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2. La grille d’analyse des dimensions territoriales de l’action publique environnementale

A partir des apports conceptuels du premier chapitre, une grille d’analyse des dimensions territoriales de la gestion locale de l’eau est construite. Elle comporte trois parties (Figure 17).

- La première partie analyse la dimension territorialisée de l’action publique de gestion

de l’eau et en particulier l’influence des dynamiques de développement local et des constructions territoriales afférentes, sur les formes et modalités d’organisation et d’action des acteurs de la gestion de l’eau.

- La seconde partie analyse la dimension territorialisante de la gestion locale de l’eau

(soit les constructions territoriales afférentes) et de ses effets sur le développement local : en quoi elle conduit à de nouvelles formes de coordination entre acteurs du développement local et acteurs de la gestion de l’eau, à de nouveaux projets et à de nouvelles productions territoriales.

- Ces deux dimensions permettent d’identifier les ressorts territoriaux de la gestion de

l’eau. L’analyse de ces ressorts territoriaux compose la troisième partie de la grille : qui, quand, comment, et pour faire quoi ? Pour quelle contribution à l’efficacité environnementale ? ph as e t em por el le n-1 territoire de l’eau projet de gestion de l’eau projet de

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Gestion de l’eau Développement territorial

projet territoire projet territoire

Figure 17 : Schématisation de la grille de lecture des processus de gestion l’eau et de développement territorial

Cette grille analytique est appliquée aux trois phases de l’histoire de la gestion de l’eau dans la vallée de la Drôme, comme trois moments de reconfiguration des systèmes d’action de la gestion de l’eau, sous l’effet de différentes dynamiques locales et supra-locales.

2.1.La dimension territorialisée de la gestion de l’eau

Les objectifs et les cadres de la politique de l’eau ont fortement évolué dans les quatre dernières décennies (chapitre 1). Au niveau local, la mise en œuvre de l’action publique de la gestion de l’eau répond à ces prérogatives ou injonctions nationales ou européennes, mais en

les adaptant, en les renforçant ou au contraire en les affaiblissant. Elle est ainsi territorialisée,

c'est-à-dire territorialement située.

Les configurations socio-spatiales propres au lieu et au moment de la mise en œuvre de la politique de l’eau influent sur les formes et modalités qu’elle peut adopter, et en particulier celles induites par l’action publique de développement local.

Quatre volets d’analyse de la dimension territorialisée de la gestion de l’eau sont ainsi

définis, s’inspirant du cadre d’analyse proposé par Gumuchian et al. (2003)80 (Tableau 1):

- les territoires hérités autour de l’eau de la période précédente ;

- l’inscription locale des dynamiques socio-spatiales globales, en particulier politiques

et législatives, démographiques, économiques, en ciblant celles liées aux écosystèmes aquatiques et à leurs usages ;

- les systèmes d’action du développement local et leurs constructions territoriales, sous

l’effet des prérogatives et injonctions supra-locales : analyse des logiques institutionnelles (organisation, normes, règles) et des stratégies territoriales des acteurs du développement ; caractérisation des productions territoriales qui les appuient et en résultent ; analyse des interactions avec l’objet eau, ses usages et sa gestion ;

- les systèmes d’action de la gestion de l’eau, sous l’effet des prérogatives et injonctions

supra locales : analyse des logiques institutionnelles et des stratégies territoriales des acteurs de la gestion de l’eau ; analyse des interactions avec les projets et les constructions territoriales de la politique de développement local

Les systèmes d’action de la gestion de l’eau sont analysés en quatre points (Le Bourhis, 2004) : (i) la situation locale ; (ii) la configuration des réseaux d’acteurs ; (iii) les représentations de l’eau qu’ils construisent ; (iv) la façon dont ils posent le problème de la gestion de l’eau et le résolvent, soit les modalités du projet d’action collective.

80 Les auteurs proposent trois postures combinées pour analyser l’action territorialement située : (i) par le « truchement des processus socio-spatiaux » (universels ou particulier, intemporels ou contemporains), (ii) par la mise en évidence des normes, des règles institutionnelles et de leurs déterminants spatiaux, (iii) par la question des stratégies d’acteurs. L’action est ainsi le résultat de stratégies d’acteurs, inscrites dans un territoire, contraintes par des logiques institutionnelles, déterminées par des processus politiques ou économiques spatialement situés et socialement significatifs, les héritages territoriaux étant ce qui donnent sens à ces processus socio-spatiaux (Gumuchian et al., 2003).

Critères Sources de données

Les territoires hérités Guides de voyages ; ouvrages géographiques Enquêtes auprès des habitants

Entretiens et cartes mentales Les dynamiques

socio-spatiales

Evolutions politiques, législatives, réglementaires .... Statistiques INSEE / RGA

Diagnostics de territoire Les systèmes d’action du

développement territorial

Evolution des moyens humains et financiers des intercommunalités Documents de projets

Entretiens avec les acteurs du développement territorial Les systèmes d’action de la

gestion de l’eau

Comptes-rendus de réunions Echanges de courriers

Documents de projets (CR, SAGE, ...)

Entretiens avec les acteurs de la gestion de l’eau

Tableau 1 : Grille d’analyse et sources de données des dimensions territorialisées de la gestion de l’eau

2.2.La dimension territorialisante de la gestion de l’eau

La mise en œuvre locale de l’action publique de gestion de l’eau, si elle est territorialisée,

revêt également un caractère territorialisant. Ce processus de territorialisation est de nature

sociale et est indissociablement lié à la situation territoriale existante. Certains acteurs, en interaction, par leurs pratiques et leurs discours, révèlent et partagent des intentions, qui, une

fois activées, constituent des ressources territoriales. Par le biais de ces dernières, ils

transforment les territorialités existantes ou en créent de nouvelles, puis ils œuvrent à leur cristallisation en territoire(s) en leur conférant une assise matérielle et/ou idéelle (Di Meo,

1998 ; Gumuchian et al., 2003).

