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Mise en place du dispositif institutionnel du sport et des pratiques corporelles au Gabon à partir de 1960

4. Les jeux Ivoiro-Gabonais

L utilisatio du spo t pa les auto it s politi ues ga o aises de l po ue pou assoi

leur pouvoir ne se fait pas seule e t su le pla i te e ais aussi à l e t ieu . E effet, e

secteur va être utilisé comme un outil permettant la mise en place et la consolidation des relations internationales dans la sous-région africaine. Ainsi, les Présidents Albert Bernard Bongo du Gabon et Félix Houphouët Boigny de la Côte-d I oi e d ident à partir des années

de la ise e pla e d u p oto ole d a o d pe etta t des ha ges entre la jeunesse des deux pays (Cf. annexes n° 37 et 38). Ces échanges s appuie t sur les activités sportives, socio-éducatives, culturelles et artistiques. Afin de mettre en pratique et de manière réciproque cette olo t des deu hefs d Etats :

« Et pour répondre à la visite au Gabon en 1970 de 40 jeunes ivoiriens, le Ministre de la Jeunesse et des Sports, après accord des autorités ivoiriennes,

p opose l e oi de jeu es ga o ais, ui- ce qui me parait souhaitable, - devraient présenter une image du Gabon en manifestations sportives, théâtrales et musicales, outre une documentation sur leur pays »289.

288. Ibid., pp. 212-213.

289. « Vo age de jeu es e Côte d I oi e, d ut juillet ». Note à l atte tio de Mo sieu le Président de la République par Monsieur R. ROBINEL, Libreville le 29 Juin 1972. Archives nationales du Gabon, dossier n°4081.

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Afin de rendre possible ce voyage des jeunes gabonais qui doivent séjourner en Côte-d I oi e du juillet au aout , le Mi ist e de la Jeu esse, des spo ts et des a ts

chargé du service civique prend des dispositions particulières pour la réussite de cet évènement. Dans le souci de faire bénéficier à toute la jeunesse gabonaise de ce séjour, les autorités du pays décident de constituer un groupe homogène sans distinction de sexe et de

gio . C est ai si ue Ja ues Igoho, Sec tai e d Etat au affai es so iales, ha g de l u io des fe es du Parti Démocratique Gabonais, adresse le 13 juillet 1972 en lieu et place du Ministre de la jeunesse et des sports chargé du service en mission, une correspondance au Président de la République dans laquelle, il sollicite « l auto isatio de fai e t a spo te de l i t ieu à Li e ille et etou les jeu es do t la liste est i-jointe, sélectionnés pour les échanges avec la Côte-d I oi e »290, afin que ces derniers retrouvent ceux de Libreville pour la constitution de la liste définitive des jeunes gabonais devant

effe tue le o age d A idja . Fa e à la o e t atio de la p ati ue spo ti e da s les

grandes villes notamment à Libreville, cette démarche peut être considérée comme un processus de démocratisation impliquant ainsi la jeunesse de toutes les régions du Gabon à

la p ati ue spo ti e. Pou les jeu es ga o ais i a t à l i t ieu du pa s, pa ti à Li e ille

pour une compétition sportive est un honneur, mais être sélectionné pour alle à l t a ge lest encore plus. Cet effort de démocratisation nationale de la pratique sportive de la part des autorités gabonaises suscite dans la jeunesse gabonaise de cette époque un intérêt pour la pratique du sport scolaire et universitaire. En effet, « entre 1973 et 1980, le sport scolaire et universitaire au Gabon va connaitre un engouement avec les journées sportives les mercredis après-midi pour les écoles primaires et les jeudis après-midi pour les secondaires et les universitaires.»291

Pour les autorités gabonaises, cest une occasion pour légitimer les discours du Président Bongo pou ui, la jeu esse est sa e . E effet, le hef de l Etat Omar Bongo

utilise et a gu e t o e o e d adh sio de la jeu esse ga o aise à sa politique. Son

discours à la nation après sa réélection à la Présidence de la République en 1973 est à ce sujet emblématique. Les rencontres ivoiro-gabonaises comme ressort pour mobiliser la

jeu esse est u e e ple pa ti uli e e t heu isti ue. Il t oig e de l usage ui peut être

290. Correspondance n° 0728 du Ministre de la Jeunesse, des Sports, des Arts, chargé du Service Civique adressée au Président de la République chef du Gouvernement, Libreville le 13 juillet 1972. Archives nationales du Gabon, dossier n°4081.

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fait du sport et surtout des retombées politiques que le pouvoir et le président de la République peut en tirer. Ce qui est intéressant ici ; est oi s la o p titio ui eg oupe les jeu es, est da a tage le assage des jeu es e us de l i térieur et ceux de résident à

Li e ille. Il faut ote ue si O a Bo go est solli it e, est ie pa e ue ette d a he pa ti ipe de la ise e œu e de sa politi ue o pas e fa eu du spo t, ais au p ofit de la

jeunesse.

