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Le contraste "R/L" du français : un des grands défis de la prononciation pour des apprenants japonais de FLE : quelles influences à quels niveaux ?

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Master

Reference

Le contraste "R/L" du français : un des grands défis de la prononciation pour des apprenants japonais de FLE : quelles

influences à quels niveaux ?

ISELY, Romain

Abstract

Dans ce travail de Mémoire, nous nous sommes intéressé à la production du /R/ et du /l/ du français (i.e. les consonnes liquides du français) par des apprenants japonais de FLE, lorsqu'elle était évaluée par des francophones natifs. Nous avons cherché à savoir si cette prononciation était influencée par le contexte vocalique, par le support orthographique et par le niveau en perception des japonophones. En outre, une analyse des erreurs a été effectuée.

Les principaux résultats obtenus montrent que 1) lorsque la voyelle /i/ suit les consonnes liquides, celles-ci sont moins bien produites que lorsqu'elles sont suivies par la voyelle /o/ ; 2) la consonne /R/ est mieux produite sans support orthographique alors que le /l/ semble moins subir l'influence de l'orthographe ; 3) si le /R/ est mieux produit par le meilleur groupe en perception, le /l/ est mieux prononcé par le moins bon groupe en perception ; 4) la production erronée des consonnes liquides ne se font généralement pas entre elles, mais avec /h/ pour le /R/ et le /d/ pour le /l/. Des interprétations et pistes théoriques sont apportées en [...]

ISELY, Romain. Le contraste "R/L" du français : un des grands défis de la

prononciation pour des apprenants japonais de FLE : quelles influences à quels niveaux ?. Master : Univ. Genève, 2016

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:90180

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(2)

U

NIVERSITÉ DE

G

ENÈVE

F

ACULTÉ DES

L

ETTRES

Le contraste « R/L » du français : un des grands défis de la prononciation

des apprenants japonais de FLE

– Quelles influences à quels niveaux ? –

MEMOIRE

par

Romain ISELY

Directeurs : Prof. Isabelle RACINE (Université de Genève, Suisse) Prof. Sylvain DETEY (Université Waseda, Japon)

2016

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Remerciements

La réalisation de ce mémoire n’a été possible que grâce à l’aide et au soutien de nombreuses personnes. Je souhaite ici les remercier et témoigner de ma gratitude envers elles à travers ces quelques lignes.

Tout d’abord, je voudrais remercier chaleureusement mes deux co-directeurs, les Professeurs Isabelle Racine et Sylvain Detey, sans qui ce travail n’aurait pas pu voir le jour. La première, pour son encouragement continu qui m’a poussé à persévérer dans ce tortueux chemin académique que j’ai choisi, pour son aide à braver les défis administratifs et humains, et pour tout le soutien qu’elle m’a apporté, globalement et pour ce mémoire ; le second pour m’avoir permis de réaliser une étude de terrain au Japon, et m’avoir offert des conseils et un soutien constant pendant mon deuxième séjour au pays du Soleil-Levant. Je vous remercie profondément tous les deux pour votre aide, malgré votre emploi du temps surchargé, pour vos encouragements, et pour avoir cru en moi ainsi qu’à mon projet. MERCI.

A Madame Izumi Tahara, qui m’a très gentiment permis d’utiliser son bureau, ainsi que ses étudiants, afin que je puisse récolter mes données expérimentales. 誠にありがとうござい ました !

De même, je remercie tous les participants japonais qui ont accepté de consacrer plus d’une heure de leur emploi du temps chargé à la passation de mon expérience. Merci !

Pour conclure sous les latitudes japonaises, je tiens également à remercier Tomohiko Ooigawa, dont l’aide et les conseils m’ont été précieux dans la rédaction de ce mémoire.

Merci beaucoup !

Je tiens également à remercier Madame Sandra Schwab, qui m’a permis de monter mon expérience de sorte qu’elle soit apte à être analysée statistiquement, et pour son enseignement afin d’en interpréter les résultats. Merci d’avoir gentiment toléré mon harcèlement de questions, et pour le temps que vous m’avez accordé. Merci infiniment !

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Je suis également reconnaissant envers tous les participants francophones de cette étude, qui, malgré leur envie de s’arracher les cheveux au milieu de l’expérience, ont persévéré jusqu’au bout en jouant le jeu. Sans vous, rien n’aurait pu être possible, merci !

Ma plus sincère gratitude va à Joanna, dont le regard d’aigle a permis de supprimer de nombreuses fautes, et dont la plume a permis à certains paragraphes de se métamorphoser, en passant d’un état de sables mouvants à une cascade limpide. Sans toi, ce mémoire aurait eu un visage légèrement déformé, merci mille fois !

Enfin, je tiens à remercier tous ceux qui m’ont encouragé, en m’offrant du café, en me tenant compagnie durant mes longues heures de rédaction, ou encore en me changeant les idées à l’occasion d’un repas à midi. Lionel, Lucia, Camille, Vincent et tous les autres, merci beaucoup, vous m’avez aidé bien plus que vous ne le pensez !

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T ABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ___________________________________________________________________ 6

PARTIE THÉORIQUE ________________________________________________________________ 9 1. SYSTÈMES PHONÉTICO-PHONOLOGIQUES DU FRANÇAIS ET DU JAPONAIS ______________ 10 1.1 NOTIONS FONDAMENTALES ____________________________________________________ 10 1.1.1 Phonétique vs phonologie ________________________________________________ 11 1.1.2 Classement des sons ____________________________________________________ 16 1.2 NIVEAU SEGMENTAL DU FRANÇAIS ET DU JAPONAIS ____________________________________ 19 1.2.1 Système consonantique du français ________________________________________ 20 1.2.2 Système consonantique du japonais ________________________________________ 21 1.2.3 Caractéristiques des consonnes liquides du français et du japonais _______________ 22 1.2.4 Difficultés interphonologiques au niveau segmental ___________________________ 27 1.3 NIVEAU PLURI-SEGMENTAL DU FRANÇAIS ET DU JAPONAIS _______________________________ 28 1.3.1 Syllabe du français _____________________________________________________ 29 1.3.2 Syllabe et more du japonais ______________________________________________ 30 1.3.3 Difficultés interphonologiques au niveau pluri-segmental _______________________ 33 1.4 RAPPORT À LORTHOGRAPHE DU FRANÇAIS ET DU JAPONAIS ______________________________ 34 1.4.1 Système orthographique du français _______________________________________ 34 1.4.2 Système orthographique du japonais _______________________________________ 36 1.4.3 Difficultés interphonologiques au niveau phonographémique ___________________ 44 1.5 CONCLUSION ______________________________________________________________ 45 2. ACQUISITION PHONÉTICO-PHONOLOGIQUE D’UNE L2 _______________________________ 47 2.1 MÉCANISMES DE PRODUCTION EN L2 _____________________________________________ 47 2.2 MÉCANISMES DE PERCEPTION EN L2 ______________________________________________ 48 2.2.1 Facteurs influençant l’acquisition phonético-phonologique en L2 _________________ 49 2.2.2 Acquisition phonético-phonologique en L2 : les modèles SLM et L2LP _____________ 51 2.2.3 Prédictions des modèles SLM et L2LP _______________________________________ 58 2.3 CONCLUSION ______________________________________________________________ 61 3. ETUDES SUR L’ACQUISITION DES CONSONNES LIQUIDES DU FRANÇAIS PAR DES

