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Chapitre 4 : Etude biochimique comparative de CISD2 et mitoNEET

1. Introduction

Découverts en 1960 chez une bactérie anaérobe, les centres [Fe-S] sont des cofacteurs composés uniquement de fer et de soufre inorganique (Beinert, 1960). Ils constituent l’un des groupements les plus fréquemment retrouvés au sein des protéines. Longtemps considérés comme restreints à ces organismes anaérobes de par leur sensibilité à l’oxygène, leur existence est désormais démontrée dans les trois domaines de la vie et dans tous les compartiments cellulaires des cellules eucaryotes (Johnson et al., 2005). Les protéines à centre [Fe-S] interviennent dans de nombreux processus biologiques essentiels tels que la respiration cellulaire et la photosynthèse et ont des fonctions très diverses allant du transfert d’électrons à la régulation de l’expression de gènes.

Dans une première partie, je vais vous présenter les protéines [Fe-S] puis je me focaliserai sur la famille des protéines NEET et plus particulièrement sur CISD2, protéine NEET humaine sur laquelle mes travaux de thèse portent.

I. Les protéines à centre fer-soufre

I.1. Généralités sur les protéines à centre [Fe-S]

Les centres [Fe-S] ont des compositions très diverses allant du centre 1Fe trouvé dans la rubrédoxine à des centres très complexes comme ceux rencontrés dans l’hydrogénase [Fe-Fe] (Johnson et al., 2005). Cependant, les deux structures les plus abondantes au sein des protéines sont les centres [2Fe-2S] et [4Fe-4S]. Les soufres présents dans ces centres, à l’exception du centre 1Fe bien évidemment, proviennent de la désulfuration de cystéine libre présente dans la cellule. Chaque fer peut être soit à l'état oxydé Fe(III), soit à l'état réduit Fe(II). Si bien que les centres [Fe-S] peuvent avoir différents états d’oxydation. Cependant, dans les protéines les centres [Fe-S] présents ne se trouvent que dans deux états ; les autres états d’oxydation n’étant pas accessibles. Typiquement, chaque fer est impliqué dans quatre liaisons avec soit d’autres atomes du centre soit un atome de la protéine. Ainsi, les centres sont reliés à la chaîne polypeptidique de la protéine via des liaisons non-covalentes avec un hétéroatome d’une chaîne latérale d’un acide aminé. L’atome de soufre provenant d’une cystéine est le plus souvent rencontré. Cependant, d’autres atomes tels que l’azote (arginine, histidine) ou l’oxygène (thréonine, sérine) sont également trouvés (Johnson et al., 2005).

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I.2. Les différents types de centre [Fe-S]

Dans cette partie, je vais décrire les types de centres [Fe-S] les plus fréquemment rencontrés.

I.2.1. Les centres [1Fe]

Cette configuration du centre est retrouvée au sein des rubrédoxines bactériennes connues pour leur implication dans les transferts d’électrons. Les centres [1Fe] sont composés d’un seul atome de fer relié à quatre atomes de soufre de la chaîne polypeptidique (chaînes latérales des cystéines).

Figure 1 : Modèle représentant un centre [1Fe]

L’atome de fer est représenté en rouge et les soufres en jaune. Image provenant de (Parent et al., 2015) L’environnement soufré de ces centres, qui ressemble à l’environnement des autres centres [Fe-S] leur permet de faire part de la famille des protéines à centre [Fe-[Fe-S] (Imlay, 2006)

I.2.2. Les centres [2Fe-2S]

Les centres [2Fe-2S] ont une géométrie tétraédrique. Ils sont composés de deux atomes de fer et deux atomes de soufre inorganique et sont typiquement coordinés par quatre cystéines de la chaîne polypeptidique de la protéine (Kakuta et al., 2001).

Figure 2 : Modèle représentant un centre [2Fe-2S]

Les atomes de fer sont représentés en rouge et les soufres en jaune. Image provenant de (Parent et al., 2015).

Chaque atome de fer interagit donc avec deux atomes de soufre inorganique, et deux atomes de soufre provenant de chaînes latérales de cystéines de la protéine. Ces centres peuvent exister

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sous deux états d’oxydation. L’état oxydé [2Fe-2S]2+ présente deux ions ferriques (Fe3+) et l’état réduit [2Fe-2S] + comporte un ion ferrique (Fe3+) et un ion ferreux (Fe2+).

