• Aucun résultat trouvé

Découverte des isofuranes et autres isofuranoïdes

Partie I : Stress oxydant et Isofuranes

Chapitre 1 : Le stress oxydant

I. Découverte des isofuranes et autres isofuranoïdes

1) Les isofuranes

(a) Découverte des isofuranes

Depuis leur découverte, les F2-IsoPs se sont petit à petit imposées comme biomarqueurs du stress oxydant in vivo. Toutefois, l’évaluation du stress oxydant par dosage des IsoPs comporte une limitation majeure. En effet, lors du mécanisme de la biosynthèse des H2-IsoPs, précurseurs des F2-IsoPs, un radical centré sur le carbone doit attaquer sur un autre carbone pour permettre la cyclisation en structures isoprostanoïdes. Cette étape dite « d’exclusion d’oxygène » est en compétition avec l’homologation d’une molécule de O2, qui conduirait à une autre famille de composés (Schéma 17). Il était alors raisonnable de supposer qu’en condition de forte tension en oxygène, les structures isoprostanoïdes seraient défavorisées par rapport aux composés issus de l’homologation de O2.

52 Schéma 17 : Etape d’exclusion à l’origine de la formation des IsoPs

En décembre 2002, Fessel et al. ont rapporté la découverte de nouveaux composés de l’auto-oxydation de l’AA in vitro, correspondant probablement aux produits issus de l’homologation de O2.56 Ces composés avaient des propriétés chromatographiques similaires aux F2-IsoPs, mais avec une masse supérieure de 16 Da. Les auteurs ont alors supposé que les composés ainsi découverts comportaient des similarités structurelles avec les F2-IsoPs, et ont envisagé la présence d’un époxyde ou d’un carbonyle pour expliquer l’augmentation de 16 Da de la masse. Un traitement acide, n’entraînant aucune modification, a permis d’écarter l’hypothèse de l’époxyde. De même, la resistance à des conditions de réduction et au traitement par l’hydrochlorure de méthoxyamine ont permis d’exclure l’hypothèse d’un carbonyle. La fonctionnalisation par des TMS nonadeutérés a permis de dénombrer trois fonctions alcool, et une hydrogénation révéla 2 doubles liaisons, après analyse par spectrométrie de masse. Ainsi, les auteurs proposèrent des structures tetrahydrofuraniques

56

Fessel, J. P.; Porter, N. A.; Moore, K. P.; Sheller, J. R.; Roberts, L. J. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 2002, 99, 16713-16718.

53 pour expliquer l’augmentation de 16 Da de la masse (Schéma 18). Ce type de structure avait déjà été observé lors de l’oxydation enzymatique in vitro d’AGPI.57,58 Ces composés ont alors été appelés isofuranes (IsoFs) par analogie avec les isoprostanes.

Schéma 18 : Les IsoPs et IsoFs, métabolites de l’AA

(b) Isofuranes et tension en oxygène

Il avait déjà été observé que la formation de F2-IsoPs n’augmentait en fonction de la tension en oxygène que jusqu’à 21%.37 Au-delà, on observe un plateau (Figure 8). En revanche, et comme Fessel et al. en avaient émis l’hypothèse, la formation d’IsoFs continue d’augmenter pour des tensions en oxygène supérieures à 21%, et ce jusqu’à 100%.

57

Pace-Asciak, C. Biochemistry 1971, 10, 3664-3669. 58

Moghaddam, M.; Motoba, K.; Borhan, B.; Pinot, F.; Hammocl, B. D. Biochim. Biophys. Acta 1996, 1290, 327-339.

54 Figure 8 : Influence de la tension en oxygène sur la formation in vitro de F2-IsoPs et IsoFs 56

Par ailleurs, une analyse in vivo permet de retrouver un ratio IsoFs/IsoPs supérieur à 2 dans les organes abondamment oxygénés tels que le cerveau ou les reins, et un faible ratio dans le foie, organe faiblement oxygéné (Figure 9).

55 Ces résultats tendent à indiquer que les IsoFs pourraient être des biomarqueurs du stress oxydant complémentaires aux F2-IsoPs. En outre, la similarité de leurs propriétés chromatographiques permet d’envisager le dosage simultané de ces deux types de composés pour avoir une évaluation plus complète des lésions oxydatives.

