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L E JEU VIDEO COMME MEDIA : PROPRIETES ET CARACTERISTIQUES D ’ UN

Deuxième partie : Comment pense-t-on le jeu vidéo ?

2. L E JEU VIDEO COMME MEDIA : PROPRIETES ET CARACTERISTIQUES D ’ UN

SUPPORT

On peut distinguer dans la littérature un premier ensemble de travaux qui analysent et définissent les jeux vidéo et les MMO en tant que média, c'est-à-dire un moyen de diffusion de contenu qui développe des narrations, des récits, des histoires. Ces études, marquées le plus souvent par la sémiologie et les théories de la communication, sont souvent liées à des logiques de game design (de conception de jeu)1. Elles cherchent ainsi à comprendre et théoriser les processus sémiotiques, narratifs et communicationnels qui conduisent les joueurs à éprouver des sentiments « d'immersion », autrement dit, comment ces produits dit « multimédia » plongent les utilisateurs dans un univers de significations faites d’images, de sons et de textes.

Dans cette perspective, il s’agit de s’intéresser aux processus par lesquels un contenu est proposé au joueur. Ces travaux s'intéressent souvent à la notion de médiation entendue comme « phénomène qui permet de comprendre la diffusion de formes langagières ou symboliques, dans l’espace et le temps, pour produire une signification partagée au sein d’une communauté »2. Ces publications cherchent non seulement à définir le jeu vidéo en s'intéressant aux propriétés mêmes de l'objet, à ses spécificités à l'égard d'autres médias (cinéma, livre, radio ou télévision), à la notion d'interactivité qui semble une caractéristique fondamentale, mais également à la façon dont ils font vivre et ressentir aux joueurs des « expériences signifiantes », un « sentiment d’existant »3. Plus qu'une simple jonction entre le son, le texte et l'image telle que la notion de « multimédia » laisse supposer, la littérature s'accorde à des degrés divers à considérer que le jeu vidéo met en jeu simultanément plusieurs types d'espaces et plusieurs formes d'immersion du joueur dont on peut distinguer trois types4 :

Un espace narratif, dans lequel le joueur a le sentiment de prendre part à une fiction en cours d’élaboration. Dans ces espaces, le joueur lit, participe à un récit et agit selon une histoire-support implicite.

Un espace sémiotique, dans lequel le joueur doit apprendre à manipuler des signes. Cet espace met au cœur du déroulement du jeu l’interaction du joueur avec des signes.

Un espace phénoménologique, construit sur des manœuvres sensori-motrices. Cette forme spatiale offre une véritable expérience de l’espace et suppose un engagement du corps du joueur.

Le jeu vidéo comme récit : la perspective narratologique

Inspirés par les recherches de Lev Manovich sur le « langage des nouveaux médias »5, un premier ensemble de travaux porte sur la question du jeu vidéo en tant récit et parle ainsi d’espaces narratifs6. Par quelles médiations et quel processus ces médias racontent-ils des histoires ? Peut-on les considérer comme des récits ? A ces questions, on peut distinguer dans la littérature trois réponses : l'une assume l'idée que les jeux vidéo partagent des propriétés communes avec un récit « traditionnel » ; une autre approche, radicalement opposée, estime que les jeux sont précisément des « non-récits » et ne relèvent pas du domaine de la narration

1 Cf. Sébastien Genvo, Le game design de jeux vidéo, approche communicationnelle et interculturelle, op. cit.

2 Jean Caune, « La médiation culturelle : une construction du lien social », Les enjeux de l’information et de la communication [article en ligne]. 2000 Disponible sur :<http://w3.ugrenoble3.fr/les_enjeux/2000/Caune/index.php>.

3 Terme de Katie Salen et Eric Zimmerman, « Game Design and Meaningful Play», in Jeffrey Goldstein, Joost Raessens (dir.), Handbook of Computer Game Studies, London : MIT Press, 2005, pp. 59-80.

4 Bo Kampmann Walther, « La représentation de l’espace dans les jeux vidéo : généalogie, classification et réflexions », in Mélanie Roustan (dir.), Le jeu vidéo : réalité ou virtualité ?, Paris : L’Harmattan, p 210-211.

