• Aucun résultat trouvé

L’invention du Val de Drôme par le syndicat intercommunal éponyme et la mise en œuvre d’une politique locale de

logique de guichet (1970-1990)

2.2. L’invention du Val de Drôme par le syndicat intercommunal éponyme et la mise en œuvre d’une politique locale de

développement, où la rivière tient une place centrale

Le Val de Drôme est une invention de quelques élus locaux, à la fin des années 1970, qui

souhaitaient un développement indépendamment des agglomérations de Valence et de Montélimar, très influentes dans le couloir rhodanien. Ces élus créent un syndicat (1980) puis

un district (1987) portant le nom inédit de Val de Drôme et regroupant les cantons de Loriol,

Crest Sud, Crest Nord et Bourdeaux. Cette structure intercommunale construit progressivement sa propre politique de développement par le biais de l’élaboration d’une charte de territoire, dès 1987. Contrairement au Diois, la rivière Drôme et l’eau en général jouent un rôle central dans la construction et le développement intercommunal du Val de Drôme.

118 On notera donc le sens particulier attribué ici au terme de « vallée de la Drôme », qui ne désigne pas l’entité hydrologique délimité par les lignes de crêtes (le bassin versant), mais plus spécifiquement la zone en bordure de la rivière Drôme, au relief moindre, concentrant les voies de communication, la population et certaines activités économiques, se distinguant en cela des zones au relief plus accentué, moins accessibles.

119 La rivière joue néanmoins un rôle dans le renforcement de l’identité dioise et la construction de son projet territorial, en particulier dans le cadre d’un conflit autour d’un projet de barrage à la fin des années 1980 (chapitre suivant).

120 Les actions envisagées dans le PAR concernant ce domaine portent en effet notamment sur la lutte contre la fermeture des paysages (entretien forestier et des parcours d’élevage), l’établissement d’un cahier de charges architectural ou encore l’organisation de la collecte des déchets (BEAUR et DDAF Drôme, 1974).

2.2.1. La naissance de la structure intercommunale du Val de Drôme

Au milieu des années 1970, une nouvelle génération d’élus, de maires et de conseillers généraux, arrive au pouvoir. Rompant avec les notables issus de la Libération, elle se

préoccupe de développement local autour d’enjeux comme l’emploi et la qualité de la vie.

Voyant s’organiser les zones rurales alentours, comme le Vercors, les Baronnies ou le Diois, les conseillers généraux des cantons de Loriol, de Crest Nord, de Crest Sud et de Bourdeaux, les maires des trois villes de Crest, de Loriol et de Livron ainsi qu’un certain nombre de maires de communes rurales sensibilisés à ces nouvelles problématiques, décident de

travailler ensemble. Ils choisissent alors le nom de Val de Drôme (entretien personnel, 2010).

Ils sollicitent auprès de la DDAF et du Préfet de la Drôme l’engagement d’un Plan d’Aménagement Rural, dont l’élaboration démarre en mai 1977 et préparent la création d’un syndicat : le Syndicat d’Etudes et de Coordination du Val de Drôme (SECVD) (arrêté

préfectoral n°3897 du 30/06/1978)121.

Le PAR est approuvé deux ans après le démarrage de son élaboration, mi-1979. Le même bureau d’étude que dans le Diois, le BEAUR, est chargé de sa rédaction (Pouyet, 1979), après une intervention de l’Institut de Géographie Alpine sur le dossier préliminaire (Dauchez, Reynier et Trescol, 1977). Comme dans le Diois, l’élaboration du PAR Val de Drôme est l’occasion d’engager une dynamique entre les collectivités locales, les organisations professionnelles, les administrations et les associations. Il est construit de manière participative et concertée, par le biais d’enquêtes dans les communes et de groupes de travail thématiques, sur l’agriculture, le commerce et l’industrie, le tourisme, l’action culturelle et les infrastructures rurales. La FRAPNA est particulièrement active dans cette élaboration : elle

rédige la partie du diagnostic portant sur les « richesses naturelles du Val de Drôme »

(Pouyet, 1979). La presse locale (Le Crestois, le Dauphiné Libéré, la Gazette de la Gervanne,

...) relaie régulièrement les avancées du PAR.

