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Bilan du comportement statique des alliages d’étude en milieu REP et impacts de celui-ci sur le comportement en CSC

ET DE CORROSION SOUS CONTRAINTE EN MILIEU PRIMAIRE

III.1 Conséquences de l’exposition des alliages base Ni dans le milieu primaire

III.1.4 Bilan du comportement statique des alliages d’étude en milieu REP et impacts de celui-ci sur le comportement en CSC

La caractérisation exhaustive des dommages liés à l’exposition en milieu primaire ayant été effectuée sur l’ensemble des matériaux de l’étude, il convient de discuter des différences et des similitudes de comportement observées.

III.1.4.1 Synthèse des résultats

Le Tableau 16 reprend l’ensemble des résultats des paragraphes précédents. Du fait de l’endommagement préexistant des coulées TC130-TC131, les résultats les concernant ne peuvent être comparés directement aux résultats des autres matériaux, et sont dans un premier temps mis à l’écart. Il est également important de noter que le critère d’endommagement est différent de celui utilisé dans le Tableau 15.

Les teneurs en Cr, en Al et en Mo provenant des compositions nominales (état de réception des alliages) pour chaque coulée ont été également reportées. Ces teneurs permettent, à titre indicatif, d’évaluer la portée de ces éléments dans le processus de corrosion et d’endommagement. Si le rôle bénéfique du Cr a été présenté précédemment, le rapprochement de ces derniers résultats avec ceux du Tableau 15 montre que cet élément n’est pas à même d’expliquer à lui seul les différences de comportement en corrosion statique des alliages base Ni.

Chapitre III. Phénomènes de corrosion et de corrosion sous contrainte en milieu primaire - 75 - 718 TD707-TD708 625+Ind TC130-TC131 Tailles de grains 25-40µm 25-40µm 15-25µm 30-50µm 15-25µm 30-50µm >60µm Teneur en Cr/Al/Mo (%pds) 19,2/0,42/2,5 18,6/0,52/4,44 21,0/0,2/8,0 20,3/0,13/8,2 Couche externe

de l’oxyde (Ni1-xFex)(Fe1-yCry)2O4

(Ni1-xFex)(Fe1-yCry)2O4 Avec Al dissous

(Ni1-xFex)(Fe1-yCry)2O4 Ni2(Fe,Cr,Mo)O4

et oxyde de Mo

(Ni1-xFex)(Fe1-yCry)2O4 Ni2(Fe,Cr,Mo)O4 et oxyde de Mo Couche interne de l’oxyde Cr2O3 NixFe1-xCr2O4 Cr2O3 NixFe1-xCr2O4 Cr2O3 (Ni1-xCrx)(Cr1-yMoy)2O4 Cr2O3 (Ni1-xCrx)(Cr1-yMoy)2O4 Profondeur maximale de la couche déchromée 50-60nm Oxydation intergranulaire contigüe Oui Avec présence d’oxygène dissous Oui Avec présence d’oxygène dissous Oui Avec présence d’oxygène dissous Oui* Oxydation intergranulaire isolée Non Oui (principalement des oxydes d’Al) Non Oui* oxygène dissous et oxydes Profondeur affectée par le dommage intergranulaire 2-4µm 4-8µm 2-5µm >20µm*i

Tableau 16. Caractérisation des couches d’oxyde et de l’endommagement induit par une exposition de 500h à 350°C en milieu primaire des alliages de l’étude.

Premièrement, l’ensemble des alliages de l’étude a une teneur en Cr proche de 20%pds et pourtant leurs comportements sont différents. Les alliages 718 et 625+Ind sont affectés uniquement par des pénétrations intergranulaires contigües sur environ 4µm (résultats en accord avec ceux de Deleume [DELE-07a]), tandis que les alliages TD707 et TD708 sont affectés également par des pénétrations intergranulaires isolées d’oxyde. Deuxièmement, une teneur en Cr de 20% pour les alliages 625+Ind et 718 se traduit par des profondeurs de pénétration du dommage moins importantes que pour l’alliage 690 (30Cr%pds). Le fait que lors des analyses SIMS le signal d’oxyde d’Al soit détecté au plus proche du métal et au niveau des pénétrations intergranulaires, permet de s’interroger sur son rôle. Dans sa thèse, Deleume [DELE-07a] considère effectivement cet élément comme assez présent, mobile et réactif avec l’oxygène dans l’alliage 718 pour former des oxydes ou complexer l’oxygène (oxygène dissous) en pointe de pénétration intergranulaire avec des cinétiques plus rapides que celle contrôlant la diffusion de l’oxygène. Ainsi, il impute à la présence d’Al, la capacité de l’alliage 718 à résister à l’oxydation intergranulaire interne.