Toutefois, cette approche est pas singulière et spécifique au Gabon. Dans la même conjoncture historique, Ahmadou Ahidjo, président de la République du Cameroun, va faire de la jeunesse le « fer de lance de la nation ». Pour lui également, la « jeunesse » est sacrée et on peut oi da s es sloga s, des effets d a o e ui so t gale e t asso i s à d aut es

notions tout aussi importantes comme « l u it atio ale », la « préservation de la paix » ou encore le « rayonnement international ». il e s agit do pas d u hasa d si es notions sont

ises e pe spe ti es a e la jeu esse et le spo t. D où ette elatio o sta te e t etue le

plus souvent par les « politiques » entre la jeunesse et le sport ; et e est do pas a odi si le i ist e e ha ge de la jeu esse s o upe du sport.

«…je voudrais ici, avant de poursuive mon propos, faire une mention spéciale

à l e d oit de la jeu esse ga o aise. Cette jeu esse t s sa e pou oi, a pu, au ou s de la a pag e le to ale se e d e o pte ue j tais a e elle. La

transformation des collèges modernes en lycées, la construction du stade omnisports, sont là, les preuves convaincantes qui montrent que ma politique

est pas u e politi ue de d agogie »292.

Afi de e d e p ati ue ette id e d u e pa t, et d aut e pa t renforcer leurs relations politiques, les autorités gabonaises et celles de la Côte-dIvoire décident en 1976, à partir de leurs orientations politiques respectives de mettre en place une stratégie de développement et de diffusion de la culture des pratiques sportives dans leurs pays en créant «un cadre de rencontre amicale entre leurs jeunesses, les jeux Ivoiro-Gabonais qui, une fois par an, réunissaient les meilleurs sportifs des deux Etats alternativement dans leurs

apitales espe ti es… »293. Le développe e t, l a pleu et le succès pris par ces jeux ne tarde t pas à sus ite la o oitise d aut es pa s af i ai s. La p e i e ditio s ta t

déroulée au Gabon, la seconde en Côte-d I oi e, la t oisi e e o e à Li e ille, la

quatrième, celle de 1980 doit donc se tenir à nouveau en Côte-d I oi e. Pou ette ditio ,

292. Omar BONGO ONDIMBA ; la jeunesse gabonaise (février 1973). Edition spéciale 8 juin 2009. 8 juin 2010. p. 8.

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les autorités Ivoiriennes prennent des dispositions pour que le séjour des gabonais en

Côte-d I oi e soit a ueilla t et t s ag a le :

« D auta t ue, l a e p de te, la t oisi e dition avait été un succès

total à Li e ille. Su le pla de l o ga isatio , les auto it s spo ti es ga o aises

avaient bien fait les choses : toute la délégation ivoirienne, en cadreurs et sportifs, soit quelque cent cinquante personnes, avait été hébergée à l hôtel

Intercontinental Okoumé Palace et tout avait été mis en place pour rendre son séjour agréable »294.

Les gabonais débarquent donc à Abidjan le lundi 31 mars 1980 avec une forte délégation de deux cents athlètes composée de footballeurs, basketteurs, handballeurs, volleyeurs, cyclistes, boxeurs et judokas ; avec à la tête le docteur Augustin Boussamba,

Se tai e d Etat à la ultu e, au a ts, à la jeu esse, au spo ts et au loisi s. Les ga o ais

arrivent en Côte-d I oi e a e l a itio et u e fe me volonté de prendre le dessus sur la

Côte-d I oi e ui a do i l ditio p de te, les ga o ais a a t e po t ue les

p eu es de foot all, de lis e su i uit u ai et ie sû l p eu e de o e a ec Jean

Paul Makaya, Assoumou Mve, Boussougou, Mba-Nze et Lu T houla ui l e po tent devant

les boxeurs ivoiriens par sept victoires contre une. Cette volonté des gabonais de prendre le dessus sur les ivoiriens peut se justifier, car les saisons sportives 1978-1979 et 1979-1980 sont deu saiso s dintense préparation pour les sportifs gabonais :

« Les auto it s ga o aises a aie t is l a e t su la p pa atio des jeu

Ivoiro-gabonais afin que la prestation des équipes continue à être meilleure dans des disciplines comme le basket-ball, le volley-ball, le ha d all, l athl tis e et le

judo. Et, de fait, des regroupements effectués, et surtout la mise au vert de plus

d u ois à i h , e F a e, des foot alleu s, asketteu s, asketteuses et

athlètes avaient permis des progrès sensibles »295.

