• Aucun résultat trouvé

Isopropylation radicalaire d’hétéroaryles

Hétéroaromatiques par la Chimie des Xanthates

VI.1. Isopropylation radicalaire d’hétéroaryles

VI.1.1.

Isopropyles et Xanthates

Les additions des radicaux secondaires stabilisés seulement par hyperconjugaison sur des composés hétéroaromatiques ont prouvé leur efficacité de manière intramoléculaire. En effet, les quelques exemples présentés au Chapitre II nous montrent la faisabilité de la génération du radical secondaire en utilisant les xanthates, ainsi que leur addition sur un composé aromatique. En effet, si le radical en question est peu stable, il aura quand même une chance de se former et de cycliser sur l’aromatique, ces dernières étant fortement favorisés cinétiquement parlant. Néanmoins, si l’addition peut être efficace de manière intramoléculaire, ce n’est peut-être pas le cas lors d’une additions intermoléculaire cette dernière ayant une cinétique beaucoup moins élevée ; si le radical est trop difficile à produire, l’addition en sera sûrement défavorisée.

Dans la dernière partie du chapitre précédent nous avons mis en exergue la possibilité d’additionner un groupement 1-adamantyle sur un composé hétéroaromatique. Ce radical ayant une stabilisation proche de celle d’un isopropyle (environ 100 kcal/mol et 98 kcal/mol respectivement), l’incorporation de ce motif secondaire par la chimie des xanthates devrait être envisageable.

Additionner un motif isopropyle en position 2 de la pyridine ne modifie pas le tPSA (pas d’hétéroatomes ajoutés) mais augmente le LogP de 1.59 et diminue le LogS de 0.84 par rapport à la pyridine. Ces deux valeurs sont évidemment plus faibles que celles observées lors de l’addition d’un motif tert-butyle.117

Le début de l’étude a consisté en la synthèse du xanthate de O-éthyle S-isopropyle (VI.1) selon deux approches (Schéma VI-1). Le premier essai a donné le xanthate correspondant avec un rendement modeste de 33%, obtenu alors par substitution nucléophile sur le bromure d’isopropyle (VI.2) dans l’acétone (a). Cependant les tentatives suivantes ont été infructueuses. Nous avons alors décidé de changer de procédure et d’opter pour une méthode par transfert de phase (b).160 Cette dernière a permis un accès plus efficace et reproductible au xanthate VI.1, avec un rendement de 61%.

132

Schéma VI-1 : Synthèse du xanthate d’isopropyle VI.1.

Une expérience d’addition sur l’acétate d’allyle a aussi été effectuée, et sans grande surprise, cette transformation s’est soldée par une dégradation du milieu réactionnel (Schéma VI-2), la stabilité du radical isopropyle et du radical adduit étant à peu près équivalente.

Schéma VI-2 : Tentative d’addition d’un radical isopropyle sur l’acétate d’allyle par la chimie radicalaire des xanthates

Comme dans le cas de l’adamantane, après cette observation, nous avons procédé au test d’addition intermoléculaire du radical isopropyle par la chimie des xanthates.

VI.1.2.

Addition intermoléculaire de radicaux isopropyles sur

des noyaux hétéroaromatiques

VI.1.2.1. Estimation de la réactivité sur la lépidine (IV.9)

En utilisant la procédure développée pendant l’étude de la tert-butylation, nous avons effectué l’addition radicalaire d’un groupement isopropyle sur la lépidine (IV.9) (Schéma VI-3). Le produit d’addition VI.3 a été isolé avec un rendement de 97%.

133 Avant d’étudier le champ d’application de cette isopropylation, nous avons testé un autre mode d’initiation, en utilisant le couple triéthylborane-oxygène pour générer les radicaux. Cette méthode a l’avantage d’être conduite à température ambiante et ne requiert pas de peroxydes, ce qui limite en principe les produits secondaires de la réaction. Nous avons exposé à l’oxygène de l’air pendant 24 h un mélange de lépidine (IV.9), CSA, xanthate VI.1 et de triéthyleborane dans le 1,2-dichloroéthane et un mélange de trois composés a été obtenu. La lépidine isopropylée VI.3 a été isolée avec un rendement de 31%, mais le dérivé éthylé VI.4 (16%) résultant de l’initiation par le triéthyleborane et le produit de départ ont aussi été récupérés (6%). Au regard de ces rendements, nous pouvons en conclure que la lépidine (IV.9) a été partiellement dégradée pendant la réaction. Il semblerait que notre méthode soit beaucoup plus douce et efficace que cette expérience, même s’il s’agit d’un essai non optimisé. De plus, l’utilisation du triéthyleborane, pyrophorique, est un handicap par rapport au DLP, beaucoup plus facile à manipuler. L’avantage de ne pas avoir de dérivés de peroxyde ici est au détriment de l’efficacité de la réaction (Schéma VI-4).

