de sa neutralité

notamment restreindre drastiquement la propriété foncière, en outrepassant les régulations qui la garantissent.

Concernant les politiques publiques, nous proposons de les séparer selon le type de populations concernées (troupes suisses, malades et blessés suisses, internés étrangers, réfugiés), étant donné que les textes légaux ne sont pas les mêmes. La Constitution de 1874 attribue les compétences militaires à la Confédération. A propos des troupes suisses, une première mesure est prise par le Conseil fédéral en 1939 par un Arrêté91 allouant aux communes des indemnités pour le logement des états-majors supérieurs. Par cette décision, le Conseil fédéral accorde aux communes, afin de les soulager, les mêmes facilités que pendant le service actif 1914-1918. Un nouvel Arrêté92 en 1940 fixe les taux dans le cadre desquels les communes peuvent être indemnisées pour leurs prestations en faveur des troupes (Conseil fédéral, 1940). L’indemnité pour le logement des officiers des états-majors varie entre 25 et 75 centimes par officier et par nuit, suivant le cas, et s’élève à 3 centimes par homme ou cheval et par nuit (Art. 3). Ensuite, pour s’occuper des soldats blessés et malades, le service de santé du commandement de l’armée possède ses propres hôpitaux, les établissements sanitaires militaires, dont l’existence est consacrée par un règlement de 1930 (Qu'est-ce qu'un établissement sanitaire militaire ?, 1939). Dans ceux-ci peuvent se donner tous les soins destinés à rendre les malades de nouveau aptes au service. Le cas des internés étrangers est précisé au niveau international lors de la Conférence de la Haye en 1907, où est signée une Convention93 concernant les droits et les devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre. Le chapitre II traite de la question des belligérants internés et des blessés soignés chez les Etats neutres. L’Art. 12 mentionne que « à défaut de convention spéciale, la Puissance neutre fournira aux internés les vivres, les habillements et les secours concernés par l’humanité ». Il faut attendre 1941, soit presque deux ans après le début de la guerre, pour que le Conseil fédéral prenne des dispositions relatives au logement des internés. Jusque-là, ces derniers ont été logés dans les hôtels. Or, comme, faute de bases légales, il était appliqué pour eux l’indemnité de 3 centimes prévue pour les soldats suisses (hors états-majors supérieurs), les hôteliers et les aubergistes manifestèrent leur opposition (Conseil fédéral, 1941). Les autorités communales critiquèrent le fait que l’indemnité était uniforme pour tous les types de logements, qu’elle qu’en soit la qualité. Autrement dit, la somme perçue était la même pour un soldat suisse hébergé dans un campement militaire et un interné logé à l’hôtel. Un nouvel Arrêté94 en 1941 fixe alors les prestations de la Confédération pour le logement des internés. Le taux d’indemnité varie de 3 à 10 centimes par homme et par nuit selon la qualité du logement. Enfin, pour le cas des réfugiés, la prise du pouvoir par les nazis en Allemagne déclencha un exode massif de juifs, sociaux-démocrates, communistes, chrétiens engagés, intellectuels et artistes. Cela posa à la Suisse des problèmes auxquelles elle n’avait jamais été confrontée jusqu’alors (Portmann-Tinguely & von Cranach, 2012). Dès 1933 et jusqu’en 1944, les autorités suisses distinguent les réfugiés politiques des autres réfugiés. Elles retiennent dans la première catégorie uniquement les personnes qui sont personnellement persécutées. Cette définition plutôt restrictive fait que la Suisse n’accorda l’asile politique qu’à 644 personnes entre 1933 et 1945, surtout des hauts fonctionnaires et des dirigeants de parti de gauche (Portmann-Tinguely & von Cranach, 2012). Du point de vue juridique, tous les autres réfugiés sont

91 Arrêté du Conseil fédéral du 3 décembre 1939 allouant des indemnités pour le logement des états-majors supérieurs (RO 55, 1365)

92 Arrêté du Conseil fédéral du 29 mars 1940 allouant des indemnités extraordinaires pour les prestations des communes en faveur des troupes pendant le service actif (RO 56, 301)