JAPONOPHONES __________________________________________________________________ 62 3.1 TRAVAUX EXISTANTS ________________________________________________________ 62 3.1.1 Travaux sur la perception ________________________________________________ 63 3.1.2 Travaux sur la production ________________________________________________ 66 3.2 VOLET PERCEPTION _________________________________________________________ 68 3.2.1 Perception sans support orthographique (T1) ________________________________ 70 3.2.2 Perception avec support orthographique (T2) ________________________________ 71 3.2.3 Perception en tâche de discrimination (T3) __________________________________ 72 3.2.4 Comparaison inter-tâches ________________________________________________ 73 3.2.5 Synthèse de l’étude _____________________________________________________ 73 3.3 CONCLUSION ______________________________________________________________ 75

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PARTIE EXPÉRIMENTALE ___________________________________________________________ 76 4. EXPÉRIENCE DE PRODUCTION __________________________________________________ 77 4.1 OBJECTIFS DE LÉTUDE _______________________________________________________ 77 4.2 MÉTHODE _______________________________________________________________ 80 4.2.1 Participants ___________________________________________________________ 80 4.2.2 Matériel ______________________________________________________________ 80 4.2.3 Procédure ____________________________________________________________ 81 4.2.4 Analyse des données ____________________________________________________ 83 4.3 RÉSULTATS _______________________________________________________________ 84 4.3.1 Résultats globaux ______________________________________________________ 84 4.3.2 Résultats pour la liquide /R/ ______________________________________________ 85

4.3.2.1 Effets simples ___________________________________________________________________ 86 4.3.2.2 Interactions _____________________________________________________________________ 87 4.3.2.3 Erreurs _________________________________________________________________________ 90

4.3.3 Résultats pour la liquide /l/ _______________________________________________ 95

4.3.3.1 Effets simples ___________________________________________________________________ 95 4.3.3.2 Interactions _____________________________________________________________________ 97 4.3.3.3 Erreurs _________________________________________________________________________ 98

4.3.4 Synthèse des résultats __________________________________________________ 103 4.4 DISCUSSION _____________________________________________________________ 104 4.4.1 Discussion des résultats globaux _________________________________________ 105

4.4.1.1 Réussite globale de la tâche _______________________________________________________ 105 4.4.1.2 Effets simples __________________________________________________________________ 106

4.4.2 Discussion des résultats pour /R/ _________________________________________ 107

4.4.2.1 Effets simples __________________________________________________________________ 108 4.4.2.2 Interactions ____________________________________________________________________ 109

4.4.3 Discussion des résultats pour /l/ __________________________________________ 110

4.4.3.1 Effets simples __________________________________________________________________ 111 4.4.3.2 Interactions ____________________________________________________________________ 112

4.4.4 Effet orthographique pour les deux liquides _________________________________ 114 4.4.5 Interprétation des erreurs pour /R/ _______________________________________ 116

4.4.5.1 Erreurs globales _________________________________________________________________ 116 4.4.5.2 Erreurs selon les variables _________________________________________________________ 117

4.4.6 Interprétation des erreurs pour /l/ ________________________________________ 119

4.4.6.1 Erreurs globales _________________________________________________________________ 119 4.4.6.2 Erreurs selon les variables _________________________________________________________ 119

4.4.7 Comparaison des erreurs pour les deux liquides _____________________________ 121 4.4.8 Liens entre perception et production pour les consonnes liquides ________________ 122

4.4.8.1 Résultats ______________________________________________________________________ 122 4.4.8.2 Discussion _____________________________________________________________________ 125

CONCLUSION ___________________________________________________________________ 129 RÉFÉRENCES ____________________________________________________________________ 134 ANNEXES _______________________________________________________________________ 140

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I NTRODUCTION

Lors de notre premier séjour universitaire au Japon, à l’Université de Chūō (Tōkyō), l’échange verbal suivant s’est produit avec un ami japonais :

- Ah, tu as déjà visité le musée du Louvre ? Qu’est-ce que tu as préféré ? - Hmm… Mona Risa !

Intrigué par cette prononciation, nous avons constaté à de nombreuses reprises durant cette même année d’échange que les Japonais « mélangeaient » la prononciation du « r » et du

« l ». Et ce aussi bien à l’écrit, avec des menus « à la calte » qui proposent des « spéciarités », qu’à l’oral, en anglais tout comme en français. Cette observation n’a été que renforcée par la suite, lors de divers tandems effectués avec des japonophones.

C’est en raison de ces observations que nous avons décidé de faire un travail de mémoire s’intéressant au « r » et au « l », produits par des apprenants japonophones de français, en profitant de notre second échange universitaire au Japon, cette fois-ci à l’Université de Tōkyō.

Nous avions alors comme projet de tester la perception du « r » et du « l » du français par des japonophones, et pour cela nous avions proposé à des étudiants japonais une expérience basée sur trois tâches différentes. Mais nous leur avions également demandé d’effectuer, au même moment, deux tâches supplémentaires qui testaient non plus la perception mais la production de ces mêmes sons. L’idée était de profiter de notre présence au Japon pour récolter un maximum de données, et ainsi réunir « au cas où » le matériel nécessaire à une éventuelle seconde étude qui s’intéresserait quant à elle à la production du « r » et du « l » du français par des apprenants japonophones. C’est donc après avoir terminé notre premier mémoire sur la perception dans le cadre d’une Maîtrise en Japonais à l’Université de Genève que nous avons finalement décidé de poursuivre nos recherches en effectuant cette fois-ci un travail de mémoire en vue d’obtenir une Maîtrise en Français langue étrangère. Nous allions donc, pour cela, utiliser les données de production récoltées afin de proposer une nouvelle étude, centrée sur la production, que nous présentons ici.

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Nous nous sommes donc intéressé à la prononciation du « r » et du « l » du français par des apprenants japonophones, en essayant de déterminer si le contexte vocalique, le support orthographique et les capacités en perception influencent ou non cette production. Deux de ces trois variables, les contextes vocalique et orthographique, font écho au « volet perception » de cette étude (soit les recherches exposées dans notre premier travail de mémoire), tandis que la dernière, les capacités en perception, tire directement profit des circonstances, relativement uniques, de notre expérience, c’est-à-dire le fait d’avoir pu tester la perception et la production de japonophones au même moment, avec les mêmes participants, qui avaient une même expérience du français, ce qui nous a permis d’observer d’éventuels liens entre la perception et la production. Enfin, pour juger la prononciation des Japonais, nous avons réuni 40 francophones natifs qui ont évalué leurs productions.

Le but de ce travail est donc d’offrir un compte-rendu de nos résultats. Mais avant de présenter en détail notre étude dans la « partie expérimentale », nous proposons tout d’abord une « partie théorique », divisée en trois chapitres, afin d’offrir un cadre théorique à notre étude et de permettre ainsi une meilleure appréhension de la seconde partie.