La dimension territorialisante de la gestion de l’eau est analysée en trois volets (Tableau 2) : (i) le processus de territorialisation, comprenant trois étapes ; (ii) les constructions territoriales en résultant, caractérisés par leur nature (instances géoéconomiques, politiques, idéologiques) et leur force (solidité, lisibilité, stabilité) ; (iii) les interactions avec les autres constructions territoriales, héritées et afférentes aux actions publiques de développement local en particulier.

Critères Corpus mobilisé

prise de conscience et révélation des intentions

sélection, tri et justification du réel spatial

Etapes de la construction territoriale

adoption du territoire, exposition et valorisation

instances géoéconomiques, politiques, idéologiques Caractéristiques de la

construction territoriale

lisibilité, stabilité, solidité

Compte-rendus de réunions Correspondance institutionnelle Documents de Contrat de Rivière et SAGE

Entretiens avec les acteurs Articulations avec les

autres territorialités des usages de l’eau de l’aménagement du territoire Documents de projets et chartes Entretiens avec les acteurs

2.2.1. Les étapes de la construction territoriale

En combinant les points de vue de (Genieys et Négrier, 2002), Gumuchian et al. (2003), Lajarge et Roux (2007) et Ghiotti (2007), Di Méo (2009) et Lussault (2010), le processus de construction territoriale autour de l’eau est découpé en différentes étapes qui ne sont ni linéaires, ni chronologiques. La patrimonialisation, qui obéit à des processus similaires à la territorialisation, peut également être analysée selon les mêmes critères.

La prise de conscience et la révélation de l’intention de ‘faire territoire’

La construction d’un territoire et d’un projet de territoire nécessite une double prise de conscience : (i) de l’intérêt de faire territoire et projet et (ii) de l’existence de potentialités pour ce faire. Ces potentialités sont converties en ressources territoriales, à partir du moment où leur sont attribuées des finalités d’action, autrement dit que l’intention de faire territoire est révélée et activée. Cette intention peut prendre la forme d’un modèle territorial. Il donne du sens à la construction territoriale par la sélection de certaines territorialités parmi les nombreuses possibles.

Dans le diptyque gestion de l’eau/construction territoriale autour de l’eau, deux types d’intentionnalités conduisent à deux façons de révéler et d’activer des ressources territoriales (Lajarge et Roux, 2007), qui ne sont pas exclusives mais au contraire souvent concomitantes : (i) l’une vise à construire un territoire de l’eau par le biais d’un projet de gestion de l’eau, comme solution la plus adaptée et la plus efficace aux objectifs visés ; (ii) l’autre vise à dégager des marges et moyens d’action supplémentaires pour mener à bien un projet, par le biais de la révélation et de l’activation de ressources territoriales. Ces intentionnalités ne sont pas préexistantes, mais émergent et se construisent dans l’action. Le discours est le principal outil de prise de conscience des territorialités existantes et de la révélation de l’intention d’en renforcer certaines en vue de construire le territoire : en modifiant le statut de certains objets spatiaux, en leur affectant du sens, des valeurs, etc.

La sélection, la délimitation et la justification de ‘ce qui fait territoire’

La révélation de l’intention de faire territoire ne suffit pas à faire territoire. Les acteurs portant ce projet doivent convaincre les autres acteurs d’adopter leur modèle territorial, à la place ou en sus de leurs propres territorialités. Il s’agit pour eux de (i) produire une représentation ordonnée du réel spatial par la sélection, le tri et la justification de ce qui fait territoire et de

(ii) favoriser l’adhésion collective à cette représentation (Gumuchian et al., 2003).

La production d’une représentation ordonnée du réel spatial consiste à tirer et sélectionner les éléments matériels de l’espace, à leur attribuer du sens et à les inscrire dans une idéologie territoriale. La délimitation de frontières est un élément déterminant de la construction territoriale, ainsi que la révélation et la construction de hauts-lieux, d’objets emblématiques ou encore patrimoniaux (Sencébé, 2001b). Cette sélection doit être justifiée. La mise en récit de l’espace, dans un discours narratif, faisant appel à la fois à l’histoire et la mémoire collective est une manière de justification fréquemment utilisée (Lussault, 1998 ; Di Meo, 2006).

Afin que cette représentation sélective du réel spatial soit collectivement appropriée, deux conditions sont nécessaires : (i) que les acteurs soient collectivement organisés afin de produire et porter cette représentation et (ii) que les positions entre acteurs soit structurées afin de maintenir dans le temps cette représentation. L’institutionnalisation du projet ou du

groupe d’acteurs qui le porte, est un facteur important d’appropriation de la construction

territoriale (Gumuchian et al., 2003). Cette appropriation collective est également facilitée par

l’intervention d’« animateurs territoriaux » (Gumuchian et Pecqueur, 2007), de médiateurs,

qui recueillent, qui reformulent et traduisent les différentes représentations et intentions.

L’adoption du territoire : exposition et valorisation

Les territorialités sont cristallisées en territoire par des inscriptions matérielles, une institutionnalisation politique ou encore une diffusion idéologique.

L’adoption du territoire se traduit par son appropriation, mais également par son identification, en interne, mais également en externe au groupe. La nomination et la production de formes de représentation imagée ou narrative du territoire contribuent à son

exposition. Cette exposition est nécessaire à la réactivation permanente de l’idéologie

territoriale. La valorisation, en particulier économique et politique, du territoire est également

un facteur de consolidation de celui-ci.

2.2.2. La construction territoriale comme résultante : dimensions,