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Deuxième partie : Comment pense-t-on le jeu vidéo ?

3. L E JEU VIDEO COMME JEU

Cette discussion sur la nature et la définition du jeu vidéo conçu en tant que média fait écho à un second débat, voire à une division1, dans la littérature, qui porte moins sur les « propriétés » et les caractéristiques du support informatique, mais plus largement sur la question du jeu. Le jeu vidéo est-il un jeu et, si l’on s’accorde à le considérer comme tel, comme dépasser théoriquement cette tautologie ? Comment définir le jeu vidéo en tant qu’activité ludique ? Quelles cadres théoriques lui appliquer ? A la théorisation du jeu vidéo sous l’angle d’une narration, d’autres travaux proposent une analyse différente en inscrivant le jeu vidéo dans le domaine du jeu et de la « sphère ludique »2. Cependant au sein de ces approches dites « ludologiques »3, les différentes définitions mobilisées trouvent leurs principales fondations dans les théories de Caillois et Huizinga.

Le jeu vidéo comme « cercle magique » : les travaux de Huizinga

Les analyses de l’auteur d’Homo Ludens ont trouvé un « renouveau » dans la littérature sur le jeu vidéo et se voient reprises, citées et commentées par des chercheurs, des essayistes ou des game designers pour comprendre les relations entre jeu vidéo et jeu. Il faut d’abord rappeler que Huizinga propose une analyse anthropologique du jeu en cherchant à comprendre sa place dans différentes sociétés et à diverses époques et son rapport à la culture. Il va ainsi proposer une définition du jeu (devenue canonique dans les « sciences du jeu ») :

« une action libre, sentie comme « fictive » et située en dehors de la vie courante, capable

néanmoins d'absorber totalement le joueur; une action dénuée de tout intérêt matériel et de toute utilité, qui s'accomplit en un temps et dans un espace expressément circonscrits, se déroule avec ordre selon des règles données, et suscite dans la vie des relations de groupes s'entourant volontiers de mystère ou accentuant par le déguisement leur étrangeté vis-à-vis du monde

habituel »4. A cette définition, Huizinga donnera une valeur métaphorique, en qualifiant le jeu

de « cercle magique » : la constitution d’un espace qui se situe en même temps à l’intérieur et à l’extérieur de la réalité sociale, dans lequel les joueurs entrent et sortent sur des périodes circonscrites dans le temps et dans l’espace.

Dans les traces de Huizinga, des chercheurs5 s’attachent à comprendre comment les joueurs de jeu vidéo rentrent dans un « cercle magique ». Ainsi, pour Salen et Zimmerman, le jeu vidéo apparaît comme un espace fictif, limité dans le temps et l’espace, situé en dehors de la réalité et régulé par un système informatique. Ils insistent sur la notion de feedback, de rétroaction, autrement dit la possibilité pour le joueur de savoir quel est l’effet de son action sur le jeu. « Le jeu n’est le pas produit d’un système de jeu, mais des interactions des joueurs avec ce système dans le but de jouer ».6 Selon Salen et Zimmerman, le « cercle magique » se situerait précisément dans cette relation entre un système entendu comme « un groupe d’éléments interagissant, inter-reliés, ou interdépendants formant un ensemble complexe » et l’interactivité accordée au joueur avec ce système : « Les éléments clés sont le fait que le jeu

1 Deux camps dans la littérature « s’opposent » sur l’analyse de l’objet. Les « ludologues » et les « narratologues », les premiers, comme nous l’avons vu, analysent le jeu sous l’angle d’un récit et donc à l’aune des théories de la narration, les seconds sous l’angle d’une activité ludique et donc au regard des théories du jeu. Pour une analyse du débat, des attaques et des contre-attaques qui divisent les « narratologues » et les « ludologues », cf. Julien Rueff, « Où en sont les games studies ? », Réseaux, vol. 26, n° 152, 2008 pp.139-166. Quelques chercheurs comme Henry Jenkins cherchent une position plus centrale. Sans être certain de comprendre les tenants, les aboutissants et les raisons de ce débat (sinon celles d’alimenter de créer un débat entre spécialistes), nous ne nous interdirons aucune façon de penser le jeu vidéo, ni en termes de récit ni en termes de jeu.