Dans le premier chapitre, nous présenterons de façon globale le versant oral des langues au cœur de notre étude, soit le français et le japonais. Pour cela, nous commencerons par définir les notions centrales de ce travail que sont la « phonétique » et la « phonologie », et proposerons un classement des sons en fonction de leurs propriétés articulatoires. Puis nous entrerons dans la description du français et du japonais, d’abord à un niveau segmental en répertoriant leurs consonnes, puis pluri-segmental en abordant le découpage syllabique de la parole dans les deux langues, et enfin en traitant du rapport que ces dernières entretiennent avec l’écrit. Pour chacune de ces trois étapes, nous proposerons une comparaison entre le français et le japonais afin de prédire d’éventuelles difficultés qui peuvent survenir dans l’apprentissage des consonnes liquides du français par des apprenants japonophones.

Dans le deuxième chapitre, nous allons nous intéresser aux mécanismes qui entrent en jeu lors de la perception et de la production de la langue orale. Cela nous amènera à passer en revue deux modèles théoriques (le SLM et le L2LP), qui s’intéressent à l’acquisition de sons en L2. Nous pourrons ainsi observer les prédictions théoriques issues de ces deux modèles, et les transposer au cas d’apprenants japonophones confrontés au « r » et au « l » du français.

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Dans le troisième et dernier chapitre de la partie théorique, nous ferons un récapitulatif des études ayant traité de notre sujet, d’une part pour la perception et d’autre part pour la production. Nous résumerons également dans cette partie l’étude de perception de notre premier travail de mémoire.

Dans la partie expérimentale de ce travail, soit le quatrième chapitre, nous présenterons notre étude de production, sa méthodologie, ainsi que les résultats obtenus, qui seront ensuite discutés.

Enfin, la conclusion de notre travail rappellera dans un premier temps les principaux résultats obtenus ainsi que leur interprétation, et présentera, dans un second temps, quelques implications théoriques qui en découlent.

Nous espérons que ce travail contribuera à compléter la littérature existante, en proposant d’une part une expérience qui observe la production – soumise à plusieurs influences – du

« r » et du « l » du français par des japonophones, et, d’autre part, une comparaison assez fine entre la perception et la production dans ce même contexte.

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P ARTIE T HÉORIQUE

« Toutes les théories sont légitimes, et aucune n’a d’importance.

Ce qui est important, c’est ce qu’on en fait » Jorge Luis Borges

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1. S YSTÈMES PHONÉTICO -

PHONOLOGIQUES DU FRANÇAIS ET DU JAPONAIS

Dans ce premier chapitre nous présentons tout d’abord certaines notions fondamentales de notre travail, puis certaines caractéristiques des deux langues au cœur de notre étude, à savoir le français et le japonais. Nous commencerons par définir brièvement les termes phonétique et phonologie avant de présenter un bref classement des consonnes et des voyelles en général. Nous nous intéresserons ensuite aux dimensions segmentale et pluri-segmentale de chacune des deux langues de notre étude, ainsi qu’au rapport qu’elles entretiennent avec l’oral et l’écrit. Cela nous permettra d’aborder tout au long de ce chapitre certaines difficultés interlinguistiques d’apprentissage qui peuvent émerger entre le français et le japonais.

1.1 N OTIONS FONDAMENTALES

Notre étude se situant au niveau de la dimension orale des langues, nous définissons rapidement dans cette première section les notions de phonétique et de phonologie, avant de les comparer entre elles. Puis nous abordons le classement des sons des langues en général, afin de fournir les outils nécessaires à la compréhension du système phonético- phonologique du français et du japonais en particulier.

Nous traitons donc en premier de deux notions centrales dans notre étude, à savoir la phonétique et la phonologie, qui sont étroitement liées entre elles, bien que « la question du rapport entre les deux niveaux reste délicate et controversée » (Detey, 2005, p. 42). Pour ce faire, nous allons commenter certains points importants pour chacun des deux termes, ce qui nous permettra de les confronter afin de mettre en lumière les aspects qu’ils ont en commun

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et ceux qui leur sont propres. Notons que notre approche se veut assez générale, notre but étant de fournir des éléments clés sans toutefois proposer une description exhaustive (pour cela, voir par exemple Léon, 2009, en français ou Stevens, 1998, en anglais).

Nous concluons cette section par une présentation du classement des consonnes et des voyelles en général. Cela nous permettra de mieux appréhender par la suite la prononciation des consonnes du français et du japonais, notamment les consonnes liquides, et d’offrir quelques pistes d’interprétation – via l’articulation des consonnes et des voyelles – pour les résultats de notre étude décrits au chapitre 4.

1.1.1 Phonétique vs phonologie

La phonétique peut être définie de manière générale comme « l’étude de la substance et de la forme sonore » (Vaissière, 2011, p. 7). En d’autres termes, la phonétique est la science qui traite de la matière sonore de la parole, dans sa nature physique, observable, le plus objectivement possible. Ses unités minimales sont appelées phones et sont notées entre crochets lorsqu’on souhaite les représenter à l’écrit. Par exemple, le premier son du mot

« vent » sera écrit phonétiquement [v].

Lors d’un échange verbal, on peut diviser le « trajet » de la matière sonore en trois étapes qui correspondent à trois sous-domaines de la phonétique : la production faite par l’émetteur, qui concerne la phonétique articulatoire ; la transmission du son, qui est étudiée par la phonétique acoustique ; l’audition du son lorsqu’il est reçu par l’auditeur, qui est traitée par la phonétique perceptive (Léon, 2009), parfois également appelée phonétique auditive. Ce dernier sous-domaine est généralement moins abordé dans la littérature, du moins dans un cadre purement phonétique, car la perception est plutôt du ressort de la phonologie (ou éventuellement des deux domaines, auquel cas la dimension strictement phonétique est présente dans le premier stade de la perception). Le point 1.1.2, qui traite du classement des consonnes et des voyelles, se situe, en partie, dans la phonétique articulatoire.

La phonologie, parfois appelée phonétique fonctionnelle, est quant à elle « la discipline qui étudie la forme de l’expression, c’est-à-dire l’arrangement selon lequel s’établit la fonction distinctive des phonèmes, dans la structure de la langue » (ibid., p. 20). En d’autres termes, la

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phonologie, discipline à part entière de la linguistique, a comme rôle d’expliquer les sons pertinents de la langue nécessaires à la communication 1 . Ces « sons pertinents » correspondent aux unités minimales de la phonologie. Si celles de la phonétique sont les phones, dans le cas de la phonologie on parle habituellement, selon la tradition structuraliste, de phonèmes (p. ex. Moeschler et Auchlin, 2005, Léon, 2009, Vaissière, 2011 et Caron, 2015).

Alors que les phones sont écrits entre crochets, les phonèmes sont notés entre deux barres obliques. Par exemple, le [s] sera représenté phonologiquement /s/.

La nature distinctive des phonèmes, qui permet donc de les identifier, peut être constatée au moyen d’une opération de « commutation » qui consiste à observer si, dans un mot donné, remplacer un son par un autre proche, peut lui conférer un sens différent. On parle alors dans ce cas de paire minimale pour désigner ces deux mots. Prenons un exemple dans le cadre du français2 : dans le mot « toux », composé des phonèmes /t/ et /u/, si l’on change le /t/ en /d/

on obtiendra le mot « doux » (/du/), ce qui change donc le sens produit. Puisque ce changement implique un changement sémantique, on peut alors affirmer que le /t/ et le /d/

sont deux phonèmes du français, c’est-à-dire deux unités fonctionnelles et distinctives en français.

