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Élaboration, caractérisations et propriétés des formulations de ciments contenant du strontium

1. Revue Bibliographique

1.3. Introduction du strontium dans des ciments phosphocalciques

Étant donné le potentiel prometteur du strontium, plusieurs auteurs ont étudié son incorporation dans des apatites, d’autant que les traitements à base de strontium par voie orale ont montré certaines limites : même en administrant de fortes doses de strontium, moins d’un atome de calcium sur 10 peut être substitué par du strontium dans le minéral osseux néoformé. La libération de strontium directement à partir du substitut osseux durant sa résorption pourrait pallier ces limitations et résoudre les contraintes que sont la dose, la durée du traitement et la proximité du site osseux [Landi et coll., 2008].

Chapitre IV Élaboration, caractérisations et propriétés des formulations de ciments contenant du strontium

Cette partie se focalisera plus particulièrement sur l’incorporation du strontium dans des ciments, ce qui concerne directement notre étude. Jusqu’à présent, trois voies ont été envisagées pour introduire du strontium : ajouter un sel de strontium à la formulation de la phase solide, introduire le strontium dans les poudres réactives initiales en substitution des ions calcium, ou ajouter le strontium via la phase liquide.

Nous allons nous intéresser successivement aux trois voies d’insertion du strontium.

1.3.1. Ajout du strontium dans la phase solide

Cette voie consiste à ajouter un sel de strontium en plus des autres constituants de la phase solide.

Ainsi, Wang et coll. [2007] ont étudié l’addition de divers pourcentages massiques de carbonate de strontium (0, 4, 8, 12, 16 et 20 %) dans la phase solide d’un ciment à base de DCPD et de phosphate de calcium amorphe. Ils ont montré que, quelle que soit la proportion de carbonate de strontium introduit, le ciment prend et est constituée majoritairement d’une phase apatitique (dont les raies de diffraction aux rayons X ne sont pas altérées par l’ajout de carbonate de strontium), associée à du SrCO3.

Guo et coll. [2005] ont étudié quant à eux l’addition d’hydrogénophosphate de strontium SrHPO4 dans la phase solide du ciment constituée de TTCP et de DCPA, à divers

pourcentages (rapport Sr/(Sr+Ca) = 0, 5 et 10 % molaires). Par réaction de prise, ils obtiennent des apatites non stœchiométriques dans lesquelles les ions strontium entrent dans le réseau en substitution des ions calcium.

Si dans un cas le strontium entre dans le réseau apatitique, et non dans l’autre, l’ensemble des propriétés des deux ciments est modifié et les conclusions des deux études sont similaires : la présence de strontium influe sur la microstructure du ciment : Wang et coll. [2007] précisent que la taille des cristaux diminue avec l’addition du SrCO3. La porosité du ciment a

également tendance à augmenter (plus précisément entre 20 et 350 Å dans l’étude de Wang et coll. [2007]). Par ailleurs, le temps de prise est significativement accru lorsque du strontium est ajouté, que ce soit sous forme de SrCO3 ou de SrHPO4. Guo et coll. [2005] expliquent ce

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phénomène par l’effet inhibiteur connu du strontium sur la précipitation d’apatite [Christoffersen et coll., 1997].

L’étude de Wang et coll. [2007] précise également que la viscosité de la pâte est diminuée lors de l’addition de carbonate de strontium, ce qui a pour conséquence directe d’augmenter l’injectabilité (optimum à 8 % de SrCO3 dans la phase solide). Dans les deux études ([Guo et

coll., 2005 ; Wang et coll., 2007]), la proportion de strontium introduit influe sur la résistance en compression des ciments mais de manière non linéaire (optimum à 8 % de SrCO3 dans la

phase solide).

Wang et coll. [2007] montrent aussi, grâce à des essais de radio-opacité, que celle-ci augmente avec la concentration de carbonate de strontium. Guo et coll. [2005] quant à eux, démontrent que le strontium favorise la croissance cellulaire in-vitro. De plus, la substitution des ions calcium par des ions strontium augmente la solubilité des apatites.

Des études rapportent également l’utilisation de strontium dans des ciments acryliques, par exemple sous forme de SrO ajouté à la phase solide. Comparé à des ciments contenant du sulfate de baryum comme opacifiant, le temps de prise est diminué mais la température maximale atteinte durant la prise est augmentée et la résistance en fatigue des ciments est réduite [Lewis et coll., 2007].

1.3.2. Substitution du calcium dans les produits réactifs

Cette voie consiste à introduire du strontium en substitution du calcium dans les poudres réactives constituant la phase solide au moment de leurs synthèses. Ainsi, les ions strontium participeront à la réaction de prise du ciment et se retrouveront piégés dans le ciment final.

Leroux [2000] a ainsi préparé des ciments à partir de phosphate tricalcique mixte partiellement substitué (Ca3-xSrx(PO4)2) et à partir d’un mélange de phosphate tricalcique plus

phosphate tristrontique. Ces sels de phosphates étant très peu réactifs, la cinétique de réaction de prise est trop longue et cette voie a été abandonnée.

