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EN MILIEU PRIMAIRE

IV.1 Phénomènes de fragilisation par l’hydrogène sur les alliages base Ni à durcissement structural : Etat de l’art.

IV.1.1 Introduction aux phénomènes de FPH

Les notions qui vont être abordées, dans cette partie du mémoire, n’ont pour but que de donner, de manière succincte, les éléments de compréhension des phénomènes de fragilisation assistée par l’hydrogène. D’excellents ouvrages *FIDE-75], [RAYM-88], [CHEN- 92], [BRAS-99+, *PlastOx2007+ dédiés à ce phénomène méritent d’être lus afin d’approfondir la connaissance de ces mécanismes et de mesurer leur diversité.

IV.1.1.1 Aux origines : l’introduction de l’hydrogène dans le matériau

L’hydrogène étant à la fois, l’atome le plus léger sur terre et l’atome associé à l’oxygène dans la constitution de la molécule d’eau, il semble difficile d’éviter sa présence en tant qu’élément trace dans les matériaux. Sa taille étant du même ordre de grandeur que celle des sites interstitiels, l’atome d’hydrogène se positionnera préférentiellement dans les sites interstitiels tétraédriques dans une structure cubique centrée et dans les sites interstitiels octaédriques dans une structure cubique à faces centrées. Sa présence dans le métal peut se traduire par la distorsion du réseau due à son volume molaire partiel élevé relativement à sa taille, ou par une diminution des forces de cohésion du réseau métallique à cause de son aptitude à susciter des interactions électroniques et à localiser les liaisons métalliques.

Une prise d’hydrogène pour les matériaux métalliques est possible à chaque étape de leur vie : de l’élaboration, en passant par la transformation et par l’assemblage, jusqu’à leur utilisation comme éléments de structure [FIDE-75]. Souvent des opérations de dégazage ou d’étuvage lors de l’élaboration et des transformations de la matière suffisent à réduire la teneur en hydrogène et ainsi éviter les risques tandis qu’il est bien plus ardu de contrôler et de prévenir la prise d’hydrogène en service. L’introduction de l’hydrogène en service peut s’effectuer si le matériau est dans un environnement gazeux riche en hydrogène ou en produit hydrogéné, ou si le matériau est dans un milieu agressif et qu’il se corrode *FIDE-75]. Dans ce dernier cas, l’hydrogène en tant que produit de corrosion peut pénétrer dans le matériau et diffuser.

Dans chacun des cas mentionnés ci-dessus, la pénétration d’hydrogène au sein du matériau nécessite le passage par une étape dite d’adsorption de l’hydrogène au niveau de la surface et par une étape de solubilisation de l’hydrogène dans le métal sous-jacent à la surface. S’en suivront les phénomènes de diffusion et/ou de transport dans le volume. La Figure 58 issue des travaux de Brass et al. [BRAS-99] schématise les différentes étapes et niveaux d’énergie associés à la pénétration d’hydrogène dans les matériaux. La différence entre la pénétration à partir d’un milieu gazeux et d’un environnement aqueux y est précisée. Sachant que l’absorption d’hydrogène ne se fait que sous l’état monoatomique,

Chapitre IV. Phénomènes de fragilisation par l’hydrogène en milieu primaire

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une étape de dissociation de la molécule H2 précède l’adsorption (chimisorption) en

environnement gazeux, tandis qu’en milieu aqueux, cette étape est inexistante. Après adsorption chimique et si les conditions thermodynamiques le permettent, l’atome d’hydrogène passe de son site d’adsorption en surface à un site interstitiel vacant dans le métal en subsurface. Ainsi, la pénétration d’hydrogène est régie par de nombreux paramètres qui vont jouer sur les énergies d’activation et les cinétiques des réactions mises en jeu. De manière non exhaustive on peut citer la nature et la pureté du matériau, l’état de surface, la présence d’une couche d’oxyde, l’état de contrainte (ou de déformation) du matériau…

Figure 58. Schéma représentatif des étapes d’adsorption, absorption et diffusion ainsi que des niveaux relatifs d’énergie associés *BRAS-99].

IV.1.1.2 Mobilité de l’hydrogène au sein des matériaux [BRAS-95] [BRAS-99] [CHEN-09].

Une fois inséré en subsurface du matériau, l’hydrogène va migrer dans le matériau. La diffusion réticulaire est le mécanisme de transport de l’hydrogène de site interstitiel en site interstitiel le plus évident. Il est directement lié aux lois de Fick et d’Arrhénius, et est principalement régi par le gradient de concentration entre la subsurface et le cœur du matériau. Cependant d’autres gradients et d’autres phénomènes peuvent intervenir dans le transport de l’hydrogène : courts-circuits et raccourcis de diffusion, piégeage, présence de champ de déformation, de champ de température, etc.