Il faut cependant noter qu’un même phonème n’est pas toujours produit de la même façon3. Dans un tel cas, on appellera les différentes réalisations d’un même phonème allophones, sons phonétiquement différents mais identiques phonologiquement. Prenons comme exemple le cas en français proposé par Zufferey et Moeschler (2010, p. 75), de la consonne /R/ du mot « rue » : qu’elle soit prononcée de manière roulée (avec la pointe de la langue, noté phonétiquement [r]) ou de manière standard (« r » uvulaire, notée [ʁ]), le sens du mot ne change pas. On aura alors tendance par simplification à noter phonologiquement /Ry/ le mot « rue », en utilisant /R/ qui représente la catégorie phonologique associée à toutes les

1 Soulignons ici que nous situons notre définition, ainsi que le cadre général de cette étude, dans une dimension segmentale de la parole. Nous n’aborderons donc pas la dimension suprasegmentale qui concerne notamment la prosodie.

2 Il s’agit ici du français de référence (voir Lyche, 2010), tout comme ce sera dorénavant le cas à chaque fois qu’il sera fait mention du français dans ce travail, sauf si explicitement précisé autrement.

3 Nous parlons ici d’une différence articulatoire. En effet, un phonème est rarement identique d’un point de vue acoustique (variations homme/femme, prosodique, situation d’élocution, etc.).

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réalisations acoustiques (et donc phonétiques) du « r », suivant ainsi la notation de Lyche (2010). C’est d’ailleurs cette approche que nous utilisons dans ce travail.

Pour reprendre la formulation de Charon (1992, p. 34), « ce qui caractérise le phonème, ce sont donc les différences par lesquelles il s’oppose aux autres phonèmes du système de la langue ». Partant de cette constatation, on peut affirmer que les phonèmes sont propres à chaque langue, et même à chaque variété de langue. Le nombre de phonèmes ainsi que leur nature va en effet différer d’une langue à une autre. Par exemple, le français standard comporte 37 phonèmes, l’anglais standard en contient 44, et l’allemand standard jusqu’à 68 (Opillard, 2005, p. 24), alors que le japonais standard, avec ses 22 phonèmes4 (Kavanagh, 2007, p. 284), fait partie des langues relativement pauvres phonétiquement. Cette variation peut également se retrouver au sein des variétés d’une même langue. Ainsi, dans certaines variétés de français en Suisse romande, on aura par exemple un phonème supplémentaire, [œ̃], qui permet entre autres de distinguer le mot « brun » (/bRœ̃/) de « brin » (/bRɛ̃/), alors qu’en français standard les deux mots sont homophones.

Apprendre une langue étrangère implique donc forcément l’apprentissage d’un nouveau système phonémique, et plusieurs cas de figures peuvent alors apparaître. Des allophones de la L1 peuvent devenir des phonèmes dans la L2, des phonèmes de la L1 peuvent disparaître en L2 5, qui à son tour peut présenter des phonèmes inexistants en L1. Caron (2015, p. 22) donne des exemples clairs et concrets de ces différentes situations :

« [..] ainsi, le th anglais, le ch allemand ou le j espagnol n’existent pas en français ; le phonème /k/ du français peut se réaliser par un contact de la langue avec la partie antérieure du palais (comme dans « qui ») ou la partie postérieure (comme dans « cou ») : ces deux sons, qu’un locuteur français ne différencie généralement pas, correspondent en arabe, par exemple, à deux phonèmes distincts ; en revanche, les sons [o] (comme dans « beau ») et [u] (comme dans « boue »), qui correspondent en français à deux phonèmes distincts, ne sont pas différenciés en arabe ».

4 Lorsqu’il est fait mention du japonais dans ce travail, nous nous référons à celui dit « standard », pratiqué dans la région de Tōkyō (Detey, 2005, p. 697).

5 C’est le cas de notre étude, puisque le /R/ et le /l/ du français correspondent à un seul phonème en japonais, comme nous le verrons au point 1.2.3.

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De plus, chaque langue suit des « règles phonologiques permettant ou interdisant certaines séquences de phonèmes » (ibid, p. 34). Il s’agit des règles phonotactiques, intégrées inconsciemment par les individus pendant l’acquisition phonologique de la L1. Segui et Hallé (2001, p. 324) illustrent cela à travers l’intuition d’un individu francophone natif face à deux mots inexistants en français, l’un commençant par la séquence /bl/, « blougue », et l’autre par la séquence /tl/, « tlobade », à qui on demande de juger si le mot appartient ou non à la langue française. Alors que pour « blougue » le sujet devra réfléchir et éventuellement consulter un dictionnaire, il sera catégorique pour « tlobade », affirmant que le mot n’existe pas en français. La raison est que la séquence « /t/ + /l/ » en début de syllabe (et donc de mot) est dite illégale pour le français, ce qui n’est pas le cas de /bl/. Dans le cas du japonais, comme nous le verrons au point 1.3.2, une séquence consonantique ne peut pas apparaître en début de mot. Les japonophones pourraient ainsi, sans réfléchir, affirmer que les séquences

« blougue » et « tlobade » n’existent pas en japonais.

Nous profitons de cette explication pour introduire une nuance utile pour notre étude : on distingue généralement les non-mots, mots dénués de sens et ne respectant pas l’organisation phonotactique de la langue, des pseudo-mots, également vides sémantiquement mais respectant les règles phonologiques de la langue. Notre expérience, présentée au chapitre 4, utilise des pseudo-mots, également appelés logatomes (terminologie que nous emploierons dans ce travail) pour éviter un recours des participants au lexique mental.

Pour conclure au sujet de la phonétique et de la phonologie, nous allons brièvement résumer les relations existantes entre elles, ces deux notions étant étroitement liées. Par exemple, Caron (2015, p. 22) et Léon (2009, p. 43) se basent sur l’aspect fonctionnel de la phonologie pour la distinguer de la phonétique, qui s’intéresse aux sons eux-mêmes sans s’occuper d’une quelconque fonction. Léon (id.) exemplifie son propos ainsi :

« […] les transcriptions /pa/ et /ba/ montrent que l’on ne se soucie pas d’autre chose que de représenter les sons fonctionnels. En l’occurrence, on veut montrer que /p/ et /b/ sont considérés avec leur valeur de phonème. Par contre, si l’on transcrit entre crochets, il s’agit d’une transcription phonétique, qui tente d’être aussi « étroite » que possible. Ainsi [pha] indique que le /p/ a été réalisé phonétiquement avec un souffle ».

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Une autre différence entre ces deux domaines concerne l’aspect universel de la phonétique.

Comme vu dans cette section, la phonologie, et par conséquent les phonèmes, peuvent varier considérablement selon les langues, alors que la phonétique a pour but de décrire les sons de la parole humaine de la façon la plus objective possible, indépendamment de toute langue.

