• Aucun résultat trouvé

Chapitre I Contexte et synthèse bibliographique

I.1. ii Formulation et propriétés

I.1.ii.a. Formulation des phénoplastes

Les résines phénoliques sont relativement fragiles (mécaniquement), des charges sont donc très souvent utilisées pour améliorer leurs propriétés mécaniques, faciliter la transformation, leurs conférer des propriétés supplémentaires, ou réduire le coût [2]. Dans cette partie, les liens entre formulation de résine phénoplaste et propriétés et usages sont établis.

La charge organique la plus couramment utilisée est la farine de bois. Elle permet de réduire le coût de la formulation du fait de son faible prix [2]. Des espèces tendres sont utilisées, comme le pin, l’épicéa, le peuplier ou le tilleul [10]. Elle confère

permettent en outre d’obtenir des surfaces rugueuses et antidérapantes, qui peuvent être recherchées dans certaines applications. Des fibres synthétiques techniques peuvent être utilisées pour améliorer le module et la résistance à la traction, tout en augmentant la résistance à l’impact. Le papier (cellulose) est souvent utilisé pour améliorer l’isolation électrique de la résine dans les applications comme isolant de cartes électroniques.

Des charges minérales sont également utilisées. Les poudres minérales sont généralement utilisées à différents taux pour réduire le retrait durant le durcissement, augmenter la rigidité du composite et sa résistance en compression, augmenter sa résistance thermique, améliorer sa résistance au feu et ses propriétés électriques, et finalement modifier sa rhéologie et diminuer son coût [10]. Par exemple, le mica est typiquement utilisé pour améliorer la résistance électrique des phénoplastes [2]. Les argiles sont utilisées pour améliorer la résistance thermique et chimique [2]. La silice est utilisée pour améliorer les propriétés électriques et thermiques, diminuer le retrait et limiter les fissures. Le talc permet d’augmenter la rigidité, d’améliorer la résistance au fluage et à la température.

Pour les applications les plus techniques, des formulations renforcées par des fibres sont utilisées. Les fibres de verre permettent d’améliorer la résistance à l’impact, à la chaleur, et l’isolation électrique [2]. Des fibres de graphite ou de carbone sont utilisées pour obtenir des propriétés mécaniques encore supérieures.

De façon générale, la grande variété de formulations de phénoplastes a conduit à l’adoption de normes définissant la nomination des différents grades. Ils en existent plusieurs, les principales étant l’ISO 14526-3 (la plus récente), l’ISO 800 et la DIN 7708. La norme ISO 14526-3 définit le composé par les charges qu’il contient, avec une première lettre pour le type de charge (bois, carbonate de calcium, etc.), une deuxième lettre pour la forme de la charge (fibre, poudre, etc.), un chiffre définissant la fourchette de taux de charge (par exemple 10 pour un taux de charge entre 7,5 % et 12,5 %, 15 pour un taux de charge entre 12,5 % et 17,5 %), et une lettre correspondant à une propriété spéciale (A pour sans ammoniaque, E pour propriétés électriques améliorées, etc.) (Tableau 1).

Nomenclature : 1 2 3 4 (exemple : GF10FR, WF30A, etc.)

1 : Nature 2 : Forme 3 : Pourcentage 4 : Propriétés spéciales C Carbone C Copeaux 5 < 7,5 % A Sans ammoniaque

D ATH D Poudre/farine 10 7,5 % < 12,5 % E Propriétés électriques

G Verre F Fibre 15 12,5 % < 17,5 % FR Retardateur de flamme

K CaCO3 G Broyé 20 17,5 % < 22,5 % N Contact alimentaire

L Cellulose S Flocons,

morceaux 25 22,5 % < 27,5 % M Propriétés mécaniques

M Minéral 30 27,5 % < 32,5 % R Contient du recyclé

P Mica 35 32,5 % < 37,5% T Résistance thermique

S Synthétique,

organique Etc.

W Bois

Tableau 1 : Résumé de la nomenclature des résines phénoliques à mouler définie par la norme 14526-3 [3]

La norme ISO 800 définit le composé par un chiffre correspondant au type de résine (PF 1 pour un résole et PF 2 pour un novolaque), par une lettre correspondant à ses propriétés et ses charges (A pour les grades généraux renforcés à la farine de bois, etc.), et un chiffre correspondant à des propriétés spéciales (Tableau 2).

