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II. Matériel et méthode : une démarche qualitative articulant plusieurs approches

II.3. Cadres et axes d’analyse

Selon (Dodier 2010: 81)62, trois types de langages structurent la plupart des approches des sciences sociales dans le domaine de la santé : les langages de l’ordre, de la force et de la pluralité. On peut en inférer ainsi 3 manières sociologiques - successives, ou parfois juxtaposées - de circonscrire des intérêts théoriques, empiriques, voire politiques : un « langage de l’ordre » (mobilisé par Levi-Strauss et Parsons, puis Herzlich et Foucault) ; un « langage de la force » (employé par Goffman, Becker et les interactionnistes, puis Bourdieu et Foucault) ; et un « langage de la pluralité » épistémique (Latour), organisationnel (Strauss puis Beck) et moral (Boltanski et Thévenot, Foucault avec la biopolitique).

Cette typologie a été ici mobilisée selon les différents terrains investigués et en fonction des divers temps de l’analyse pour varier et combiner les approches analytiques retenues, au sein du recours privilégié à un cadre analytique plus général.

II.3.1. Le cadre général d’analyse : Strauss et l’interactionnisme

De ce cadre interactionniste, j’ai privilégié la dimension inductive de l’approche pour analyser les discours, les catégories de pensée, les logiques et les représentations concernant les soins primaires, l’exercice regroupé, l’exercice pluriprofessionnel, la prévention et les approches éducatives, sans en construire ou proposer en préalable une catégorisation formelle.

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Tschannen, O., 2010. L’entretien collectif en contexte. Communication, (Vol. 28/1), pp.161–190. Available at: http://communication.revues.org/2091 [Accessed December 20, 2014] (Citation extraite du § 26)

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Ce comité de pilotage, animé par l’Irdes, instance chargée de l’évaluation des NMR, comprend une trentaine de membres, représentants de la Direction de la sécurité sociale (financeur de l’expérimentation et pilote du dispositif expérimental), de la Direction générale de l’offre de soins, de la Cnamts, de la Fédération nationale des maisons et pôles de santé (FFMPS) et de fédérations régionales, de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS), de médecins et infirmiers exerçant dans des structures d’exercice regroupé concernées par l’expérimentation, de représentants des Agences régionales de santé chargés de contractualiser avec les équipes de soins primaires dans le cadre de l’expérimentation, et de membres de l’équipe Irdes/PROSPERE.

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Dodier, N., 2010. Sciences de la société. In B. Auray & D. Fassin, eds. Santé publique, l’état des savoirs. Paris: La découverte, pp. 81–93.

II.3.2. Une analyse initiale monographique

Une monographie a été tout d’abord effectuée pour chaque projet ou lieu pluriprofessionnel, resitué dans son environnement. L’approche monographique a été choisie pour sa capacité à mettre en évidence les questions que pose l’innovation organisationnelle en soins primaires, en montrant « en quoi les observations recueillies éclairent ce qui se joue ailleurs, mais plus encore [... pour] soulever de nouvelles hypothèses de travail, [...] induire de nouvelles orientations de recherches » (Véga 1997)63.

Chaque monographie a permis d’ordonner l’histoire de la structure et des projets, de décrire leur réalisation effective, le parcours des différents acteurs, leur rôle dans le projet, le sens qu’ils lui donnent, leurs interactions entre eux et avec leur environnement, leurs pratiques (avec une attention particulière pour les pratiques pluriprofessionnelles), leur avis sur les ressources et les difficultés, sur la situation et son évolution possible.

Dans les quatre MSP en fonctionnement, les monographies ont permis de décrire également l’architecture des locaux et les perspectives d’aménagements, les modalités de management mises en place, l’usage et la ventilation des financements ainsi que leur justification.

Dans le manuscrit, les lieux ont été anonymisés par le recours à une lettre (MSP X (projet étudié dans le cadre du premier terrain), MSP A, B, C et D (pour les structures du second terrain), et les personnes par l’indication de leur profession suivie d’un numéro.