Un outil central pour classer les sons de la parole humaine est l’API (Alphabet Phonétique International), « qui permet de représenter de manière standardisée et univoque l’ensemble des sons des langues du monde »6 (Zufferey et Moeschler, 2010, p. 71). Le système phonologique de chaque langue ne puise donc que dans une partie de l’ensemble des phones existants dans le langage humain. « Ainsi, tous les phonèmes sont des sons, mais pas tous les sons sont des phonèmes dans une langue donnée » (ibid., p. 75). De la même manière, on peut relever qu’une modification phonologique entraîne forcément un changement phonétique7, alors que l’inverse n’est pas vrai, comme démontré par le cas des allophones.

Il faut toutefois garder à l’esprit que si la phonologie ne peut exister sans la composante phonétique, cette dernière n’aurait aucune raison d’être sans la possibilité d’être pertinente pour les langues. Le résultat de cette proximité est que « la frontière entre les deux domaines est souvent floue, et les deux se renvoient l’un à l’autre en permanence » (Detey, 2005, p.

110), ce qui a pour conséquence de donner parfois lieu à un mélange des deux notions, et ce même par des spécialistes de la parole8. Afin d’éviter cet écueil, nous emploierons ici le terme phonético-phonologique pour désigner la substance sonore fonctionnelle des langues9. Dans le point suivant, nous allons présenter un classement des sons via cette dimension phonético-phonologique, auquel nous ferons appel lorsque nous aborderons le niveau segmental du français et du japonais (point 1.2) ainsi que lors de l’explication de certains résultats de notre expérience (chapitre 4).

6 Le répertoire proposé par l’API est basé sur l’articulation des sons, nous reviendrons donc sur cet outil au point 1.2.2.1.

7 Par exemple, le passage du phonème /t/ au phonème /d/ subit forcément une modification articulatoire, et donc phonétique.

8 C’est par exemple le cas de Flege (1995) et Best (1995) dans leurs explications de leur modèle respectif de perception de la parole. Alors que Best utilise les termes « sons » ou « segments » sans plus de précisions, Flege rend très floue la distinction entre « éléments acoustiques », « éléments phonétiques » et « éléments phonologiques » par son utilisation relativement libre de ces termes.

9 Hormis les situations où nous traiterons d’un niveau précis. Auquel cas, nous nous baserons sur les définitions de la phonétique et de la phonologie présentées dans cette section.

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1.1.2 Classement des sons

Le répertoire des sons de la parole, ainsi que les mécanismes engagés pour y parvenir, sont répertoriés dans l’Alphabet Phonétique International (API). Celui-ci a été créé à l’origine par des enseignants dans le but de disposer d’un outil qui permette de transcrire phonétiquement les langues étrangères. De ce fait, l’API « est non seulement utile pour décrire les inventaires phonologiques des langues, mais il est également utilisé pour la transcription phonétique plus ou moins fine pour noter des variations subtiles dans la réalisation des phonèmes » (Vaissière, 2011, p. 38). En utilisant les catégories proposées par l’API, présenté dans le tableau ci-dessous (IPA, 2015), nous présenterons rapidement les caractéristiques des consonnes et des voyelles.

Consonnes

Table 1. Consonnes (pulmonaires) de l’API (version revue 2015).

Les consonnes « sont des sons caractérisés par la présence d’un obstacle partiel ou total au passage de l’air » (Zufferey et Moeschler, 2010, p.72), et possèdent trois dimensions articulatoires qui permettent de les distinguer : le voisement, le mode d’articulation et le point d’articulation (Moeschler et Auchlin, 2005, p. 43).

Le voisement indique si les cordes vocales vibrent ou non. Si c’est le cas, on dit que la consonne est voisée ou sonore, comme le /b/ dans « beau ». Si ce n’est pas le cas, on dit que la consonne est non-voisée ou sourde, comme le /p/ dans « peau ».

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Le mode d’articulation précise comment la consonne est prononcée. Il existe ainsi huit manières de prononcer les consonnes (cf. l’axe y de la Table 1). On trouve par exemple les occlusives10 qui coupent l’afflux d’air avant de provoquer une « explosion » (comme le /t/

dans « toi ») ; les nasales qui font passer l’air par le nez (comme le /n/ dans « nain ») ; les fricatives qui réduisent le passage de l’air sans le couper (comme le /f/ dans « femme ») ; ou encore les spirantes latérales11 qui empêchent l’air de passer par le centre de la bouche (comme le /l/ dans « luge »).

Le point d’articulation indique où « le passage de l’air […] est le plus étroit, par suite du resserrement des lèvres ou du rapprochement de la langue vers une partie du palais ou du pharynx » (Léon, 2009, p. 87). Des onze lieux d’articulation répertoriés par l’API (cf. l’axe x de la Table 1), on peut par exemple noter les bilabiales, où les deux lèvres se touchent (comme le /b/ dans « biche ») ; les labiodentales, où la lèvre du bas touche les dents du haut (comme le /v/ dans « vache ») ; les alvéolaires12, où la langue touches les alvéoles (comme le /d/ dans

« doigt ») ; les palatales, où le dos de la langue touche le palais dur (comme le /ɲ/ dans

« agneau ») ; les vélaires, où le dos de la langue touche le palais mou (comme le /k/ dans

« cou ») ; ou encore les uvulaires, où le dos de la langue touche la luette (comme le /ʁ/ dans

« roi »).

Voyelles

Table 2. Voyelles (orales) de l’API (version revue 2015).

10 Parfois également appelées plosives à la suite de l’anglais.

11 Parfois également appelée approximante latérale à la suite de l’anglais.

12 A noter qu’on considère généralement les alvéolaires du français comme des apico-dentales, car le bout de la langue se situe habituellement entre les alvéoles et les incisives.

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Les voyelles sont quant à elles « des sons caractérisés par la vibration des cordes vocales (elles sont donc par définition [sonores]), ainsi que par la non-obstruction de l’ouverture de la cavité buccale » (Zufferey et Moeschler, 2010, p.73). Quatre dimensions articulatoires déterminent leur nature. Il s’agit du degré d’ouverture, de la position de la langue, de la position des lèvres, et du lieu de passage de l’air (id.).

Le degré d’ouverture indique la distance entre le dos de la langue et le palais. Il peut être fermé (comme le /i/ de « île ») ; semi-fermé (comme le /e/ de « été ») ; semi-ouvert (comme le /ɛ/ de « hêtre ») ; ou ouvert (comme le /a/ de « as »).

La position de la langue, comme son nom le laisse penser, détermine l’endroit où se trouve la langue au moment de la production de la voyelle. Elle peut être antérieure et se situer vers l’avant (comme /y/ de « urne ») ; centrale et être au milieu (uniquement le /ə/ comme dans

« petit ») ; ou être postérieure et se trouver à l’arrière (comme le /o/ de « sceau »).

La position des lèvres précise l’arrondissement des lèvres. En effet, les lèvres peuvent être soit arrondies (comme le /ø/ de « bleu »), soit non-arrondies (comme le /e/ de « été », qui se distingue du /ø/ uniquement par cette articulation).

