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Étude de l’influence du broyage et du co-broyage sur les propriétés d’usage du ciment

1. Revue bibliographique

1.1. Injectabilité d’un ciment

La capacité à être injectable est l’un des avantages principaux d’un ciment vis-à-vis des céramiques classiques. Cette partie abordera donc la question de la définition du terme

Chapitre III Étude de l’influence du broyage et du co-broyage sur les propriétés d’usage du ciment

« injectabilité », la méthode de mesure de cette propriété et les diverses voies envisagées pour l’améliorer.

1.1.1. Comment définir l’injectabilité ?

L’injectabilité des ciments biomédicaux est un concept récent ; par conséquent il n’existe pas, à notre connaissance, de définition reconnue par la communauté scientifique. C’est une propriété propre aux formes visqueuses (pâtes, gels…) et en particulier aux ciments, qui peuvent être injectés sous forme de pâte puis prendre et durcir in-situ, contrairement aux céramiques qui doivent être implantées sous forme de blocs massifs à géométrie prédéfinie.

De manière générale, nous pouvons définir l’injectabilité d’un ciment comme la possibilité d’extruder un ciment à l’aide d’une seringue pour l’injecter dans le milieu biologique. Une pâte est donc injectable si elle peut être injectée dans la cavité à combler par un dispositif de type seringue munie éventuellement d’un cathéter, sans que cela ne modifie son intégrité.

Trois facteurs majeurs sont à prendre en compte pour définir l’injectabilité d’un ciment : - la pression d’injection (le ciment doit être injectable manuellement par tout chirurgien

sans demander un effort trop important).

- le phénomène de séparation de phases qui ne doit pas avoir lieu : en effet, certains ciments minéraux font preuve d’une démixtion de phases dans le corps de la seringue lors de l’application d’une pression ; elle conduit à l’extrusion d’une pâte fluide et à la formation d’un « gâteau » (masse solide) qui reste dans la seringue et bloque le passage de la pâte restante : ce phénomène est aussi appelé « filtre-pressage ».

- l’évolution de la structure du ciment au cours du temps (due à la réaction de prise), ce qui a deux conséquences principales pour l’injectabilité : la diminution de cette dernière avec le temps, et une altération des propriétés finales du ciment s’il est injecté trop longtemps après gâchage [Liu et coll., 2006-a]. C’est pourquoi il est important de prendre en compte les temps caractéristiques du ciment au cours d’une étude sur l’injectabilité.

La multiplicité des phénomènes à prendre en compte rend délicate la définition de ce concept. C’est pourquoi, la plupart des définitions proposées dans la littérature ne prennent en compte

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qu’une partie de ces phénomènes ; la comparaison des résultats expérimentaux d’une étude à l’autre est alors difficile voire impossible. Par exemple, si l’on ne considère que la pression d’injection, il est préconisé de diminuer les forces de friction, généralement liées à la viscosité du ciment, pour diminuer la pression et ainsi augmenter l’injectabilité. Si en revanche on considère qu’un ciment est injectable si le phénomène de séparation de phases n’a pas lieu, diminuer la viscosité du ciment devrait diminuer sa cohésion et donc son injectabilité.

Par conséquent, plusieurs publications pointent le besoin de développer une définition

standard de l’injectabilité en tant que propriété intrinsèque du ciment. Il est nécessaire que

ce soit une propriété mesurable : il faut donc également définir une méthode de mesure de

l’injectabilité indépendante du dispositif de mesure [Bohner et Baroud, 2005-a ; Khairoun et

coll., 1998-a ; Lewis, 2006].

1.1.2. Comment mesurer l’injectabilité ?

Il n’existe pas, à notre connaissance, de norme décrivant le protocole à suivre pour quantifier l’injectabilité d’une pâte. Les définitions de ce terme variant d’un groupe de recherche à un autre, différents dispositifs et protocoles de mesure de l’injectabilité ont été proposés. L’annexe C répertorie différentes stratégies ainsi que les conditions opératoires utilisées dans ces études.

Une des définitions du terme injectabilité, utilisée par plusieurs auteurs, est l’absence de séparation de phase. L’injectabilité est alors mesurée en pourcentage de pâte qu’il est possible d’extruder (en masse ou en volume), selon l’équation suivante :

 

seringue la dans insérée pâte de totale volume ou Masse seringue la de extrudée pâte de volume ou Masse ité Injectabil %  100 (éq. III-1)

Il faut noter que, même lorsque les auteurs s’accordent sur cette définition, certains mesurent la quantité de pâte extrudée en s’arrêtant à une force d’injection limite (cas majoritaire), d’autres en s’arrêtant après un temps d’extrusion donné, d’autres indépendamment de ces deux critères.