I.2.3. Les centres [4Fe-4S]

Les centres [4Fe-4S] ont une géométrie cubique, avec alternativement sur les sommets un atome de fer et un atome de soufre inorganique.

Figure 3 : Modèle d’un centre [4Fe-4S]

Les atomes de fer sont représentés en rouge et les soufres en jaune. Image provenant de (Parent et al., 2015)

Les centres [4Fe-4S] peuvent exister sous trois états d’oxydation à savoir [4Fe-4S]1+ , [4Fe-4S]2+ et [4Fe-4S]3+. Cependant, pour une protéine donnée le centre ne peut avoir que deux états d’oxydation à savoir (1+ ou 2+) pour les centres dits à bas potentiel et (+2 ou +3) pour les centres dits HiPIP.

I.2.4. Les centres [3Fe-4S]

Ils sont composés de trois atomes de fer et de quatre atomes de soufre inorganique.

Figure 4 : Modèle d’un centre [3Fe-4S]

Les atomes de fer sont représentés en rouge et les soufres en jaune. Image provenant de (Parent et al., 2015)

Un tel centre est retrouvé notamment dans quelques enzymes comme l’hydrogénase de

Desulfovibrio gigas (Beinert, 1990) ou la fumarate réductase d’E. coli (Johnson et al., 2005).

Récemment, il a été proposé qu’un tel centre était présent dans l’enzyme Thil chez les bactéries et les archées. Cette enzyme est impliquée dans la thiolation des ARNt, modification qui permet

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notamment la stabilisation des ARNt. Ainsi, chez Methanococcus maripaludis, Thil contiendrait un centre [3Fe-4S] qui est essentiel son activité enzymatique ((Liu et al., 2016). Cependant, on ne peut pas exclure que cette stœchiométrie du centre provienne de la dégradation oxydative d’un centre [4Fe-4S] comme cela a déjà été observé comme par exemple pour l’aconitase humaine.

I.2.5. Les centres [Fe-S] plus complexes

Les centres [Fe-S] que je viens de présenter dans les paragraphes précédents sont des centres de faible nucléarité, mais il existe des centres plus complexes de plus haute nucléarité et/ou présentant d’autres métaux en plus du fer.

Des centres fer-soufre complexes sont rencontrés par exemple dans la nitrogénase, enzyme qui fixe l’azote de l’air et le transforme en ammoniac, une réaction d’une importance capitale pour les plantes (cycle de l’azote) et qui surprend les chimistes depuis très longtemps. Pour catalyser cette réaction de réduction, deux centres à base de fer et de soufre ont été identifiés: le centre P fait de huit atomes de fer et de sept atomes de soufre, qui participe essentiellement au transfert des électrons vers le second centre, et le centre Fe-Moco constitué de sept atomes de fer, un atome de molybdène, un atome de carbone et de neuf atomes de soufre, qui est le site de la fixation de N2 et de sa réduction multiélectronique (Beatty et al., 2011).

Figure 5 : Structure cristallographique de la nitrogénase (chemtube 3D (Beatty, 2011)). I.3. Les différents types de coordination des centres [2Fe-2S]

Les travaux de recherche que j’ai menés tout au long de cette thèse portent sur une protéine à centre [2Fe-2S] avec une coordination atypique impliquant trois cystéines (et non quatre) et une histidine. J’ai donc choisi de présenter dans le paragraphe suivant les différents types de

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coordination des centres [2Fe-2S] afin de mieux comprendre les caractéristiques de cette coordination non-cysteinyl.

I.3.1. La coordination par quatre cystéines

C’est le type de coordination le plus couramment rencontré. Il confère une stabilité au centre [Fe-S] liée à la très forte interaction entre les groupements thiols des cystéines et le fer. Par exemple, les ferrédoxines (FDX) utilisent ce type de coordination et ainsi que HydC, une sous-unité de la [FeFe] hydrogénase de Thermotoga maritima.