2 Terme de Johan Huizinga, Homo Ludens : essai sur la fonction sociale du jeu, Paris : Gallimard, 1951.

3 Sébastien Genvo, « réflexions ludologiques », Mediamorphoses, n°22, février 2008, p. 95-104.

4 Johan Huizinga, Homo Ludens : essai sur la fonction sociale du jeu, Paris : Gallimard, 1951, p.35.

5 L’auteur est repris par d’autres chercheurs sur le jeu, souvent dans des logiques de Game Design. Cf. Sébastien Genvo, Le game design de jeux vidéo, approche communicationnelle et interculturelle, op. cit. Cf. Julian Alvarez, Du jeu vidéo au serious game :Approches culturelle, pragmatique et formelle, op. cit.

soit un système, que les joueurs interagissent avec ce système, que le jeu est une instance du conflit, le conflit dans le jeu est artificiel, les règles limitent le champ des possibles du joueur et définissent le jeu, et chaque jeu est associé à un résultat mesurable.1 » Au carrefour des relations entre les actions d’un joueur et l’interactivité d’un système se constituerait selon eux le cercle magique vidéoludique qu’ils définissent comme « un espace puissant, gagnant son autorité dans l’action des joueurs, et créant des significations complexes et nouvelles qui ne sont possibles que dans le cadre du jeu. »2

Le jeu vidéo comme « activité libre, séparée, incertaine, improductive, réglée (ou) fictive »

Avec Huizinga, les analyses de Caillois3 sont parmi les plus sollicitées dans la littérature. Dans les traces du premier, l’auteur des jeux et des hommes propose une définition du jeu assez proche4 : « une activité libre, séparée, incertaine, improductive, réglée (ou) fictive »5. « Libre » parce qu’aucun jeu ne peut avoir de caractère coercitif, on ne peut pas obliger une personne à jouer sinon le jeu perdrait immédiatement de sa « nature divertissante et joyeuse ».6 « Séparée » car l’activité ludique intervient dans un moment et dans un lieu déterminé qui marque une opposition à d’autres activités sociales (le travail par exemple). Cette séparation est aussi bien spatiale (la marelle dessinée à la craie, le plateau d’un jeu de société, le terrain de foot) que temporelle : il y a un début, une fin, un temps de jeu. Ainsi, précise l’auteur, « le domaine du jeu est un univers réservé, clos, protégé : un espace pur ».7

L’activité ludique est selon Caillois « incertaine ». En effet, pour qu’il y ait jeu, il faut que le déroulement et surtout la fin du jeu (la victoire) ne soient pas connus d’avance et que chacun ait l’impression (vraie ou fausse) « d’avoir sa chance ». A ceci, Caillois ajoute que le jeu est une activité improductive: il ne crée rien de nouveau ou de réel. Même dans le cas de jeux d’argent, le jeu ne produit pas de valeur ajoutée car les gains acquis par les joueurs ne sont que des sommes d’argent déplacées.

Le jeu est une activité réglée, soumise à des règles qui suspendent les lois ordinaires. La règle fait partie du jeu, elle le circonscrit, le délimite. Elle permet également que le jeu soit équitable et que chaque participant puisse croire à ses chances. Parfois même, comme au Go ou aux échecs, un « handicap » est donné à un joueur plus fort afin que le jeu soit juste. Enfin, tout jeu, selon Caillois, relève de la fiction : toute activité ludique est « accompagnée d'une conscience fictive de la réalité seconde ». Sur la base de cette définition l’auteur propose une classification des jeux selon quatre types :

L’agôn qui désigne les jeux de combat et de compétition dans lesquels le joueur met une « capacité » à l’épreuve pour l’emporter : « la rapidité, l’endurance, la vigueur, la mémoire, l’adresse, l’ingéniosité, etc. »8. Cette catégorie regroupe donc les jeux d’affrontements physiques ou symboliques, les jeux sportifs (football, rugby), les sports individuels (course, athlétisme, tennis), les jeux de société (dames, belote, échecs billard.) Ces jeux supposent un principe d’égalité entre les membres qui y participent, (quitte à imposer un handicap au concurrent le plus fort). L’auteur insiste sur la notion de victoire. Selon lui, l’agôn se présente comme « la forme pure du mérite personnel et sert à le manifester »9. Il évoque aussi les défis enfantins tels que