Enfin, le lieu de passage de l’air indique si l’air passe par la bouche ou par le nez. L’élément articulatoire qui détermine cela est le voile du palais : « lorsque ce dernier est relevé, l’air en provenance des poumons passe exclusivement par la bouche […] ; lorsque le voile du palais est abaissé, l’air s’écoule aussi bien par la bouche que par les fosses nasales » (Lyche, 2010, p. 146). Dans le premier cas, on dira que la voyelle est orale (comme le /ɔ/ de « vote »), et dans le second cas qu’elle est nasale (comme le /ɔ̃/ de « pont »). On peut remarquer que les voyelles nasales, très rares dans les langues en général, ne sont pas directement inscrites dans le tableau des voyelles de l’API (cf. Table 2). Elles sont notées avec le symbole diacritique « ~ » au-dessus des voyelles orales avec lesquelles elles partagent leurs autres caractéristiques articulatoires.

S’ajoutent à ces voyelles ce qu’on appelle les semi-voyelles13, qui se différencient des consonnes et des voyelles et peuvent être définies comme ceci :

13 A noter qu’elles sont également appelées semi-consonnes ou glissantes (Lyche, 2010, p. 152).

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« Du point de vue de la prononciation, ces sons correspondent aux caractéristiques des voyelles les plus fermées, lorsque le degré de fermeture s’accentue encore pour produire une sorte de chuintement. Ainsi, les semi-voyelles sont assimilées aux voyelles, car elles en sont proches du point de vue de l’articulation. En revanche, elles se rapprochent des consonnes du point de vue de leur rôle dans la syllabe. En effet, la présence de semi-voyelles dans un mot n’influence pas le découpage syllabique » (Zufferey et Moeschler, p. 74).

Les auteurs prennent l’exemple du mot « abeille », formé par deux syllabes – /a/ et /bej/ –, dont la seconde contient une semi-voyelle à la fin, /j/. Si on la remplaçait par une voyelle (par exemple /i/), cela couperait la deuxième syllabe en deux syllabes, créant le mot « abbaye » – /a/-/be/-/i/ (id.).

Après avoir défini dans ce point la dimension phonético-phonologique de manière globale, et présenté un classement des sons des langues, nous pouvons passer à la description phonético- phonologique du français et du japonais en particulier. Nous verrons ainsi à un niveau segmental quelles consonnes parmi celles du répertoire de l’API utilisent ces deux langues (point 1.2), avant de nous intéresser à leur niveau pluri-segmental, soit aux syllabes et aux mores (point 1.3), ainsi qu’à leurs représentations orthographiques (point 1.4). Cela nous permettra, à chacun de ces niveaux, de comprendre certains enjeux qui peuvent se manifester lorsque des japonophones veulent acquérir le /R/ et le /l/ du français.

1.2 N IVEAU SEGMENTAL DU FRANÇAIS ET DU JAPONAIS

Dans cette section nous présentons rapidement le système segmental du français (point 1.2.1) et celui du japonais (point 1.2.2) en nous limitant aux consonnes, qui sont les segments traités dans notre étude. Nous nous concentrons tout particulièrement sur les consonnes liquides des deux langues (point 1.2.3) puisqu’elles sont au cœur de notre expérience. Nous terminons ce point en abordant les différences interlinguistiques concernant les consonnes liquides qui apparaissent entre les deux langues au niveau

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segmental (point 1.2.4), ce qui permettra de mettre en évidence certains enjeux de notre expérience.

1.2.1 Système consonantique du français

Les consonnes du français sont au nombre de 18, auxquelles se rajoutent trois glissantes ou semi-voyelles14, /j, ɥ, w/15 (Lyche, 2010, p. 152). Pour les représenter au niveau articulatoire, nous reprenons le tableau de l’API en entourant les consonnes appartenant au français (tiré de Meunier, 2007, p. 1)16 :

Table 3. Consonnes (pulmonaires) de l’API avec celles du français entourées.

Comme le souligne Meunier (id.), on peut remarquer sur ce tableau que « le français utilise peu la partie très postérieure du tractus vocal, la consonne la plus arrière étant le /R/

uvulaire ».

Parmi ces 18 consonnes, on peut relever que 12 d’entre elles (six occlusives et six fricatives) s’opposent par le voisement (Lyche, 2010, p. 152). C’est ainsi que les occlusives sourdes /p, t,

14 Pour rappel, les semi-voyelles sont associées aux consonnes (elles sont d’ailleurs parfois également appelées semi-consonnes) car leur articulation est basée sur les mêmes mécanismes que les phonèmes consonantiques (cf. point 1.1.2). On remarquera toutefois que seule une semi-voyelle est répertoriée dans le tableau principal de l’API, le /j/. Les deux autres, /ɥ/ et /w/, sont rangées sous la section « symboles spéciaux », mais sont également classées comme des approximantes (IPA, 2015).

15 Comme dans les mots « lien », « lui » et « loi ».

16 Nous avons également entouré le /ɲ/ et le /ŋ/, même si Meunier (2007, p. 7) ne les considère pas comme des phonèmes du français. Comme le démontrent Moeschler et Auchlin (2005, p. 46), leur nature phonémique peut en effet être attestée grâce à des paires minimales comme /pan/ (« panne ») et /paɲ/ (« pagne ») pour le premier, /min/ (« mine ») et /miŋ/ (« Ming ») pour le second.

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k/17 se distinguent des occlusives sonores /b, d, ɡ/18, et que les fricatives sourdes /f, s, ʃ/19 s’opposent aux fricatives sonores /v, z, ʒ/20. Parmi les six restantes, toutes voisées, quatre sont des nasales (/m, n, ɲ, ŋ/21) et les deux autres appartiennent aux liquides (/l/, /R/22) dont les lieux et modes d’articulation varient, comme nous le verrons au point 1.2.3. Avant de passer à la description des consonnes liquides du français et du japonais, nous présentons dans le point suivant le système consonantique du japonais.

1.2.2 Système consonantique du japonais

Le système consonantique du japonais est caractérisé par un grand nombre d’allophones, influencés par des facteurs linguistiques, socio-culturels et même individuels23. Cette allophonie rend difficile une représentation claire et définitive des consonnes du japonais, aucun consensus n’ayant été établi à ce jour. Ainsi, le répertoire consonantique présenté par Labrune (2012a, p. 59), strictement phonémique, diffère de celui présenté par Akamatsu (1997, p. 138), qui répertorie tous les allophones. Dans le tableau suivant, nous avons repris le tableau de l’API et entouré les consonnes qui sont présentes dans les deux répertoires de ces auteurs :

Table 4. Consonnes (pulmonaires) de l’API avec celles du japonais, faisant consensus, entourées.

17 Comme dans les mots « poux », « toux » et « cou ».

18 Comme dans les mots « bar », « dard » et « gare ».

19 Comme dans les mots « faux », « sceau » et « chaud ».

20 Comme dans les mots « cave », « case » et « cage ».

21 Comme dans les mots « âme », « âne », « agneau » et « camping » (le /ŋ/ n’apparaît que dans les mots empruntés à des langues étrangères).

22 Comme dans les mots « long » et « rond ».

23 Akamatsu (1997) note par exemple qu’un même locuteur produira différemment, au niveau phonétique, un même phonème sans qu’il n’en soit conscient et sans qu’il puisse le faire volontairement.