Figure 6 : Structure de HydC de Thermotoga maritima (Birrell et al., 2016)

Agrandissement de la structure autour du site actif de l’enzyme

Cependant, d’autres types de coordination ont été identifiés faisant intervenir des résidus non -cystéinyls ce qui modifie les propriétés du centre [Fe-S] (stabilité du centre, potentiel d’oxydo-réduction…) avec un effet majeur sur la fonction des protéines portant ces centres.

I.3.2 La coordination par deux cystéines et deux histidines

Ce type de coordination est retrouvé dans la protéine Rieske de la chaîne respiratoire ainsi que dans les oxygénases de type Rieske (Balk et al., 2004). La protéine de Rieske, qui est un des composants du complexe III de la chaîne respiratoire participe au transfert des électrons.

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Figure 7 : Représentation de la protéine de Rieske de T. thermophilus (Stegmaier et al., 2018).

De manière intéressante, la réduction du centre [2Fe-2S] de la 1,2-dioxygenase de Pseudomonas putida va engendrer la modification des liaisons d’hydrogène autour de ce même centre [Fe-S] (Stegmaier et al., 2018). Une liaison entre l’histidine coordinant le centre et une asparagine, toutes deux réduites, va permettre à l’oxygène de se fixer et ainsi initier la réaction enzymatique en question (Ferraro et al., 2015) I.3.3. La coordination par trois cystéines et une arginine

Ce type de coordination est rencontré notamment dans la biotine synthase. Cette enzyme est impliquée dans la catalyse de la dernière étape de la synthèse de la biotine, coenzyme impliquée dans plusieurs voies métaboliques, dont la voie de synthèse des acides gras, des glucides et de vitamines. La structure cristallographique de la biotine synthase d’E. coli révèle la présence d’un centre [4Fe-4S] lié à une molécule de S-adénosylméthionine, autrement appelé radical SAM, mais aussi un centre [2Fe-2S] lié à trois cystéines et une arginine.

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Figure 8 : Représentations des centres Fe-S de la biotine synthase d’E.coli

(A) Structure des centres [2Fe-2S] et [4Fe-4S] de la biotine synthase d’E. coli (Peters et al., 2015). Les

atomes de fer sont en orange, de soufre en jaune, d’oxygène en rouge et d’azote en bleu. Le radical SAM constitue le quatrième ligand du centre [4Fe-4S] et un résidu arginine (R260) dont les contours sont matérialisés en orange celui du centre [2Fe-2S]. (B) Coordination du centre [2Fe-2S] de la biotine synthase (Taylor, Stoll, Britt, & Jarrett, 2011). Les Cys97, Cys128, Cys188 (vert) et Arg260 (rouge) coordonnent le centre [2Fe-2S], (Fe3+ : brun, S2− : jaune).

Le centre [2Fe-2S] sert de source de soufre pour la réaction catalysée et sa coordination atypique lui donne un compromis entre la stabilité du centre [Fe-S], et les différents types de réactions que l’enzyme peut effectuer.

I.3.4. La coordination atypique par deux cystéines et deux molécules de glutathion

Ce type de coordination a été retrouvé au sein de certains types de glutarédoxines (GRX) dont la GRX-C1 de peuplier (Feng et al., 2016) et la GRX2 humaine (Berndt et al., 2006). Les protéines GRX jouent un rôle dans la réduction de ponts disulfures, dans la déglutathionylation de protéines (Kalinina et al., 2015), mais aussi dans la biogenèse des centres [Fe-S] (Py et al., 2014).

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Figure 9 : Implication de GRX5 dans la biogenèse des centres fer-soufre (Lill, 2020) I.3.5. La coordination atypique par trois cystéines et une histidine

Cette coordination de type trois cystéine et une histidine est l’une des caractéristiques de la famille des protéines NEET, famille à laquelle appartient CISD2 qui fait l’objet de cette thèse. Ce type de coordination est retrouvé aussi dans IscU, protéine impliquée dans la biogenèse des centres [Fe-S]. Il a été clairement montré que dans ce cas la coordination du centre par trois cystéines et une histidine est indispensable au fonctionnement d’IscU (Hidese et al., 2014)Le facteur de transcription bactérien IscR qui permet la régulation de la biogenèse des centres [Fe-S] possède lui aussi ce type de coordination (Mandin et al., 2016). Il en est de même pour le complexe glutarédoxine (GRX) - Fra2 chez la levure Ces protéines sont impliquées dans le transport du facteur de transcription Aft1 du cytosol vers le noyau et joue un rôle dans la régulation de l’entrée du fer qui sert de stockage du fer dans la cellule (Li et al., 2009). Ce type de coordination atypique confère une labilité du centre Fe-S lui permettant d’être transféré à une protéine réceptrice.