Alkhraisat et coll. [2008] et Pina et coll. [2009] ont également synthétisé du phosphate tricalcique dans lequel les ions calcium sont partiellement substitués par des ions strontium

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(Ca3-xSrx(PO4)2) et l’utilisent comme réactif pour préparer un ciment. Alkhraisat et coll.

[2008] ont montré que la quantité de strontium introduite modifie le pH mesuré dans le ciment lors de la réaction de prise (plus de strontium conduit à une diminution du pH), ce qui influence la composition de la phase principale du ciment (brushite puis monétite pour des teneurs plus importantes) et la quantité de produits résiduels dans la composition finale diminue.

Yu et coll. [2009], quant à eux, ont choisi d’introduire le strontium dans leur produit initial par co-broyage de la brushite avec de l’hydroxyde de calcium et du carbonate de strontium. Ils obtiennent ainsi un phosphate de calcium amorphe contenant du strontium, qui entre dans la composition de la phase solide du ciment. Les ciments durs sont alors constitués d’apatite partiellement substituée, ainsi que de SrCO3 résiduel, dont la quantité diminue après 10 jours

de prise.

Les propriétés d’usage de ces ciments ont été testées : le temps de prise augmente avec l’ajout de strontium. C’est également le cas dans l’étude de Alkhraisat et coll. [2008], mais uniquement jusqu’à une teneur en strontium fixée par le rapport Sr/(Sr+Ca) = 20 %. Par ailleurs, ces derniers n’observent aucune différence significative de porosité ou des propriétés mécaniques des ciments contenant du strontium, alors que pour Yu et coll. [2009], la porosité et la taille des pores sont modifiées : la majeure partie de la porosité des ciments concentrés en strontium est constituée de pores de moins de 100 nm, alors que pour des teneurs plus faibles, les pores sont majoritairement de taille supérieure à 100 nm. Par conséquent, la proportion de strontium induit une variation de la résistance en compression des ciments, toutefois non linéaire.

Yu et coll. [2009] confirment l’augmentation de radio-opacité des ciments avec la teneur en strontium. Alkhraisat et coll. [2008], quant à eux, ont pratiqués des tests de libération du strontium dans de l’eau. Les résultats indiquent que plus le ciment contient de strontium, plus la quantité de strontium libérée augmente. Les tests réalisés in-vitro sur cellules hFOB1.19 (ostéoblastes humains) n’ont pas montré d’influence significative de la présence de strontium dans les ciments sur l’activité et la prolifération cellulaires.

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1.3.3. Ajout du strontium dans la phase liquide

Cette voie consiste à dissoudre un sel de strontium dans la phase liquide utilisée pour gâcher le ciment. Deux contraintes majeures restreignent alors la quantité de strontium qu’il est possible d’introduire dans un ciment : d’une part, la solubilité du sel et d’autre part, les ciments minéraux ayant généralement besoin de molécules d’eau pour la réaction de prise, une concentration trop élevée de sel de strontium limite la quantité d’eau disponible pour la prise du ciment [Alkhraisat et coll., 2008].

Leroux [2000] a préparé des ciments contenant du strontium à partir de deux phases liquides différentes : la première contenant de la strontiane Sr(OH)2,8H2O et la seconde du nitrate de

strontium Sr(NO3)2. Dans tous les cas, la composition finale du ciment dépend de la

proportion de strontium introduite : pour un rapport Sr/(Sr+Ca) inférieur à 10 %, la phase majoritaire est apatitique, avec incorporation du strontium dans le réseau apatitique pour la solution de nitrate de strontium. Lorsque la teneur en strontium augmente, la quantité de produits de départ résiduels augmente, et l’apatite est de moins en moins bien cristallisée.

Les propriétés mécaniques de ces ciments ont été mesurées : à quantité d’eau égale, il semble y avoir un effet négatif du strontium sur leur résistance mécanique [Leroux, 2000].

Des tests de libération du strontium ont montré qu’une quantité relativement faible de cet élément est libérée et qu’elle correspond majoritairement à la dissolution des phases solubles résiduelles (nitrate de strontium par exemple). Au bout de 15 jours en milieu aqueux, il semble qu’il y ait re-précipitation d’une phase calco-strontique qui peut engendrer soit la libération de strontium soit l’incorporation de strontium dans la phase apatitique remodelée [Leroux, 2000].

2. Étude du ciment CaCO

3

-CaP

Cette partie du chapitre développe les résultats que nous avons obtenus lors de l’introduction du strontium dans le ciment CaCO3-CaP. Nous aborderons tout d’abord la préparation et les

caractérisations physico-chimiques du ciment contenant du strontium. Ensuite, nous nous

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intéresserons à sa radio-opacité et à ses propriétés d’usage. Nous décrirons alors le comportement du ciment en milieu aqueux. Enfin, nous présenterons les premiers résultats d’une étude cellulaire in-vitro, réalisée avec des cellules précurseurs des ostéoblastes.

2.1. Préparation et caractérisations physico-chimiques du ciment contenant du