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Incorporation du Motif tert-Butyle sur des Cycles Hétéroaromatiques

IV.3. tert-Butylation d’Hétéroaryles par la Chimie Radicalaire des Xanthates

IV.3.4. Etude de l’addition d’un groupement tert-butyle sur des composés hétéroaromatiques par la chimie des xanthates

IV.3.4.1. Fonctionnalisation de pyridines.

Les noyaux pyridines ont été les premiers à être testés (Tableau IV-4). En exploitant la méthode développée précédemment, nous avons réitéré la réaction sur la 4-cyanopyridine (IV.7). Le produit mono-adduit IV.8a a été isolé avec un moins bon rendement que lors de l’addition par portions du DLP (46% et 60% respectivement) et une sélectivité mono/disubstitution plus faible (IV.8a/IV.8b 6:4) a été observée. Une sélectivité en faveur de la disubstitution a été observée pendant la réaction de la pyridine IV.22, où le monoadduit IV.23a a été isolé avec un rendement plus modeste de 31% et où le composé IV.23b a été détecté avec un ratio IV.23a/IV.23b de 3:7. Une dégradation135 a été observée lors de la réaction

avec les noyaux IV.24 et IV.25, et cela quelle que soit la quantité de CSA introduite (1 ou 2 équivalents).

La cyanopyridine IV.26 est elle aussi décomposée pendant le processus réactionnel alors que l’équipe de Molander, en utilisant sa méthodologie des tetrafluoroborates a réussi la

tert-butylation avec un rendement de 89%.136 En revanche, la réaction sur le nicotinate d’éthyle (IV.27) permet d’accéder au dérivé tert-butylé IV.28 avec un rendement de 41%, estimé par RMN. Le groupement ester bloquant les positions 2 et 4 de la pyridine, la réaction se fait préférentiellement sur la position 6. Cependant, bloquer cette dernière position par un méthyle, un groupement électro-donneur (méthoxy) ou un électro-attracteur (ester), comme dans les pyridines IV.29, IV.30 et IV.31 respectivement, semble empêcher l’addition d’avoir lieu. La nicotinamide (IV.32) quant à elle permet une réaction où la pyridine IV.33 est isolée avec un rendement de 40%, plus modeste que ceux rapportés dans la litterature.136 Un très bon rendement de 83% est obtenu lors de la réaction de la nicotine (IV.34) avec le xanthate IV.2

135 Sous le terme de dégradation se regroupent les réactions secondaires non identifiées sur le noyau aromatique.

Cela peut inclure par exemple des additions radicalaires du radical undécyle issu de la décomposition thermique du DLP sur l’hétéroaromatique, observée dans certains cas.

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pour fournir un seul régioisomère, le dérivé IV.35. Cette sélectivité peut être expliquée par les effets stériques induits par le noyau pyrrolidine en position 3, gênant ainsi l’attaque en position 2 ou 5. Le rendement obtenu (83%) est du même ordre que celui obtenu par décarbonylation du pivalaldéhyde (81%),109a mais bien meilleur que celui obtenu dans les conditions de Minisci (42%).137

Une oxydation du motif carbinol en aldéhyde a été observée sur la pyridine IV.36 dans les conditions réactionnelles. Une protection par un groupement acétate, par exemple, pourrait apporter une solution à ce problème.

Une grande diversité de produits a été obtenue lors de la réaction sur la 2-benzoylpyridine (IV.37). En effet, même s’il n’a pas été isolé, le produit de disubstitution IV.38a a été détecté par HPLC-MS. Le produit substitué sur la position 6 IV.38b a été isolé avec un rendement inférieur à 21%, sa pureté n’étant pas satisfaisante. L’alkylation non-usuelle de la position 5 a ici été observée pendant la réaction, le composé IV.38c ayant été isolé avec un rendement de 12%. Cette formation peut s’expliquer par la stabilisation du radical adduit par le groupement benzoyle, qui semble être relativement forte. La pyridine IV.38d résultant de l’alkylation en position 4, a aussi été isolée avec un rendement de 34%. Bien que la réaction soit incomplète cette diversité reflète la compétition entre les effets électroniques de l’azote du noyau pyridine (jusqu’alors considérés comme prédominants) et ceux du groupement benzoyle. La formation des produits IV.38b et IV.38d est la conséquence des effets de l’azote du noyau pyridine tandis que la formation du produit IV.38c, lui, résulte de l’influence plus modeste du groupement benzoyle. La fonctionnalisation sur la position 3 n’a pas été observée, sûrement pour des raisons stériques.

La réaction impliquant la cyanopyridine IV.39 a montré qu’en bloquant la position 6, l’alkylation donne un seul régioisomère, l’adduit tert-butylé en position 4 IV.40, avec un rendement de 54%.

