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Les CRI visent à réhabiliter à fois les comportements adaptatifs sur lesquels repose directement leur participation sociale ainsi que les processus cognitifs qui les sous-tendent. Souvent, les CRI reposent sur la méthode du Discrete Trial Training (DTT), qui consiste à construire les apprentissages par incréments successifs plutôt qu’en un seul bloc [Smith, 2001]. Par ce biais, certaines adressent directement les comportements de communication et les aptitudes sociales tandis que d’autres seront dédiées à la réhabilitation des processus cognitifs de reconnaissance des émotions (et aux processus liés à la ToM en général), ou des capacités exécutives.

4.2.1 Communication

La réhabilitation du langage a été une des premières préoccupations dans les CRI auprès des enfants avec TSA. En 1985, Charlop et al. ont amélioré les réponses verbales spontanées de sept enfants avec TSA dans une tâche de réponse verbale à un stimulus qui leur est précé-demment présenté (i.e., une carte représentant une pomme) dans une procédure reposant sur un délai présentation/réponse [Charlop et al.,1985]. Les bénéfices de ces interventions en termes d’initiation de la communication des enfants avec TSA ont été compilés [Duffy et Healy,2011]. En 2002, la revue de littérature de Goldstein a présenté les bénéfices des interventions basées sur le langage, et notamment celles incluant le langage des signes, l’utilisation du DTT ainsi que les approches intégrées à l’environnement [Goldstein,2002]. Les interventions basées sur le langage des signes ont été largement répandues auprès d’enfants aux capacités communicationnelles réduites ; elles reposaient pour la plupart sur l’utilisation de supports imagés de communication augmentée et alternative [Goldstein, 2002]. Douze études répertoriées ont révélé la pertinence du DTT dans l’apprentissage

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des comportements communicationnels, par le biais de renforçateurs et de prompts, pré-conisés dans l’ABA. Ces données représentent les fondations pour le développement de procédures pertinentes à la rééducation de la communication verbale chez les enfants avec TSA [Goldstein,2002].

Comme dans la nouvelle classification des TSA [American Psychiatric Association,2013] certaines interventions ne font pas la distinction entre difficultés dans la communication et les interactions sociales, et ont plutôt pour but la réhabilitation de la « communica-tion sociale » chez les enfants avec TSA. Par exemple, Ingersoll décrit et compare deux méthodes pour ce type d’interventions, distinguant les interventions développementales et comportementales naturalistes des interventions dites socio-pragmatiques, basées sur les interactions [Ingersoll,2010]. Les résultats de 26 études de type CRI rapportent des améliorations dans l’attention conjointe, la réciprocité sociale, et les capacités langagières [Morgan et al.,2014]. Cependant, les auteurs pointent l’hétérogénéité des mesures pour déterminer de la pertinence de ces interventions. Très récemment, une revue de la litté-rature des interventions basées sur les relations avec les pairs présente la pertinence de ces interventions dans l’augmentation des interactions sociales des enfants avec TSA. Les auteurs pointent tout de même du doigt le faible nombre de participants inclus, rendant la généralisation des résultats difficile [Watkins et al.,2015].

4.2.2 Aptitudes sociales

Au cœur de la symptomatologie des TSA, les aptitudes sociales ont été une préoccupa-tion majeure dans la prise en charge des enfants depuis les années 60. En 2010, Reichow et Volkmar présentent une revue de littérature comprenant les résultats de 66 CRI ciblant les aptitudes sociales [Reichow et Volkmar,2010]. Une grande part de ces études effec-tives reposait sur les principes de l’ABA (i.e., récompenses, incitations, etc.), aux travers de stratégies diverses. Parmi les stratégies de prise en charge, l’apprentissage avec ses pairs neuro-typiques, qui présente des résultats significatifs dans les améliorations des aptitudes sociales, est recommandé par les auteurs [Reichow et Volkmar,2010]. Les apprentissages en groupe ont également été identifiés comme pertinents pour l’amélioration des com-pétences sociales globales, et des comportements amicaux. Cependant, les résultats des études sont difficilement comparables. En cause une grande hétérogénéité des évaluateurs, des mesures, et des implémentations de ces interventions (pour revue : [White et al.,2007; Reichow et al.,2012]). Les scripts sociaux constituent une autre stratégie de CRI adressant les aptitudes sociales. Ils ont été largement utilisés auprès des enfants avec TSA, grâce à des outils comme Social Stories™ [Kokina et Kern,2010;Reynhout et Carter,2006]. Ces outils, issus d’un d’une conception prenant en compte le fonctionnement particulier des enfants avec TSA, se présentent sous la forme d’histoires courtes décrivant une situation, des concepts, ou des aptitudes sociales qui feront sens pour l’enfant [Reynhout et Carter, 2006]. Les CRI reposant sur ces outils ont rapporté des résultats en termes de réduction de comportements inappropriés, d’améliorations de la communication et dans la performance