Le PAR Val de Drôme concerne les 42 communes des quatre cantons de Crest Sud, Crest Nord, Bourdeaux et Loriol. Son diagnostic insiste sur la progressive reprise démographique de la zone, le dynamisme de l’activité agricole malgré un exode qui se poursuit ainsi que sur le déclin de certaines activités industrielles, comme dans le textile, avec toutefois de nouvelles possibilités émergentes, dans la construction mécanique, le nucléaire et les industries agro-alimentaires. Il note aussi la faiblesse des activités liées au tourisme malgré le potentiel mis en évidence par le Comité Départemental du Tourisme.

Le PAR fixe des objectifs thématiques comme dans le PAR Diois : le premier porte sur le renforcement de l’activité agricole (compétitivité des industries agro-alimentaires, développement du potentiel agricole, notamment via l’irrigation) ; le second sur l’emploi dans l’artisanat, le commerce et l’industrie et les infrastructures routières ; le troisième sur les

activités touristiques et l’amélioration des infrastructures rurales (« développer l’attractivité

du val de Drôme ») (Pouyet, 1979). Les investissements prévisionnels du PAR sont évalués à

203 MF pour une période de 10 ans122. La priorité est donnée comme dans le PAR Diois à

121 Ce dernier vient se superposer à 24 autres syndicats sur la zone à vocation sectorielle (télévision, électrification, digues, ordures ménagères) ainsi qu’à 3 syndicats à vocation multiple : celui du PNR du Vercors pour deux communes, celui du canton de Bourdeaux, et un troisième regroupant les communes d’Allex, de Eurre et de Montoison. Le SECVD a la vocation de contribuer à l’élaboration du PAR puis à sa mise en œuvre.

122 Les financements prévus proviennent à 5% de l’Europe (FEOGA sur l’équipement des campagnes en eau, électricité et voirie exclusivement), à 23 % de l’Etat (différents ministères, crédits classiques ou fonds spéciaux

l’aménagement routier, qui cumule à lui seul 32% des investissements totaux, ainsi qu’à l’équipement des communes, en particulier rurales (électrification, voirie, AEP, assainissement, ...) qui constituent 45% des investissements du 2ème volet. Le volet agricole représente 11% des investissements envisagés.

Le PAR Val de Drôme comprend un objectif dédié à la structuration de la décision et de

l’action intercommunale123. Fin 1979, un animateur est recruté par le syndicat, subventionné à

55% par le Département, avec la mission de préparer la candidature à un Contrat de Pays

régional, instrument financier permettant la mise en œuvre du PAR124. En outre, les statuts du

syndicat d’études sont révisés afin d’accroître sa compétence à la maîtrise d’ouvrage d’opérations d’aménagement et de gestion (Pouyet, 1979). Il se transforme ainsi en Syndicat d’Aménagement du Val de Drôme en 1980 (arrêté n°2636 du 26/03/1980). Les communes délibèrent progressivement pour adhérer au syndicat après la signature du PAR : 40 d’entres elles y adhèrent soit l’ensemble des 4 cantons à l’exception de deux petites communes : celle de Ourches et d’Ambonil (Figure 34). Le nouveau syndicat intercommunal prend les

compétences suivantes : « l’animation des communes », « l’étude, la mise en œuvre et la

gestion des politiques contractuelles avec le département, la région ou l’état » et « l’étude, la

réalisation et la gestion de tous les projets d’aménagement, de développement économique et

d’équipements» (arrêté n°2636 du 26/03/1980). Il se consacre dans un premier temps à des

actions dans le secteur agricole, puis rapidement dans les secteurs de l’habitat, du cadre de vie, puis du tourisme.