5 Lev Manovich, The language of New Media, Cambridge: MIT Press, 2001.

6 Axel Stockburger, the Rendered Arena: Modalities of Space In Video and Computer Games, Thèse de Doctorat, Université des Arts de Londres, 2006. Disponible sur : <http://www.stockburger.co.uk/research/abstract.html>.

mais plus généralement de celui de la simulation ; une troisième perspective, enfin, cherche à dépasser ce débat « récit/non récit », « narration/simulation » pour comprendre en quoi les jeux vidéo proposent de nouvelles formes de récits qui lui sont spécifiques.

Dans le premier cas, les chercheurs tels que Murray1, Laurel2 et dans leurs traces Britta Neitzel3 et Joos de Mul4 se sont attachés très tôt à montrer les liens étroits entre récit et jeu vidéo, en empruntant le plus souvent aux théories de la narration, la narratologie, de Genette, Barthes, Todorov, Propp et Ricoeur. A un premier niveau d'analyse, il y a bien, selon eux, la présence d'une histoire explicitée, présentée et racontée sur la boîte, dans le manuel du jeu, sur le site des éditeurs, mais également, au sein du jeu, au travers des séquences vidéo et des « cinématiques » d'introduction qui posent un décor, une situation, des personnages. A l'instar d'un récit « traditionnel » - qu’il s’agisse d’un roman, d’une pièce ou d’un film - les jeux vidéo mettent en scène des protagonistes et présentent une structure narrative qui rythme les différentes étapes du jeu sous la forme de « fin de tableaux », de « level », ou de « boss de fin de niveau », tels les chapitres d'un livre que l’on feuillette ou les actes d'une pièce de théâtre à laquelle on assiste. Il y a bien selon certains chercheurs la présence d'une introduction, d'un déroulement et d'une conclusion, même si ces éléments peuvent varier en fonction de l'action du joueur : l'avatar peut échouer, mourir, recommencer, ou gagner et finir le jeu. Cependant, les jeux vidéo n'en demeurent pas moins pour eux des récits car ils se présentent sous la forme d'une « représentation d’une série d’événements rapportés logiquement et chronologiquement dans un dispositif précis, avec un début, un milieu et une fin, causé ou entrepris par des acteurs ».5

Dans cette perspective, les jeux vidéo, fonctionnent, comme pour un récit traditionnel, sur trois modes (empruntés à Genette) : focalisation interne, focalisation externe, et focalisation zéro6. La focalisation externe suppose un narrateur qui raconte et rapporte l'histoire d'un ou plusieurs protagonistes. La focalisation interne renvoie à une fusion entre le narrateur et le ou les protagonistes de l'histoire (avec l'utilisation par exemple de la première personne « je »). Enfin, la focalisation zéro renvoie à une absence de point de vue particulier. Selon les titres, les jeux vidéo proposent différents modes de narration : interne, externe ou zéro.

Modes du récit Récit classique Jeux vidéo

focalisation externe Un narrateur rapporte l'histoire et le point de vue de un ou plusieurs protagonistes. Le récit est à la troisième personne. Discours indirect

On voit son avatar en entier à la troisième personne. Ex : Tomb Raider, Mario Bros

Focalisation interne le narrateur et le protagoniste se confondent. le récit est raconté au travers du sentiment et du point de vue du héros. utilisation du « je »

on voit au travers des yeux de son avatar. Ex :

Quake, Doom

Focalisation zéro Il n'y a pas de protagoniste dont on

partage les sentiments vue omniscient, dans une position divine, ou Il n'y a pas de héros, seulement un point de le joueur dirige un ensemble de troupes, une ville, une famille, etc. Ex: Sim city, Age of Empire, Civilization.

1 Janet H. Murray, Hamlet on the Holodeck : The Future of Narrative in Cyberspace, New-York : The Free Press, 1997.

2 Brenda Laurel, Computers as Theatre, Reading, MA: Addison-Wesley, 1991.

3 Britta Neitzel, « Narrativity in computer Games », in Jeffrey Goldstein, Joost Raessens (dir.), Handbook of Computer Game Studies, London : MIT Press, 2005, pp. 227-250.

4 Jos de Mul, « The Game of Life : Narrative and Ludic Identity Formation in Computer Games », in Jeffrey Goldstein, Joost Raessens (dir.), Handbook of Computer Game Studies, London : MIT Press, 2005, pp. 251-266

5Ibid., p.257.

