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3.1.4 Impact sur la recherche et la clinique

La nouvelle terminologie de « Troubles du Spectre Autistique » a été largement acceptée par la communauté scientifique (12631 résultats de publications scientifiques pour une recherche « autism spectrum disorders » dans la base de données PubMed). La littérature rapporte la forte validité de cette nouvelle classification pour différencier les TSA des non-TSA (spécificité élevée) [Frazier et al.,2012;McPartland et al.,2012]. En revanche, certaines limites on été identifiées quant à la faiblesse de ses critères pour décrire les individus au sein du même du groupe (sensibilité limitée), notamment pour les formes d’autisme de plus haut niveau de fonctionnement. Dans une étude de 2012, McPartland et al. avancent notamment que seulement 25% des personnes diagnostiquées avec un Syndrome d’Asperger selon les critères du DSM-IV entrent dans le diagnostic de TSA du DSM-V [McPartland et al.,2012]. Cette exclusion au diagnostic pose deux types de problèmes. Tout d’abord, sans diagnostic précis, la prise en charge que requièrent les troubles de la personne sera plus difficile d’accès, et possiblement moins adaptée aux besoins spécifiques de sa condition. Ensuite, ces personnes ne seront plus comptabilisées dans les études relevant de la prévalence des TSA dans la population, c’est-à-dire le nombre de personnes diagnostiquées dans un groupe donné. Ces études sont à distinguer de celles relevant de l’incidence, qui représente le nombre de nouveaux cas diagnostiqués au sein d’une population donnée sur une période donnée. Ces dernières orientent en partie les politiques publiques, et n’incluront donc pas ces personnes dans l’établissement des programmes de prise en charge [Fombonne,2009]. Au regard de ces résultats, d’autres études ont été réalisées afin de mesurer l’impact du changement de classification sur les taux de prévalence.

3.2 Épidémiologie : prévalence et comorbidités

3.2.1 Prévalence

La prévalence désigne le nombre de personnes diagnostiquées au sein d’une population donnée. Elle dépend donc de l’accès des personnes au diagnostic, des critères sur lequel il repose et des données disponibles recensant les diagnostics. Relativement difficiles à collecter, certains auteurs ont néanmoins cherché à rassembler et analyser ces données. Données internationales et françaises

Dans sa mise à jour de 2012 de sa revue de littérature référence de 2009 (43 études, [Fombonne,2009], Fombonne inclut notamment les données d’une revue systématique de 2012 [Elsabbagh et al.,2012] qui rapporte les prévalences des TED sur un plan global, reposant sur les critères diagnostiques du DSM-IV et de la CIM-10 [Fombonne,2012]. Il conclut à un taux de prévalence entre 90 et 120 cas de TED pour 10 000 personnes, alors que les troubles autistiques représentent entre 20 et 30 cas pour 10 000 personnes. Les garçons

sont 4 à 5 fois plus représentés que les filles, pour un ratio moyen de 4,2 garçons pour une fille. Cette répartition reste constante à travers les échantillons d’enfants et d’adultes. Au sein des TED, la revue de Fombonne de 2009 rapporte une prévalence moyenne de 20,6/10 000 pour l’Autisme, 6/10 000 pour le Syndrome d’Asperger, 37,1/10 000 pour les TED-nos et, beaucoup plus rare, de 2/100 000 pour le Trouble désintégratif de l’enfance. Les récentes études portant sur la prévalence des TSA selon les critères du DSM-V sont peu nombreuses, mais révèlent les mêmes informations : elles présentent toutes deux des chiffres inférieurs aux études précédentes [Kim et al., 2014; Maenner et al., 2014]. Cependant, ces chiffres devraient revenir aux données antérieures avec l’ajustement des pratiques diagnostiques et l’habituation des cliniciens aux nouveaux critères [Kim et al., 2014;Maenner et al.,2014]. En France, les études sont plus rares, et la prévalence des TSA n’est toujours pas connue. Les institutions spécialisées avancent souvent le chiffre de 60 000 personnes tous âges confondus (CRA Alsace). Les auteurs s’appuient sur les données provenant d’autres pays occidentaux : les Etats-Unis (Centre de Prévention et de Contrôle des Maladies, [Fombonne,2012;Christensen et al.,2014], l’Angleterre [Brugha

et al.,2011]. Dans sa revue de 2009, Fombonne répertorie 3 études portant sur la France ; cependant ces études datant respectivement de 1989, 1992 et 1997 sont relativement anciennes [Fombonne,2009]. La Haute Autorité de Santé, quant à elle, reprenait le chiffre de 1 diagnostic de TSA pour 150 naissances dans son rapport de 2012 [Haute Autorité de Santé,2010].