I.4. Les diverses fonctions des protéines à centre [Fe-S]

Les protéines à centre [Fe-S] ont longtemps été connues pour leur implication dans le transport d’électrons (Beinert, 1960). Cependant, au fil des années, il est apparu que leurs fonctions sont nettement plus diverses et inclues la catalyse enzymatique, la régulation de la transcription, la

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synthèse et la réparation de l’ADN, le transfert de centre [Fe-S] vers d’autres protéines et le stockage de fer.

Figure 10 : Résumé de l’ensemble des fonction des protéines a centre [Fe-S] I.4.1. Transfert d’électrons

Comme vu précédemment, les atomes de fer du centre [Fe-S] peuvent se retrouver sous deux états d’oxydation : Fe2+ (état réduit) et Fe3+ (état oxydé). Ainsi, les centres [Fe-S] utilisent cette capacité pour accepter et donner des électrons. Dans des processus biologiques essentiels tel que la photosynthèse et la respiration, des centres [Fe-S] présents en grand nombre forment des chaînes et participent aux transferts d’électrons sur des distances importantes (Johnson et

al., 2005).

Figure 11 : Schéma illustrant l’implication des centres Fe-S comme cofacteurs dans le complexe I (A) et complexe II (B) de la chaîne respiratoire des mammifères

B

A

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I.4.2. Régulation de la transcription

Les protéines à centre [Fe-S] jouent aussi un rôle important dans la régulation de la transcription bactérienne (Py et al., 2014). On peut citer par exemple SoxR d’E. coli, qui joue un rôle majeur dans la réponse bactérienne à un stress oxydant en contrôlant l’expression d’un grand nombre de gènes impliqués dans les réactions de détoxification (Blanchard et al., 2007). Cette protéine a la particularité de réguler son activité par l’état d’oxydation de son centre [Fe-S].

Figure 12 : Implication de SoxR dans la voie de la transcription de gènes impliqués dans la détoxification chez E.coli (Kim et al., 2015)

I.4.3. Réplication et réparation de l’ADN

La réplication de l’ADN est un processus qui aboutit à la duplication de l'ADN, au cours duquel l'ADN est synthétisé grâce à l'ADN polymérase. Ainsi, à partir d'une molécule d'ADN, deux molécules identiques à la molécule initiale sont obtenues et distribuées aux deux cellules filles. Plusieurs protéines à centre [4Fe-4S] interviennent ainsi dans les processus de réplication de l’ADN mais aussi dans sa réparation suite à un dommage. On peut ainsi citer l’ADN primase humaine, une ARN polymérase qui permet la synthèse de courts segments d'ARN qui sont ensuite utilisés comme amorces par l'ADN polymérase réplicative (Baranovskiy et al., 2017). De plus, certaines ADN glycosylases contiennent un centre [4Fe-4S]. Ainsi, dans le processus de la réparation par excision de base (ou BER pour Base excision repair en anglais) qui est un mécanisme de réparation d'un dommage au niveau d’une base individuelle de l’ADN, l’ADN glycosylase élimine la base endommagée puis d’autres enzymes interviennent pour cliver le désoxyribose, et puis réparer l’ADN endommagé.

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Figure 13 : Processus de réparation de l'ADN par excision de base (Matthieu Simon, 2018- cours pharmacie)

Parmi ces glycosylases à centre [Fe-S], on peut citer MutY et l’endonucléase III. Longtemps il a été considéré que leur centre [Fe-S] avait uniquement un rôle structural (Thayer et al., 1995). Cependant, depuis quelques années, un modèle et apparu qui propose que les glycosylases communiquent entre elles par transfert d’électrons le long de l’ADN en utilisant leur centre [Fe-S]. La présence d’un dommage à l’ADN présent entre deux glycosylases interromprait alors le transfert d’électrons ce qui indiquerait aux glycosylases qu’un dommage à réparer est présent à proximité (Barton et al., 2019).