à une tâche [Reynhout et Carter,2006]. Néanmoins, les apprentissages semblent peu ou pas maintenus dans le temps, leur généralisation à d’autres situations absentes [Reynhout et Carter,2006].

Ici encore, certains auteurs ne distinguent pas aptitudes sociales et mécanismes de ToM, les amenant à considérer la « cognition sociale » dans leurs interventions auprès des enfants avec TSA [Ozonoff et Miller,1995]. Récemment, une étude présente les résultats d’une CRI auprès de 69 enfants avec TSA. Celle-ci incluait une rééducation de la communication non-verbale, de la reconnaissance d’émotions ainsi que des mécanismes de ToM plus élaborés. Les auteurs rapportent des améliorations significatives dans la communication non-verbale, l’empathie et les relations sociales [Soorya et al.,2015]. Ces dernières années ont donné lieu à l’apparition de nouvelles approches. C’est par exemple le cas des interventions basées sur la création collaborative avec des Lego™3, qui présentent des résultats intéressants dans le développement des aptitudes sociales des enfants avec TSA [Brett,2013]. D’autres CRI innovantes explorent les apports du théâtre pour la réhabilitation des aptitudes sociales des enfants avec TSA, et rapportent une augmentation et une amélioration des interactions sociales avec les pairs neuro-typiques [Corbett et al.,2015].

4.2.3 Mécanismes de ToM

La littérature fait une large place aux CRI dédiées à l’entrainement des capacités relatives au deuxième niveau de ToM : l’identification et la mentalisation des états mentaux d’au-trui. Parmi elles, les entrainements à l’identification des émotions sont les plus répandus. Ryan et Charragáin ont proposé un programme d’entrainement à 20 enfants avec TSA, par groupes de 4 à 7, dans des séances de travail d’une heure, à raison d’une séance par semaine durant un mois. Leur performance a été comparée à celle de 10 enfants contrôles. Les auteurs rapportent une amélioration significative de la performance dans la tâche d’identi-fication des 6 émotions de base chez les enfants aillant bénéficié de l’entrainement [Ryan et Charragáin,2010]. Les auteurs soulignent l’aspect très répétitif de ces entrainements, ainsi que les difficultés de généralisation des apprentissages [Golan et Baron-Cohen,2006; Silver et Oakes,2001]. Aussi, la très grande majorité de ces entrainements repose sur un outil informatique [Golan et Baron-Cohen,2006] ou sur des supports vidéo [Golan et al., 2010]. Ils seront présentés dans la section suivante, qui décrit comment les interventions, et notamment les CRI, ont investigué les nouvelles technologies dans la prise en charge des enfants avec TSA. Par ailleurs, outre la reconnaissance des émotions, les CRI ont éga-lement concerné les autres mécanismes de ToM. Une étude a évalué la pertinence d’un programme d’entrainement à la ToM auprès de 18 enfants avec TSA. Les auteurs rapportent des améliorations significatives dans les domaines de la perception/imitation, les croyances de premier ordre, les faux-semblants ainsi que la compréhension de l’humour. De plus, les 3. Lego™, d’une marque danoise, est un jeu de construction largement répandu en Europe. Il est basé sur des briques élémentaires à assembler.

