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Partie I : Stress oxydant et Isofuranes

Chapitre 1 : Le stress oxydant

II. Influence sur les biomolécules : la peroxydation lipidique

2) Les isoprostanoïdes

(a) Découverte des isoprostanes

Dès 1967, des isomères des PGs furent observés lors d’analyses in vitro de l’auto-oxydation de l’AA.32,33,34 Cependant, ce n’est qu’en 1990 que Morrow et ses collaborateurs décrivent pour la première fois la présence d’isomères des PGs in vivo.35 Ces composés sont

32 Nutgeren, D. H.; Vonkerman, H.; Van Drop, D. A. Recl. Trav. Chim. Pays Bas 1967, 86, 1237. 33

Porter, N. A.; Funk, M. O. J. Org. Chem. 1975, 40, 3614-3615. 34

Pryor, W. A.; Stanley, J. P. J. Org. Chem. 1975, 40, 3615-3617. 35

Morrow, J. D.; Hill, K. E.; Burk, R. F.; Nammour, T. M.; Badr, K. F.; Roberts, L. J. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 1990, 87, 9383.

44 alors appelés isoprostanes (IsoPs). Le mécanisme proposé pour leur formation constitue une cascade radicalaire qui suit l’auto-oxydation de l’AA (Schéma 15).

Schéma 15 : Mécanisme de formation des IsoPs

Contrairement aux PGs, les IsoPs comportent deux chaînes latérales en cis l’une par rapport à l’autre. De plus, les deux premières étapes (abstraction d’hydrogène et homologation d’oxygène) pouvant avoir lieu sur plusieurs positions, il existe un grand nombre d’isomères de position des IsoPs. En comptant les possibles diastéréomères, on peut décompter 64 possibles isomères d’IsoPs.

Par ailleurs, les IsoPs sont formées principalement sous leur forme estérifiée dans les membranes phospholipidiques, contrairement aux PGs, et ne sont qu’ensuite libérées par des phospholipases.36 Cela fait de ces métabolites d’excellents marqueurs de la peroxydation lipidique membranaire, à ce jour considéré comme les meilleurs biomarqueurs du stress oxydant.37

L’auto-oxydation de l’AA mène à la formation de structures endoperoxydes appelées H2-IsoPs. Toutefois, ces endoperoxydes peuvent ensuite être réduits par le glutathion et d’autres thiols, pour former les structures F2-IsoPs (Schéma 16). Ces H2-IsoPs peuvent également subir un réarrangement pour former des structures cyclopentanone, appelées E2- et

36

Morrow, J. D.; Awad, J. A.; Boss, H. J.; Blair, I. A.; Roberts, L. J. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 1992, 89, 10721-10725.

37

Montine, K. S.; Quinn, J. F.; Zhang, J.; Fessel, J. P.; Roberts, L. J.; Morrow, J. D.; Montine, T. J. Chem. Phys. Lipids 2004, 128, 173-186.

45 D2-IsoPs. Morrow et al. ont montré que les séries E2- et D2- étaient formées préférentiellement à la série F2- en conditions faiblement réductrices.38

Schéma 16 : Métabolisation des H2-IsoPs

Les séries D2- et E2- d’IsoPs peuvent par la suite subir une déshydratation pour former des structures cyclopentènone nommées J2- et A2-IsoPs.39

Outres ces structures isoprostanes, les H2-IsoPs peuvent également se réarranger en structures similaires aux thromboxanes, appelées isothromboxanes, et aux levuglandines, appelés isolevuglandines ou isocétals (Figure 5).40

38

Morrow, J. D.; Roberts, L. J.; Daniel, V. C.; Awad, J. A.; Mirochnitchenko, O.; Swift, L. L.; Burk, R. F. Arch. Biochem. Biophys. 1998, 353, 160-171.

