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Jadis, des établissements fermés tels des forteresses

A. L’École, une institution qui a connu des changements

1. Jadis, des établissements fermés tels des forteresses

Comme le montre notamment François Dubet, historiquement, l’institution scolaire était réfractaire à la présence des familles en son sein. Elles n’avaient d’ailleurs absolument pas leur mot à dire sur quoi que ce soit. L’école amenait l’instruction, les parents amenaient l’éducation. Il s’agissait de « rapports ex cathedra » d’après le CPE du lycée X. Les choses ont commencé à se dégeler petit à petit et c’est une « évolution culturelle de fond » qui a eu lieu. Aujourd’hui, la tendance s’inverse puisque qu’on assiste à une « prise en compte de plus en plus grande des

demandes et des revendications des parents d’élèves » d’après le CPE du lycée. Cela bouleverse

40 parfaitement légitimes alors que d’autres témoignent d’une « méconnaissance du système

éducatif ou scolaire ». Dans tous les cas, on note une évolution très favorable du dialogue selon

lui entre sphère scolaire et sphère parentale. Le fossé tend à se résorber. « On ne se regarde

plus comme chien et loup comme ça pouvait être y’a trente ans » d’après le CPE du lycée X. « C’est le jour et la nuit ». « Les collaborations sont plus élaborées ». Cette évolution des

relations entre l’École et les familles qui est alors enclenchée ne doit cesser de se poursuivre. La transparence doit devenir de plus en plus grande d’après le CPE du lycée. Au final cela sera bénéfique pour tous les acteurs intervenant dans ce processus systémique d’échange, même si certaines habitudes ou pratiques peuvent s’en voir chamboulées, comme nous le verrons dans la suite de cette analyse. L’adaptation à cette ouverture entre école et familles est indispensable de la part de tous les acteurs. D’après le CPE du lycée X, « l’opinion des parents et le fait que

les parents soient des usagers du service public d’éducation est une idée universellement admise. C’était pas le cas au début des années soixante-dix j’aime autant vous le dire hein ».

Cela est donc entré dans les mœurs, même si en pratique, comme nous le verrons par la suite, les choses ne sont pas forcément si simples qu’elles peuvent le laisser paraître et que la levée d’opacité de l’école peut avoir des « effets collatéraux ». Il est important de souligner la notion

« d’usagers du service public » ou bien de « clientèle » qui ressort dans un entretien

essentiellement, celui du CPE du lycée X. Cela démontre bien une véritable évolution dans la façon de concevoir l’école en tant que parents. Alors qu’auparavant c’était un univers clos, aujourd’hui elle a tendance à être perçu comme un service où certains adoptent des stratégies. Dans l’imaginaire des parents, l’école est très souvent conçue comme un lieu uniquement prévu pour obtenir une future position socio-professionnelle.

D’autre part, l’École est aujourd’hui confrontée à un marché du travail inquiétant et doit donc faire face aux inquiétudes des familles. De plus en plus de familles sont angoissées pour l’avenir de leur progéniture dans une société où l’école et les diplômes ne sont plus forcément synonymes de l’obtention d’un emploi stable (dévaluation du diplôme). Les facultés de l’école semblent ainsi remises en cause. L’enseignante du lycée X le constate : « étant là depuis

longtemps je le... je le mesure, et ça représente une pression pour nos élèves, donc il s’agit de rassurer tout le monde » ; « il faut pas que… qu’ils [les parents] entrent trop dans l’école parce que sinon ils transmettent leurs inquiétudes à leurs enfants jusque dans leur temps de travail ».

L’école ne doit pas seulement être perçue comme une étape permettant d’obtenir un emploi, elle doit aussi être un lieu de socialisation et d’épanouissement pour les élèves. Mais pourtant dans le discours des parents, l’école reste avant tout le vecteur d’un futur emploi. C’est

41 d’ailleurs ce que confie le représentant des parents du lycée X puisqu’il dit que l’école permet de trouver une situation socio-professionnelle. Par ailleurs, dans son discours, celui-ci ne semble pas avoir une haute estime de l’enseignement professionnel. L’enseignante du collège Y avoue que « la seule chose qu’ils veulent [les parents] c’est un métier pour leurs enfants,

y’en a pour qui l’urgence c’est ça quoi ». Certains parents qui sont eux-mêmes en difficulté

professionnelle place tous leurs espoirs dans l’école, pensant que grâce à elle leurs enfants vont pouvoir grimper sur l’échelle sociale et professionnelle, et ainsi obtenir un « beau métier ». C’est d’ailleurs ce que déplore l’enseignante du collège Y. Selon elle, les parents disent à leurs enfants qu’il faut apprendre pour avoir un « beau métier ». Or cette idée est assez simpliste, l’école ne devant pas être réduite à cela. Mais les enfants intériorisent très souvent ce discours, ce qui peut les mettre en porte-à-faux par rapport à la réalité scolaire et aux attentes que l’on a d’eux. La CPE du collège Y ajoute qu’en troisième, les rencontres avec les parents concernent beaucoup l’orientation, et qu’il s’agit de « rassurer les parents sur l’avenir de l’enfant, ce qu’il

peut faire derrière ». À travers ces différents éléments, on peut donc constater que l’École a bel

et bien évolué, et que les fonctions qu’on lui attribue ne sont pas toujours en adéquation avec la nature même de son rôle et le cœur de son existence. La place des parents a, elle aussi, évolué en parallèle.