1 Katie Salen, Eric Zimmerman, Rules of Play, Massachusetts : The MIT Press, 2004, p. 83.

2 Katie Salen, Eric Zimmerman, « Game Design and Meaningful Play », op. cit., p. 77.

3 Roger Caillois, Les jeux et les hommes: le masque et le vertige, Paris : Gallimard, paris, 2000, (1ère Ed 1958).

4 La principale différence entre les travaux de Huizinga et de Caillois tient en ce que ce dernier accorde une plus grande importance aux jeux de hasard et de déguisement.

5 Roger Caillois, Les jeux et les hommes, p. 42-43.

6Ibid.

7Ibid., p. 38.

8Ibid., p.50.

regarder le soleil le plus longtemps possible, résister aux « chatouilles », etc.

L’aléa (« dés » en latin). Dans cette catégorie de jeux, il ne s’agit pas de vaincre un adversaire mais le destin. « Ici, non seulement on ne cherche pas à éliminer l’injustice du hasard, mais c’est l’arbitraire même de celui-ci qui constitue le ressort unique du jeu »1. Sont ainsi concernés les jeux de roulettes, de dés, de pile ou face, les jeux de loterie… « A l’inverse de l’agôn, l’alea nie le travail, la patience, l’habileté, la qualification ; il élimine la valeur professionnelle, la régularité, l’entraînement »2. Caillois oppose ainsi agôn et aléa en les considérant malgré tout comme deux pôle opposés et symétriques : « ils obéissent tous deux à une même loi : la création artificielle entre les joueurs des conditions d’égalité pure que la réalité refuse aux hommes »3. Toutefois, Caillois constate que certains jeux combinent à la fois des ressorts appartenant à l’alea et à l’agôn comme les jeux de cartes, les dominos ou le backgammon. En effet, le hasard (alea) intervient dans la donne et dans la composition des « mains » des joueurs, ensuite ceux-ci devront exploiter au mieux les cartes ou les pièces distribuées.

La Mimicry. Le terme recouvre tous les jeux d’imitation de déguisement, de faire « comme si ». Dans cette perspective, « le plaisir c’est d’être autre ou de se faire passer pour un autre »4 […] La règle du jeu est unique : elle consiste pour l’acteur à fasciner le spectateur, en évitant qu’une faute conduise celui-ci à refuser l’illusion. »5

L’Ilinx. Cette catégorie rassemble les jeux « qui reposent sur la poursuite du vertige et qui consistent en une tentative de détruire pour un instant la stabilité de la perception et d’infliger à la conscience lucide une sorte de panique voluptueuse »6. Il cite pour exemple les derviches tourneurs ou plus communément les jeux de manège, de balançoire, de tourniquet… « l’essentiel ici réside dans la poursuite de ce désarroi spécifique, de cette panique momentanée que définit le terme de vertige et des indubitables caractères de jeu qui s’y trouvent associés : liberté d’accepter ou de refuser l’épreuve, limites strictes et immuables, séparation d’avec le reste de la réalité »7.

L’auteur établit dans chaque catégorie des degrés entre ce qui relève d’un principe d’improvisation de laisser-aller, de pur plaisir, la paidia¸et, à l’opposé l’organisation, le goût de l’effort, de la difficulté, le ludus. Ainsi doit-on voir dans les courses d’enfants ou dans les luttes improvisées le domaine de la paidia, et dans les compétitions sportives ou dans les tournois (boxe, échecs, dames, billard) le ludus.

Sur la base des travaux de Caillois,8 des auteurs vont analyser les jeux vidéo. Delphine Grellier9 remarque ainsi que certains jeux vidéo renvoient clairement aux catégories de Caillois. Cependant les MMO présentent, selon elle, une complexité telle que toutes les catégories s’entrecroisent : « Cette association mimicry-agôn ou mimicry-agôn-alea place les jeux de simulation de rôles dans une position tout à fait médiane entre ludus et paidia, inhabituelle dans la sphère ludique. Cette combinaison de principes traditionnellement dissociés, et que, rappelons-le, Roger Caillois jugeait tout à fait improbable – en particulier concernant l’association

1Ibid., p.56. 2Ibid., p.57. 3Ibid.,p.60. 4Ibid., p.64. 5Ibid., p.67. 6Ibid. 7Ibid., p. 75.

