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CHAPITRE 3. DES PROCESSUS VARIES D’ENGAGEMENT DANS L’EXERCICE REGROUPE

II. Comment s’engager dans un exercice regroupé pluriprofessionnel et dans le travail

II.1. Un investissement différencié des professionnels face aux enjeux collectifs de

II.1.1. Des promoteurs aux trajectoires particulières, engagés dans un « nouveau type de sacerdoce »

Dans chaque MSP, il existe un professionnel identifiable à l’origine de la dynamique de regroupement et/ou de son animation, généralement appelé « promoteur », « leader », « coordinateur ». Leurs parcours révèlent des trajectoires d’entrepreneurs comme la profession de médecins généralistes en a toujours compté dans ses rangs, souvent titulaires de positions multiples ou impliqués dans des activités plurielles (Baszanger & Bungener 1995)506.

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Les promoteurs des quatre MSP enquêtées sont tous des hommes, médecins généralistes. Trois des promoteurs principaux ont entre la cinquantaine et la soixantaine, le dernier est âgé d’un peu moins de 40 ans. Parmi les plus âgés, deux se sont engagés dès le début de leur exercice dans une structure pluriprofessionnelle naissante qu’ils ont contribué à façonner, tandis que le troisième a lui- même porté récemment le processus de regroupement, comme l’a fait le plus jeune en arrivant dans un cabinet de groupe monoprofessionnel. Tous ont pour caractéristique commune d’occuper plusieurs positions institutionnelles, selon des configurations variées qui les mettent dans « un positionnement frontière entre plusieurs mondes sociaux conférant une force mobilisatrice particulière » (Monneraud 2011: 281) : élus municipaux pour certains, membres ou anciens membres de MG-France ou du Syndicat de la médecine générale (SMG) pour d’autres, engagés dans des sociétés savantes de médecine générale (SFMG), dans une fédération régionale des maisons et pôles de santé, à l’URPS, dans des commissions mises en place par l’ARS, ou ayant pour l’un d’entre eux un poly-exercice libéral et hospitalier. Dans chaque MSP, le médecin promoteur principal est épaulé par un ou plusieurs autres médecins au moment de la création de la structure, puis éventuellement dans un second temps par un ou plusieurs paramédicaux, et dans un cas par une coordinatrice non soignante. Ces médecins promoteurs apparaissent engagés dans ce que Lise Monneraud a appelé un « nouveau type de sacerdoce », sous la forme d’un travail de promotion visant dans des contextes de désertification médicale « la rénovation du cadre collectif qui seule permettrait d’attirer de nouveaux confrères » (Monneraud 2011: 285) ou visant plus largement « la rénovation des formes et du contenu du métier » (op. cit. : 276). Nous observons comme elle que ce nouveau type de sacerdoce remplace ou s’ajoute au sacerdoce préexistant du soignant « corvéable à merci ».

Par leur âge et leur engagement initial, les deux médecins les plus âgés appartenaient dès le début de leur exercice à la catégorie des « médecins dans la cité » décrite par Isabelle Baszanger (Baszanger 1983). Ils sont restés « fidèles » (Bloy 2011)507 à leur engagement initial, même si celui-ci s’est bien sûr transformé avec l’évolution des contraintes et opportunités de l’exercice. Cela les distingue des deux médecins ayant porté plus récemment un processus de regroupement après avoir exercé de manière plus solitaire. Ceux-ci ont un parcours de « reconvertis engagés » qui les amène à devenir « médecins dans la cité ».

II.1.2. Des professionnels plus ou moins engagés dans la dynamique collective

Parmi les autres professionnels qui s’engagent dans ces structures pluriprofessionnelles, les parcours et les attentes sont variées, et comme nous l’avons déjà souligné, une part d’entre eux rejoint la structure sans attentes particulières, saisissant cette opportunité parmi d’autres, et découvrant dans un second temps les avantages et les contraintes d’un tel regroupement. Que ce

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Géraldine Bloy décrit cinq types de parcours professionnels en médecine générale : – Les « fidèles » (parcours linéaires conformes aux intentions formulées au premier entretien, en médecine générale ou ailleurs). – Les « reconvertis engagés » (vers une pratique qui n’était pas distinguée au premier entretien mais est venue ensuite éclipser toutes les autres). – Les réorientations contingentes opportunes (par hasard et essais/erreurs, jusqu’à stabilisation dans un métier qui convient). – Les réorientations réactives (en réaction à une pratique éprouvée dont on ne veut plus). – Les parcours incertains (sans ligne directrice ni stabilisation évidentes) » (Bloy 2011: 17).

soit chez les médecins ou les autres professionnels de santé, on peut retrouver tous les types de parcours décrits par Géraldine Bloy chez les jeunes médecins généralistes : « fidèles », « reconvertis engagés », « réorientations contingentes opportunes », « réorientations réactives » et « parcours incertains ». Plusieurs infirmiers affirment par exemple avoir choisi ce mode d’exercice pour fuir les logiques gestionnaires hospitalières qui ne leur permettaient plus d’exercer selon leur conscience, tout en retrouvant dans la MSP un travail d’équipe qui leur plaisait en milieu hospitalier.

On observe différentes formes d’engagement, en fonction notamment d’un arbitrage entre temps de travail et temps personnel : plusieurs médecins et paramédicaux dans chaque MSP réservent un ou plusieurs jours par semaine à d’autres activités, qui peuvent être familiales (s’occuper de leurs jeunes enfants) ou professionnelles (diversifier leur exercice, ou de loisir). Les formes d’engagement varient également et en fonction de l’investissement que chacun est prêt à consentir dans la pluriprofessionnalité : dans chaque MSP, une partie ou l’ensemble des professionnels se répartissent les tâches permettant de faire « fonctionner » la structure. Par exemple, dans la MSP A, le médecin coordinateur a proposé une répartition entre quelques membres de la MSP, qui a été acceptée par tous : lui-même partage la coordination avec la diététicienne, tandis que quatre médecins sont responsables respectivement de l’informatique, de la téléphonie, du matériel, et le dernier du ménage et des déchets.

Bien que ces décisions de répartition de tâches fassent partout l’objet de négociations, les attentes des promoteurs sont plus ou moins importantes. Lorsqu’ils s’associent avec de nouveaux professionnels en espérant partager avec eux le poids de leur sacerdoce, certains sont surpris de rencontrer depuis peu des professionnels qu’ils qualifient de « consommateurs de la pluriprofessionnalité » (médecin 1, MSPC), désireux de rejoindre un exercice pluriprofessionnel déjà en place, mais souhaitant limiter le plus possible les contraintes liés à la dynamique collective.

II.2. Pour tous, des formes d’engagement qui se révèlent dans la manière de définir les