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Figure 14 : Schéma illustrant la communication des glycolases entre elles par transfert d’électrons

La radical guanine est un des dommages majeurs à l’ADN causé par le stress oxydatif. MutY possède un centre [4Fe-4S]. Lorsque le centre est oxydé, l’affinité de la protéine pour l’ADN est augmentée. La présence d’un radical guanine va permettre l’oxydation du centre de MutY et sa stabilisation sur l’ADN. Elle pourra ensuite être réduite par une seconde protéine par transfert d’électron le long d'ADN. Cependant, si une lésion est présente entre les deux protéines, le transfert d’électrons n’est pas possible, les protéines restent alors oxydées et vont scanner l’ADN à la recherche de la lésion. Dans le cas contraire, elles sont réduites et vont se dissocier de l’ADN (Barton et al., 2019)

I.4.4. Centre à activité enzymatique

L’exemple le plus souvent cité dans cette catégorie est l’aconitase. Cette enzyme mitochondriale qui intervient dans le cycle de Krebs possède un centre [4Fe-4S] lié à trois cystéines (Lauble et al., 1992). Le citrate, substrat de l’aconitase, est le quatrième ligand du centre [Fe-S] de cette dernière puis est converti en isocitrate par une réaction de déshydratation.

Dans ces déshydratases, la géométrie du centre [Fe-S] permet l’accès du substrat au site catalytique mais aussi l’éxpose à des entités chimiques délétères, comme le superoxyde, le peroxyde d’hydrogène ou les métaux. Cette géométrie optimale du centre s’accompagne d’une fragilité intrinsèque vis-à-vis de produits toxiques. Ainsi, le quatrième atome de fer, qui est tout particulièrement labile, peut être perdu suite à un stress oxydant/nitrosant. L’aconitase possède alors un centre [3Fe-4S] et est inactive (Flint et al., 1993). Ce centre peut ensuite être totalement détruit (Py et al., 2014).

I.4.5. Stockage de fer

Une ferrédoxine retrouvée chez l’archéobactérie Methanobacterium thermoautotrophocum, qui est une poly-FDX peut accepter jusqu’à 12 centres [4Fe-4S], ce qui représente une forme de stockage de fer. Cependant cette poly-FDX n’est pas retrouvée chez les mammifères. Ces

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dernières possèdent à la place la ferritine qui accepte 4500 atomes de fer, stockés sous la forme de Fe3+ (Harrison et AEROSsio, 1996).

I.4.6. Transfert du centre Fe-S

Le transfert du centre fer-soufre s’explique d’une manière simplifiée par le passage du centre de l’holo-protéine (protéine qui possède son centre fer soufre) à l’apo-protéine (protéine qui a perdu son centre [Fe-S]) qui peut le recevoir (exemple de la figure ci-dessous). Il en résulte le passage de l’holo-protéine ayant donné son centre à l’état « apo-protéine », et inversement l’apo-protéine ayant reçu un centre passe ainsi à l’état « holo-protéine ».

Figure 15 : Schématisation d’un transfert de centre [Fe-S] d’une holo-protéine donneuse vers une apo-protéine réceptrice (Mons et al., 2017)

La biogenèse bactérienne des centres [Fe-S] constitue le premier phénomène cellulaire où un phénomène de transfert a été observé. Ainsi il peut être observe au niveau des trois machineries connues : ISC (Iron-Sulfur Centre) ; SUF (SUlFur mobilization) et NIF (NItrogen mobilisation) (Chahal et al., 2012)et dans des organismes aussi divers que la levure Schizosaccharomyces

pombe (Wu et al., 2002), les plantes (Bandyopadhyay et al., 2008) ; (Mapolelo et al., 2013) et

l’humain. (Paul et al., 2015). Ainsi, ces phénomènes de transfert de centre interviennent à plusieurs étapes de la biogenèse des centres : transfert d’IscU à GRX5, de GRX5 aux protéines IscA, BolA, IBA57, NFU puis pour délivrer les centres [Fe-S] aux protéines finales à maturer (Paul et al., 2015).

