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Chapitre 1 : Introduction

II. 2.3- Un centre [Fe-S] aux propriétés remarquables

III.3. Implications cellulaires

III.3.1. CISD2 et destin cellulaire

Tout d’abord, CISD2 est impliquée dans la régulation du destin cellulaire à la fois en contrôlant l’induction de l’entrée de la cellule en autophagie et en étant impliquée dans l’apoptose.

42 III.3.1.1. Autophagie et apoptose

L’autophagie est un processus d’auto-digestion qui permet la dégradation de composants intracellulaires par le lysosome, tandis que l’apoptose correspond à une mort cellulaire programmée.

L’autophagie est la voie majeure du catabolisme lysosomale qui permet la dégradation des macromolécules et des organites cellulaires. C’est un mécanisme d’adaptation cellulaire induit par différents stimulus ou stress dont notamment la carence nutritionnelle de la cellule. Ce mécanisme a un rôle de contrôle qualité du développement, de la mort cellulaire et contrôle la longévité cellulaire, l’immunité acquise et innée, et la survie cellulaire (contrôle qualité du cytoplasme, production d’énergie en cas de carence en substrat énergétique). L’autophagie est initiée dans le cytoplasme avec la formation d’une membrane qu’on appelle phagophore provenant d’un détachement membranaire issu du réticulum endoplasmique, suivie par la formation d’une vacuole contenant les macroéléments à dégrader (ou autophagosome) et finalement une fusion avec le lysosome (Lin et al., 2015).

L'apoptose est, quant à elle, un mécanisme cellulaire fondamental utilisé par les organismes multicellulaires pour éliminer les cellules qui ne sont plus nécessaires ou potentiellement nuisibles. Elle est essentielle pour l'homéostasie normale des tissus et elle est impliquée dans le renouvellement des cellules dans de nombreux tissus dans le cadre notamment du développement embryonnaire, la morphogenèse et la formation des organismes. Sa dérégulation est associée à diverses maladies ainsi qu'à des anomalies du développement. La machinerie apoptotique est très complexe et sophistiquée et les voies de signalisation qui conduisent à l'apoptose peuvent être divisées en deux voies principales : la voie extrinsèque (récepteur de mort) et la voie intrinsèque (mitochondriale) qui implique les mitochondries comme régulateurs centraux. Les stimuli qui initient cette voie comprennent notamment les dommages à l'ADN, le stress oxydatif, l'accumulation de protéines non repliées, la surcharge en calcium cytosolique. Tous ces stimuli induisent des changements dans la perméabilité des membranes mitochondriales qui entraîne la perte du potentiel transmembranaire mitochondrial, l'arrêt de la synthèse d'ATP mitochondrial et la libération de protéines pro-apoptotiques de l'espace intermembranaire dans le cytosol dont le cytochrome c (Cyt C) ce qui va permettre l’activation de caspases, protéases qui vont mettre en œuvre la mort cellulaire (Kondratskyi et

al., 2014).

L’autophagie est en lien étroit avec l’apoptose et reste en dualité (Mariño et al., 2014). En effet, selon, les conditions, l’autophagie va pouvoir participer et réguler les mécanismes de

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signalisation pro-apoptotiques soit participer à la régulation des mécanismes anti-apoptotiques. Ainsi, en carence nutritionnelle, l’autophagie cible les mitochondries qui sont destinées à être dégradées pour servir de substrat énergétique à la cellule et inhibe l’apoptose en empêchant les mitochondries d’initier les mécanismes d’apoptose via le cytochrome C (rôle anti-apoptotique) (Liu et al., 2012).

III.3.1.2. Famille de protéines BCL-2

La famille des protéines de type BCL-2 joue tout d’abord un rôle clé dans le contrôle de l’apoptose en intervenant dans la régulation très fine du relargage du cytochrome C. On distingue deux classes au sein de ces protéines : celles qui ont une action anti-apoptotique (survie) en bloquant l'efflux du cytochrome c vers le cytosol et celles qui ont une activité pro-apoptotique en le promeuvent. C'est l'équilibre entre ces deux sous-familles de protéines BCL-2 qui va permettre de réguler l’entrée de la cellule en apoptose (Kroemer et al., BCL-2010)

Les familles de protéine BCL-2 contient une vingtaine de membres qui peuvent être classés dans deux groupes en fonction de leur activité (pro- et anti-apopotique) et de leur structure. Elles possèdent un à quatre motifs conservés, appelés domaines d'homologie BCL-2, BH1 à BH4 qui correspondent à des segments hélicoïdaux qui affectent leur structure et leur fonction (Bajwa et al., 2017). Cependant, elles ont toutes en commun le domaine BH3 qui est essentiel pour leur dimérisation.