L’intérêt des IsoFs comme biomarqueur du stress oxydant semble spécialement adapté dans le cas des lésions pulmonaires dues à une ventilation artificielle avec des concentrations supraphysiologiques en oxygène (supérieures à 21%). Ainsi, Fessel et al. ont évalué la formation d’IsoPs et IsoFs dans des tissus de souris exposées à une concentration en oxygène supérieure à 98%, pour observer une plus forte augmentation des IsoFs par rapport aux IsoPs (Figure 10).

Figure 10 : Concentrations en IsoPs et IsoFs basales et après 3h d’exposition à une concentration en oxygène >98% dans les tissus de poumons de souris 56

Ces résultats montrent que les lésions oxydantes dues à l’hyperoxie apparaissent très tôt, avant même la détresse respiratoire, et ne peuvent être mises en évidence que par le dosage des IsoFs et non des IsoPs.

56

2) Autres isofuranoïdes

Il a été montré que l’AA pouvait être métabolisé en IsoPs et IsoFs, qui se sont avérés être des biomarqueurs complémentaires de la peroxydation lipidique. Il a également été montré que le DHA pouvait également être métabolisé de façon similaire à l’AA sous forme de NeuroPs, qui sont des biomarqueurs plus spécifiques de la peroxydation lipidique neuronale. En 2004, Browne et al. ont observé dans des cerveaux de souris des composés ayant des propriétés chromatographiques similaires aux NeuroPs, mais avec une masse de 16 Da supérieure.59 Bien que les auteurs aient supposé qu’il s’agissait de métabolites isofuranoïdes, ce n’est qu’en 2008 que Song et al. ont démontré que le DHA était également métabolisé en composés de types isofuranoïdes, appelés neurofuranes (NeuroFs).8 Au cours de l’analyse par LC/MS de lipides extraits de foies de souris exposées au CCl4, les auteurs ont observés, outre les massifs correspondant aux IsoPs, IsoFs et NeuroPs, un quatrième massif, dont les ions avaient une masse supérieure de 16 Da aux NeuroPs et de 24 Da aux IsoFs. Après dérivatisation par des TMS nonadeutérés, hydrogénation, traitement en milieu acide et en milieu réducteur, Song et al. ont conclu à la formation de structures isofuranoïdes dérivant du DHA.

Toutefois, une analyse de l’auto-oxydation in vitro du DHA en contrôlant la pression d’oxygène permet de voir que, contrairement aux IsoFs, la formation de NeuroFs n’augmente pas jusqu’à 100% de tension en oxygène (Figure 11).

Figure 11 : Influence de la tension en oxygène sur la formation de NeuroFs 8

59

Browne, S. E.; Roberts, L. J.; Dennery, P. A.; Doctrow, S. R.; Beal, M. F.; Barlow, C.; Levine, R. L. Free Rad. Biol. Med. 2004, 36, 938-942.

57 Ce résultat peut s’expliquer par la présence de plusieurs fonctions pentadienyle pouvant subir une sur-oxydation sur les chaînes latérales des NeuroFs, ainsi que la présence de doubles liaisons supplémentaires permettant la formation de bis-endoperoxydes et de structures dioxolanes-NeuroFs.60

Par ailleurs, l’analyse de la formation de NeuroFs et NeuroPs in vivo dans le foie de souris après traitement au CCl4 montre clairement que la production de NeuroFs est largement favorisée (Figure 12).

Figure 12 : Formation de NeuroFs et NeuroPs dans le foie de souris exposées au CCl4 en fonction du temps 8

Il a été montré que l’AdA était métabolisé de façon similaire à l’AA en dihomo-IsoP. Etant donné que l’AA et le DHA peuvent être métabolisés en isofuranoïdes, il apparaît probable que l’AdA soit également métabolisé en isofuranoïdes, appelés dihomo-isofuranes (dihomo-IsoFs). De même, il semble raisonnable d’imaginer que l’ALA pourrait également être métabolisé sous la forme de composés isofuranoïdes, que l’on appelerait phytofuranes (PhytoFs).

60

58

II. Biosynthèse : trois mécanismes pour une foule