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La France est donc marquée d’exemples historiques, d’initiatives hétérogènes, multiples et pragmatiques. Les quelques références que nous avons cité, peuvent être considérés comme des réussites justement parce qu’ils se sont nourris de leur histoire, ont su rebondir et utiliser les techniques les plus contemporaines. Comme le rappelle avec humour Jacques de Certaines68 certains ont fait des essais d’imitation vaniteux, caractérisés par l’auteur comme des « Silly Clones Valleys » (littéralement : les vallées des clones stupides), projets volontaristes de technopoles cherchant à imiter à l’identique des milieux où la synergie des réseaux est

144 particulièrement forte. Les racines culturelles des zones que nous avons citées constituent une variable fondamentale conditionnant la réussite du développement local. L’extrême variété des histoires et des structures sociales spécifiques à chaque lieu explique la complexité des configurations des milieux et le très large spectre qui va d’un espace disloqué en crise à un véritable de système productif local.

On peut, cependant, trouver des points avec par exemple la permanence d’un effet d’attraction des villes, fait incontestable se vérifiant partout. La ville demeure un pôle qui entraîne autour d’elle d’autres activités compte tenu de sa densité humaine, des infrastructures dont elle bénéficie et du pouvoir d’achat qu’elle représente. Le bouleversement des hiérarchies spatiales fait apparaître l’importance des relations entre acteurs économiques. Il semble donc que l’un des ressorts principaux de la constitution de pôles économiques performants tienne plutôt à la présence d’un potentiel humain élevé ; c’est-à-dire l’existence d’une population dense, disponible, qualifiée et surtout capable de s’adapter aux changements techniques et aux contraintes croissantes du marché mondial. On pourrait alors parler d’une polarisation territoriale, non plus liée aux éléments géographiques (présence de matières premières par exemple) mais aux caractéristiques de population.

Second point important et commun, le potentiel de recherche et de formation, dans une acceptation large (formation universitaire/continue, entre professionnels, évolution des savoir-faire locaux, innovation industrielle…), longtemps isolé des préoccupations concrètes des entrepreneurs, constitue un enjeu crucial du développement local. En France, quelques réussites sont à signaler : l’université technologique de Compiègne, l’université d’Orsay, l’Institut National polytechnique de Grenoble, etc. Seule, la recherche publique pèse d’un poids suffisant pour provoquer des synergies significatives, toutefois elle doit s’appuyer sur les populations professionnelles pour trouver un appui sur lequel appuyée la recherche appliquée bien sûr mais également la recherche fondamentale.

145 Dans tous les cas, l’intérêt de la mise en place de ces différents dispositifs réside également dans la preuve d’accompagnement et du fait de croire dans les projets proposés ou dans les éléments choisis ainsi quand, en 1990 le conseil municipal d’Aix-en-Provence inscrit à l’unanimité dans son patrimoine le calisson d’Aix et qu’il donne à la ville toute latitude pour protéger en partenariat avec les calissonniers aussi bien le nom et le territoire de ce produit, il protège le produit et clame son désir de le faire. D’autres ont alors suivi ce mouvement avec le poulet de Bresse, le haricot tarbais, le bleu de Gex, le jambon de Bayonne, la châtaigne d’Ardèche ou le cidre du Domfrontais. Comme le dit Robert Amirou (2000, p.25), « la démarche est circulaire : on choisit un artiste parce qu’il est important et il devient important parce qu’il est choisi. Il y a là un cas typique de prophétie autoréalisante - ou de prédiction réalisatrice au sens de R. Merton ». Cette réalité vaut pour les artistes ainsi que pour les entreprises. La démarche territorialisée est marquée par une volonté forte, nécessaire pour la réalisation, et qui mélange politique, économique et social. Après nous être penchés sur quelques exemples internationaux et nationaux, en observant différentes formes de cluster, il nous semble intéressant d’ancrer théoriquement cette notion, afin de lier tous les exemples par leur base.