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Figure 16 : Transfert et biogenèse des centres Fe-S dans une cellule eucaryote (Maio et al., 2015)

Le transfert de centre Fe-S n’est pas uniquement impliqué dans la biogenèse de ces mêmes centres, mais aussi dans leur réparation (Ferecatu et al., 2014) . Ainsi une protéine [Fe-S] qui perd son centre métallique suite notamment à un stress oxydant ou nitrosant devient non fonctionnelle, le transfert d’un centre d’une holo-protéine à cette apo-proteine endommagée permet de réparer cette dernière et de la rendre fonctionnelle.

Un exemple de transfert a été particulièrement étudié dans l’équipe de recherche dans laquelle j’ai effectué ma thèse. Cette étude porte sur une protéine homodimerique à centre [2Fe-2S], mitoNEET de la famille de protéine NEET, qui peut transférer son centre [Fe-S] grâce à la labilité conférée par la coordination atypique de ce centre (ces éléments seront abordés plus en détails plus loin). MitoNEET représente la protéine donneuse (holo-protéine), qui va transférer son centre vers une protéine réceptrice (apo-ferrédoxine, dans le cadre d’une étude in vitro modèle). Sous forme oxydée, mitoNEET peut transférer son centre à l’apo-ferrédoxine. L’apo-ferrédoxine passe ainsi à l’état d’holo-L’apo-ferrédoxine après le gain du centre [Fe-S] de mitoNEET qui, à l’inverse, passe à l’état apo-mitoNEET après la perte de son centre (Mons et al., 2018).

Figure 17 : Représentation du transfert in vitro du centre [Fe-S] de l’holo-mitoNEET vers l’apo-ferrédoxine (Mons et al., 2017)

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II. La famille de protéines NEET

La famille protéines NEET est une famille de protéine à centre [2Fe-2S] découverte au cours de ces dernières années. Comme nous le verrons après, elle présente de nombreuses particularités qui induisent un intérêt grandissant dans la communauté. Dans cette partie je vais présenter la famille de protéines NEET, en me focalisant plus particulièrement sur les protéines humaines.

II.1. Généralités

L’histoire de cette famille remonte à 1978. A cette époque, un signal en résonance paramagnétique électronique (RPE) est détecté dans un extrait de membranes mitochondriales correspond à une protéine avec un centre [2Fe-2S] (Heidrich et al., 1978). Ce résultat est la première indication de l’existence d’une telle protéine ancrée dans la membrane de la mitochondrie qui sera appelée plus tard mitoNEET (aussi connue sous le nom de CISD1). Mais, c’est seulement en 2003 que mitoNEET sera identifiée formellement comme étant la cible potentielle d’un médicament utilisé dans la lutte contre le diabète de type II la pioglitazone (Colca et al., 2004), interaction qui depuis a été remise en cause par les mêmes auteurs (Colca

et al., 2013).

La recherche de protéines humaines présentant des homologies de séquences avec mitoNEET a mis en évidence l’existence de CISD2 (nommée aussi Miner1, NAF-1) et de CISD3 (connue aussi sous le nom de Miner2).

Figure 18 : Alignement des séquences d’acides aminés des trois protéines NEET humaines qui montre le domaine CDGSH bien conservé (Wiley et al., 2007)

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La nomenclature « NEET » fait référence à la séquence d’acides aminés asparagine (N), deux acides glutamiques (EE) et thréonine (T) présente en C-terminal de la séquence de ces trois protéines. De manière plus générale, ces protéines contiennent une séquence conservée de 39 acides aminés appelé CDGSH à l’origine de l’appellation CISD des gènes des trois protéines humaines pour CDGSH Iron Sulfur Domain [C-X-C-X2-(S/T)-X3-P-X-C-D-G-(S/A/T)-H]. (Tamir et al., 2015) Parmi ces 39 acides aminés, 16 acides aminés sont extrêmement conservés et contiennent les quatre ligands du centre [2Fe-2S] (Wiley et al., 2007).

La recherche de domaine CDGSH dans d’autres organismes a montré qu’un tel domaine est présent dans des protéines d’organismes eucaryotes très divers, mais aussi chez certains procaryotes.

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Figure 19 : Le domaine CDGSH caractéristique des protéines NEET est conservé à travers un grand nombre d’espèces (Inupakutika et al., 2017)