39

Chen, Y.; Morrow, J. D.; Roberts, L. J. J. Biol. Chem. 1999, 274, 10863-10868. 40

46 Figure 5 : Structure des isothromboxanes et isocétals

(b) Autres isoprostanoïdes

L’acide a-linolénique (ALA), un AGPI particulièrement abondant dans les plantes, est également métabolisé en conditions de stress oxydant. Les isoprostanoïdes ainsi formés sont appelés les phytoprostanes (PhytoPs).

Plus récemment, il a été montré que d’autres AGPI pouvaient s’auto-oxyder de façon similaire à l’AA, pour former d’autres structures isoprostanoïdes, comportant des chaînes latérales différentes. Ainsi, l’acide docosahexaènoïque (DHA), qui est l’AGPI le plus abondant au niveau neuronal, est métabolisé en structures isoprostanoïdes appelées neuroprostanes (NeuroPs).5,41 Ces NeuroPs constituent des biomarqueurs spécifiques du stress oxydant neuronal, mis en évidence en plus grande quantité dans des cerveaux et des liquides cérébro-spinaux de patients atteints d’Alzheimer que dans des cerveaux et des liquides cérébro-spinaux de sujets sains (Figure 6). Cependant, cette méthode de dosage étant très invasive, l’application en clinique est compromise.

41

Roberts, L. J.; Montine, T. J.; Markesbery, W. R.; Tapper, A. R.; Hardy, P.; Chemtob, S.; Dettbarn, W. D.; Morrow, J. D. J. Biol. Chem. 1998, 273, 13605-13612.

47 Figure 6 : Concentration de F4-NeuroPs (notés ici NPs) et F2-Isops dans le gyrus temporal supérieur et moyen (SMTG), l’hippocampe (HIPPO), le lobule parietal inférieur (IPL) et le cervelet (CBL)

de patients atteints d’Alzheimer et de sujets sains 42

L’acide adrénique (AdA) est un AGPI que l’on retrouve principalement dans la myéline, au sein de la substance blanche du cerveau, ainsi que dans la rétine. Il a été récemment montré que celui-ci pouvait être métabolisé de façon similaire à l’AA et au DHA pour former des isoprostanoïdes appelés dihomo-isoprostanes (dihomo-IsoPs).4 Plus récemment encore, il a été montré que les dihomo-IsoPs étaient formées en grande quantité dans le premier stade du syndrome de Rett, une maladie génétique rare affectant principalement les jeunes filles dans leur développement psychomoteur (Figure 7).

42

Reich, E. E.; Markesbery, W. R.; Roberts, L. J.; Swift, L. L.; Morrow, J. D.; Montine, T. J. Am. J. Pathol.

48 Figure 7 : Dosage des dihomo-IsoPs dans le plasma de patients atteints du syndrome de Rett aux

quatres stades de la maladie comparés aux sujets sains 43

Ces résultats font des dihomo-IsoPs les premiers marqueurs précoces du syndrome de Rett, et potentiellement d’autres maladies liées à la myéline.

(c) Activités biologiques

Outre l’intérêt comme biomarqueur, les isoprostanoïdes possèdent un certain nombre d’activités biologiques intéressantes.44 Ainsi, la 15-F2t-IsoP présente des propriétés vasoconstrictrices, ce qui n’est pas le cas de la 5-F2t-IsoP.45,46

43

De Felice, C.; Signorini, C.; Durand, T.; Oger, C.; Guy, A.; Bultel-Poncé, V.; Galano, J.-M.; Ciccoli, L.; Leoncini, S.; D’Esposito, M.; Filosa, S.; Pecorelli, A.; Valacchi, G.; Hayek, J. J. Lipid Res. 2011, 52, 2287-2297. 44 Galano, J.-M.; Oger, C.; de la Torre, A.; Cuyamendous, C.; Bultel-Poncé, V.; Guy, A.; Reversat, G.; Durand, T., Phytoprostanes, Isoprostanes and Neuroprostanes: The Lovely Story of n-3 and n-6 Polyunsaturated Fatty Acids Metabolites, in Polyunsaturated fatty acids: Sources, Antioxidant Properties and Health Benefits, 2013, Nova Science Publishers.