93 Convention concernant les droits et les devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907

94 Arrêté du Conseil fédéral du 18 mars 1941 fixant les prestations de la Confédération pour le logement des internés (RO 57, 282)

seulement des !étrangers! et dépendent de la Loi fédérale95 sur le séjour et l’établissement des étrangers. L’Art. 2 stipule que « l’étranger est tenu de déclarer son arrivée en Suisse, dans les trois mois, à la police des étrangers de son lieu de résidence pour le règlement de ses conditions de résidence ». Du point de vue administratif, les compétences sont attribuées aux cantons, qui désignent « une autorité cantonale de police des étrangers (police cantonale des étrangers) » (Art. 15). Dès l’été 1942, le nombre de réfugiés entrant illégalement en Suisse augmente considérablement. Au 1er mars 1943, le nombre total des réfugiés et des émigrants s’élevait à près de 18'000 (Conseil fédéral, 1943). Le Conseil fédéral règle alors par un Arrêté96 spécial l’hébergement et la surveillance des réfugiés. Cet Arrêté stipule notamment que tous les réfugiés font l’objet d’une décision d’internement, que ce soit dans un camp, un home ou chez des particuliers, et qu’ils n’ont donc pas à régler leurs conditions de résidence selon la procédure ordinaire de la Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers. Comme nous pouvons le constater, les régulations mises en place touchent le niveau international, dans le cas de la Convention de la Haye, et sinon uniquement le niveau fédéral. En effet, les questions liées à la guerre, à l’armée et à la politique vis-à-vis des internés sont régies seulement à l’échelle fédérale. C’est aussi le cas de la question des réfugiés, comme le rappelle le conseiller d’Etat Antoine Vodoz, responsable du Département de justice et police du Canton de Vaud en 1942 : « une première précision pour bien établir les compétences et les responsabilités. Ce ne sont pas les autorités cantonales qui ont la responsabilité ni la compétence de recevoir les réfugiés, de les accueillir et de s’en occuper ; ce sont les instances fédérales » (Grand Conseil du Canton de Vaud, 1942, pp. 552-553). Les compétences cantonales se bornent, comme la Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers le précise, à un rôle administratif.

Au moment d’analyser le type de régime institutionnel de ressource, relevons tout d’abord que l’étendue du régime augmente au fil du conflit. Les pouvoirs extraordinaires dont dispose le Conseil fédérale lui permettent de prendre rapidement les mesures qu’ils estiment nécessaires sans avoir à les faire accepter auparavant par l’Assemblée fédérale. Puis, deux fois par an aux sessions de juin et de décembre, le Conseil fédéral présente un rapport à l’Assemblée fédérale décrivant et justifiant les mesures qu’il a prises. Sur la base de ce rapport, l’Assemblée fédérale décide si ces mesures doivent être ou non maintenues (Art. 5 de l’Arrêté fédéral sur les mesures propres à assurer la sécurité du pays et le maintien de sa neutralité). Cette capacité de légiférer sur-le-champ permet à l’Exécutif fédéral d’être très réactif sitôt qu’il constate un problème, comme il le fait par exemple avec l’Arrêté de 1943 sur l’hébergement des réfugiés (cf. supra). L’étendue du régime est donc relativement forte, puisque des régulations sont rapidement rajoutées dès qu’il est constaté des nouveaux conflits d’usage. Du côté de la cohérence du régime, la situation n’est pas aussi simple. Le fait que les régulations ne se fassent qu’au niveau fédéral amène en particulier trois types de problèmes. Tout d’abord, les lois proclamées par le Conseil fédéral restent à un niveau général qui concerne l’ensemble du pays, sans être adaptées au cas particulier de chaque canton. Certaines autorités communales déplorent le manque d’instructions précises, notamment au sujet des réfugiés (Grand Conseil du Canton de Vaud, 1942). Ensuite, l’absence de compétences attribuées au canton fait que les communes doivent s’adresser directement à Berne pour chacune de leur demande. Les délais de réponse, si réponse il y a, sont ainsi extrêmement longs, comme le montrer cet exemple donné par les autorités communales de Montreux, suite aux problèmes rencontrés avec un réfugié italien : « nous avons entrepris des démarches en haut lieu pour le placer provisoirement auprès de sa parenté, à Clarens, afin qu’il ne soit pas à charge de la collectivité et attendons en vain, depuis plus de six semaines, une réponse de Berne » (Grand