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comportements socio-adaptatifs des enfants évalués par les parents grâce à la VABS ont également progressé dans les domaines des aptitudes sociales et des loisirs [Gevers et al., 2006]. Ces résultats concernant la généralisation des connaissances acquises sont à nuancer au vu d’autres études. En effet les répercussions fonctionnelles des apprentissages cognitifs semblent absentes dans une étude incluant 40 enfants avec TSA qui rapporte des résultats mitigés : les connaissances des concepts de ToM ont été améliorés, alors que l’empathie et les comportements sociaux demeuraient inchangés [Begeer et al.,2011].

D’autre part, le premier niveau de ToM (i.e., identification et mentalisation de ses propres états mentaux) a lui aussi fait l’objet de CRI auprès des enfants avec TSA. Elles avaient pour objet l’entrainement à l’identification de ses propres émotions, ainsi que le développement de stratégies d’autorégulation émotionnelle (pour revue : [Reid et al., 2013]). Reposant sur des définitions variables de l’autorégulation émotionnelle, ces stratégies peuvent tout de même être divisées selon 5 axes : l’autogestion, l’autoévaluation, l’identification de buts, l’auto-instruction et l’auto-renforcement [Reid et al.,2013]. Une revue des CRI pour l’autogestion des enfants avec TSA a montré leur pertinence pour améliorer l’adaptation de leurs comportements [Lee et al.,2007]. Une intervention spécifique pour la gestion de la colère impliquant 45 enfants avec TSA reposait sur un entrainement de 2h/semaine pendant 6 semaines. L’évaluation par les parents a indiqué un recul significatif des épisodes de colère à la fin de l’intervention, accompagné d’une plus grande confiance des parents dans les capacités d’autorégulation de leur enfant. Aussi, les enseignants et les parents ont rapporté certaines généralisations des enseignements acquis en clinique dans l’environnement scolaire ainsi qu’au domicile [Sofronoff et al.,2007].

Dans une étude comparant les effets d’un entrainement des processus de ToM aux effets d’un entrainement des fonctions exécutives, des auteurs rapportent des performances améliorées dans les tâches de ToM dans les deux types d’entrainement. En revanche, les performances dans les tâches impliquant les fonctions exécutives n’étaient pas améliorées [Fisher et Happé,2005].

4.2.4 Capacités exécutives

Bien que moins nombreuses, les CRI ont été utilisée pour la réhabilitation d’autres pro-cessus cognitifs de plus haut niveau des enfants avec TSA : les fonctions exécutives (pour revue : [Ozonoff,1998]). Par exemple, une tâche d’empan numérique inverse impliquant directement la mémoire de travail a été entrainée chez 3 participants en utilisant le renfor-cement positif. Tous les 3 présentaient des performances améliorées sur cette tâche à la fin de l’intervention [Baltruschat et al.,2012]. Dans une étude impliquant plus de participants (n=121), des auteurs ont rapporté des effets significatifs de deux entrainements, un sur la mémoire de travail, l’autre sur la flexibilité cognitive. En revanche les participants ne présen-taient pas d’amélioration d’inhibition [Vries et al.,2015]. Les mécanismes d’attention ont également pu être améliorés au travers d’un programme d’entrainement perceptivo-moteur impliquant 40 enfants avec TSA [Afshari,2012].

Les CBT, comme les CRI, ont été conduites principalement dans des environnements dits protégés, c’est-à-dire en retrait par rapport à la vie quotidienne. Typiquement, ces thérapies sont menées dans des institutions spécialisées, dans le bureau d’un thérapeute,

etc. Ces interventions présentent souvent de bons résultats quant à l’amélioration des

comportements ou des processus cognitifs adressés, mais généralement pas de transfert des compétences (i.e., généralisation) aux situations de vie quotidienne. Pour répondre à ce problème, des interventions ont été implémentées directement dans les milieux de vie quotidienne. Le milieu scolaire figure au premier rang des environnements de vie quotidienne investis chez les enfants (e.g., [Iovannone et al.,2003;Goldstein,2002].