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P ARTIE E XPÉRIMENTALE

4. E XPÉRIENCE DE PRODUCTION

4.1 O BJECTIFS DE L ’ ÉTUDE

4.4.5 Interprétation des erreurs pour /R/

Comme précisé au point 4.3.2.3, la production du /R/ n’a pas été jugée comme /R/

1'685 fois : sur 2'880productions, elle a donc été considérée comme « autre chose que /R/ » dans 58.51% des occurrences.

4.4.5.1 Erreurs globales

Globalement, il ressort des résultats obtenus que les confusions dans la production du /R/ ont été faites essentiellement avec le « H » (presque la moitié des erreurs), puis avec le « L » (presque un quart des erreurs) (Figure 8). La confusion avec « D » et avec « PC » ne dépassait en revanche pas les 15%, et celle avec « G » n’atteignait pas les 5%.

Afin d’expliquer ces résultats, on peut supposer que cette confusion dominante avec « H » est due au lieu d’articulation de cette dernière : le /h/113 étant une consonne fricative glottale, elle est relativement proche de l’articulation du /R/ du français – qui, pour rappel, est une fricative uvulaire (bien qu’elle soit souvent qualifiée de consonne liquide, comme par Léon, 2009). Les deux consonnes /R/ et /h/ sont donc fricatives, produites avec le dos de la langue, et se situent à l’arrière de l’appareil articulatoire. On peut alors imaginer que c’est cette proximité phonétique entre elles qui provoque ce plus haut taux d’erreurs via un transfert allophonique du /h/ du japonais, alors que la confusion entre le /R/ le /l/ – moins forte mais représentant tout de même un quart des erreurs – pourrait quant à elle être due à leur proximité phonologique – toutes les deux étant des liquides –, ce qui se traduirait par une réalisation « à la japonaise » de la rhotique dont, pour rappel, le [l] est un allophone.

113 Nous considérons donc ici, tout comme pour la suite du travail, que les choix « G », « R », « H », « D » et « L » correspondent aux phonèmes /g/, /R/, /h/, /d/ et /l/. Bien que conscients que le choix orthographique fait par les participants francophones n’atteste pas qu’ils aient vraiment perçu ces phonèmes (en raison de la complexité des liens phonético-phonologiques avec la graphie), nous nous autorisons ce raccourci car – outre par souci de clarté – ce n’est pas la perception des francophones qui est testée, mais bien la production des japonophones.

4.4.5.2 Erreurs selon les variables

Comme nous l’avons vu, le choix des erreurs lors de la production du /R/ est influencé par le contexte vocalique, le mode de production et le subjects’ goodness.

Concernant l’effet du contexte vocalique, on remarque que les choix influencés par la voyelle sont le « H » – plus de confusion avec le /o/ –, le « D » – plus de confusion avec le /i/ –, et « PC » – plus de confusion avec le /o/ (Figure 9). Nous ne traiterons toutefois pas de ce dernier choix, car en plus d’être moins influencé que les deux autres par la voyelle (p < 0.01 vs p < 0.001), il ne représente au maximum que 15% des erreurs. En ce qui concerne les deux autres choix (« H » et « D »), nous supposons que les résultats peuvent à nouveau être expliqués via des phénomènes articulatoires. En effet, le /o/ étant une voyelle postérieure, son articulation est proche à la fois du /R/ et du /h/. Cette proximité pourrait entraîner une confusion plus élevée lorsque la voyelle suivante est /o/ que lorsque la voyelle suivante est le /i/, puisque l’articulation de cette dernière est antérieure. En revanche, cette articulation antérieure du /i/ pourrait expliquer – suivant la même logique articulatoire – le taux de confusion plus élevé avec le « D » lorsque la voyelle suivante est /i/ que lorsqu’elle est /o/. En effet, comme vu précédemment, le /i/ entraîne plus facilement une prononciation de la liquide « à la japonaise ». Or, si l’allophone principal du /ɾ/ du japonais est le [l], le [d] en est également un – dont l’articulation est en outre très proche de [l], les deux phones ne se distinguant que par le mode de production.

En ce qui concerne l’influence du mode de production sur le choix des erreurs lors de la production du /R/, on constate que tous les choix, sauf celui du « G », varient suivant qu’ils soient produits en lecture ou en répétition (Figure 10). On peut de ce fait noter que l’influence de l’orthographe est très présente au moment de la sélection des choix erronés en production du /R/. Cependant, nous nous cantonnerons à discuter des choix « H » et « L », qui nous semblent être les plus intéressants114. On constate qu’en lecture, les taux de confusion avec /h/ et avec /l/ sont assez proches – entre 31 et 36% –, alors qu’en répétition le taux de confusion avec /h/ « explose » pour atteindre plus de 60%, et celui avec /l/ « chute » et devient presque inexistant (moins de 5%). Concernant le choix « H », on peut supposer que

114 D’une part, parce que ce sont les choix erronés les plus sélectionnés, et d’autre part parce que ce sont les seuls qui aient dépassé le taux de 20% de confusion.

la tâche de répétition et donc le manque de support orthographique facilite une production du /R/ via le phonème de la L1 le plus proche phonétiquement, qui se trouve être, comme on l’a expliqué, le /h/. Or, en tâche de lecture, on peut supposer que les liens phonographémiques avec la lettre « r » favorisent une prononciation à la japonaise (i.e.

battue apico-alvéolaire [ɾ] dont l’allophone principal est [l]) : ainsi, via cette réalisation articulatoire, l’association du /R/ avec le /h/ est atténuée (car n’étant plus aussi proches), et celle avec le /l/ se manifeste en lecture (en raison de l’allophonie du /ɾ/) alors qu’elle est quasi inexistante en répétition.

Enfin, on peut constater que l’influence du subjects’ goodness est également très forte sur la sélection des choix erronés, puisqu’ils varient tous suivant qu’ils aient été produits par les meilleurs sujets en perception (SG1) ou par les moins bons (SG2) (Figure 15). Nous ne traiterons cependant que des choix erronés « H » et « L », pour les mêmes raisons évoquées au sujet de l’influence du mode de production (cf. note 114).

On remarque que pour SG1 les erreurs se font en grande majorité avec le « H » (taux de confusion de presque 70%, aucun des autres choix n’atteignant les 10%, y compris celui du

« L »), et que pour SG2 la confusion se fait de manière égale entre le « H » et le « L » (30%

pour les deux). Comme mentionné quand nous évoquions les erreurs globales, l’articulation du /R/ entraînerait à la fois une facilité à ne pas la confondre avec celle du /l/ – en raison de la distance articulatoire qui les sépare en japonais –, et une confusion accrue avec le /h/ – en raison de leur proximité articulatoire. On pourrait ainsi déduire de ces résultats que SG1 a une bonne maîtrise phonético-phonologique du /R/ du français et qu’il n’associe pas ce /R/ à la même articulation que le /l/, ce qui expliquerait que les erreurs se situent presque exclusivement à un niveau articulatoire (i.e. articulations proches du /R/ et du /h/) et non phonologique (i.e. association des liquides à une seule catégorie). De la même manière, cela pourrait indiquer que SG2 ne maîtrise pas aussi bien l’articulation du /R/, puisque le choix des erreurs pourrait témoigner d’un problème se situant à la fois au niveau articulatoire (i.e.

confusion avec le /h/) et au niveau phonologique (i.e. confusion avec le /l/).

Après avoir donné quelques pistes d’interprétation des erreurs effectuées lors de la production du /R/, nous allons dans le point suivant faire de même pour le /l/.