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Cette méthode de mesure a plusieurs inconvénients :

- il existe une limite supérieure d’injectabilité lorsqu’elle est mesurée ainsi, car il reste toujours une quantité minimale de ciment dans la seringue [Khairoun et coll., 1998-a]. Les auteurs sont alors amenés à définir une « injectabilité idéale » [Khairoun et coll., 1998-a] ou « injectabilité complète » [Gbureck et coll., 2004].

- l’injectabilité augmente lorsqu’on augmente la quantité de ciment introduite au départ dans la seringue, car il y reste toujours à peu près la même quantité après extrusion. Bohner et Baroud [2005-a] s’affranchissent de ce problème en calculant, pour chaque volume de ciment introduit, l’injectabilité maximum qu’il est possible d’atteindre.

Dans tous les cas, la méthode de mesure ne peut pas être complètement indépendante des paramètres de mesure : force et vitesse d’injection, géométrie de la seringue, quantité de pâte testée sont autant de variables à contrôler.

1.1.3. Comment améliorer l’injectabilité ?

De nombreux facteurs influencent l’injectabilité d’un ciment et permettent de l’améliorer. La synthèse des études réalisées sur le sujet permet de souligner l’influence des paramètres suivants :

- la forme des particules de la phase solide [Bohner et Baroud, 2005-a].

- la taille moyenne et la surface spécifique des particules de la phase solide [Baroud et coll., 2005 ; Bohner et Baroud, 2005-a ; Delgado et coll., 2005 ; Gbureck et coll., 2005 ; Lewis, 2006 ; Liu et coll., 2006-a].

- la distribution de taille des particules de la phase solide [Bohner et Baroud, 2005-a; Gbureck et coll., 2005 ; Lewis, 2006].

- les interactions inter-particulaires [Sarda et coll., 2002 ; Barralet et coll., 2004 ; Gbureck et coll., 2004 ; Bohner et Baroud, 2005-a ; Gbureck et coll., 2005 ; Liu et coll., 2006- b].

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Ces propriétés peuvent être modifiées par les traitements de broyage et de co-broyage des poudres réactives ; par conséquent, leur influence sur l’injectabilité de la pâte sera plus particulièrement détaillée dans la suite du chapitre. D’autres paramètres clés ont également été soulignés, à savoir :

- la composition du ciment (phase liquide et phase solide) et l’incorporation

d’additifs dans l’une ou l’autre des deux phases [Khairoun et coll., 1998-a ; Barralet et coll.,

2004 ; Baroud et coll., 2005 ; Bohner et Baroud, 2005-a ; Burguera et coll., 2006 ; Delgado et coll., 2005 ; Gisep et coll., 2006 ; Lewis, 2006 ; Wang et coll., 2006].

- la charge de surface des particules [Barralet et coll., 2004 ; Gbureck et coll., 2005].

- le rapport liquide/solide (L/S) : l’injectabilité du ciment est améliorée lorsque la proportion L/S est augmentée [Khairoun et coll., 1998 ; Barralet et coll., 2004 ; Baroud et coll., 2005 ; Bohner et Baroud, 2005-a ; Gbureck et coll., 2005 ; Lewis, 2006 ; Burguera et coll., 2008 ; Habib et coll., 2008].

- la méthode de mélange des phases solide et liquide qui influe sur la viscosité du mélange [Gbureck et coll., 2005 ; Lewis, 2006] : le fait de compacter ou non la pâte ciment influe également sur son injectabilité.

- le temps après mélange (phase liquide + phase solide) [Khairoun et coll., 1998 ; Bohner et Baroud, 2005-a].

- le temps de prise du ciment [Bohner et Baroud, 2005-a].

- le temps de vieillissement de la phase solide préparée par broyage [Khairoun et coll., 1998].

Notons que tous ces facteurs ne sont généralement pas sans influence sur d’autres propriétés du ciment (cohésion, propriétés mécaniques,…).

Bien-sûr, le protocole expérimental de mesure de l’injectabilité est également à prendre en compte. En effet, un changement de la géométrie du système d’injection [Barralet et coll.

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2004 ; Bohner et Baroud, 2005-a] et en particulier du diamètre de l’aiguille placée en bout de seringue modifie la mesure de l’injectabilité. Théoriquement, l’injectabilité du ciment est augmentée avec une seringue courte et de diamètre plus grand. Le débit du ciment ou la vitesse d’injection [Bohner et Baroud, 2005-a ; Habib et coll., 2008] ont également une influence. Théoriquement, dans le cas de fluides newtoniens, l’injectabilité du ciment est augmentée pour un débit plus petit.

Ces deux derniers points sont totalement indépendants du ciment et par conséquent toute pâte peut-être déclarée « injectable » si un dispositif approprié est utilisé. C’est aussi ce qui rend la définition du terme « injectabilité » aussi délicate, et c’est pourquoi un protocole de mesure standardisé serait nécessaire.

1.2. Influence du procédé de broyage sur la composition et les propriétés des