6 Britta Neitzel, op. cit., 2005. Modèle d’analyse repris également par Philippe Mora et Stéphane Héas, « Du joueur de jeu vidéo à l’e-sportif : vers un professionnalisme florissant de l’élite ? », inMélanie Roustan (dir.), La pratique du jeu vidéo : réalité ou virtualité ?, Paris : L’Harmattan, 2003, pp. 131-146.

Cependant, si l'on s'accorde sur une définition plus stricte du récit, un certain nombre de différences font jour entre le récit traditionnel et le récit vidéoludique, et celles-ci suffisent à certains théoriciens pour considérer les jeux vidéo comme des « non-récits ».1 Trois éléments sont le plus souvent mis en avant dans cette discussion : la nature du média, ses propriétés dites « interactives », et la temporalité. Pour certains chercheurs en effet, le récit est d'abord texte, et le texte est « un ensemble structuré et fini de signes langagiers »2. Toute histoire, tout récit, qu'il soit raconté au théâtre, au cinéma ou dans les conversations ordinaires, est susceptible d'être transcrit sous la forme d'un texte « fini » et immuable3. Or, le jeu vidéo reste pour sa part un agencement fluctuant d'images et de sons, qu'il est difficile de retranscrire sous la forme d'un seul et même récit. La diversité des actions possibles d'un joueur et les différents chemins qu'il peut emprunter pour réussir rend l'exercice de transcription plus difficile encore. Les jeux vidéo sont en effet des médias qualifiés « d'interactifs » et cette interactivité, entendue comme « non-linéarité » d'un récit, ne permet pas l'écriture d'un seul et même texte. Ils ont une nature plurielle, « multimédiatique » et apparaissent de ce point de vue non pas comme un média unique, constitué d'un même bloc, mais, selon certains, comme « des entités transmédiatiques »4 qui intègrent livres, films, vidéos, et musiques. Du point de vue de ces chercheurs, c'est la nature même du jeu vidéo, l'interactivité, qui l'éloigne ainsi de la notion de récit.

Une seconde différence entre récit et jeu vidéo est soulignée dans la littérature autour de la question de la narration et de la temporalité du récit vidéoludique. Dans le cadre d'un récit traditionnel, la relation entre le lecteur et le texte est souvent anthropomorphique. Or, les jeux vidéo proposent parfois des univers sans héros, sans protagonistes, voire sans personnages, si l'on pense à des jeux comme Tetris, Pong ou Sim city5.

Tetris

En outre, dans le cadre d’un récit « classique », on distingue le plus souvent deux types de temporalité : la temporalité de l’histoire (temps du récit) et une temporalité du discours (la narration) et il y a nécessairement une distance entre le temps du récit et le temps de la narration, un décalage qui est précisément la temporalité propre au récit. Or, dans la plupart

1 Janique Laudouar, « Cherchez l’histoire ! La production fictionnelle collective des amateurs des Sims sur Internet », in Pierre Barboza et Jean-Louis Weissberg (dir.), L’image Actée : scénarisation numérique, 2006,p.175.

2 Jos de Mul, « The Game of Life : Narrative and Ludic Identity Formation in Computer Games », op.cit.

3 Jesper Juul, « Games Telling Stories ? », in Jeffrey Goldstein, Joost Raessens (dir.), The Handbook of .Computer Game Studies : London : MIT Press, 2005, pp. 219-226.

4 Mark J.P. Wolf., « The subcreation of transmedia world », Compar(a)ison, vol.2, 2002, p. 90.

des jeux vidéo, comme Quake par exemple, il y a une synchronisation parfaite, une simultanéité, entre le temps du récit et celui de la narration : tout est au présent. Les évènements se produisent et se racontent en même temps : au gré des déplacements et des actions du joueur l'histoire se fabrique et se raconte.