II.3.3. Un codage ouvert, puis orienté suivant des approches spécifiques adaptées aux diverses questions étudiées

II.3.3.1. Des approches théoriques combinées et articulées

Ce travail de thèse, confronté, comme on vient de le décrire ci-dessus, à différentes problématisations de l’objet « soins de premier recours » selon des angles et à des niveaux différents, a affronté la difficulté ainsi créée en s’efforçant de mobiliser et de combiner plusieurs approches théoriques afin d’éclairer l’objet « soins de premier recours » puis l’objet « prévention » et surtout la notion d’évolution de pratiques médicales, sous des angles complémentaires, émergents et choisis de manière inductive au fil des terrains et des opportunités rencontrées.

C’est ainsi que j’ai été conduite à me référer à l’approche interactionniste pour étudier les formes d’engagement des acteurs en lien avec les possibilités fournies par leur environnement, reprenant ainsi la démarche utilisée par Isabelle Baszanger quand elle cherche à « saisir la diversité du cheminement des jeunes généralistes jusqu’à leur première insertion professionnelle » (Baszanger 1983)64, en étudiant la définition progressive du rôle et la manière dont il lui est donné sens. Elle

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Véga, A., 1997. Les infirmières hospitalières françaises : l’ambiguïté et la prégnance des représentations professionnelles.

Sciences sociales et santé, 15(3), pp.103–132.

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Baszanger, I., 1983. La construction d’un monde professionnel : entrées des jeunes praticiens dans la médecine générale.

présente la diversité que peut recouvrir ce sens à travers un essai de typologie détaillant les systèmes de catégories sous-tendant chaque construction du monde professionnel. Ces constructions sont l’aboutissement de choix mobilisant des ressources très diverses. « Les systèmes de catégories ainsi constituées sont en quelque sorte le résultat d’une négociation d’un aménagement entre les ressources issues des études et celles issues de l’environnement professionnel et social » (Baszanger 1983: 277). Dans cette perspective, les médecins généralistes engagés en tant que promoteurs dans l’élaboration ou comme pionniers dans la mise en place de ces MSP se présentent comme relevant d’un des segments particuliers de la profession qu’elle met en évidence. Ces acteurs sont également particuliers, selon Janine Barbot, par la manière dont ils définissent les enjeux de leur pratique, en l’occurrence celle des soins primaires, et par la manière dont ils construisent leur positionnement par rapport à d’autres acteurs (Barbot 1999)65.

C’est également ainsi que j’ai été ensuite conduite à me référer aux opérations de traduction, telles qu’elles sont apparues à l’œuvre de façon répétée dans la construction d’un projet entre professionnels de santé, institutionnels, usagers et élus locaux, ce qui m’a incitée à recourir aux concepts et analyses de la sociologie de l’innovation et de la traduction développée notamment par Michel Callon, Madeleine Akrich et Pierre Lascoumes66. Ce recours et ses résultats sont décrits en particulier dans un article publié dans la revue Sciences Sociales et Santé (Fournier 2014a)67 : « Le projet étudié est pensé comme une « innovation », c’est-à-dire comme « l’émergence de nouvelles

pratiques sociales » nécessitant des opérations de « traduction » entre différents mondes (Akrich et

al. 2006; Callon 1986)68. Dès sa conception comme lors des étapes suivantes, il met en relation, donc

en « réseau », divers acteurs impliqués à différents titres — médecins, paramédicaux, élus locaux — selon une configuration « émergente » (et non « consolidée ») dans laquelle « identités, intérêts et

compétences sont le résultat de traductions provisoires et expérimentales » (Callon 1999: 41)69. On y

distingue aisément, en effet, les étapes successives de « problématisation », d’« intéressement des acteurs », d’« enrôlement » et de « mobilisation des alliés ». Au niveau communal, ce projet résulte d’un processus d’action collective se déployant autour de phases de « transcodage » visant à «

rendre gouvernables » (Lascoumes 1996)70 les problèmes médicaux locaux. La mobilisation

progressive des professionnels de santé et des politiques induit l’« agrégation de positions diffuses », tandis que l’expérience d’éducation thérapeutique associée au projet favorise tout à la fois le

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Barbot, J., 1999. L’engagement dans l'arène médiatique. Les associations de lutte contre le site. Réseaux, 17(95), pp.155– 198.

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Akrich, M., Callon, M. & Latour, B., 2006. Sociologie de la traduction : textes fondateurs, Paris: Presses de l’Ecole des Mines. Lascoumes, P., 1996. Rendre gouvernable : de la traduction au « transcodage ». L’analyse des processus de changement dans l’action publique. In Cerapp, ed. La gouvernabilité. Paris: PUF, pp. 325–338.