La présence de défauts ponctuels, linéaires ou planaires est souvent prise en compte dans le processus de diffusion des éléments interstitiels. Les interactions entre lacunes et hydrogène, ainsi que des interactions entre les dislocations et les espèces interstitielles, telle que la pipe-diffusion ont été mise en évidence et sont à prendre en compte dans les processus de diffusion. Il a été également démontré que dans certains alliages, et notamment les alliages base Ni, une diffusion préférentielle au niveau des joints de grain pouvait opérer.

En outre, les défauts présents dans le matériau peuvent aussi être considérés comme des pièges à hydrogène et donc avoir une influence sur la solubilité, la diffusion, et sur la fragilisation. Un site de piégeage est un site dans lequel l’hydrogène va voir son énergie potentielle abaissée, et par conséquent, l’occupation de site sera favorisée par rapport à la

diffusion interstitielle classique, qui généralement est ralentie (modification des probabilités et des fréquences de saut). En fonction des caractéristiques des défauts (ponctuels, linéaires,…) et de leur qualité (nature des interactions, interactions longues ou courtes distances, énergie de piégeage), les différents types de pièges dans un matériau peuvent être classés en tant que pièges attractifs, physiques, ou mixtes, et pour des conditions thermodynamiques précises qualifiées de réversibles ou irréversibles. Le caractère attractif, physique ou mixte tient compte principalement de la nature de l’interaction hydrogène/piège alors que le caractère réversible ou irréversible, se fonde sur la valeur d’énergie d’interaction hydrogène/piège. Si le saut d’énergie pour sortir du piège est petit (respectivement élevé), le piège est considéré comme réversible (respectivement irréversible). Ce caractère de réversibilité dépend fortement des énergies d’interactions et donc de la température. Des pièges considérés comme irréversibles à une température, deviennent réversibles à une température plus élevée. Les essais de thermodésorption profitent de ce phénomène pour permettre la mesure de l’énergie de piégeage.

Dans le cas des superalliages base Ni, les pièges suivant ont été détectés par autoradiographie au Tritium par Au [AU-99], [AU-09] : les joints de grains, les carbures, les inclusions, les interfaces précipités/matrices (δ/γ, γ’/γ, γ’’/γ) et les dislocations dans les matériaux écrouis.

Enfin une dernière forme de transport peut devenir opérante lorsque le matériau est soumis à un effort : le transport de l’hydrogène par les dislocations. En effet, la formation d’atmosphères de Cottrell au niveau des dislocations peut conduire au drainage d’une quantité non négligeable d’hydrogène vers de nouvelles zones de piégeage ou vers les zones fortement contraintes. Des travaux [DONO-76], [CHEN-99], [TAHA-01], [GIRA-04] ont mis en évidence l’existence de traînage visqueux de l’hydrogène par les dislocations dans le nickel et ses alliages.

IV.1.1.3 Vers la fragilisation par l’hydrogène

Comme indiqué précédemment, l’hydrogène après son absorption, va diffuser et ségréger au sein du matériau, voire former des hydrures fragiles. Sans rentrer plus dans les détails, cette localisation de l’hydrogène est, pour beaucoup de scientifiques, tenue pour responsable de la fragilisation de certains alliages. La forte concentration de l’hydrogène au niveau des pièges, ou en pointe de défauts peut avoir un impact sur l’énergie de cohésion du réseau cristallin avoisinant (de par son volume molaire partiel élevé et son aptitude aux interactions électroniques) ou modifier l’état de contrainte (déformation), et donc fragiliser localement le matériau [CHEN-92], [CHEN-95].

D’un autre point de vue, le transport de l’hydrogène par les dislocations semble également participer aux processus d’endommagement. En effet, la présence de l’hydrogène lié aux dislocations est considérée comme favorisant la localisation de la déformation et un mode de déformation par glissement planaire. Cette modification du mode de déformation tend à rendre fragile le matériau ou du moins les zones associées à de fortes incompatibilités de déformation [BRAS-98], [TAHA-01], [GIRA-04], [DELA-04].

A partir de ces observations et remarques, plusieurs mécanismes de fragilisation par l’hydrogène ou de fragilisation assistée par l’hydrogène ont été proposés. Le lecteur est renvoyé aux travaux de [SPIL-99], [FOUR-00], [GIRA-04], [LAGH-09+ compilant l’ensemble de ces mécanismes et montrant qu’il faut les appréhender avec un point de vue critique.

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- 99 - En Conclusion :

La Fragilisation par l’hydrogène des alliages métalliques se résume en différentes étapes : la prise d’hydrogène de ces matériaux au cours de leur existence, la mobilité et la localisation de cet hydrogène et l’interaction de cette mobilité et de cette localisation avec des mécanismes de déformation qui peuvent conduire de la rupture locale à la rupture globale du matériau.