Dans une « logique de développement par filière », la structure intercommunale du Val de

Drôme s’appuie d’une part, sur des procédures contractuelles issues de la politique régionale,

comme les Contrats de Pays et les Opérations programmées d'Amélioration de l'Habitat125 et

d’autre part sur l’organisation à l’échelle intercommunale autour d’actions fédératrices comme le transfert des déchets, la gestion de l’eau ou encore l’accueil des entreprises (District

d'Aménagement du Val de Drôme et AGEPAR, 1995)126. En 1990, avec l’engagement du

Contrat de Rivière, la structure intercommunale du Val de Drôme accueille et pilote

également une équipe « rivière » (voir point 3).

fonds d’action ou de rénovation rural par ex), à 10% de la Région, à 25% du Département, à 23% des collectivités locales et pour les 14% restant du privé et des particuliers.

123 Il s’agit d’« adapter les structures de décision et de financement au programme de développement », en élargissant la vocation du syndicat d’étude à la gestion d’équipements communaux et en se dotant de moyens techniques et financiers spécifiques.

124 Cet animateur restera au sein de la structure, deviendra des années plus tard le directeur de la structure intercommunale du Val de Drôme.

125 4 OPAH entre 1984 et 1998 pour presque 2000 logements créés.

126 Dès 1982, la structure intercommunale organise la collecte et le transfert puis progressivement le traitement des ordures ménagères sur 18 communes. En 1993, ce sont 50 communes qui adhèrent à ce service, dont 33 membres de la structure intercommunale et 14 communes extérieures en convention. L’équipe technique se renforce progressivement et atteint 10 personnes en 1998 (District d'Aménagement du Val de Drôme, 1998).

2.2.2. Les procédures régionales contractuelles au service d’une

politique intercommunale de développement

Parmi les procédures contractuelles permettant la mise en œuvre des orientations du PAR, la structure intercommunale du Val de Drôme s’engage dans un Contrat de Pays en 1981. Ce dernier s’appuie sur une réactualisation du diagnostic du PAR et procède à la priorisation de certaines actions. Le travail d’élaboration se poursuit à travers les groupes de travail thématiques constitués lors du PAR. En termes financiers, les investissements totaux prévus s’élèvent à 20 MF, subventionnés à environ 30% par la Région. Ils concernent le développement de certaines productions agricoles (porcelets, asperges, fruitiers), des soutiens ponctuels à des activités de commerce, d’industrie et de nature touristique, deux Opérations Programmée d’Amélioration de l’Habitat (Crest et Livron), le développement de l’animation socioculturelle, le renforcement de services collectifs et l’animation intercommunale. La seule action concernant l’eau est l’aménagement d’une base de loisirs, avec création d’un petit plan d’eau sur la Gervanne, un affluent de la Drôme. Ce Contrat de Pays ne permet la réalisation

que de quelques actions limitées127 mais participe du renforcement de la structure

intercommunale et de ses partenariats avec le monde économique. Il permet en particulier le transfert de la compétence de la gestion des ordures ménagères et le financement de deux postes d’animation dans le domaine (Syndicat d’Aménagement du Val de Drôme, 1989). Au milieu des années 1980, des débats opposent les élus autour des compétences syndicales. La majorité choisit d’affirmer la politique intercommunale en matière de développement économique, ce qui provoque le départ de deux grosses communes qui y sont opposées, celles de Grâne et d’Allex en 1984 (arrêté préfectoral n° 726 du 07/07/1984). En vue d’accroître ses moyens d’actions et de préciser ses objectifs, la structure intercommunale s’engage, en

décembre 1985, dans la réalisation d’une « charte intercommunale du Val de Drôme », devant

déboucher sur un programme d’action pluriannuel128. Le travail d‘élaboration est mené dans

le cadre de commissions thématiques qui associent les élus, les professionnels et les associations. Des études sur les différents domaines d’intervention du syndicat sont menées et permettent à la fois de révéler les spécificités et potentialités locales et de préciser les priorités. Elles participent à la diffusion et au partage d’une vision commune du territoire, ensuite formalisée dans la charte. Cette dernière est terminée en 1987 et se décline autour de

trois thèmes centraux : « le développement, la solidarité et l’environnement » (District

d'Aménagement du Val de Drôme et AGEPAR, 1995).