Schéma VI-4 : Utilisation du couple triéthylborane/oxygène pour l’isopropylation de la lépidine (IV.9).

VI.1.2.2. Quelques exemples d’additions radicalaires.

En utilisant la procédure d’alkylation développée pendant l’étude de la tert-butylation, nous avons effectué l’addition d’un isopropyle sur quelques composés hétéroaromatiques (Tableau VI-1).

Dans l’ensemble, la réaction d’isopropylation n’a pas l’air aussi générale que celle de

tert-butylation. Seuls les réactions sur les composés IV.110, IV.69, IV.103, IV.12 et IV.14 ont

fourni les dérivés alkylés VI.5, VI.6, VI.7, VI.8a-c et VI.9 correspondants, avec des rendements moins bons que ceux obtenus avec les radicaux tertiaires. En comparant notre méthode avec la littérature, le dérivé de caféine VI.5 est obtenu avec la même efficacité (39%) que par les méthodes de Guin (43%)109 et Baran (41%),107 La méthode de Baxter101semble un peu plus efficace pour alkyler la pyridazine IV.69 et la quinoxaline (IV.103). Par cette méthode,

134

les produits isopropylés correspondants ont été obtenus avec des rendements de 53% et 52% respectivement (comparés à 19% et 37%).

Ces réactions sont rarement complètes et cette fois-ci, la corrélation entre le rendement et le ratio substrat/produit indique que la réaction entraine une dégradation non négligeable des mélanges réactionnels. Par analogie avec le raisonnement mené lors de l’étude de l’adamantylation, le radical isopropyle n’est peut-être pas assez facilement formé pour permettre une réaction sur un nombre important d’hétérocycles. Seuls les accepteurs radicalaires les plus forts subiront la réaction correctement.

Le cas de la réaction sur le boscalide (IV.12) est très intéressant car pour la première fois sur ce substrat, on observe la formation de plusieurs régioisomères VI.8a-c. En effet, le produit disubstitué VI.8a, et les deux mono-substitués VI.8b, et VI.8c (substitution en position 6 et 4 respectivement) ont été isolés. Cela montre encore une particularité du radical isopropyle par rapport au tert-butyle. Le radical secondaire étant moins stabilisé que le tertiaire, l’addition sur le noyau hétéroaromatique sera moins réversible. Le système ne s’équilibrera donc pas complétement pour favoriser une seule position comme il le fait avec le tert-butyle, et plusieurs isomères seront obtenus. Bien sûr, les effets stériques sont également à prendre en considération. C’est pour cela que dans l’exemple de fonctionnalisation par le radical 1- adamantyle (Schéma V-22), un seul isomère est obtenu, bien que le radical en question ait une stabilité comparable à celle de l’isopropyle.

Pour finir, l’addition sur le fluopicolide (IV.16) entraine une dégradation du mélange réactionnel. Nous avons supposé que cause était liée aux contraintes stériques, le noyau hétéroaromatique étant plus difficilement accessible à cause de sa proximité avec la liaison amide, et donc avec le noyau purement aromatique. En revanche, le fluopyram (IV.13), possédant un espaceur CH2 en plus, entre la pyridine et l’amide, devrait être moins contraint et

permettre l’addition d’un radical, plus petit qu’un tert-butyle. Des expériences préliminaires, non décrites ici, ont montré que l’addition sur le fluopyram (IV.13) était possible, et fournissait, à l’instar du boscalide (IV.12) plusieurs isomères.

135

Tableau VI-1 : Isopropylation de composés hétéroaromatiques.

Substrats Produits

(rendements) Substrats

Produits (rendements)

Pas de réactiona Dégradationa

Pas de réaction

Pas de réactiona Dégradationa

Dégradation

136

Dégradation

(a) Réaction sans CSA. (b) Calculé par RMN 1H du mélange brut.

L’isopropylation semble suivre la même tendance que la tert-butylation, mais à l’air tout de même moins efficace. La moins bonne stabilité du radical isopropyle par rapport au radical

tert-butyle explique aussi notamment la formation des différents produits issus du boscalid

IV.12.

Bien que l’isopropylation paraisse moins efficace que la tert-butylation, la possibilité d’additionner des radicaux secondaires sur des hétéroaromatiques permet une ouverture sur une myriade de transformations possibles. Nous allons en présenter quelques-unes dans le paragraphe suivant.

VI.2. De l’isopropylation à la généralisation des