Enfin nous avons terminé notre étude sur les pyridines en testant quelques dérivés 3-trifluorométhylés. Les pyridines IV.41 et IV.42 fournissent les composés fonctionnalisés IV.43 et IV.44 respectivement mais leur volatilité et leur polarité trop faibles n’ont pas permis

91 de les isoler. D’autre part, bloquer la position 6 comme sur la pyridine IV.45 rend la réaction impossible, probablement à cause des effets stériques importants.132

Tableau IV-4 : tert-Butylation de noyaux pyridines par la chimie radicalaire des xanthates.

Substrats Produits (rendements) Substrats Produits (rendements) Dégradation Dégradation Dégradation

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Pas de réaction

Dégradation

Pas de réaction

(a) Calculé par RMN 1H du mélange brut. Les rendements ont été estimés avec de l’héxaméthylbenzene comme

étalon interne. (b) 2 équivalents de CSA ont été utilisés. (c) Inséparable des sous-produits de la réaction. (d) Rendement basé sur la quantité de produit de départ récupéré.

Une tendance semble se dégager de cette première étude. La tert-butylation des pyridines est en général sélective de la position 2, grâce aux propriétés intrinsèques de ces noyaux.30 Cependant, la fonctionnalité de ces hétérocycles a aussi son importance lors de la stabilisation des radicaux adduits et influence donc grandement la régiosélectivité finale. Cette influence est particulièrement forte quand les pyridines en question présentent déjà une fonctionnalité en position 2.

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IV.3.4.2. Quinoléines et isoquinoléines

Certaines quinoléines sont aussi compatibles avec la réaction de tert-butylation (Tableau IV-5). Bien que la réaction procède avec un rendement quasi quantitatif sur la lépidine (IV.9), une dégradation a été observée en utilisant la 3-méthylisoquinoléine (IV.46), la 1- méthylisoquinoléine (IV.47) ou encore l’isoquinoléine nue IV.48. La dégradation du mélange réactionnel a aussi été observée lors des réactions sur les isoquinoléines IV.49 et IV.50.

L’alkylation de la cyanoquinoléine IV.51 a donné un résultat inattendu. Un mélange inséparable du dérivé monoalkylé IV.52a et du dialkylé IV.52b a été obtenu avec un rendement de 36%. Etrangement, la deuxième alkylation n’a pas eu lieu sur la position 4 mais sur la position 7. Cette observation peut être elle aussi expliquée par des effets stériques, l’attaque sur la position 4 (ou même 5), qui sont activées par les effets combinés du groupement nitrile et de l’azote de la quinoléine, étant relativement défavorisée par les contraintes trans-annulaires des liaisons C-H voisines. La réaction sur la 3-aminoquinoléine IV.53 en revanche a été un échec dans ces conditions, quelle que soit la quantité de CSA introduite (2 ou 4 équivalents).

L’isoquinoléine IV.54 présente elle aussi une réactivité particulière. Au lieu d’une alkylation de la position 3, comme on pouvait s’y attendre, le produit IV.55 présentant la position 4 fonctionnalisée a été obtenu. Les raisons de cette sélectivité sont encore quelque peu obscures ; cependant nous pouvons émettre l’hypothèse que la protonation de l’azote de l’isoquinoléine est cinétiquement très défavorisée dans ce cas à cause de l’encombrement induit par le groupe ester en position ortho. Ainsi, les effets électroniques du groupement ester seraient supérieurs à ceux intrinsèques à l’isoquinoléine, favorisant ainsi l’alkylation de la position 4 par rapport à la position 3 et ce, malgré la contrainte trans-annulaire.138

Les deux derniers exemples sont des dérivés un peu plus élaborés. Le Clioquinol IV.56, un antifongique, a donné une réaction assez difficile et le produit IV.57 a été détecté par RMN mais pas isolé à cause de sa trop faible polarité. En revanche, la quinolone IV.58, précurseur d’un anti-inflammatoire (la Floctafenine) a donné une réaction, certes incomplète, mais qui a permis d’isoler le composé IV.59 avec un rendement de 26%.

138 Pour d’autres exemples sur les effets électroniques des substituants d’un hétéroaryle sur la réaction d’addition

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Tableau IV-5 : tert-Butylation de noyaux quinoléines et isoquinoléines par la chimie radicalaire des xanthates.

Substrats Produits (rendements) Substrats Produits (rendements) Dégradation Dégradation Dégradation Dégradation Dégradation Dégradation

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(a) Rendement sur le mélange des deux produits déterminés par RMN 1H. (b) Calculé par RMN 1H du mélange

brut. Les rendements ont été estimés avec de l’héxaméthylbenzene comme étalon interne.

L’alkylation des quinoléines se fait majoritairement sur la position 2. A l’instar de pyridines, la décoration du substrat influence grandement la réactivité et la régiosélectivité de cette transformation. Les isoquinoléines, en revanche, semblent avoir une réactivité plus faible vis-à-vis de cette chimie, au regard des quelques exemples présentés.