Ces réflexions aboutissent à la création du District d’Aménagement du Val de Drôme, en remplacement du Syndicat éponyme en 1987 (arrêté n°3350b du 25/06/1987) (Figure 34). Le statut de district permet de recourir à la fiscalité locale propre. Le District a une durée limitée de 6 ans et comprend 38 communes : les mêmes que celles du Syndicat, soit l’ensemble des quatre cantons, à l’exception de 4 communes (Ourches, Ambonil et donc, Grâne et Allex). Il garde des compétences identiques à celle de l’ancien syndicat, soit l’animation et le

développement économique, en mettant « l’accent sur le développement économique du Val

de Drôme, par la création, l’installation, le développement d’entreprises et le lancement

d’actions inter-entreprises » (Val de Drôme Info n°1, juin 2000).

127 Dans le secteur agricole, seuls 2.8 MF sur les 4.5 MF prévus sont consommés, par exemple.

Figure 34 : Carte de présentation de la structure intercommunale du Val de Drôme (en 1979 et 1987)

La structure intercommunale du Val de Drôme renforce progressivement son équipe technique par le recrutement de chargés de missions thématiques, en premier lieu dans les domaines de l’agriculture, de l’appui aux entreprises, du social et du tourisme. Par rapport à la structure intercommunale du Diois, celle du Val de Drôme se dote de moyens humains et financiers plus importants (ANNEXE 2.6). En 1986, la structure intercommunale comprend 9 salariés et ses ressources sont basées sur une cotisation de 20F/habitant, sans compter les cotisations spécifiques pour le service des ordures ménagères (Jouve, 1991). En 1992, la

structure comprend 11 équivalent temps plein (Vargas, CCVD, 2010)129.

En 1989, la structure intercommunale du Val de Drôme signe un Contrat de Pays de Développement Economique (District d'Aménagement du Val de Drôme et Conseil régional Rhône-Alpes, 1989). Le Contrat prend acte de la reprise démographique, notamment avec l’arrivée d’une population jeune et le ralentissement de la disparition des exploitations

agricoles. Le Val de Drôme se revendique comme une zone « suburbaine » plutôt qu’une

« zone rurale ». Il n’est donc plus question de relance de la croissance démographique, mais

plutôt de maintien et d’accroissement des possibilités d’emploi130. En termes de méthode, le

Contrat affiche non plus un découpage sectoriel, mais un découpage par type d’action : appui

129 Pour mémoire, en 1989, cette cotisation est de 6 F / habitant pour la structure intercommunale du Diois.

130 Il apparaît en effet inéluctable que de nombreux emplois, liés à des secteurs en crise ou à des affaires trop fragiles, vont disparaître, tels dans l’industrie textile et agroalimentaire en particulier la coopérative laitière de Crest et les abattoirs avicoles). L’objectif est alors de « conserver les emplois existants et de créer les conditions d’environnement favorables à l’installation de nouvelles activités ». Il s’agit de moderniser les outils de production, de développer des stratégies de commercialisation et aussi d’améliorer les conditions d’implantation de nouvelles activités.

technique, équipement, promotion. Il s’agit « d’apporter une réponse globale aux problèmes

de développement local ou chaque secteur économique représente le maillon d’une chaîne ».

Ces évolutions manifestent le passage d’une « logique de développement par filière » à « une

logique de développement local global » (District d'Aménagement du Val de Drôme et

AGEPAR, 1995). La structure intercommunale du Val de Drôme définit son rôle comme

« généraliste de l’action, catalyseur de l’initiative locale » ; elle se veut partenaire des élus,

des entreprises en allant « au devant » d’eux (District d'Aménagement du Val de Drôme et

Conseil régional Rhône-Alpes, 1989).

Ces orientations stratégiques ne sont cependant que très partiellement traduites dans le programme d’action. Le total des investissements prévu s’élève a 29 MF dont une grande partie est consacré à l’équipement des entreprises et des exploitations agricoles dans une logique de guichet essentiellement. Comme dans le Contrat de Pays de 1981 et contrairement aux priorités affichées dans le PAR, aucune action ne concerne la gestion de l’eau. Cette dernière est prise en charge, par ailleurs, dans une procédure contractuelle spécifique : le Contrat de Rivière.

2.2.3. La stratégie de construction et de développement territorial de