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Les deux répertoires cités tiennent compte également des fricatives /ɕ, ʑ/ et de l’affriquée /ts/, présentées comme symboles spéciaux dans l’API. Le répertoire d’Akamatsu (1997) se différencie de celui de Labrune (2012a) non seulement par l’ajout des allophones, mais surtout par l’ajout d’autres affriquées qu’il justifie au moyen d’un test de commutation (Akamatsu, 2000, p. 94). Quoiqu’il en soit, la différence entre ces répertoires témoigne de la difficulté à définir uniformément un système consonantique du japonais, complexité particulièrement visible à travers la dimension phonotactique de la langue. En japonais, la position à l’intérieur du mot et le contexte vocalique vont ainsi définir la ou les réalisations possibles de la consonne. Prenons l’exemple de la consonne /t/ : elle est produite comme une occlusive [t] lorsque la voyelle suivante est /a/, /e/ ou /o/, mais lorsqu’elle apparaît devant les voyelles /i/ ou /ɯ/ elle est produite respectivement comme une affriquée [tɕ] ou [ts]. On peut alors trouver des mots comme [teki] (« ennemi ») ou [tsɯki] (« lune »), mais jamais (hors strate étrangère24) des mots qui contiennent la séquence [tse] ou [tɯ].

Notre travail n’étant pas concerné par les comportements phonotactiques du japonais25 ni du français, nous concluons ici notre description générale du système consonantique du japonais pour nous concentrer sur les consonnes liquides de ces deux langues, sur lesquelles repose notre étude.

1.2.3 Caractéristiques des consonnes liquides du français et du japonais

Il convient en premier lieu de définir ce qui est entendu par consonnes liquides, celles- ci étant les consonnes testées dans notre étude expérimentale. Il s’agit là d’une appellation qui pourrait être définie, de manière générale, comme un hyperonyme qui englobe les deux hyponymes consonnes latérales et consonnes rhotiques (régulièrement appelées,

24 Il convient de préciser que la phonologie et la phonotactique du japonais sont dépendantes de la strate lexicale à laquelle est rattaché un mot (Itō et Mester, 1995 ; Labrune, 2006). On dénombre quatre strates lexicales : celle des mots Yamato (appellation historique du Japon), soit les termes d’origine purement japonaise ; celle des mots sino-japonais (ou kango), soit les termes qui proviennent de Chine ; celle des mots mimétiques (ou giseigo), soit les onomatopées ; et celle des mots étrangers (ou gairaigo), soit les termes provenant d’une langue étrangère (il s’agit essentiellement de mots empruntés aux langues occidentales, notamment à l’anglais).

25 Pour une description exhaustive de la phonotactique japonaise, voir par exemple Akamatsu (1997) et Labrune (2006 ; 2012a).

(24)

respectivement, « l-sounds » et « r-sounds » en anglais). Ces deux notions, consonnes latérales et consonnes rhotiques, renvoient à leur tour à différentes définitions.

Le terme consonne latérale fait référence au mode articulatoire employé :

« […] they are sounds in which the tongue is contracted in such a way as to narrow its profile from side to side so that a greater volume of air flows around one or both sides then over the center of the tongue » (Ladefoged et Maddieson, 1996, p. 182).

Cette définition englobe toutes les réalisations des consonnes latérales, même si la majorité d’entre elles sont également caractérisées par une occlusion centrale, ce qui entraîne un blocage complet de la sortie d’air par le centre de l’appareil phonatoire (id.). Autrement dit, acoustiquement les consonnes latérales se réalisent latéralement, d’où leur appellation. En se basant sur l’API, on peut ainsi répertorier comme consonnes latérales les sons [ɬ, ɮ, l, ɭ, ʎ, ʟ].

Le terme consonne rhotique se rapporte quant à lui plus à une représentation orthographique qu’à une articulation phonétique :

« […] the terms rhotic and r-sound are largely based on the fact that these sounds tend to be written with a particular character in orthographic systems derived from the Greco-Roman tradition, namely the letter "r" or its Greek counterpart rho » (ibid., p. 215).

Les consonnes rhotiques présentes dans l’API sont ainsi des variations stylistiques de cette lettre (inversion, majuscule, etc.), comme [r, ʀ, ɾ, ɽ, ʁ, ɹ, ɻ] (id.). Or, leurs réalisations acoustiques sont très variées, tant sur le point d’articulation (battues, vibrantes, fricatives, approximantes) que sur le lieu d’articulation (alvéolaires, rétroflexes, uvulaires). Bien qu’un certain nombre de langues aient plusieurs types de rhotiques26, la majorité des langues n’en ont qu’un seul (ibid., p. 237).

Trouver ce qui unit les consonnes « liquides » entre elles est donc une tâche difficile.

Phonétiquement, malgré une articulation très hétérogène, on peut toutefois noter qu’elles

26 L’espagnol a par exemple deux rhotiques, /ɾ/ et /r/ (dont on peut attester le statut de phonèmes à l’aide des mots /peɾo/ (« mais ») et /pero/ (« chien ») qui forment une paire minimale).

(25)

font partie des consonnes les plus voisées (ibid., p. 182). Cependant, leurs caractéristiques communes semblent se trouver plutôt du côté phonologique :

« […] liquids often form a special class in the phonotactics of a language; for example, segments of this class are often those with the greatest freedom to occur in consonant clusters […]. Furthermore, quite a few languages have a single underlying liquid phoneme which varies between a lateral and rhotic prononciation27 » (id.).

En observant les caractéristiques des consonnes liquides des langues traitées dans cette étude, on peut noter, pour le français :

§ Qu’il est doté d’une seule consonne latérale /l/, dont la réalisation phonétique est normalement [l], soit une consonne approximante latérale apico-dentale (Meunier, 2007).

§ Qu’il n’a qu’un seul phonème rhotique /R/, normalement réalisé phonétiquement [ʁ], soit une consonne fricative sonore uvulaire. Bien que cette réalisation se soit stabilisée (Lyche, 2010, p. 153), on peut noter que des variantes diatopiques et diastratiques existent. Ainsi, on peut par exemple trouver la réalisation [r] (dite « roulée ») au Québec, effectuée avec un ou plusieurs roulements de la pointe de la langue, ou encore le [ʀ] (appelé « grasseyé »), articulé plus légèrement sans frotter le palais, qui est associé à un parler populaire (Léon, 2009, p. 103).

Concernant le japonais, il est communément admis qu’il ne possède qu’une seule liquide au niveau phonologique, notée /ɾ/ (Labrune, 2006 ; Akamatsu, 2000). Toutefois, sa réalisation phonétique peut prendre de nombreuses formes, selon le contexte de production de la liquide. Outre son articulation prototypique [ɾ] (battue alvéolaire) généralement admise (Akamatsu, 1997 et 2000 ; Detey, 2005 ; Kawakami, 2005 ; Labrune, 2006 et 2012a), on trouve également les réalisations [ɹ] et [ɖ] (Jones, 1967 ; Arai, 2013a et 2013b), [d] (Kawakami, 2005 ; Labrune, 2006 et 2012a ; Arai 2013a), [ɻ] (Arai, 2013a), [ɭ], [ɽ] et [ɮ] (Labrune, 2006 et 2012a ;

27 Ce qui est par exemple le cas, comme nous le verrons, du japonais.

(26)

Arai, 2013a et 2013b), et, surtout, [l] (Jones, 1967 ; Hattori, 1968 et 1984 ; Akamatsu, 2000 ; Detey, 2005 ; Kawakami, 2005 ; Labrune, 2006, 2012a et 2012b ; Arai 2013a).

