CHAPITRE 2 : DES ATOUTS DES TERRITOIRES NON MÉTROPOLITAINS AUX
III. Résultats des estimations
1. La contribution de la distance au PIB
1.3. Intervalles de distance en Occitanie
Concernant la question de la distance, notre dernière application du modèle consistera en la
création d’intervalles de distance pour le cas de la région Occitanie. En effet, si l’on a pu
constater précédemment qu’au niveau de la région εidi-Pyrénées, l’étude de ces intervalles
mettait en exergue le fait que la distance au centre contribuait de façon négative au PIB des
territoires périphériques de la région, il convient de s’interroger sur les conséquences de la
création de la nouvelle région Occitanie sur ces mêmes territoires.
En effet, la région Midi-Pyrénées va maintenant regarder vers l’Est du fait de son
rattachement à l’ancienne région δanguedoc-Roussillon, soulevant dès lors la question de
l’avenir des territoires déjà trop éloignés du centre de l’ancienne région εidi-Pyrénées, et de
la double peine qu’ils risquent de subir. Ces territoires déjà en partie laissés sur le bord de la
route de la métropolisation ne vont- ils pas être encore davantage marginalisés par cet
élargissement régional ?
Il convient de rappeler que lorsque nous appliquons le modèle à la région Occitanie nous
choisissons εontpellier comme nouveau centre, afin d’illustrer le fait que l’élargissement de
la région vers l’Est pourrait déplacer une partie des flux d’activités économiques vers l’Est en
région211. Si un tel phénomène économique venait vraiment à se concrétiser, cela finirait de
laisser pour compte les territoires périphériques, notamment ceux situés à l’Ouest de la
métropole toulousaine.
δes résultats de l’estimation de notre modèle appliqué à la région Occitanie avec les différents
intervalles de distance sont présentés dans le tableau 3.6.
La première remarque à effectuer consiste à dire que nos résultats sont robustes, puisque notre
variable d’intérêt, la distance, est significative quel que soit l’intervalle de distance choisi. Par
ailleurs les R² ajustés sont également satisfaisants.
Concernant la variable de distance, on remarque que le coefficient change deux fois de signes
lors de nos estimations, comme si la variable suivait une courbe en cloche. Nous savons, suite
à notre première analyse, que la métropole toulousaine a une aire d’influence d’environ 100
kilomètres, et qu’au-delà de cet éloignement la distance contribue de façon négative aux PIB
des territoires. Par ailleurs le centre de Montpellier et de Toulouse sont éloignés d’une
distance d’environ β50 kilomètres.
211
Nous avons également testé notre modèle en remplaçant la distance au centre montpelliérain par une distance moyenne par
rapport à Toulouse et à εontpellier pour voir si il y aurait un effet d’attractivité des deux métropoles, notamment pour les
départements situés entre les deux métropoles, alors, D= DToulouse + DMontpellier
au lieu de D=DMontpellier..
2
Dès lors, la valeur des intervalles de distance est modifiée, les distances minimales et maximales n’étant plus les mêmes.
δorsque l’on applique cette nouvelle distance moyenne à notre modèle benchmark, les résultats sont globalement les mêmes
que ceux obtenus avec la simple distance à εontpellier. En revanche, lorsque l’on découpe la distance en intervalles, les
résultats ne sont pas satisfaisants. C’est la raison pour laquelle la distance au centre de εontpellier a été privilégiée comme
mesure de la distance pour le modèle Occitanie.
Tableau 3.6 : Estimation de la contribution de la distance à l’évolution du
PIB avec des intervalles de distance pour la région Occitanie
Résultats de la régression pour le modèle : Y=Y( Dist, EI, ET, PREC)
Modèle en panel à effets fixes
OCCITANIE
Variable Distance Emploi Emploi Précarité Adj. R²
dépendante : industriel touristique
PIB
-0.019 0.810 0.182 -0.018 0.81595
D< 200km (***) (***) (***) (***)
-0.020 1.002 0.015 -0.008 0.81737
D<250 km (***) (***) (*)
0.015 0.987 0.010 0.010 0.81679
D>300km (***) (***) (**)
0.010 0.942 0.045 0.012 0.81436
D>320km (***) (***) (*)
-0.003 0.774 0.245 0.002 0.8134
D>350km (*) (***) (**)
-0.036 0.391 0.775 0.005 0.81538
D>380 km (***) (***) (***)
Note 1 : les * indiquent la significativité au niveau de 1% (***), de 5% (**) et de 10% (*).
Note 2 : Afin d’alléger la lecture, on ne met pas la valeur des p-values mais seulement les seuils de significativité.
