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Description clinique des TSA : un

enjeu de santé publique

Ce chapitre a pour objectif de fournir une description clinique actuelle des troubles du spectre autistique (TSA) à partir de l’évolution des critères diagnostiques, en passant par les données épidémiologiques et leur étiologie complexe, pour termienr sur les conséquences socio-adaptatives d’un fonctionnement socio-cognitif atypique.

Sommaire

3.1 Diagnostic des TSA . . . 40 3.2 Épidémiologie : prévalence et comorbidités . . . 43 3.3 Étiologie : facteurs génétiques et environnementaux. . . 47 3.4 Des comportements socio-adaptatifs limités pour un fonctionnement

sociocognitif atypique . . . 49

3.1 Diagnostic des TSA

La dernière version du Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux pro-posée par l’Association Américaine de Psychologie consacre une catégorie diagnostique à part entière aux « Troubles du Spectre Autistique » (TSA) (DSM-V, [American Psychia-tric Association,2013]) remplaçant l’ancienne terminologie de « Troubles Envahissant du Développement » (TED) (DSM-IV-TR, [American Psychiatric Association, 2000]). Cette terminologie existe également dans le chapitre F de la Classification Internationale des Ma-ladies version 10 proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé [Organisation Mondiale de la Santé,2002].

3.1.1 Évolution du diagnostic

Le passage des TED aux TSA reflète un consensus scientifique sur le fait que ce qui était précédemment considéré comme quatre pathologies distinctes au sein des TED (Au-tisme, Syndrome d’Asperger, Trouble désintégratif de l’enfance et Troubles Envahissant du Développement-non spécifiés) ne sont en réalité qu’une seule (TSA), dont la sévérité du degré symptomatologique varie dans les deux domaines centraux du diagnostic. Ainsi, le DSM-V introduit la notion de « spectre » pour rendre compte de la diversité des profils et des trajectoires développementales. Ce choix a également été motivé par l’utilisation excessive de l’ancienne catégorie « Troubles envahissants du développement non-spécifiés » par les professionnels. Cette catégorie rassemblait alors des formes cliniques variées impliquant en pratique des besoins très différents [Volkmar et Reichow,2013]. Pour finir, le DSM-V place définitivement les TSA dans la catégorie des troubles neuro-développementaux, au profit d’un modèle étiologique plus complexe prenant en compte les principaux résultats des recherches actuelles en neurosciences.

3.1.2 Critères diagnostiques

La précédente version du DSM (i.e., DSM-IV-TR) définissait les TED à travers une « triade autistique », rendant compte des altérations de la communication, des interactions sociales ainsi que de la présence de comportements stéréotypés et d’intérêts restreints. Sur la base de recherches rapportant des corrélations élevées entre déficits de communication et troubles des interactions sociales [Lord et Jones,2012], le DSM-V propose désormais une dyade de troubles dans le diagnostic des TSA, qui rassemble les altérations de ces deux domaines sous le terme « troubles de la communication sociale » (1) (critère A). Le second volet de la dyade conserve les « comportements restreints et répétitifs » (CRR) (2) (critère B) (voir Figure3.1). Notons que si les critères principaux du diagnostic sont conservés par rapport aux précédentes classifications, la notion de manifestations sensorielles atypiques est ajoutée dans le domaine des CRR. Les études rapportent notamment une hyper et/ou hypo-sensorialité ainsi que des compétences sensorielles augmentées [Ausderau et al.,

3.1. DIAGNOSTIC DES TSA 41

2014]. Contrairement aux difficultés de langage, les CRR font partie des critères distinctifs de l’autisme. Ainsi, un diagnostic TSA ne pourra être posé sans leur présence. Dans le cas de leur absence, le DSM-V a fait naitre une nouvelle catégorie diagnostique : celle du trouble de la communication sociale. En plus de la présence de la dyade de troubles qui constitue ses critères principaux, le diagnostic de TSA repose sur 3 critères complémentaires. En effet, les troubles doivent être présents dès la période précoce de développement, même s’ils peuvent ne se manifester pleinement que lorsque les capacités limitées ne permettent plus de répondre aux exigences sociales (ou être masquées plus tard par des stratégies apprises) (critère C). D’ailleurs, le diagnostic inclut également l’impact des perturbations de la dyade dans le domaine social, professionnel, ou bien d’autres domaines de la vie quotidienne de la personne (critère D). Enfin, le diagnostic de TSA peut être posé uniquement si l’ensemble de ces perturbations ne peut pas être mieux expliqué par un retard de développement ou une déficience intellectuelle (critère E).