45

Cracowski, J.-L. Chem. Phys. Lipids 2004, 128, 75-83. 46

Marlière, S.; Cracowski, L.; Durand, T.; Chavanon, O.; Bessard, J.; Guy, A.; Stanke-Labesque, F.; Rossi, J.-C.; Bessard, G. Br. J. Pharmacol. 2002, 135, 1276–1280.

49 L’importance des AGPI pour la rétine et l’influence du stress oxydant sur les pathologies de la rétine, notamment le glaucome, font des IsoPs des sujets de choix pour les études de pharmacologie de la rétine.47,48 Ainsi les deux épimères en C5 de la 5-F2t-IsoP présentent chacun une activité différente inhibitrice de la libération de neurotransmetteur dans les rétines bovines.49

Il est de notoriété publique que les AGPI n-3 ont des effets cardioprotecteurs.50 Une étude récente de notre laboratoire en collaboration avec l’équipe du Pr. Le Guennec a permis de montrer que ces effets étaient aussi dus aux métabolites oxygénés de ces AGPI. La 4-F4t -NeuroP, notamment, présente une très forte activité anti-arhytmique.51

Les PhytoPs présentent également des activités biologiques intéressantes. Ainsi, plusieurs études sur des plantes montrent que plusieurs séries de PhytoPs permettent l’activation de gènes liés à la détoxification et à d’autres mécanismes de protection.52,53,54 Ainsi, la formation de PhytoPs constituerait une réponse adaptationnelle des plantes aux lésions oxydantes. Les activités biologiques des PhytoPs concernent également les modèles animaux et humains. Par exemple, plusieurs PhytoPs présentent une activité anti-inflammatoire similaire à celle des PGs. En outre, les A1-PhytoPs entraînent l’apoptose de cellules leucémiques Jurkat.55 Sachant que l’ALA est particulièrement abondant dans l’huile d’olive, les activités bénéfiques des PhytoPs pourraient contribuer à expliquer les effets positifs de la cuisine méditerranéenne.

47 Izzotti, A.; Bagnis, A.; Saccà, S. C. Mutat. Res. 2006, 612, 105–114.

48 Opere, C. A.; Ford, K.; Zhao, M.; Ohia, S. E. Methods Find. Exp. Clin. Pharmacol. 2008, 30, 697–701. 49 Jamil, J.; Wright, A.; Harrison, N.; Kegey, E.; Flowers, A. F.; Flyod, N. J.; Kotera, C.; Guy, A.; Galano, J.-M.; Durand, T.; Njie-Mbye, Y. F.; Ohia, S. E.; Opere, C. A. Neurochem. Res. 2012, 37, 574–582.

50

Mozaffarian, D.; Wu, J. H. Y. J. Am. Coll. Cardiol. 2011, 58, 2047–2067. 51

Le Guennec, J.-Y.; Durand, T.; Oger, C.; Galano, J.-M.; Thireau, J.; Bultel-Poncé, V.; Guy, A.; Roy, J., WO2014086819, 2014.

52

Thoma, I.; Loeffler, C.; Sinha, A. K.; Gupta, M.; Krischke, M.; Steffan, B.; Roitsch, T.; Mueller, M. J. Plant J.

2003, 34, 363–375.

53 Loeffler, C.; Berger, S.; Guy, A.; Durand, T.; Bringmann, G.; Dreyer, M.; Rad, U. von; Durner, J.; Mueller, M. J. Plant Physiol. 2005, 137, 328–340.

54

Mueller, S.; Hilbert, B.; Dueckershoff, K.; Roitsch, T.; Krischke, M.; Mueller, M. J.; Berger, S. Plant Cell Online 2008, 20, 768–785.

55

Karg, K.; Karg, K.; Dirsch, V. M.; Karg, K.; Dirsch, V. M.; Vollmar, A. M.; Cracowski, J.-L.; Laporte, F.; Mueller, M. J. Free Radic. Res. 2007, 41, 25–37.

50