8 Cf. Sébastien Genvo, Le game design de jeux vidéo, approche communicationnelle et interculturelle, op. cit. Julian Alvarez,

Du jeu vidéo au serious game :Approches culturelle, pragmatique et formelle, op. cit.

9 Delphine Grellier, « Particularité des jeux de simulation de rôles dans la sphère ludique : analyse au regard de la théorie de Roger Caillois. », Klesis – Revue philosophique, vol. 6, n°1 (« Philosophie et sociologie »), décembre 2007.

mimicry-alea –, ainsi que cette position intermédiaire entre les deux pôles ludus et paidia, ne fait que confirmer le caractère spécifique et inédit des jeux de simulation de rôles au regard de la sphère ludique globale. »

La notion de gameplay : le jeu vidéo comme expérience optimale

« Cercle magique », « activité fictive », « agôn », « ludus » … tous ces cadres théoriques sont ainsi mobilisés dans la littérature pour expliquer et définir le jeu (vidéo) mais également pour analyser ce qui fait la valeur ludique (ou non) d’un jeu vidéo. En effet, on trouve plus particulièrement un débat théorique (assez comparable à celui sur l’interactivité) sur le terme de gameplay, notion d’abord issue du monde des professionnels (journalistes, game designer) et des joueurs. Ceux-ci parlent de gameplay « pour qualifier notamment ce qui fait (ou non) la qualité ludique d’un logiciel de jeu »1. Ce terme ne connaît pas de traduction en français, même si l’on tend parfois à parler de « jouabilité », de « maniabilité » ou encore de « mécanique de jeu ». Plus encore, il n’existe pas non plus de définition commune qui fasse l’unanimité aussi bien dans la littérature universitaire, professionnelle que dans la presse spécialisée ou sur Internet2 : joueurs, journalistes, game-designers ou chercheurs en proposent des définitions sinon des modélisations diverses.

On peut cependant distinguer dans la littérature plusieurs approches de cette notion. Une première définit le gameplay comme un ensemble de caractéristiques formelles du jeu vidéo telles que le scénario, l’interface, les graphismes, etc. Ainsi, pour Julian Alvarez, reprenant les analyses de l’auteur, réalisateur et producteur de jeu vidéo Jean Noël Portugal, le

gameplay renvoie d’abord au système formel du jeu et le définit ainsi selon 5dimensions3: 1. Un ensemble de règles : règles du jeu, buts généraux et locaux attribués au joueur, les moyens d’action et de liberté concédés à l’utilisateur dans l’univers virtuel

2. Des modes de commandes 3. L’organisation spatiale 4. L’organisation temporelle 5. L’organisation dramaturgique

Pour Stéphane Natkin, le gameplay renvoie également à l’ensemble des choix proposés par le programme et des éléments qui permettent d’interagir sur le jeu. Il considère cependant, comme dans les analyses critiques sur l’interactivité développées plus haut, qu’il s’agit là d’un gigantesque bluff, d’une illusion : « le concepteur du jeu a caché les règles et les modifie dynamiquement en fonction de la progression du joueur et, dans certains cas, d’une mesure de son efficacité. S’il perd trop souvent on lui fournit une aide pour s’en sortir. »4

En basant son analyse sur les travaux de Huizinga et de Caillois mais surtout de Jacques Henriot, Genvo conçoit le gameplay comme la rencontre de deux éléments. Il y aurait d’un côté une structure de jeu entendue comme un « système de règles que le joueur s’impose de respecter pour mener à bien son action »5, et une attitude ludique entendue comme « l’action par celui qui joue ». Le gameplay se situerait selon Genvo entre la « structure de jeu » [game] et l’action du joueur [play] : « le joueur va conjointement prendre connaissance du fonctionnement du système, de ses mécanismes (il s’agit de la structure de jeu, ce qui correspond au terme game) et va en éprouver son adaptation à l’attitude ludique (l’attitude ludique pouvant

trouver une équivalence dans le mot play), ce que traduit le terme de gameplay en regroupant ces