FIGURE3.1 – Critères diagnostiques des TSA selon le DSM-V.

Ainsi, le diagnostic de TSA repose sur une évaluation pluridisciplinaire des 5 critères susmentionnés (Figure3.1), à partir desquels des prises en charges adaptées pourront être proposées. Une cotation de la sévérité de la symptomatologie de la dyade, sur un continuum allant de 1 à 3, établit le degré de soutien nécessaire à la personne. Cette description en termes de besoins de prise en charge traduit l’orientation plus pratique du DSM-V et insiste sur les liens étroits entre démarche diagnostique et interventions thérapeutiques, éducatives et pédagogiques.

3.1.3 Outils diagnostiques

Le diagnostic de TSA est avant tout clinique et repose à la fois sur l’étude du développe-ment de l’enfant, typiquedéveloppe-ment à travers le point de vue de la famille, et sur une évaluation fonctionnelle de l’enfant, par des observations directes de ce dernier en situation. Concrè-tement, 3 outils sont classiquement utilisés pour poser un diagnostic de TSA : l’Autism Diagnostic Interview, l’Autism Diagnostic Observation Schedule et la Childhood Autism Rating Scale.

L’Autism Diagnostic Interview – version révisée (ADI-R) [Lord et al., 1994]. L’ADI [Le Couteur et al., 1989] est un entretien semi-structuré avec les parents d’enfants ou d’adultes pour qui l’autisme ou les TED constituent un diagnostic potentiel. Il s’agit à la fois de retracer l’histoire développementale de l’enfant et d’aborder le profil clinique lorsqu’il se présente au moment de l’entretien. Cette version révisée, a été réorganisée et raccourcie pour être appropriée à des enfants à l’âge mental avoisinant les 18 mois jusqu’à l’âge adulte. Elle est directement liée aux critères diagnostiques du DSM-IV et de la CIM-10. Ainsi, elle permet de statuer sur la présence actuelle ou passée de particularités dans les domaines de la communication, des interactions sociales et de la flexibilité cognitive et comportementale (intérêts restreints et comportements stéréotypés). Lord et al. rapportent une grande fidélité inter-juges, équivalente à la version précédente (kappas allant de .62 à .89) ainsi qu’une forte consistance interne [Lord et al.,1994]. Sa fiabilité est bien établie pour poser un diagnostic à 3 ans. En revanche, pour les enfants de moins de 3 ans, l’ADI-R présente 30% de faux positifs et 27% de faux négatifs [Lord et al.,1994].

L’Autism Diagnostic Observation Schedule (ADOS) [Lord et al.,2000]. L’ADOS est une évaluation basée sur une observation semi-structurée de la personne en situation, à partir de 2 ans et jusqu’à l’âge adulte. Elle propose des activités standardisées qui permettent à l’examinateur de coter l’occurrence ou non de comportements sur lesquels reposent le diagnostic TSA selon les classifications internationales. Celui-ci sélectionne un des 4 modules d’activités standardisées proposés en fonction du niveau langagier de la personne et de son âge chronologique. La session est enregistrée, et les cotations réalisées à la fin de celle-ci. Les scores obtenus sont ensuite traités par un algorithme qui fournit un score total, interprété selon un seuil correspondant au diagnostic de TSA selon les critères des classifications internationales. Les auteurs rapportent une « excellente fidélité inter-juges et consistance interne, soulignant la fiabilité de l’ADOS pour différencier un diagnostic TSA d’un non-TSA, notamment sur les troubles spécifiques du langage.

La Childhood Autism Rating Scale (CARS) [Schopler et al., 1980]. La CARS est une échelle diagnostique permettant, à l’inverse des ADI et ADOS, d’évaluer la sévérité des troubles autistiques sur 14 items figurant les domaines habituellement perturbés (e.g., relations sociales, imitation, réponses émotionnelles). Un quinzième item relate les « im-pressions générales », notant globalement le degré d’autisme, tant sur le plan quantitatif que qualitatif des comportements de la personne. Chaque item est coté sur un continuum allant de 1 (« normal ») à 4 (« sévèrement anormal ») par rapport aux attendus en fonction de l’âge de la personne. Le score total obtenu (maximum 56) représente la somme des 14 premiers items. Un score total compris entre 30 et 36 correspond à un niveau modéré de troubles tandis qu’un score total supérieur à 36 correspond à des troubles sévères. Les auteurs rapportent une grande fiabilité (alpha=.94) et une grande fidélité inter-juges (kappa=.71).