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Chapitre I Contexte et synthèse bibliographique

I.2. iv Etude des propriétés interfaciales

Bien que le comportement mécanique de matériaux composites puisse être décrit ou prédit à partir du comportement de ses différentes phases (charge et matrice par exemple), ce n’est pas toujours suffisant, les propriétés interfaciales influencent également très fortement les propriétés mécaniques finales. L’étude des interfaces et de l’état d’adhésion entre phases est donc un sujet particulièrement important, mais également complexe, l’interface étant formée in situ et ne pouvant être caractérisée avant la fabrication du matériau. Celle-ci est également parfois qualifiée d’interphase, ce qui dénote qu’il ne s’agit pas nécessaire d’une surface bidimensionnelle, mais d’un volume avec des propriétés spécifiques, qui peuvent provenir de modification de celle d’une des phases (de la matrice par exemple). Différentes techniques ont été développées pour les caractériser. Il s’agit de technique expérimentale, de calcul empirique ou semi-empirique, et par éléments finis.

La technique expérimentale la plus simple et la plus couramment utilisée est la fractographie, qui consiste à observer directement (par microscopie optique ou électronique à balayage ou transmission) la zone interfaciale après fracture du composite ou essai mécanique [93]. Il s’agit cependant d’une méthode purement qualitative. Les observations concernent l’état d’adhésion entre charge et matrice, la présence de filaments entre ceux-ci, de résidu de matrice sur la charge, etc.

Une autre technique d’observation est l’essai mécanique (en général de traction) in situ sous MEB ou microscope optique [90,94–96]. Durant celui-ci, les phénomènes de décohésion peuvent être observés en direct. L’apparition de cavités aux pôles des particules avec un angle θ par rapport à l’axe de sollicitation est généralement rapportée, suivi d’une croissance de celles-ci et une augmentation de l’angle de décohésion (Figure 43).

Figure 43 : Observation par microscopie optique de la décohésion entre une bille de verre et une matrice HDPE lors d’un essai de traction [96]

Les paramètres quantitatifs comme l’angle de décohésion ou la contrainte macroscopique de décohésion peuvent être mesurés. A partir de ceux-ci, des approches ont été développées pour calculer les contraintes locales de décohésions ainsi que l’énergie d’adhésion charge/matrice. Cette approche possède certaines limitations, en particulier liées à la faible résolution des observations. La détection de l’initiation de la cavitation est fortement dépendante de l’échelle d’observation et du grossissement utilisé.

Les méthodes de mesure d’émission acoustique peuvent servir à identifier et quantifier des phénomènes de décohésions lors d’essais mécaniques [97,98]. En effet, les différents endommagements dans les composites, et en particulier les décohésions, produisent des sons qu’il est possible d’enregistrer avec des capteurs acoustiques. Le nombre d’évènements acoustique lors d’un essai de traction, assimilés à des décohésions, est ainsi quantifié (Figure 44).

Figure 44 : Mesure d’émission acoustique durant un essai de traction sur un composite PP/CaCO3/PPgMA [97]

L’estimation d’un seuil de décohésion à partir de ces mesures a été proposée par

Renner et al. Cette méthode est cependant critiquable pour plusieurs raisons, comme

la difficulté d’identification des phénomènes. Certaines techniques comme l’AFM peuvent être utilisées pour mesurer localement la rigidité proche des interfaces.

La mesure de l’évolution du volume d’un échantillon (dilatomètrie) durant un essai, souvent de traction, peut permettre de révéler les types d’endommagement dans celui-ci, et en particulier les décohésions [98–101]. En effet, lors d’une sollicitation en traction, le volume d’un échantillon de matière augmente (réponse dilatationnelle). Cette augmentation peut être calculée en mesurant les déformations transverses (εT et εE) en plus de la déformation longitudinale (Équation 25). En

supposant l’isotropie transverse (εT = εE), elle peut être exprimée uniquement en

fonction de la déformation axiale εA et du coefficient de poisson (O = −’“

’”).

Équation 25 b•/• = (1 + •U)(1 + •–)(1 + •$) − 1 = (1 + •U)(1 − O•U)4− 1

= •U(1 − 2O) + •U4(O4− 2O) + • U•O²

Dans la limite des déformations faibles, une évolution de la déformation volumique différente de la réponse dilatationnelle (élastique) peut indiquer qu’un (ou plusieurs) mécanisme d’endommagement est à l’œuvre. A l’inverse, une déformation plus importante est qualifiée de réponse cavitationnelle, et peut être due à l’apparition de craquelure (crazing), de cavité et décohésion.