3- LA BASE THEORIQUE DE CES EXEMPLES : LE CLUSTER

Cette partie permettra d’observer quelles sont les origines de ce développement d’organisation collaborative et coopérative, nous pourrons donc analyser pour quelle raison des États et des régions différents ont créé des modèles différents à partir de mêmes fondements théoriques. Pour introduire la partie nous proposons cette lecture de Sid Ahmed (2007, p.21), qui fait une présentation rapide des divers systèmes développés sur la base du cluster et que lui fait correspondre sur la notion d’organisation productive territoriale :

« De fait depuis la fin des années 70, différents types d’organisation territoriale performants ont été observés. Ces faits ont amené les chercheurs à élaborer divers concepts pour qualifier cette réalité : systèmes localisés de

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production, districts industriels, systèmes territoriaux de production et milieux innovateurs. Ces concepts parents ont été forgés pour analyser le fonctionnement des organisations productives territoriales par rapport notamment aux changements de leur environnement de marché et à l’évolution des technologies (Camagni et Maillat, 2006, Milieux innovateurs : théories et politiques, Economica Anthropos.) ».

Sont notamment communs à ces concepts et approches les éléments suivants : ciblage de territoires plutôt homogènes abritant des systèmes de production localisés qui s’appuient sur des ressources territoriales spécifiques et s’articulent autour d’un tissu d’entreprises (PME mais aussi grandes entreprises) animé par des logiques horizontales (réseaux de coopération et d’échanges fondés sur des relations marchandes ou non, l’existence d’un marché du travail spécifique et flexible composé de chaînes de mobilité assurant la permanence de la formation et le renouvellement des qualifications. Les entreprises au sein de ces systèmes bénéficient par ailleurs d’économies externes de localisation résultant de l’action collective des divers acteurs locaux mises en commun pour la production. Ces systèmes fonctionnent indépendamment de l’évolution des entités individuelles, les composantes en sont caractérisées par une imbrication étroite entre les relations économiques, les rapports sociaux et symboliques. Ces systèmes entretiennent des relations avec l’extérieur (entreprises, marchés, centres de formation et de recherche,…) ils « sont enfin exportateurs et ne fonctionnent pas en univers clos, mais interagissent en permanence avec l’extérieur (Maillat, 1998) ». Nous allons commencer par nous interroger sur la base théorique de développement de ces dispositifs territorialisés, à savoir les réflexions de Porter.

La base de tous les systèmes de concentration territoriale est la théorie de Michael Porter sur les rapports entre les entreprises et vers leur environnement élargi, incarné dans le concept territorial du cluster. Nous commencerons donc par poser les divers points importants de ce concept, afin d’en dessiner les contours primordiaux pour pouvoir ensuite examiner les formes pragmatiques qu’elle prend.

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“The cluster map illustrates the cluster’s structure, shapes the way in which the cluster is perceived, and can guide new economic development strategies that take into account the synergies between the cluster’s different components. Clusters have been used to guide economic development strategies in several states and metropolitan areas in the United States as well in other countries and regions throughout the world69” (Austrian, 2000,

p.97).

Premièrement développé aux États-Unis, le cluster est donc une base qui s’est par la suite répandue à travers le monde selon différentes formes. Le cluster70 est constitué d’un ensemble de décideurs qui créent et entretiennent un système relationnel leur permettant d’augmenter leurs opportunités d’affaires et de croissance. L’intérêt premier du cluster est d’augmenter le chiffre d’affaires et l’efficacité économique de son entreprise et ensuite de détecter dans son environnement les facteurs favorisant sa croissance. Le cluster est une stratégie intéressante lorsqu’un ensemble de sociétés est plus efficace qu’une activité consolidée dans une seule entreprise. Le premier intérêt est économique, le cluster permet en effet d’augmenter le chiffre d’affaires et l’efficacité économique de son entreprise et ensuite de détecter dans son environnement les facteurs favorisant sa croissance. Le cluster est une stratégie intéressante lorsqu’un ensemble de sociétés est plus efficace qu’une activité consolidée dans une seule entreprise.

Le fonctionnement du cluster s’accorde sur le « diamant de Michael Porter » dont les éléments principaux sont les suivants :

- « Firms » sont les sociétés impliquées dans la réalisation de produits et services identifiant le cluster ;

69 « La carte du cluster illustre la structure du cluster, dessine la façon de laquelle est perçue,

et peut guider les nouvelles stratégies de développement économique qui prennent en compte les synergies entre les différentes composantes du cluster. Les clusters ont été utilisés pour guider les stratégies de développement économique dans plusieurs états et les régions urbaines des USA ainsi que dans d’autres pays et régions à travers le monde ».

70 Définition tirée de dictionary.com : “a group of the same or similar elements gathered or

148 - « Related » sont les sociétés qui fournissent d’autres produits et services, mais à une clientèle (Demand) similaire et qui peuvent don interagir tant avec le client qu’avec les « firms » du cluster ;