Dans la présente étude, un tel effet de l’Al ne semble pas évident. D’une part, Les coulées TD707-TD708 plus riches en aluminium présentent des oxydes d’aluminium déconnectés de la surface et d’autre part, l’alliage 625+Ind qui ne possède pas plus d’Al que l’alliage 600 (0,2Cr%pds), n’en présente pas. Différents paramètres doivent donc être pris en compte. Tout d’abord, lors de l’analyse de la microstructure des nuances TD707-TD708, une

i

*L’origine de l’endommagement intergranulaire des coulées TC130-TC131 ne peut pas être reliée uniquement aux conséquences de l’exposition en milieu REP du fait d’un endommagement préexistant occasionné lors de l’élaboration.

précipitation intergranulaire abondante de phases δ ainsi que des carbures riches en Mo ont été mis en évidence. La présence de ces phases peut alors jouer un rôle sur la chimie du joint de grain et donc sur sa réactivité, d’autant plus que ces phases sont facilement oxydables. Ensuite, la similitude d’endommagement intergranulaire entre l’alliage 718 et l’alliage 625+Ind conduit à penser que la présence d’autres éléments d’addition peut avoir un effet combiné avec le Cr et l’Al. Il serait peut être envisageable d’établir une équivalence prenant en compte l’ensemble des éléments ayant un apport bénéfique à la tenue à la corrosion des matériaux de l’étude (Cr, Al, Mo…). Cependant, le fait qu’on ne puisse pas acquérir correctement le signal du Mo avec les conditions d’analyses utilisées ne permet pas actuellement d’évaluer sa contribution dans le processus de pénétration intergranulaire. Des cartographies élémentaires de ces pénétrations pour les nuances riches en Mo s’avèreraient indispensables pour pouvoir poursuivre cette discussion.

Le rôle de la microstructure sur le comportement en exposition statique a été abordé à travers le faible impact de l’état microstructural réception-vieilli sur les profondeurs et la nature des pénétrations intergranulaires qui semblent être toutefois altérées par la présence de phases précipitées aux joints de grains. Il est utile de préciser également que pour l’alliage 625+, l’état écroui et l’état écroui-recuit se comportent de manière similaire en termes de profondeur de dommage, ne soutenant pas ainsi l’hypothèse de l’action des dislocations en tant que court-circuits de diffusion opérant lors de ces phénomènes d’oxydation. Cependant, les analyses SIMS sur matériau pré-écroui ont montré des densités de pénétration d’oxyde plus élevées par rapport à un matériau recuit. Toutefois, ces résultats sont à prendre avec précaution et mériteraient d’être confirmés par d’autres méthodes. En effet, il n’est pas certain que la responsabilité de cette forte densité de pénétration puisse être attribuée à la présence de bandes de glissement oxydées plutôt qu’à un artefact d’analyse dû aux hétérogénéités de taille de grains, et donc à la présence de zones à petits grains sujettes à des phénomènes d’abrasion préférentielle.

Enfin, sans être directement liés à l’exposition en milieu REP, les résultats obtenus pour les coulées TC130 et TC131 indiquent l’importance des voies et des méthodes d’élaboration sur la présence d’impuretés, d’inclusions et sur la présence de phases fragilisantes vis-à-vis du comportement dans le milieu. Des essais de CSC seront toutefois réalisés sur ces mêmes coulées afin d’estimer l’impact d’un tel endommagement.