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Fournier, C., 2014a. Concevoir une maison de santé pluriprofessionnelle : paradoxes et enseignements d’une innovation en actes. Sciences sociales et santé, 32(2), pp.67–95.

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Akrich, M., Callon, M. & Latour, B., 2006. Sociologie de la traduction : textes fondateurs, Paris: Presses de l’Ecole des Mines.

Callon, M., 1986. Eléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins- pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc. L’année sociologique, 36, pp.169–208.

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Callon, M., 1999. Le réseau comme forme émergente et comme modalité de coordination : le cas des interactions stratégiques entre firmes industrielles et laboratoires académiques. In Réseau et coordination. Paris: Economica, pp. 13–64.

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Lascoumes, P., 1996. Rendre gouvernable : de la traduction au « transcodage ». L’analyse des processus de changement dans l’action publique. In Cerapp, ed. La gouvernabilité. Paris: PUF, pp. 325–338.

« recyclage de pratiques établies » et la « diffusion élargie des constructions effectuées ». L’appel à un consultant externe incitera à la « structuration des audiences de décision » (Lascoumes 1996: 336).

Plus encore, en décrivant, au sens de Bruno Latour (Latour 2006), les multiples ajustements entre les acteurs (et avec les autres et le monde) qui construisent l’objet « soins primaires », à travers des opérations de qualification, de classification, d’adaptation par lesquels les acteurs des maisons de santé pluriprofessionnelles perçoivent leur environnement et s’y situent, ainsi qu’à travers les procédés de cohabitation qu’ils établissement, ce qui est mobilisé, c’est une approche à la fois dynamique et pragmatique (Dodier 1993)71, qui s’avère pertinente et féconde pour la question posée ici. Quelles sont les formes publiques prises par l’objet « soins primaires », telles qu’elles se déploient dans un espace local ? Par quels procédés des arrangements stratégiques, politiques, techniques, matériels, cognitifs, discursifs… plus ou moins stables sont trouvés entre ces formes et les acteurs qui en sont porteurs, formant un « agir de soins primaires » ? (Monneraud 2009)7273 On s’interroge donc

sur la manière dont sont pensés et construits les soins primaires -et notamment la pluriprofessionnalité, composante et forme originale de travail dans les MSP - et la manière dont sont élaborées les pratiques préventives, qui nous intéressent particulièrement (même si il s’agit de niveaux différents d’élaboration), en tant qu’objet politique et objet d’action publique. On cherche également à apprécier comment ils sont produits à travers des processus évolutifs et plus ou moins stabilisés d’associations d’acteurs multiples, tous porteurs de légitimité.

Enfin, la multiplicité des dispositifs mis en place dans les MSP étudiées (nouveaux modes de rémunération, programmes d’éducation thérapeutique du patient, évaluations…) conduit à mobiliser la sociologie des instruments (Lascoumes & Le Galès 2004b)74 pour mieux comprendre les « problèmes posés par le choix et l’usage des outils (des techniques, des moyens d’opérer, des dispositifs) qui permettent de matérialiser et d’opérationnaliser l’action gouvernementale » (Lascoumes & Le Galès 2004b: 12). L’analyse des « instruments de l’action publique » retenus, et de leur déploiement, pris à la fois comme traceurs du changement, marqueurs des évolutions et comme porteurs d’effets, apporte un éclairage complémentaire pertinent sur les transformations en cours dans l’exercice regroupé en soins primaires.

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Dodier, N., 1993. Les appuis conventionnels de l’action. Eléments de pragmatique sociologique. Réseaux. Communication,

Technologie, Société, 11(62), pp.63–85.

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Monneraud, L., 2009. L’agir sanitaire. Processus et formes d'expressions à travers le cas aquitain. Thèse pour le Doctorat de sciences politiques, Bordeaux 4.

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La manière dont Lise Monneraud mobilise cette approche pour aborder la question de l’« agir sanitaire » dans des collectivités locales fournit un exemple de sa fécondité, dans des espaces de pratiques en pleine redéfinition qui offrent des similitudes avec celui des soins primaires dans les lieux d’exercice regroupé.

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Lascoumes, P. & Le Galès, P., 2004b. Gouverner par les instruments, Paris: Presses de la fondation nationale des sciences politiques.