Certains estiment en conséquence que le jeu vidéo ne renvoie pas au domaine de la narration, de la représentation, mais au domaine de la simulation. Ils opèrent en effet une distinction entre la représentation, qui renvoie au domaine de l'art, de la culture et du récit (rapporter et raconter et représenter quelque chose), et la simulation entendue comme la modélisation d'un système à travers un système différent « qui maintient certains des comportements1 ». Si l'on suit des chercheurs, tels que Gonzalo Frasca, « les médias traditionnels excelleraient dans la production de descriptions et dans le séquençage d’événements (ce qui renvoie à la narration), tandis que les médias de simulation ne sont pas uniquement fait de séquences d’événements mais incorporent aussi des règles de comportements, qui permettent à

l’utilisateur de manipuler le modèle simulé »2. De ce point de vue, « les jeux vidéo sont juste

une façon particulière de structurer la simulation, tandis que la narration tout comme la forme narrative est une façon de structurer la représentation »3.

Enfin, cherchant à dépasser ce clivage « récit/non récits », d’autres chercheurs considèrent que, tout en empruntant des traits au récit traditionnel, les jeux vidéo font figure de « récits hybrides », de nouvelles formes de récit. Ainsi, certains qualifient-ils les jeux vidéo de « ludo-narration », entendu « comme un enchaînement d’épreuves ludiques dans un récit global qui leur donne sens »4. D’autres parlent de « métarécit » pour souligner la complexité de la temporalité et les différents niveaux de récits auquel le joueur participe : « des récits “dans” ou à l’intérieur d’un récit premier »5. Sébastien Genvo parle quant à lui de « narration autogénérative » : « l’utilisateur ne se contente pas de produire une histoire à partir d’un outil informatique qui lui serait confié. Chacune de ses actions doit faire l’exercice du possible. L’histoire de la partie se constitue dans la compétition entre le projet initial du joueur et le programme »6.

Si l’on trouve différentes définitions ou conceptualisations, la plupart des travaux s’accordent cependant à considérer que le récit vidéoludique repose sur un triple rôle que doit endosser le joueur : il est à la fois le lecteur d’une histoire dans un univers programmé mais également l’auteur et le décideur du déroulement d’une narration. Ainsi certains parlent du joueur de jeu vidéo comme d’un « lectacteur » ou d’un « spectacteur »7 pour souligner la double position du joueur de jeu vidéo : à la fois acteur et spectateur du déroulement de l’histoire. Toute une littérature s’est ainsi développée sur cette question, proposant un vocabulaire critique, un ensemble de concepts et de schémas modélisant les différents niveaux de récit et de temporalité narrative auxquels un joueur est exposé.

Le jeu vidéo comme espace sémiotique : immersion dans un univers de signes

Parallèlement à ce débat théorique « récit / non-récit, », d’autres chercheurs, (parfois les mêmes) s’intéressent aux jeux vidéo sous l’angle d’espaces sémiotiques, autrement dit comme des univers de signes dans lesquels les joueurs sont immergés, qu’ils apprennent à décrypter

1 Gonzalo Frasca repris chez Sébastien Genvo, Le game design de jeux vidéo, approche communicationnelle et interculturelle, op. cit., p. 223.

2 Repris chez Sébastien Genvo, game design de jeux vidéo, approche communicationnelle et interculturelle, op. cit., p. 216.

3Ibid.

4 Frédéric Dajez, « La figurine interfacée à propos de l’odyssée d’Abe » in Pierre Barboza et Jean-Louis Weissberg (dir.),

L’image Actée : scénarisation numérique, 2006, p. 23.

5 Pierre Barboza, « Fiction interactive, "métarécit" et unités intégratives », in Pierre Barboza et Jean-Louis Weissberg (dir.),

L’image Actée : scénarisation numérique, 2006, p. 106.

6 Sébastien Genvo, Le game design de jeux vidéo, approche communicationnelle et interculturelle, op. cit., p. 235.

7 Jean-Louis Weissberg, « Introduction générale par Jean-Louis Weissberg », in Pierre Barboza et Jean-Louis Weissberg (dir.), in Pierre Barboza et Jean-Louis Weissberg (dir.), L’image Actée : scénarisation numérique, 2006.

et à utiliser pour interagir avec le jeu : « un espace de type sémiotique met l'interaction avec les signes au cœur du déroulement du jeu »1.