Nom PF1A1 PF2A2 PF2D1 PF2D4 PF2E1

Usage et charges Usage général, sans ammoniaque, farine de bois Usage général, propriétés électriques améliorées, farine de bois Bonne résistance à l’impact, fibre de cellulose Excellente résistance à l’impact, fibre de cellulose Excellentes propriétés électriques, poudre de mica

Tableau 2 : Nomenclature de résines phénoliques à mouler définie par la norme ISO 800 [11]

La norme DIN 7708 définit les grades par des chiffres (13, 31, 51, etc.) (Tableau 3).

Grade Charge majoritaire

11 Poudre minérale 13 Mica 16 Amiante 31 Farine de bois 51 Cellulose 71 Textile

Tableau 3 : Charges contenues dans certains grades de phénoplastes définis par la norme DIN 7708 [10]

Nor m e ISO 14526-3 WD30MD20 ou WD40MD10 PF40 LF20MD25 ISO 800 PF 2 A1 PF 2 C3 PF 2 D2 DIN 7708 31 13 51 Spécificités, charges Résine novolaque, 27,5 % - 42,5 % farine de bois, 7,5 %- 22,5 % de poudre minéral Résine novolaque, 40-60 % de mica Résine novolaque, ~20 % de fibre de cellulose, ~25 % de poudre minérale

Tableau 4 : Correspondance des dénominations des phénoplastes entre les normes ISO 14526, ISO 800 et DIN 7708 [3]

Au-delà des grades normalisés pour certaines applications comme ceux de la norme DIN 7708, les producteurs développent des grades spéciaux pour chaque application. Ainsi, pour toutes applications confondues, un producteur de phénoplastes comme Momentive propose plus d’une trentaine de grades différents.

I.1.ii.b. Propriétés mécaniques : influence des charges

Les résines phénoliques pures possèdent des propriétés mécaniques (rigidité, résistance, résilience) faibles, ce qui limite leurs utilisations potentielles. De nombreuses charges sont utilisées pour modifier leurs propriétés.

Les plus courantes sont la farine de bois pour les résines d’usage générale, des fibres de cellulose pour les phénoplastes résistants aux chocs, le mica pour les applications nécessitant une bonne résistance électrique, et les fibres de verres pour les applications nécessitant une grande rigidité et résistance (Tableau 5).

Propriétés Norme Unité PF13 PF31 PF 4111 (chargé

inorganique/FV) Module de traction ISO 527 GPa 6 – 12 6 – 12 10 – 16 Résistance à la traction ISO 527 MPa 30 – 50 50 – 70 60 – 80 Résistance à la flexion ISO 178 MPa 50 – 120 70 – 120 120 – 170 Choc Charpy non entaillé ISO 179 kJ/m² 2,5 – 4,5 4,5 – 11 8 – 12 Température de fléchissement

sous charge (1,8MPa)

ISO 75 °C 170 – 220 160 – 200 200 – 240

Inflammabilité UL 94 V-1 V-0 V-0

Tableau 5 : Propriétés mécaniques (valeurs indicatives) de phénoplastes contenant différentes charges (valeurs basses – valeurs hautes) [2]

Des résistances à la flexion jusqu’à 120 MPa sont rapportées pour certaines de ces formulations [3]. En traction, les modules d’élasticité varient entre 5 et 12 GPa [3]. Pour les grades chargés fibre de verre, le module de traction peut atteindre 30 GPa [12]. Des résistances en traction de 100 MPa et de flexion entre 190 à 270 MPa sont rapportées pour ces grades [12]. La résilience Charpy non entaillée est comprise entre 4,5 et 11 kJ/m² pour les grades chargés farine de bois, entre 7 et 11 kJ/m² pour les grades chargés fibres de cellulose, et 2,5 et 4,5 kJ/m² pour les grades chargés mica [3].