II.3.3.2. Des modalités de codage différenciées selon les terrains (théorisation ancrée) Données issues du 1er terrain :

Après l’élaboration de la monographie du projet et la reconstitution de ses différentes phases, le codage qualitatif des entretiens et observations a été effectué selon trois dimensions : par catégories ouvertes, puis de façon transversale par type de professionnels, enfin de façon sélective selon la trame d’analyse choisie pour chaque question (voir II.3.1.1).

Données issues du second terrain :

L’analyse qualitative des données s’est inscrite dans une approche inductive à trois chercheurs, intéressant plusieurs questions précises, articulées avec les résultats de l’évaluation quantitative. Après la réalisation d’une monographie pour chaque structure, les données ont été analysées par thèmes prédéfinis au regard des guides d’entretien et des hypothèses de l’évaluation quantitative puis elles ont été analysées par thèmes émergents75. Puis une seconde analyse a été menée à partir des retranscriptions d’entretiens, en étudiant plus précisément 1) les modalités d’engagement des professionnels dans le regroupement et/ou dans des activités nouvelles, y compris préventives et éducatives et 2) certains dispositifs étudiés comme des instruments de gouvernement.

II.3.3.3. Une approche indirecte du thème de la prévention

Dans ces deux terrains, le choix a été fait de ne pas centrer les entretiens directement sur la prévention, dans le souci d’appréhender quelle place celle-ci prend spontanément dans le discours et les pratiques des professionnels. En effet comme le remarque Lise Monneraud lorsqu’elle explore la perception que des élus locaux ont de la santé, ce qu’avaient également pointé, comme d’autres, Claudine Herzlich et Janine Pierret (Herzlich & Pierret 1984)76, « l’enquête de terrain révèle combien

la santé ne peut être conçue ni comme un domaine autonome, ni comme un « ensemble pratique », bien repérable dans ses limites, et identifiable dans ses fonctionnements […]. Elle est plutôt le fruit de retraductions, recompositions auxquelles procèdent les acteurs de manière pragmatique, en fonction de leur position et de leurs capacités d’action » (Monneraud 2009; Monneraud 2012: 91)77.

C’est cette manière d’appréhender la « santé », en perpétuelle retraduction et recomposition, que nous avons étendue et appliquée aux « soins primaires », aux « pratiques pluriprofessionnelles » et à la « prévention ».

L’objectif de ce travail n’était pas de recenser de façon systématique toutes les actions menées par les acteurs des MSP au titre des « soins primaires » et de la « prévention », mais en déplaçant le point de vue de pouvoir déceler les processus ou les arguments qui permettent à différents acteurs de se positionner comme légitimes dans ces domaines. De même, il ne s’agit pas ici d’évaluer si leur intervention a des conséquences effectives sur la santé de la population, mais bien de comprendre

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Voir le rapport en ligne (Fournier, Frattini, et al. 2014a)

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Herzlich, C. & Pierret, J., 1984. Malades d’hier, malades d’aujourd’hui, Paris: Payot.

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Monneraud, L., 2012. Pouvoirs locaux et santé : construction de compétence ou déconstruction des compétences ? Observation de l’intervention des collectivités et pays aquitains en matière de santé. In Agir pour la promotion de la santé.

ce qu’ils font, et comment ils le font, soit leurs différentes manières d’agir et le sens qu’ils leur donnent, quand ils se disent effectuer des soins primaires ou faire de la prévention, ou développer des pratiques pluriprofessionnelles, et surtout comment ils y parviennent. Ce qu’il importe de montrer est la manière dont les soins primaires, et dans certains cas la prévention, sont abordés et rendus effectifs à travers un processus de déconstruction/reconstruction de pratiques plus ou moins définies.

Nous avons ainsi confronté les entretiens abordant ces thèmes menés dans les différentes MSP, afin d’analyser la manière dont les professionnels en parlent comparativement à différents autres thèmes importants pour eux et évoqués spontanément. J’ai également exploité des entretiens collectifs retranscrits dans le cadre d’une étude régionale sur la prévention dans les MSP menée par l’Association des pôles et maisons de santé libéraux des Pays de la Loire (APMSL 2013)78, qui permettaient de mettre en perspective nos données recueillies sans se focaliser sur la prévention, avec celles recueillies par l’APMSL en ciblant les questions sur les pratiques préventives.