95 Loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers

Conseil du Canton de Vaud, 1942, p. 547). Un troisième problème découlant des instructions peu précises des textes fédéraux est une forte différence de traitement entre les réfugiés. La plupart sont logés dans des camps de travail, tandis que certains sont plus confortablement hébergés dans des hôtels loués par la Légation du pays dont ils sont ressortissants et qu’un troisième groupe, qui dispose de fonds, vivent également dans les hôtels mais en liberté sans aucune surveillance. Et « les avantages dont bénéficient les uns et pas les autres ne sont pas compris et créent des mécontents ainsi que de nombreux commentaires » (Grand Conseil du Canton de Vaud, 1942, p. 549). Au vu de ces éléments, la cohérence du régime peut être qualifiée de faible, ce qui nous amène à conclure que le régime institutionnel de ressource est ici de type complexe.

ARRANGEMENTS DE REGULATION LOCALISES

Voyons alors à présent la situation à Montreux. Dès le tout début du conflit, la Confédération installe à Vevey et Montreux un établissement sanitaire militaire. Vevey abrite les sections de médecine interne, neurologie, psychiatrie et dermatologie et Montreux celles de chirurgie. Les infectieux et contagieux sont envoyés à Clarens, et à Glion sont les convalescents qui ont droit à encore un repos sous contrôle avant de compter de nouveau à l’effectif de leurs unités respectives (A l'établissement sanitaire militaire de Vevey, 1939). Outre les officiers, sous-officiers et soldats, un tel type d’établissement implique plusieurs centaines de samaritaines et d’infirmières, qui sont logées à l’hôtel (Un établissement sanitaire sur les rives du Léman, 1939). Ainsi, la Commune des Planches note en 1939 que « l’arrêt brusque de tout mouvement touristique, [est] partiellement compensé par l’installation à Montreux de l’Etablissement sanitaire militaire. Pour la première fois, Montreux, ville de tourisme, devenait un peu une ville de garnison » (Commune des Planches, 1940). Cette installation est cependant également synonyme de frais pour les communes, par exemple une quinzaine de milliers de francs par an pour le Châtelard en 1939 (Commune du Châtelard, 1940).

Ensuite, nous pouvons relever des positions quelque peu divergentes entre les autorités communales et les hôteliers au sujet de l’occupation des hôtels. Les premières entreprennent des démarches pour faire occuper les hôtels qui ont fermé : « le marasme du tourisme nous a contraints à continuer les démarches entreprises auprès des autorités civiles et militaires aux fins d’occuper un certain nombre d’hôtels fermés. Comme l’année dernière, il nous a été possible d’héberger à Territet plusieurs cours militaires et de P.A. (protection aérienne) » (Commune des Planches, 1944, p. 65). Le terme utilisé (!contraints!) est révélateur du fait que les autorités communales ne font pas cette demande de gaieté de cœur mais uniquement parce que les touristes sont absents. L’objectif ici n’est pas directement touristique, mais concerne plutôt l’économie en générale. Celle-ci, à Montreux, est tellement dépendante du tourisme que si les hôtels sont occupés, c’est toute l’économie locale de Montreux qui se porte mieux : chemins de fer locaux, commerces et services en général. Cela est d’ailleurs relevé par les autorités communales des Planches : « les hôtels Bristol et Vernet à Territet, Bellevue et Champ-Fleuri à Glion, Alpina, Maria, Esplanade et Régina à Caux, ont été occupés une partie de l’année par des internés ou des réfugiés et loués dans ce but à la Confédération […] La présence de ces quelques 2000 hôtes de condition modeste a certainement eu une heureuse répercussion sur certaines branches du commerce local » (Commune des Planches, 1945, p. 61). C’est avec cette vision globale en tête que les autorités entreprennent des démarches pour faire occuper les hôtels fermés. Les hôteliers ont une conception un peu différente. Comme nous l’avons mentionné, les indemnités de logement payées par la Confédération sont très basses : entre 25 et 75 centimes par officier et par nuit, et entre 3 et 10 centimes par homme et par nuit pour les internés étrangers. Or juste avant la guerre, la pension dans les hôtels réquisitionnés s’élèvaient à une dizaine de francs (Baedeker, 1938). A la fin 1944, lorsque les autorités fédérales font une demande pour éventuellement ouvrir un home ou un