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Figure 32 : Ensemble des protéines de la famille BCL-2 associées à leur sous-groupe et leur localisation

Ainsi, les protéines de la famille BCL-2 contrôlent la perméabilisation de la membrane externe mitochondriale nécessaire à l’apoptose en se localisant directement sur cette organelle. Cependant, ces protéines sont également présentes dans d'autres compartiments intracellulaires tels que le RE, l'appareil de Golgi, le noyau et les peroxysomes et participent à divers processus cellulaires, l'homéostasie du calcium, le contrôle du cycle cellulaire et l’autophagie. Pour cela, BCL-2 qui possède 3 domaines BH différents (BH1, 2 et 3) formant une poche hydrophobe capable d’interagir avec les domaines BH3 des membres pro-apoptotiques de la famille Becline-like. En absence de signal induisant l’autophagie, BCL-2 se lie à la protéine Becline-1 et cette liaison empêche Becline-1 d’induire l’autophagie. Inversement, en présence de signaux induisant l’autophagie, la cellule va activer les membres pro-autophagiques tel que Bad (qui appartient à la famille BH3-only) qui vont déplacer l’interaction entre BCL-2 et Becline-1 en se liant à BCL-2. Becline-1 est libéré et va pouvoir induire l’autophagie (Chang et al., 2012). De manière intéressante, pour l’apoptose il en est de même concernant le mécanisme, en remplaçant Becline-1 par Bax.

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Figure 33 : Rôle de BCL-2 au niveau de la mitochondrie et du RE, et différents phénomènes déclenchés.

III.3.1.3. CISD2 et régulation de l’autophagie

Il a été montré par immunoprécipitation dans les cellules humaines que CISD2 interagit avec BCL-2 au niveau du RE et que sa déplétion augmenterait l’entrée de la cellule en autophagie (Chang et al., 2010). De plus, CISD2 peut être déplacée du complexe avec BCL-2 par la protéine de la famille BCL-2 BIK. Comme nous l’avons vu précédemment, au cours d’une carence en nutriments, un des stimulisphysiologiques de l'autophagie, BCL-2 au niveau du RE inhibe autophagie en interagissant avec Becline-1. Ainsi, CISD2 est associé à BCL-2 pour antagoniser la voie de l'autophagie dépendante de Becline-1 (Chang et al., 2010). Cette première étude montre aussi que le centre [Fe-S] pourrait être nécessaire pour l’interaction avec BCL-2 sachant qu’une forme mutée incapable de coordiner un centre [Fe-S] a une affinité réduite pour BCL-2 dans la cellule (Chang et al., 2010)

Une approche intégrée utilisant des peptides de BCL-2, la spectrométrie de masse à échange de deutérium (DXMS), et des calculs théoriques (Direct coupling analysis ou DCA) a permis d’identifier certains domaines de BCL-2 et de CISD2 impliqués dans cette interaction (Tamir 2014). Ainsi, CISD2 se lierait à la fois aux régions pro- et antiapoptotiques (BH3 et BH4) de BCL-2. De plus, BCL-2 se lierait au sillon de CISD2 formée entre le β-cap et le domaine de liaison au centre [Fe-S]. Pour finir, BCL-2 induirait une déstabilisation du centre [Fe-S] de CISD2 d’un facteur 2 environ.

46 III.3.1.4. CISD2 et régulation de l’apoptose

Une étude récente vient de montrer que, lorsque la cellule est en apoptose, CISD2 interagit au niveau du RE avec iASPP, une protéine anti-apoptotique, membre inhibiteur de la famille des protéines ASPP (Apoptosis Stimulating Proteins of p53) qui stimulent l’apoptose (Iosub-Amir

et al., 2019). iASPP est composée de trois domaines principaux : un premier riche en Proline,

un second composé de quatre répétitions d’Ankyrine (Ank) et un domaine Src Homology 3 (SH3) à son extrémité C.

Figure 34 : Représentation des différents domaines de CISD2 et iASPP

Lorsque iASPP interagit (par le biais de ses acides aminés 764-778 correspondant aux domaines Ank et SH3) avec CISD2 au niveau du sillon de cette dernière, sa fonction anti-apoptotique est bloquée, ce qui régule à la hausse l’apoptose cellulaire. Un peptide correspondant à la séquence iASPP 764-780 est capable de stabiliser le centre [Fe-S] de CISD2, mais aussi d’inhiber l’interaction entre CISD2 et iASPP ainsi que l'activation de l'apoptose induite par la staurosporine dans des cellules de cancer du sein ou de la prostate. Il est à noter que iASPP est un interactant de KEAP1, lui-même régulateur majeur de Nrf2 impliqué dans la réponse cellulaire au stress.

Pour finir, il a été montré dans l’équipe (Ferecatu et al., 2018) que la déplétion des cellules en CISD2 par RNAi induit le clivage du canal membranaire mitochondrial voltage-dépendent anion chanel (VDAC). Or, VDAC joue un rôle prépondérant dans les étapes précoces de l’apoptose puisqu’il intervient dans le relargage du cytochrome C dans le cytosol. Ce clivage de VDAC induit une chimiorésistance de la cellule liée à une diminution de la réponse apoptotique.