II.3.3.4. Modalités d’analyse des entretiens collectifs

Concernant les modalités d’analyse des entretiens collectifs, comme le propose Tschannen, « on ne considérera ni la dynamique de groupe comme un « biais » (ce qui peut être le cas si c’est d’abord au contenu de l’échange qu’on s’intéresse) ni le contenu comme une sorte de bruit de fond sans importance sur lequel se déroulerait la dynamique de groupe (ce qui peut être le cas si c’est avant tout à celle-ci qu’on s’intéresse). » Au contraire nous tenons compte, dans la conduite et dans l’analyse de l’entretien collectif, de trois aspects complémentaires, en les intégrant au mieux : « le contenu (ce qui est dit), le contexte interactionnel (le contexte dans lequel cela est dit) et la manière dont c’est dit (l’énonciation). Entre ces trois niveaux, les liens sont nombreux et denses. Par exemple, le contenu dépend du contexte interactionnel : ce qui est dit sera très différent selon que le locuteur se positionne, implicitement, dans le registre du discours « officiel » à « usage public », ou au contraire dans le registre « personnel » de ce qui se dit « entre nous » » (Tschannen 2010)79.

Cette approche nous a permis d’assister au cours des entretiens collectifs à la confrontation des points de vue de professionnels différents sur les questions abordées, points de vue tantôt convergents, tantôt très contrastés au sein d’une même profession ou entre membres de professions différentes, qu’il était ainsi possible de replacer dans les situations interactionnelles où elles étaient exprimées. Cela permettait de saisir en même temps les modalités d’interaction entre les professionnels, de percevoir leur plus ou moins grande habitude du débat et la manière dont ils se positionnaient les uns par rapport aux autres, reflets audibles et observables de leurs relations interprofessionnelles (qu’ils nous décrivaient parfois par ailleurs lors d’entretiens individuels ou d’autres entretiens collectifs). Nous avons ainsi également pu croiser les points de vue énoncés dans des entretiens distincts, qu’ils soient individuels (avec les coordinateurs) ou collectifs (avec les autres professionnels).

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APMSL, 2013. Mettre en oeuvre des actions de prévention en maisons de santé pluri-professionnelles : besoins, expériences modélisantes et perspectives, Nantes : Association des pôles et maisons de santé libéraux des Pays de la Loire.

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II.3.4. Une position d’acteur chercheur et une position engagée avec réflexion sur l’interdisciplinarité

Dans leur rapport de prospective sur les sciences humaines et sociales (SHS) et la santé, les membres du groupe de travail de l’Alliance Athena80 (2013) mettent en avant la pertinence de prendre en compte des thématiques et questions émanant des mondes professionnels (clinique, secteur médico-social, sphère associative et grand public), tout en suggérant, pour le faire, de prendre pour point de départ de ces travaux l’état en cours des questionnements scientifiques dans les champs disciplinaires concernés plutôt que de se focaliser, avec le risque de le faire alors trop étroitement, sur les questions et objets identifiés par ou pour la santé publique. Ils soulignent la possibilité et l’intérêt d'une re-problématisation partagée, dont la difficulté n'est pas éludée, et pour cela l’importance et la fécondité potentielle de s'inscrire dans une « position d'interface », qui doit elle-même faire l'objet d'une attention particulière.

La « position d’interface » que j’ai voulu adopter, variable selon les terrains, doit être précisée et discutée, du fait de son influence possible sur le processus de la recherche et sur ses résultats (Chabrol & Girard 2010)81. Cette réflexion est d’autant plus importante que j’ai choisi, comme je l’ai signalé ci-dessus, de saisir diverses opportunités d’accès au terrain qui m’ont été ouvertes du fait même que des acteurs professionnels avaient des demandes à mon égard, autour de projets construits ou en cours. Lors des rencontres initiales avec ces « commanditaires », les négociations ont eu en effet un caractère déterminant, « en ce qu’elles constituent un premier contact avec le terrain au cours duquel un projet peut prendre corps, se concrétiser et se lester éventuellement du poids du questionnement authentique d’une partie des acteurs. » (Derbez 2010)82.

J’examine ici dans chaque terrain les circonstances et modalités de mon engagement et les questionnements dont la recherche s’est lestée, puis la position occupée dans chaque terrain et son influence possible sur mon travail de recherche, ainsi que les dispositions prises pour tenir compte de cette position dans l’analyse des données. Cela permet de rendre compte de la manière dont la