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3.5 Onde de densité de spin et onde de densité de charge dans le chrome pur

4.1.3 Interprétation en terme de phase

Ces images sont très différentes des images de speckle couramment observées par dif-fraction cohérente des rayons X aux grands angles (voir par exemple [10]). Ce dédoublement ne peut pas être lié à des domaines magnétiques ayant des orientations différentes. En effet, dans ce cas, l’effet apparaîtrait dans la direction transverse. Cela ne peut pas être expliqué non plus par la présence de plusieurs domaines dans la direction radiale, avec des vecteurs d’onde d’ODS différents. En effet, dans ce cas, les deux pics observés seraient deux fois plus larges que ceux de la figure 4.8 a). Nous allons voir qu’une interprétation en terme de défaut de phase de l’ODS, de type dislocation, permet de rendre compte des mesures présentées.

Nous avons vu au chapitre 2 que la présence d’une dislocation isolée dans un réseau avait pour conséquence l’apparition d’un profil dédoublé des réflexions de Bragg, où chaque pic a la même largeur que les pics associés à des réseaux parfaits. La situation est ici légèrement différente. En effet, la structure magnétique est plus complexe qu’un simple réseau atomique, puisque à l’ODS se rajoute un antiferromagnétisme commensurable. Nous choisissons de développer des calculs en terme de phase. Un calcul à une dimension permet de sentir la différence entre les dislocations dans les réseaux habituels, et une dislocation dans une structure magnétique telle que celle du chrome. Un produit de deux modulations sinusoïdales de vecteurs d’ondes différents a été crée, et un défaut de phase quelconque est rajouté sur une des deux modulations :

cos (qax) cos (qODSx + φ) = cos (qax)e

2 

eiqODSx+ e−iqODSx−2iφ (4.5) où qareprésente le vecteur d’onde de la modulation antiferromagnétique, et qODS celui de la modulation associée à l’ODS. Pour φ = π, cette modulation se réduit à :

− cos (qax) cos qODSx (4.6)

Un défaut de phase de π peut donc être rajouté sur l’une ou l’autre modulation, sans changer le profil de diffraction. Par contre, pour des phases φ quelconques, il n’est plus équivalent de rajouter la phase sur l’une ou l’autre modulation. La figure 4.9 illustre les deux situations dans l’espace réel, et les profils de diffraction correspondants, en prenant une phase φ = π/2.

Dans les deux cas, un dédoublement apparaît, mais les deux réflexions sont symétriques dans un cas, et pas dans l’autre. Il faut noter tout de même qu’il n’est pas correct de rajouter une telle phase sur la modulation antiferromagnétique, qui ne peut présenter que des défauts de retournement de spin, c’est-à-dire des défauts de π. Nous choisissons donc dans la suite de ne considérer les défauts de phase qu’à travers la modulation de l’ODS, comme formulé dans l’équation 3.42, puisque les défauts de retournement des spins de π peuvent apparaître dans φS également.

La discussion menée au chapitre2sur l’effet des constantes de forces, peut être transpo-sée au cas de la structure magnétique du chrome. En effet, comme illustré sur la figure4.10,

Figure 4.9 – Modèle 1D de dislocation sur la modulation magnétique. Un saut de phase sur la modulation antiferromagnétique ou sur l’onde de densité de spin ne conduit pas au même profil de diffraction.

les mêmes effets de dédoublement sont attendus en modifiant les constantes de force de l’ODS.

Sur cette figure, l’ODS module l’amplitude des moments magnétiques placés sur un réseau, l’échelle des couleurs allant du jaune pour une phase nulle au bleu pour une phase π. Les profils de diffraction associés sont ceux de la réflexion magnétique, qui présente une forme torique pour le cas de constantes de forces isotropes, et des dédoublements dans une direction unique pour des constantes de force fortement anisotropes.

En général, les constantes de force des ondes de densité peuvent être obtenues à partir des courbes de dispersion données par des mesures de diffusion inélastique de neutrons ou de rayons X [58]. Concernant le chrome, la relation de dispersion a été mesurée dans la direction longitudinale [117], mais à notre connaissance, aucune mesure dans la direction transverse n’a été effectuée. Par conséquent, le rapport des constantes de force dans le chrome nous est inconnu, et c’est donc un paramètre libre de nos simulations pour la relaxation autour du défaut de phase.

Des simulations ont donc été effectuées, en prenant une boîte numérique cubique de taille L × L × L avec L = 60 cubes. Les largeurs et intensités obtenues ont été mises à l’échelle pour correspondre à celles des pics expérimentaux. Il est important de noter ici qu’une modification de la taille de la boîte numérique affecte les largeurs des profils, mais pas leur forme, ce qui justifie cette mise à l’échelle.

Figure4.10 – Pics de diffraction associés à des dislocations d’ODS avec différents rapports de constantes de force.

Nous avons testé l’effet de la présence de dislocations coin, vis et mixtes sur l’ODS dont les lignes de dislocation se propagent suivant une des trois directions h100i ou la direction [111], et les paramètres à ajuster sont le rapport d’anisotropie des constantes de force, et la position de la ligne de dislocation dans le volume éclairé, de coordonnées (x0, y0, z0). Une contrainte à respecter pour ces calculs est le fait que les images sont prises avec des intervalles de 20 µm et suivant la direction y. Le nombre de solutions possibles a été fortement diminué par cette contrainte.

envisa-geable que la ligne de dislocation soit orientée suivant la direction z, car le dédoublement serait apparu dans le plan perpendiculaire à [00L]. Par ailleurs, si la ligne avait été orientée suivant la direction y, la translation suivant cette même direction n’aurait pas affecté le profil de diffraction. Parmi toutes les autres solutions testées, celle qui reproduit le mieux nos mesures est la présence d’une dislocation dont la ligne est dirigée suivant la direction x, en prenant un rapport de constantes de forces de l’ODS fortement anisotrope

q

Ky

Kz ∼ 7. La distinction entre dislocation coin et vis n’a pas pu être faite. La figure4.11représente la structure magnétique en présence de la dislocation ainsi que les ajustements correpondant sur les profils de diffraction.

L’apparition continue du dédoublement lors de la translation de l’échantillon se traduit bien dans la simulation par le même effet en déplaçant la line de dislocation suivant l’axe y. Les pas pris en compte pour la simulation sont équivalents à 18 µm dans l’expérience, ce qui est très proche des déplacements de 20 µm effectués dans l’expérience. Le dédoublement disparaît quand la ligne de dislocation est trop éloignée du centre du volume sondé. Par ailleurs, la position de la ligne de dislocation dans la direction z est trouvée légèrement décalée par rapport au centre dans cette direction.