A l e ta e de la o p titio , les sultats des diff e tes e o t es sont marqués

pa des i toi es et des d faites de pa t et d aut e. Les i oi ie s a a t e po t au ha d all

masculin par vingt-quatre à onze, au volley-ball masculin par trois sets à un (15-5, 14-4, 11-15, 15-12), au judo par cinq victoires à deux, au ball masculin par 101 à 68, au Basket-ball féminin par cinquante-huit à trente-huit, à l p eu e de lis e ; alors que les athlètes

ga o ais s a o e t t s d te i s e et ap s-midi du vendredi 4 avril 1980 :

« Le Ga o fait t s o e figu e. Alo s ue l a e p de te, à Li e ille,

seule Odette Mistoul avait pu remporter une victoire individuelle, au poids, cette

294. Ibid.

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fois, Mongosso gagne au saut en longueur avec un bond de 5,87 mètres, record national ; la petite Odette Mossie gagne le 800 mètres féminin ; Sylvain Lindzodzo remporte le saut à la perche (4,44 mètres, record national) ; Maganga

le . t es f i i et, ie e te du, Odette Mistoul, ha pio e d Af i ue, s adjuge aisément la victoire au lancer de poids. Au total, les Gabonais signent

do i i toi es d p eu es et a lio e t sept e o d atio au : l athl tis e

fait la preuve des progrès du sport gabonais »296.

Mais dans la soirée de ce même vendredi, des incidents au cours des combats de boxes viennent perturber le bon déroulement de cette édition :

« Le Ga o a a t pu d pla e ue euf o eu s su o ze, les I oi ie s e ige t ue leu s deu o eu s ui e o att o t pas, faute d ad e sai es,

soient décla s d o es et d jà ai ueu s, e ue efuse t les Ga o ais. Ap s p s d u e heu e de dis ussio , l a o d i te ie t : seuls seront comptabilisés les combats qui auront effectivement lieu. Mais les esprits sont surchauffés, et

l at osph e est, e alit , da a tage à la o f o tatio … ; les Ivoiriens veulent cependant, eux aussi, retirer deux boxeurs pour limiter le nombre de combats à

sept et, su tout, ils a ifeste t l i te tio de eti e les ad e sai es des deu ha pio s d Af i ue Ga o ais, Jea Paul Makaya et Luc Tchoula, sachant

pa faite e t ue leu s deu o eu s se aie t attus o e ils l a aie t t à Li e ille u e a e aupa a a t. L a o d se fait epe da t su les eufs

combats. Le premier oppose, en catégorie mouche, le Gabonais Mfoubou à

l I oi ie Assa e A ao. Meilleu st liste, Mfou ou s i pose et est d la

vainqueur par les deux juges gabonais. Il avait été décidé que les combats auraient, alternativement, des juges gabonais et un arbitre Ivoirien, puis des juges ivoiriens et un arbitre gabonais. Le deuxième combat met aux prises

Jean-Paul Maka a et l I oi ie Ma adou Pa . Il est i gal: sa ha pio d Af i ue

quelques mois plus tôt à Benghazi (Libye), incontestable meilleur boxeur

ga o ais, Maka a est d u e tout aut e lasse ue so ad e sai e u il al e tout au lo g des t ois ou ds, et e pa ti ulie au ou s du de ie ue l I oi ie

termine Péniblement. En réalité, il est sauvé du K.O. par le coup de gong du préposé Ivoirien, qui ne fait durer cette reprise que 2 minutes et 10 secondes, au lieu des trois minutes réglementaires. La victoire de Makaya ne fait aucun doute. Or, à la très grande surprise des gabonais, les juges Ivoiriens du combat déclarent Mamadou Paré vainqueur. Le lendemain, le quotidien local Fraternité-Matin écrira : Il a ait pas lieu de o pa e les deu o eu s. Le Ga o ais, plus he o et dot d u e g a de lasse, do i a des pieds au paules so ad e sai es ui fut o pt à la deu i e ep ise… . De so côté, le ministre des Sports, Laurent Dona Fologo, déclara le soir même : Lo s ue la i toi e est flag a te o e ela a t le as e soi , il est pas esoi d t e a it e ou juge de o e pou d sig e le ai ueu . Pou oi, il a pas de dis ussio possible,

à oi s d t e a eugle: Maka a a ait gag . Mais, e pli ua t plus ta d leu d isio pa le fait u ils o testaie t la d isio des juges ga o ais lo s du

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premier match, les juges ivoiriens ont donc déclaré Paré vainqueur de Makaya, et cela a mis le feu aux poudres »297.

Malgré les hésitations des athlètes gabonais à poursuivre la compétitio , l ditio de s a h e par un match de football entre les deux équipes des deux pays, et se termine par la victoire des éléphants de Côte-d I oi esu l Azi go du Ga on par un score de quatre buts à un :

« Les jeu s a he e t do . U e g a de soi e fi ale de l a iti est o ga is e à l hôtel I oi e, où, spo tifs ga o ais et i oi ie s se fo t leu s adieu . Il s agit ie d adieu a a ifeste e t, un ressort a été cassé au cours de ces

jeu d A idja . E deu agues, les ga o ais egag e t Li e ille le lu di et le

mardi 8 avril. Rendez-vous a été pris pour la cinquième édition dans la capitale gabonaise en 1981 : elle au a ja ais lieu »298.

Suite aux incidents du 4 avril 1980, les autorités politiques des deux pays, afin de

p ot ge leu s elatio s diplo ati ues d ide t de e pas o ga ise l ditio sui a te ; et

estla o t des jeu I oi o-Gabonais.