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Plus loin de nous géographiquement et développé quasi sans influence extérieure, du fait du caractère insulaire japonais, le « Jibat sangyo » est l’héritier direct des manufactures antérieures à l’ère Meiji et continue d’exister aux côtés des « zaibatsu », grands groupes japonais, symboles de modernité et image de marque du pays. Ces systèmes intégrés de PME sont spécialisés dans l’industrie manufacturière. Autour de quelques petites entreprises constituant le noyau du système, qui conçoivent les produits, font des essais, achètent la matière et assurent la commercialisation, gravitent un grand nombre de sous-traitants, artisans

137 individuels ou familles. Les ateliers sont de petite taille et, le plus souvent, le travail s’effectue à domicile. Pour un lieu de production qui comporte une vingtaine de donneurs d’ordre, on peut compter plus de 500 sous-traitants. La mobilisation du capital se fait exclusivement localement. La supériorité de ces zones sur l’industrie moderne réside dans leur capacité de produire des biens divers en petite série et d’adapter ainsi leur production aux changements rapides et à la diversification de la demande. Les « Jibat Sangyo » ont joué un rôle clé dans la constitution des régions d’industrie moderne. Dans la zone de tissage de Kurume, dans l’île de Kyushu, un entrepreneur eut l’idée d’ajouter du caoutchouc sur la semelle de la chaussette traditionnelle des paysans. L’article nouveau fut adopté partout. Fort de ce succès, le fabricant s’est lancé, après la guerre, dans la maîtrise de la technologie du caoutchouc et notamment dans la production de pneus. Ainsi était née la firme

Bridgestone Tyre, première productrice de pneus au Japon. Pour autant, le « Jibat Sangyo » de Kurume n’a pas disparu, il coexiste avec la grande firme qu’il a

contribué à créer. De la même manière, c’est à partir des ateliers de réparations proches des mines de cuivre que sont nées les firmes Hitachi pour l’électroménager,

Komatsu pour les bulldozers et Sumitomo pour la machinerie lourde. Des empires

industriels mondialement connus tels Toyota à Nagoya, Honda et Suzuki à Hamamatsu tirent leur origine de « Jibat Sangyo »de villages agricoles spécialisés dans le tissage puis dans la production de métiers à tisser. Le nombre des zones d’implantation des « Jibat Sangyo » est considérable. On en compte 30 à 40 de grande taille (de 5000 à 20000 emplois chacun) et près de 1000 de plus petite taille. Le MITI (Ministère de l’économie et des finances japonais) en a recensé, en 1985, 533 dont la production annuelle dépasse, pour chacun, les 3 millions d’euros. Si certains « Jibat Sangyo » s’essoufflent et connaissent les effets de la concurrence étrangère et du vieillissement de la main d’œuvre, d’autres se créent, notamment dans la région de Tokyo pour le prêt-à-porter et les logiciels d’ordinateurs65. Ces

138 « Jibat Sangyo » ont continué à se développer et à exister depuis l’ère Meiji certainement parce que l’enclavement japonais, avant la Mondialisation, ne permettait pas d’aller chercher dans une zone géographique extérieure des débouchés pour des produits implantés sur le territoire national. La réactivité de ces systèmes productifs permettait, par une plus grande souplesse et un savoir-faire ancien, de chercher non pas de nouveaux débouchés mais de nouveaux produits. En créant cet ensemble d’entreprises, les entreprises font appel à « un comportement d’ouverture ainsi qu’à la constitution d’environnements de ressources spécifiques. Les firmes recourent à la communication créatrice productrice d’informations et elles mettent en œuvre des transactions multilatérales et des coopérations qui se situent au-delà des relations habituelles qu’elles ont avec les marchés et avec les pouvoirs publics. Dans cette voie, elles ont avantage à créer ensemble la structure spatio-fonctionnelle grâce à laquelle elles pourront à établir durablement l’efficacité e la viabilité de leurs politiques d’innovation : cette structure spatio-fonctionnelle peut être qualifiée de territoire» (Perrin, 1990, p.281). Le territoire est donc non seulement un outil utilisé par les entreprises pour se solidariser, il est aussi un élément constitutif du réseau (ne peuvent faire partie du réseau de compétences des entreprises que celles qui n’en sont pas exclues géographiquement ou alors en fonction du secteur d’activité) ainsi que le résultat de la mis en place de ce réseau d’entreprises. C’est pour cette raison que chaque territoire est unique et crée une forme organisationnelle inédite, il est une variable importante et nécessaire de l’activité économique. La multiplicité des exemples mondiaux tendent à la prouver, représentant leur territoire d’implantation mais également leur période de mise en place. Les politiques (locaux et nationaux) français ont ainsi tenté depuis les années 1980 de développer des systèmes territoriaux, avec quels moyens et quels effets ?

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QUEBEC

Le continent nord-américain, notamment avec la Californie et la Silicon Valley, est donc une terre d’exemples pour ces concentrations d’entreprises qui placent le partenariat territorial au cœur de leur activité.

Plus au nord, le développement local au Québec a débuté durant les années 1970 en milieu rural. C’est plus spécifiquement dans le Bas-Du-Fleuve-Saint-Laurent et Gaspésie que se sont manifestées les premières initiatives de solidarité en vue du développement économique. La mise en place de structures d’appui destinées à susciter et à accompagner des initiatives de création d’emplois a servi de modèle à l’implantation de structures similaires en milieu urbain (notamment à Montréal) à partir du milieu des années 1980. De nombreuses structures se sont développées par la suite: 8 corporations de développement économique communautaire (CEDEC), 42 sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC), quelques 100 centres locaux de développement (CLD) au sein de chacune des 96 municipalités régionales de comté (MRC). Pour finir le mouvement Desjardins (14000 dirigeants bénévoles et 42000 employés) intervient dans le développement local de multiples façons, mais toujours en partenariat avec d’autres acteurs socio-économiques comme le conseil québécois de la coopération, les grandes centrales syndicales ou les MRC. En relation avec ces dernières, le mouvement contribue au financement d’une soixantaine de sociétés locales d’investissement dans le développement de l’emploi (SOLIDE) dont l’objectif est de favoriser l’essor de l’entrepreneuriat local.