I.1.ii.c. Comportement thermique des phénoplastes

Le comportement en température des phénoplastes a été étudié par différents auteurs [13–24]. La principale technique utilisée est l’analyse thermogravimétrique, souvent couplée avec d’autres méthodes (FTIR, RMN, GC-MS). Ces études, réalisées aussi bien en atmosphère inerte (pyrolyse) qu’en atmosphère oxydante, permettent de comprendre les mécanismes de dégradation de la structure des résines en température. La compréhension de ces phénomènes peut être utile pour améliorer la tenue en température des phénoplastes via des modifications chimiques/traitements thermiques et pour formuler des systèmes résistants au feu.

Quand un phénoplaste durci est chauffé entre la température ambiante et une haute température (i.e. 900 °C) sous atmosphère inerte, il est généralement admis que la dégradation, mesurée au travers de la perte en masse durant une analyse thermogravimétrique, se décompose en 3 phases [14] (Figure 7).

Figure 7 : Thermogramme d’un résole sous atmosphère inerte [14]

En dessous de 150 °C, les pertes de masse mesurées sont attribuées à l’élimination de volatils et d’oligomères restants. Des extractions chimiques réalisées sur des résines à mouler de différents types (résoles, novolaques, mixtes) contenant différentes charges (bois, cellulose, fibre de verre) ont montré que ces volatils pouvaient être de différentes natures [25]. Les principaux sont le phénol et le formaldéhyde. Des résidus de catalyseurs peuvent également être présents, ainsi que des produits de décomposition du HMTA. Certains additifs, comme le naphtalène et le furfural, utilisés comme plastifiant dans les résines phénoliques, sont également identifiés dans certaines résines. L’utilisation de charges organiques comme le bois introduit des composés comme l’acide acétique et formique. Le salicylaldéhyde a également été identifié.

Figure 8 : Réaction d’un hydroxyméthylène avec un phénol [14]

Figure 9 : Condensation de deux phénols [15]

Figure 10 : Réaction d’un phénol avec un pont méthylène [15]

Toutes ces réactions produisent de l’eau et conduisent à une plus grande densité de réticulation. Durant la seconde phase, une dégradation des ponts méthylènes entre les phénols est généralement rapportée [26][15]. Plusieurs mécanismes ont été proposés. D’une part, une auto-oxydation a été proposée, conduisant à la formation de fonctions intermédiaires de type aldéhydes et acides carboxyliques [15]. L’oxydation des ponts méthylènes conduisant à la formation de structure de type benzophénone a également été proposée [15]. Ces dégradations conduisent à la libération de benzène, phénol, crésol et dérivés, de CO/CO2 et d’eau

[15]. Un autre mécanisme proposé, sur la base d’analyses par RMN de résidus pyrolysés à 450 °C qui ne montre pas la présence de carbonyles, consiste en la simple décomposition thermique des ponts méthylènes en fonction méthyle et phénol ou dérivés libres.

Dans la dernière phase, au-delà de 500°C, du dioxyde de carbone, du méthane, du benzène, du toluène, du phénol et dérivés sont libérés [10]. Des structures polycycliques apparaissent également [15], résultant de la déshydrations des phénols et de leur condensation. En atmosphère inerte, des taux de résidu solide à 800 °C très important sont observés, allant de 40 % à plus de 70 % [18][14][15][23]. Cela est dû à cette dernière phase où des structures stables en température sont formées.

Plusieurs facteurs influent sur la stabilité thermique des phénoplastes [26][15][14]. La principale cause est liée au taux de réticulation initial. Lors de la première phase, une perte en masse moins importante est observée dans les résines fortement réticulées (Figure 11).

Figure 11 : Perte en masse (gauche) et dérivé de la perte en masse (droite) de résines novolaques durcies avec différents taux de HMTA (NPR-5 : 5% HMTA, NPR-10 : 10% HMTA, NPR-15 : 15% HMTA, NPR-

20 : 20% HMTA) [26]

La quantité de réactifs étant plus faible et la densité de réticulation déjà importante, moins de réactions supplémentaires peuvent avoir lieu. Une plus grande stabilité est également observée dans les phases suivantes pour les résines fortement réticulées. Le taux de résidu solide augmente également avec le degré de réticulation. Ce taux de charbonnement (char) plus important est généralement recherché car il est associé à un meilleur comportement au feu [27]. Il témoigne de la plus faible émission de produits volatils combustibles (benzène, phénol) et de la formation de structure inerte en température pouvant potentiellement protéger le matériau.