Une prévalence en augmentation

À travers ses nombreux travaux sur le sujet, Fombonne rapporte une prévalence des TSA en constante augmentation. Par exemple, alors qu’il rapportait une prévalence des TED entre 60 et 70 cas pour 10 000 personnes en 2009 [Fombonne, 2009], sa revue de littérature fait état de 90 à 120 cas de TSA pour 10 000 personnes en 2012 [Fombonne, 2012]. Smith et al. notent quant à eux que les premiers diagnostics ont été multipliés par 10 entre 1988 et 2000 [Smeeth et al.,2004]. Aux Etats-Unis, le Centre for Disease Control and Prevention (CDC) indique récemment une nette augmentation de la prévalence des TSA, avançant même le terme « d’épidémie d’autisme » [Christensen et al.,2014]. En France, l’État a fait de l’Autisme la Grande Cause Nationale en 2012, et a lancé son troisième Plan Autisme (2013-2017) pour répondre à une « situation des personnes autistes en France [qui] demeure critique » [Caraglio, 2013]. Cependant ces études relatives à la prévalence des TSA sont à distinguer des études relatives à l’incidence des TSA. L’incidence n’inclut pas les individus déjà diagnostiqués ou pris en charge pour une pathologie mais seulement les nouveaux cas détectés dans une certaine période. Aussi l’incidence ne peut pas être basée sur des données de prévalence [Fombonne,2012]. Ainsi, plusieurs facteurs peuvent expliquer l’augmentation de la prévalence rapportée des TSA [Fombonne,2012]. Parmi eux, les différentes définitions des TSA rendent difficiles les comparaisons entre les études : la définition restreinte de l’autisme de Kanner en 1943 [Kanner et al.,1943] a été largement

3.2. ÉPIDÉMIOLOGIE : PRÉVALENCE ET COMORBIDITÉS 45

étendue pour désormais considérer un spectre de troubles. Une autre explication concerne l’impact des modifications des critères diagnostiques sur les rapports récents de prévalence des TSA. Enfin, la variabilité dans les méthodes à travers les études a un impact sur la prévalence : certaines d’entre elles reposent sur des analyses de bases de données de structures d’accueil (e.g., cliniques, éducation spécialisée, registres nationaux, etc.), excluant de facto les personnes absentes de ces bases mais présentant les troubles.

La forte augmentation de la prévalence des TSA est sujette à débat, et plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Cependant, elle traduit une prise de conscience de cette pathologie par la société. Elle permet des améliorations dans la prise en charge de personnes généralement exclues de la société [Fombonne,2012;Haute Autorité de Santé,2010]. Enfin, l’étude de leur prévalence assure une meilleure connaissance des TSA, notamment des pathologies qui leur sont généralement associées, à savoir les comorbidités.

3.2.2 Dépistage précoce

Le dépistage est à distinguer du diagnostic. Le dépistage est réalisé auprès d’une popula-tion générale ou à risque, lorsqu’un membre de la fratrie a reçu un diagnostic de TSA par exemple ; le diagnostique repose quant à lui sur des symptômes évoquant potentiellement la présence de TSA. Ainsi le dépistage doit conduire à un diagnostic ultérieur. Le dépistage et le diagnostic précoces sont tous deux cruciaux pour le pronostic développemental de l’enfant. Les études ont effectivement montré un impact significatif des prises en charge précoces pour les enfants avec TSA, notamment en termes de langage et de fonctionnement cognitif [Warren et al.,2011]. En France, le diagnostic de TSA est en moyenne posé aux alen-tours de 3 ans (donnée sur la période 2003-2005 ; [Chamak et al.,2011]). Avant 24 mois, il est difficile de poser un diagnostic étant donnée la non-spécificité de nombreux symptômes et surtout le fait que l’enfant ne possède pas encore tout l’équipement développemental pour exprimer l’ensemble de la symptomatologie [Saint-Georges et al.,2013]. Dans ce contexte, le dépistage va permettre la mise en place de prises en charge précoces adaptées à l’intensité et à la diversité des symptômes repérés.