S’inscrivant le plus souvent dans des perspectives de game design, ces recherches développent un ensemble de concepts et de notions pour analyser et comprendre les « médiations sémiotiques ou sémio-pragmatiques »2, autrement dit les signes accessibles, à disposition d'un joueur, qui lui permettent d'agir sur l'environnement. Tout espace vidéoludique est constitué de signes, d'icônes, de symboles, d'images. Un ensemble de significations et de relations s’établit alors entre la machine, le programme et les joueurs et soulèvent un certains nombre d’interrogations : que signifie l’utilisation d'une icône précise ? Que représente cette image ? Que se passe-t-il si je clique sur une étoile ? Pourquoi choisir tel symbole plutôt qu’un autre ? Se référant très souvent aux théories sémiotiques de Charles Sanders Peirce, ces travaux estiment que tout signe est triadique et se définit sous trois aspects3 :

• un signe S (ce qui représente, autrement appelé « representamen »)

• un objet O (ce qui est représenté)

• un interprétant I qui produit leur relation

De ce point de vue, si un signe représente toujours quelque chose d’autre que lui-même, dans le cas du jeu vidéo, il représente également une action. Dans le jeu Mario Bros par exemple, le champignon représente un champignon, mais le joueur sait dans le même temps que s'il est mangé par Mario, celui-ci deviendra plus grand. Ainsi, dans les jeux vidéo, le signe est à la fois représentation d'un objet mais aussi d'une action et de ses conséquences4. Dans cette idée, Vincent Mabillot propose le concept de perméabilité sémiotique pour montrer que les médias interactifs ont modifié la relation traditionnelle entre le signe et la chose : « Il est généralement admis que la communication médiatée fait du support, un dispositif de projection, de re-production, de re-présentation symbolique. Le signe n’y est pas la chose, le mot chien ne mord pas. La rupture sémiotique établit une séparation entre le signe et la chose, entre l’univers symbolique (le représenté et l’univers réel) »5. Or, selon Mabillot, cette rupture sémiotique dans les médias interactifs est moins évidente : « l’usage permettrait d’introduire une sorte de perméabilité entre ces deux univers. En d’autres termes, le chien interactif ne mord peut-être pas mais il est possible qu’il aboie si on passe à côté de lui ».

D’autres travaux, fidèles au modèle peircien, s’intéressent plus particulièrement à « l’interprétant », autrement dit au joueur, et cherchent à comprendre comment les signes font sens, comment ils sont interprétés et décodés par les joueurs. On distinguer deux thèses expliquant la question de la réception des signes dans les jeux vidéo. Pour certains, lessignes sont interprétés selon des conventions sociales plus ou moins imposées arbitrairement selon les cas. Dans le monde du jeu vidéo, les signes sont définis par un groupe de personnes (les concepteurs du jeu le plus souvent) et tout le monde se met d’accord pour considérer tel signe comme un cochon, un guerrier, un cheval, etc. Derrière chaque signe se cache un ensemble de significations partagées. Toute pratique sociale ou culturelle développe ce que James Gee nomme un domaine sémiotique6. Dans un contexte chrétien, précise-t-il, la croix signifie le Christ, mais peut signifier autre chose dans un autre contexte (les points cardinaux dans

1 Bo Kampmann Walther, « La représentation de l’espace dans les jeux vidéo : généalogie, classification et réflexions », op. cit., p. 212.

2 Sébastien Genvo, Le game design de jeux vidéo, approche communicationnelle et interculturelle, op. cit.

3 Repris chez Katie Salen et Eric Zimmerman, « Game Design and Meaningful Play», op. cit., p. 64

4Ibid.

5 Vincent Mabillot, « Points d’action et points de vue : artifices de la perméabilité sémiotique dans quelques jeux vidéo », in Pierre Barboza et Jean-Louis Weissberg (dir.), L’image Actée : scénarisation numérique, 2006, p.36.

6 « Les mots, symboles, les images, et les artefacts ont des significations qui sont spécifiquement liées à des situations particulières (contextes). Ils n’ont pas de signification générale ». James P. Gee, What Video Games have to teach us about literacy and Learning, op. cit., p. 24.

certaines religions africaines). Toute pratique sociale a son propre domaine sémiotique (signes, images, mots, symboles, sons, gestes, objets, …) et se développe historiquement au travers d'une relation continue entre les pratiques et les participations des individus à ces pratiques. Dans le cas des jeux vidéo, à la fois les éditeurs et les games designers imposent un certains nombres de codes, d'icônes et de signes, mais certains ne deviennent des conventions qu'à la condition que les joueurs les aient adaptés, validés et choisis1.