III.1.4.2 Rôles de l’endommagement du métal de base dans les mécanismes de CSC

Pour tous les alliages d’étude, comme pour les autres alliages base Ni utilisés en réacteur, les conséquences de l’exposition au milieu se caractérisent par un endommagement incluant l’apparition de zones déchromées et la formation de pénétrations intergranulaires dans le métal sous jacent à l’oxyde. Cet endommagement estimé lors des expositions statiques et relatif aux interactions milieu/matériau, doit alors être pris en compte dans les mécanismes plus généraux de CSC en milieu REP. Un mécanisme commun qui inclut cet endommagement, et notamment les pénétrations intergranulaires, en tant qu’étape nécessaire peut donc être avancé.

Il est généralement admis que la pénétration d’oxygène dans les joints de grain est néfaste pour la tenue mécanique des interfaces. En effet, la fragilisation intrinsèque des joints de grains par l’oxygène ou par la présence d’oxyde Cr2O3 ou par modification de la

matrice avoisinante, semble favoriser le processus de dégradation [WOOD-83], [SHEN-91], [SCOT-93], [SCOT-96+.Toutefois, il est nécessaire de préciser que la présence d’oxyde ou

Chapitre III. Phénomènes de corrosion et de corrosion sous contrainte en milieu primaire

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d’oxygène au niveau des joints de grains ne peut à elle seule, suffire à expliquer le processus de dégradation par CSC comme la profondeur de ces pénétrations ne peut expliquer les différences de tenue à la CSC des différents alliages base Ni. En effet, en étudiant le comportement en CSC de deux feuillards en alliage 718 provenant de différentes coulées, Ter-Ovanessian et al. [TERO-09] montrent que ces deux coulées, pour lesquelles la profondeur des pénétrations intergranulaires dues à la corrosion est similaire, se comportent différemment lorsqu’elles sont sollicitées en CSC et que la composition chimique, notamment la teneur en interstitiels, intervient dans ce comportement.

Les appauvrissements en Cr peuvent également s’avérer néfastes à la tenue à la CSC. D’une part, en cas de rupture accidentelle du film passif, le métal mis à nu ne possède pas localement assez de Cr pour pouvoir reformer un film protecteur de Cr2O3. D’autre part, un

appauvrissement en Cr, comme évoqué dans le chapitre I, a un impact direct sur le paramètre de maille de la matrice de subsurface. Cette région peut donc être soumise à une importante contrainte liée aux différences de paramètres de maille entre cette région et le métal de base dont le paramètre de maille n’a pas évolué au cours de l’oxydation. Cette zone ainsi sollicitée peut alors être considérée comme soumise à des conditions de sollicitation propices à la fissuration. Dans ce mécanisme d’endommagement, un des rôles bénéfique possible de l’enrichissement subsurfacique en Mo serait d’accommoder le paramètre de maille de cette zone après le départ du Cr et de palier les incompatibilités entre la subsurface et le métal de base. Néanmoins, il semblerait que pour des temps très long d’exposition au milieu primaire (> 10000h) cette zone déchromée disparaisse [COMB- 10]. Ainsi son impact sur le comportement en CSC des alliages base Ni semble temporaire. Il semble alors envisageable que si la fissuration par CSC ne s’amorce pas dans les premiers stades de l’endommagement, l’état d’équilibre en termes d’interactions matériau/milieu ne permet plus l’amorçage. Une telle hypothèse demande toutefois à être vérifiée.

En Conclusion :

Le phénomène de pénétration intergranulaire affectant l’ensemble des alliages base Ni lors de l’exposition au milieu primaire est gouverné par des mécanismes qui reposent sur un transport accéléré de l’oxygène sur une distance dépendant fortement de la réactivité des lignes triples et joints de grains. La chimie du matériau, et notamment les éléments réactifs à l’O, ainsi que la présence de phases intergranulaires sont les principaux paramètres qui peuvent intervenir dans la propagation de ces endommagements.

Ce phénomène qui survient lors de l’exposition des matériaux au milieu primaire participe de façon certaine aux mécanismes de CSC. Mais, même quantifié pour l’ensemble de ces matériaux, il ne permet pas à lui seul d’expliquer le mécanisme de CSC et les différences de sensibilité à la CSC de l’ensemble des alliages base Ni.

III.2 Effets des sollicitations mécaniques sur la sensibilité à la