camp à l’Hôtel Continental, le comité de la Société des Hôteliers de Montreux s’y oppose en faisant remarquer que la station a déjà été suffisament mise à contribution puisque près de 14 établissements sont déjà occupés à cette fin (Mettler, 1979). Cela montre un manque de consensus entre les autorités locales et les hôteliers, puisque les premières essaient de faire occuper les hôtels tandis que les seconds refusent de mettre leurs établissements à disposition.

Du point de vue du tourisme, l’un des problèmes liés au réfugiés est que, comme nous l’avons noté dans l’analyse du RIR, la grande majorité d’entre eux, non considérés par les autorités fédérales comme des réfugiés politiques, dépendent de la Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers. Or, c’est également cette loi qui régit le séjour des touristes. En 1942, Albert Mayer, syndic des Planches et député au Grand Conseil, interpelle le Conseil d’Etat en lui demandant de le « rassurer que le problème des réfugiés ne portera pas préjudice à notre industrie hôtelière par une restriction dans l’octroi de visas d’entrée en Suisse en faveur d’étrangers qui, dans un but touristique ou pour raisons de santé, voudraient séjourner temporairement dans notre pays et particulièrement dans nos centres climatériques » (Grand Conseil du Canton de Vaud, 1942, p. 551). Il craint en effet que le durcissement des entrées aux frontières touchent également les touristes et non seulement les réfugiés, étant donné que les conditions de séjour de ces deux types de populations dépendent de la même loi. Enfin, signalons qu’entre 1939 et 1945, près de 104'000 militaires ont été internés en Suisse, en majorité des Français, des Italiens, des Polonais, des Soviétiques, des Allemands et des Britanniques. Leur régime quotidien variait selon leur pays d’origine : certains internés ont dû travaillé dur, tandis que d’autres, notamment les pilotes américains, étaient logés à l’hôtel aux frais de leur ambassade (Portmann-Tinguely & von Cranach, 2012). La commune des Planches décide d’utiliser cette main d’œuvre pour rénover ses infrastructures touristiques : « nous avons profité de la présence des internés anglais à Caux pour améliorer la partie supérieure des pistes de ski dans la région de Merdasson-Chamossallaz. La Municipalité continuera à vouer toute son attention à l’équipement sportif de nos stations du haut, en vue de la reprise du tourisme d’après-guerre » (Commune des Planches, 1945, p. 61). En rassemblant ces différents éléments, on constate que les autorités communales apparaissent comme très actives pour essayer de minimiser le plus possible les effets négatifs de la guerre et être prêtes à recevoir les touristes sitôt le conflit terminé.

6.4 Articulation des deux capitaux au sein du Régime Politique local

Le premier élément que nous pouvons relever ici est que la différence concernant les régimes urbains entre les communes du Châtelard et des Planches se retrouve tout à fait dans la gestion de la sous-exploitation hôtelière analysée dans le Capital Ressourciel. On remarque en effet que les autorités communales des Planches sont nettement plus actives que celles du Châtelard pour faire occuper les hôtels en cette période de marasme touristique, notamment dans leurs démarches auprès des autorités civiles et militaires. De même, c’est le syndic des Planches qui s’inquiète auprès du Grand Conseil vaudois de l’impact du problème des réfugiés sur l’industrie hôtelière. Sur cet enjeu, la commune du Châtelard apparaît en retrait. A peine lit-on que les autorités locales prennent note que l’ouverture de