1 Sébastien Genvo, Le game design de jeux vidéo, approche communicationnelle et interculturelle, op. cit., p. 212.

2 On peut consulter à titre d’illustration l’encyclopédie libre Wikipédia pour voir les différentes acceptions proposées par des joueurs, des chercheurs ou des professionnels. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Gameplay>

3 Julian Alvarez, Du jeu vidéo au serious game, op. cit., p. 186.

4 Stéphane Natkin, « les jeux de demain : télévision ou cinéma interactif ? » in Sébastien Genvo, Le Game Design de jeu vidéo : approches de l’expression vidéoludique, 2006, p. 30.

deux aspects dans une même notion. Il renvoie donc aux modalités d’action du joueur dans l’univers fictionnel »1.

Dans une approche un peu différente, d’autres conçoivent le gameplay dans une dimension à la fois objective et subjective du jeu, autrement dit, comme l’ensemble des éléments formels déterminant les actions des joueurs mais également comme la temporalité du jeu. Pour Chris Crawford, le gameplay se définit comme le rythme du jeu et la facilité avec laquelle on franchit les étapes, les niveaux, les difficultés2. Dans une perspective proche, Järvinen, Heliö et Mäyrä le définissent sous l’angle d’une durée, d’un « temps pendant lequel le jeu impose ses règles et son environnement au joueur. Pendant le gameplay, le joueur peut développer des compétences (skills) et des stratégies pour achever les buts du jeu au sein des règles proposées »3.

Enfin, radicalement éloignée de cette approche, certains s’intéressent plus particulièrement à l’expérience vécue par le joueur et analysent la notion de gameplay par le prisme de la théorie du flow4, de l’expérience optimale, développée par le psychologue Csikszentmihalyi. Ce chercheur a développé une théorie, dite du flow, pour décrire l'expérience particulière – et le plaisir – que l’on peut éprouver parfois lorsqu’on est impliqué, voire absorbé, totalement dans certaines activités aussi bien dans le domaine du jeu, du loisir que du travail : « c'est ce que ressent le navigateur quand le vent fouette son visage et que le bateau fend la mer - les voiles, la coque, le vent et la mer créent une harmonie qui vibre dans ses veines. C'est ce qu'éprouve l'artiste peintre quand les couleurs s'organisent sur le canevas et qu'une nouvelle œuvre (une création) prend forme sous la main de son créateur ébahi […] l'enfant qui place avec des doigts tremblants le dernier cube sur la haute tour qu'il a construite, le nageur qui fait ses longueurs en essayant de battre son propre record, le violoniste qui maîtrise un passage difficile, par

exemple.»5 La notion d'expérience optimale renvoie à un sentiment particulier de l’existence

humaine qui peut apparaître dans certaines pratiques « absorbantes », lorsqu’elles mêlent notamment concentration et plaisir : « l’engagement dans une tâche précise qui exige des aptitudes appropriées (un défi), qui fournit une rétroaction immédiate, qui exige des aptitudes appropriées, un contrôle sur ses actions et une concentration intense ne laissant aucune place aux distractions ni aux préoccupations à propos de soi et qui s’accompagne (généralement) d’une

perception altérée du temps constitue une expérience optimale (une expérience, un flot). »6

L’apparition du flow est reliée à plusieurs critères :

• La tâche entreprise est réalisable mais constitue un défi. La personne s'est fixé un but qui représente une difficulté, exige une aptitude particulière et un effort pour la réaliser. L'activité ne doit être ni trop facile ni trop difficile.

• Concentration : en faisant l'effort nécessaire pour atteindre son but, la personne doit se concentrer pour oublier son environnement et ne pas se laisser distraire.

• Les objectifs de la pratique sont explicites. Le but est défini sans ambiguïté au départ de l'action.

• Rétroaction : l'activité en cours fournit un retour immédiat ; la personne peut constater son progrès vers son but au fur et à mesure de son action, sans attendre. L'activité est rapidement gratifiante.

1 Sébastien Genvo, « Les conditions de validité de l’immersion vidéoludique », op. cit.

2 Chris Crawford, The art of computer game design, Emeryville: Mcgraw-Hill Osborne, 1984, p. 16. Le livre est disponible