Concrètement, deux échelles sont les plus répandues parmi les pédiatres, médecins généralistes et pédopsychiatres pour effectuer le dépistage des TSA : la Check-list for Autism in Toddlers (CHAT, [Baron-Cohen et al.,1992]) et sa version modifiée, la Modified-Check-list Autism in Toddlers (M-CHAT, [Robins et al.,2001]). Complétées en collaboration avec les parents, ces échelles sont utilisées pour dépister les TSA chez des enfants en bas âge (i.e., âgés de 16 à 30 mois). La première (CHAT) évalue à 83,3% le risque de recevoir un diagnostic de TSA lorsque des absences de jeu symbolique, de contrôle du regard et de pointage proto-déclaratif sont observées [Baron-Cohen et al.,1996]. Cette grande spécificité est amoindrie par sa faible sensibilité : seulement un tiers des enfants aillant reçu un diagnostic de TSA seraient détectés avec la CHAT. Sa version modifiée (M-CHAT) se présente sous la forme d’un auto-questionnaire destiné aux parents. Pouvant être utilisée aux deux ans de l’enfant, elle cible les particularités développementales précoces dans les domaines de la

communication, l’attention conjointe et les relations sociales. Elle présente une spécificité comparable à la CHAT, accompagnée néanmoins d’une meilleure sensibilité [Robins et al., 2001].

Un dépistage précoce permet d’établir un diagnostic au plus tôt dans le développement de l’enfant. Sur la base de ce diagnostic, des prises en charge pourront être envisagées afin d’améliorer l’inclusion de ces enfants. Afin de les définir au mieux pour les adapter aux besoins spécifiques de chaque enfant, les troubles associés aux TSA sont investigués.

3.2.3 Comorbidités

Les comorbidités désignent les troubles associés au tableau clinique d’une pathologie ; elles sont particulièrement représentées à tous les niveaux du spectre des TSA [LoVullo et Matson,2009]. La plus fréquente concerne la déficience intellectuelle, anciennement désignée par le terme de « retard mental », caractérisant une personne avec un quotient intellectuel inférieur à 70, accompagné de difficultés d’adaptation (DSM-V, [American Psy-chiatric Association,2013]). Celle-ci concernerait environ 70% de la population TSA : 30% de retard léger à modéré (QI entre 50 et 70) et 40% de retard profond (QI inférieur à 50) [Fombonne,2003]. Les désordres de type neuropsychologiques sont également parmi les plus fréquemment rencontrés dans les TSA. Parmi eux, le trouble déficitaire de l’attention avec/sans hyperactivité (TDA/H) est identifié pour jusqu’à 50% des cas [Leyfer et al.,2006]. Les troubles anxieux sont largement répandus dans la partie supérieure du spectre (no-tamment les Syndrome d’Asperger), généralement dus aux fortes attentes sociales de ces personnes associées à leur niveau de conscience préservé [Mayes et al.,2011]. De plus, les maladies neurologiques telles que l’épilepsie concerneraient entre 20 et 25% des cas [Amiet et al.,2008]. Enfin, les déficits sensoriels auditifs et visuels peuvent être identifiés dans respectivement environ 9,5% et 1,3% des cas [Fombonne,2003].

Dans un article récent, Rieske et al. étudient les taux de comorbidités auprès de 424 enfants et adolescents avec TSA diagnostiqués avec le DSM-IV-TR, et en accord avec le DSM-V [Rieske et al.,2015]. Les auteurs rapportent des comorbidités significativement plus présentes chez les TSA quels que soient les critères diagnostiques utilisés en comparaison avec un groupe d’enfants contrôles. Ils rapportent également des taux de comorbidités équivalents à travers les deux types de critères, à l’exception des comportements répétitifs, des comportements d’évitement ainsi que les comportements de sous-alimentation [Rieske

et al.,2015]. Les auteurs rapportent donc globalement une constance dans la représentation des comorbidités au sein des TSA entre les versions 4 et 5 du DSM, mais proposent de documenter plus en profondeur les comorbidités chez les personnes qui ne rentrent plus dans les critères diagnostiques du DSM-V.

Si les critères diagnostics des TSA sont en constante évolution et soumis à de vifs dé-bats, il en va de même pour leur(s) origine(s). Une théorie alliant facteurs génétiques et environnementaux semble néanmoins émerger.