Cette méthode a par exemple été utilisée pour caractériser

l’endommagement dans des composites à matrice polypropylène chargés talc et bille de verre [98,99] et HDPE chargé CaCO3 [100]. Bien que différents mécanismes

soient généralement à l’œuvre, de la cavitation liée à des décohésions charge/matrice est systématiquement avancée. Les données peuvent être utilisées pour mesurer le seuil de décohésion. L’effet de traitement de surface de bille de verre

sur l’adhésion avec une matrice polypropylène a également était quantifiée par cette méthode [101].

La tomographie a également été utilisée pour observer et quantifier les phénomènes d’endommagement dans des matériaux sous sollicitation mécanique [102]. Cette technique d’imagerie par rayon X permet en effet d’observer en 3D au sein de la matière, et de visualiser les décohésions, cavitations, etc.

Toutes ces techniques mettent en avant la décohésion charge/particule, et l’existence d’une contrainte à laquelle elle se produit. Il s’agit donc d’approche supposant l’existence d’une interface « bidimensionnelle », avec comme seule propriété une résistance (ou énergie d’adhésion). Deux principales méthodes ont été proposées pour la quantifier à partir de contrainte macroscopique de décohésion. La première est dérivée des travaux de Goodier, et permet de calculer la contrainte au pôle d’une particule sphérique σd (Équation 26 et Équation 27) [101].

Équation 26 Xr= X—(1 − m(0, O", O!))

Équation 27 m = ˜ ™:9 (A:6šL)™>(T:9?šL)› ˜ (9:4šQ)(A:6šL)™>4(9>6šQ:6šLšQ) (9:4šQ)4™>(9>šQ) › − [œ•CžŸL •C¡ŸQ C¡ŸL :šQ¢:(9:4šQ)™ (9:4šQ)4™>(9>šQ) ]

Avec σ∞ la contrainte macroscopique, υM et υC les coefficients de poisson de la matrice et de la charge,

et 0 = £"⁄ , avec μ£! M et μC les modules de cisaillement de la matrice et la charge.

Après mesure de la contrainte de décohésion macroscopique, la concentration de contrainte à l’interface pour celle-ci peut être calculée, et donc sa résistance. Voros et Pukanszky ont également proposé un modèle reliant les contraintes de décohésion σD et thermique σT à l’énergie d’adhésion interfaciale WAB

(Équation 28) [97]

Équation 28 X¤= −¥9X+ ¥4(¦”§$

¨ )9 4⁄

Avec C1 et C2 des constantes, E le module d’Young de la matrice et R le rayon des particules.

Ce type de modèle a été utilisé pour calculer l’énergie d’adhésion interfaciale à partir de la mesure de contrainte macroscopique de décohésion. De façon intéressante, il prend en compte le rayon des particules. Ainsi, à adhésion interfaciale égale, ce modèle prédit une diminution de la contrainte de décohésion avec l’augmentation de la taille des particules. Il ne prend cependant en compte que des particules monodisperses, ce qui n’est jamais le cas pour des charges réelles. Il est plus difficile à exploiter dans le cas d’une distribution réelle.

La notion d’interphase est également apparue et est de plus en plus mise en avant pour expliquer les propriétés de composites [103]. Elle repose sur l’idée que la zone d’interaction entre une charge et une matrice n’est pas une simple surface, mais

l’extraction chimique, la spectroscopie mécanique dynamique, et le calcul via des modèles [103]. Des valeurs très variables sont mesurées allant du nanomètre au micromètre.

Ainsi, il est dans une certaine mesure possible de caractériser l’interface et/ou l’interphase dans des matériaux composites. L’exploitation de plusieurs méthodes peut permettre de recueillir le maximum d’informations, à la fois qualitative et quantitative. Il parait important de déterminer l’état d’adhésion interfaciale dans les composites chargés phénoplastes, ce paramètre influençant fortement les propriétés mécaniques finales comme vu précédemment. L’effet de modification et de traitement compatibilisant pourra également être évalué de cette façon.

I.2.v. Combustion des polymères et des stratégies d’ignifugation