Quand l’intervalle de distance qui sépare les départements de εidi-Pyrénées de Montpellier
est inférieur à 200 kilomètres, on constate que le PIB est impacté négativement par la
distance. Ainsi, même pour les territoires les plus proches de la métropole montpelliéraine, la
distance est un frein à la création de richesse. Ces résultats ne sont pas surprenants. En effet,
si l’on a montré que l’aire d’influence de Toulouse était de 100 km, on peut imaginer que
celle de Montpellier, qui est une aire urbaine de moindre importance, est plus limitée. La
distance qui sépare les premiers territoires de Midi-Pyrénées de l’ancienne métropole de
Languedoc Roussillon (200km) semble dès lors un obstacle bien trop important pour que cette
dernière puisse contribuer positivement au PIB, en plus des barrières supplémentaires que
peuvent représenter par exemple le manque de connaissances sur les réseaux, ou encore les
politiques en place dans la région voisine.
De la même manière, lorsque la distance est supérieure à 350 kilomètres, le coefficient de
cette variable est à nouveau négatif. Ces territoires (dans le cas présent on retrouve le Lot et
les Hautes-Pyrénées) sont clairement trop éloignés, aussi bien de la métropole toulousaine,
que de la métropole montpelliéraine, pour que la distance au centre n’impacte pas
négativement la création de richesses en leur sein.
Entre ces deux distances, l’éloignement contribue positivement au PIB des territoires, les
coefficients restent néanmoins faibles. Cet intervalle pour lequel la distance contribue
positivement au PIB des territoires représente en fait l’emplacement de la métropole
toulousaine à laquelle s’ajoute son aire d’influence. Nous avons démontré précédemment que
la zone d’influence positive de la métropole sur la création de richesse des territoires de la
région était de 100 kilomètres. Considérant que les deux métropoles sont éloignées de 250
kilomètres l’une de l’autre, il est dès lors cohérent de constater qu’au-delà de 350 kilomètres
de Montpellier la distance impacte négativement le PIB. On remarque également, que sur cet
intervalle de distance, l’emploi touristique n’est pas significatif. En revanche, il le devient dès
lors que le territoire est situé à plus de 350 km de Montpellier, et son coefficient croit
conjointement à la distance. Ces résultats sont cohérents puisque nous avons déjà exprimé
précédemment que le tourisme était une activité dont la consommation n’était pas mobile, et
qu’elle se concentrait dans les zones périphériques. On sait notamment que l’image d’un lieu
touristique et sa qualité, sauf cas particuliers, est une fonction de l’éloignement qui sépare ce
dernier du lieu de résidence principal des touristes.
En conclusion, les territoires les plus proches de la métropole montpelliéraine, tout comme les
plus éloignés, voient leur PIB impacté négativement par la distance au centre de cette
désormais deuxième métropole régionale. Pour les territoires les plus périphériques, cet
éloignement semble difficilement surmontable même avec des politiques d’intégration
régionales plus marquées. Ces territoires doivent alors continuer de se développer, d’une part
grâce à l’expérience de l’effet réseau qui existe au niveau industriel en εidi-Pyrénées (et qui
est relativement efficace) et de ses effets de débordement, et d’autre part grâce à des activités
périphériques telles que le tourisme. Pour les territoires le plus proches de la Montpellier, il
sera intéressant de voir si la mise en place de la nouvelle région et des politiques qui vont
l’accompagner permettront de dépasser l’effet de distance et de défiance qui peut exister entre
les deux territoires. Si aujourd’hui le manque d’antériorité de nos données, quant à la récente
mise en place de la réforme territoriale, ne nous permet pas de tirer des conclusions tranchées,
il sera intéressant de mener une analyse du même type dans quelques années afin de faire le
bilan de l’efficacité de cette réforme sur les dynamiques économiques en place dans les
territoires.
Cette première partie de l’analyse empirique nous a permis de montrer que la distance au
centre métropolitain impactait bien la création de richesse dans le reste des départements de
Midi-Pyrénées. Si certains territoires ont pu profiter du processus de métropolisation et de
l’implantation d’activités industrielles en zones périurbaines, ceux situés au-delà de l’aire
d’influence de la métropole (100km) devront compter sur un réseau industriel historique
efficace pour profiter des effets de débordements métropolitains, ainsi que sur l’exploitation
d’activités périphériques telles que l’activité touristique. Concernant l’élargissement de la
région Midi-Pyrénées à l’Occitanie, c’est avec précaution que des conclusions doivent être
apportées. Si sur la période étudiée (2003-2013), la distance à la métropole montpelliéraine
restait un facteur qui impactait négativement les PIB de ces territoires, il se pourrait qu’une
politique d’intégration régionale efficace dans les années à venir, notamment au niveau
industriel, permette aux territoires les plus proches de cette deuxième métropole de limiter
peu à peu l’impact de la distance. Néanmoins, cette conclusion parait difficilement réalisable
tant les distances en jeu sont importantes, et les deux métropoles éloignées. Pour les territoires
déjà périphériques de Toulouse, la marginalisation de εontpellier ne sera qu’une double
peine, notamment si les territoires de proximité arrivent finalement à capter à terme les effets
de Montpellier. Néanmoins il convient de rappeler que les territoires périphériques captent à
leur tour les effets de débordements d’autres territoires contigus, comme c’est par exemple le