Cette variété de réalisation du /ɾ/ en japonais est due à quatre facteurs : la variation individuelle (Jones, 1967), la variation inter-locuteurs, la variation sociolinguistique et la variation linguistique (Labrune, 2006), cette dernière étant celle qui nous intéresse dans le cadre de ce travail. Or, cette variation linguistique, bien que largement attestée, est loin de faire l’unanimité parmi les spécialistes du domaine quant à sa manière d’agir. L’absence de consensus nous empêchant de dégager une logique claire quant à la réalisation du phonème /r/, nous présentons ici plusieurs études afin d’attester de cette pluralité :

§ Akamatsu (1997, p. 114) remarque par exemple que la variante [l] apparaît exclusivement en position intervocalique lorsqu’elle est précédée par un [n] et qu’une voyelle la suit, contexte qui rend de surcroît impossible la réalisation [ɾ]. Il note que cette dernière réalisation se trouve principalement en position intervocalique et que, dans les autres cas, une « variante de [ɾ] »28 prend le relais.

§ De son côté, Labrune (2006, pp. 107-8) note que le [d] a tendance à apparaître en début de mot et la variante [l] devant une palatalisation, et que les deux rétroflexes [ɭ, ɽ] se manifestent en position initiale devant la voyelle /o/ ou en intervocalique pour les autres voyelles.

§ Kawakami (2005, p. 50) observe quant à lui que la liquide japonaise peut être qualifiée de [d] lorsqu’elle est en début de mot. Il ajoute que suivant les locuteurs elle peut également être réalisée comme un [l], surtout lorsqu’elle précède les voyelles /a, e, o/.

§ Pour Arai (2013b, p. 2446), le [ɖ] est fréquent en position initiale alors qu’en contexte intervocalique le [ɾ] et le [ɽ] sont typiques.

§ Hattori (1984, p. 82) observe plus généralement que certains locuteurs de Tōkyō réalisent la liquide comme un [l] en début de mot.

28 Akamatsu développe une approche où il répartit les allophones du /ɾ/ en trois catégories : [ɾ], [l] et ce qu’il appelle « variation de [ɾ] », qui englobe les allophones restants.

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§ Shimizu et Dantsuji (1987, cités par Ladefoged et Maddieson, 1996, p. 243) notent que certains Japonais utilisent de façon totalement libre le [l] et le [ɾ], certains utilisant le premier en position initiale et le second en position intervocalique, d’autres utilisant le [l] dans toutes les positions, et d’autres encore utilisant le [ɖ] en plus de ces deux autres variantes.

Bien que nombreuses, les variations de la réalisation de la liquide japonaise dues au contexte linguistique ne sont donc pas attestées identiquement par les différents auteurs. De cette grande variété phonétique il ressort cependant au moins une certitude : comme le soulignent Akamatsu (1997, pp. 107-8) et Kawakami (2005, p. 51), l’idée répandue que les Japonais sont incapables de prononcer le /l/ et que leur langue est dépourvue de ce son est erronée car, comme on l’a vu, de nombreuses études ont attesté sa production. Le « problème » se situe au niveau phonologique et donc fonctionnel : ces idées reçues émanent sans doute de locuteurs dont la L1 est composée d’au moins deux liquides, où la paire /R-l/ constitue une paire minimale29. Or, comme on l’a vu, ces deux sons ne correspondent pas en japonais à deux phonèmes distincts.

Pour décider du statut phonético-phonologique de la liquide en japonais, il est donc nécessaire de savoir à quel niveau on se place. Alors qu’au niveau phonologique il n’y a qu’un seul phonème, ses réalisations au niveau phonétique sont nombreuses, dont les principales sont une consonne latérale [l] et une consonne rhotique [ɾ]. En outre, ces réalisations différentes peuvent être influencées par divers facteurs (notamment linguistiques), et varier librement pour chaque locuteur. Cette grande variété d’allophones (ainsi que d’autres phénomènes – notamment son évolution diachronique – que nous ne présenterons pas ici) conduira même Labrune (2014) à postuler qu’en japonais le /R/ est un segment phonologiquement vide, bien que cette position soit contestée (notamment par Kawahara, 2015).

29 Comme pour le français, où « roi » (/Rwa/) et « loi » (/lwa/) forment une paire minimale.

(28)

1.2.4 Difficultés interphonologiques au niveau segmental

Au moment de l’apprentissage du français par des Japonais, différentes difficultés interphonologiques au niveau segmental peuvent apparaître, notamment pour les phonèmes consonantiques (e.g. le phonème du français /v/, inexistant en japonais, sera difficile à assimiler par les apprenants japonophones). Afin de rester toutefois dans le cadre de notre étude, nous concentrons notre propos ici sur les consonnes testées dans notre expérience, à savoir les consonnes liquides.

Partant de la présentation que nous venons de faire des consonnes liquides du français et du japonais à un niveau segmental, nous supposons que deux types principaux de difficultés peuvent apparaître lors de l’apprentissage des liquides du français par des japonophones : celles liées au nombre de catégories phonémiques et celles liées à l’articulation.

En effet, le nombre de catégories phonologiques pourrait poser un premier problème aux apprenants. Les japonophones confrontés au /l/ et au /R/ du français ont en effet deux sons de consonnes liquides à classer phonologiquement, alors que leur L1 ne dispose que d’une seule catégorie30, /ɾ/, qui englobe de nombreuses réalisations de liquides – que ce soit des latérales ou des rhotiques. Discutant des réalisations de la liquide que font les Japonais dans leur L1, Jones (1967, p. 206) note par ailleurs que :

« In the absence of special training Japanese speakers can neither hear the difference between these members nor make any one of them at will. (One result of this is the well-known difficulty they have in hearing or making the difference between r and l when they speak European languages) ».

Cette grande variété phonétique de la liquide du japonais fait partie du deuxième problème lié à l’apprentissage des liquides du français que nous venons de soulever. En effet, malgré le grand nombre d’articulations répertorié pour la liquide japonaise, aucune étude ne fait mention parmi celles-ci de l’articulation habituelle du français [ʁ]. Autrement dit, de toutes

30 A titre de comparaison, les francophones peuvent être confrontés à une situation semblable lorsqu’ils apprennent l’espagnol, qui est composé phonologiquement de trois liquides : une liquide /l/ et deux rhotiques, une battue alvéolaire /ɾ/ et une roulée alvéolaire /r/. Ces trois liquides constituent des paires minimales, comme l’attestent les mots pala (/pala/), para (/paɾa/) et parra (/para/), signifiant respectivement « pelle », « pour », et « vigne ».

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les manières qu’ont les Japonais de prononcer leur liquide, une des rares réalisations rhotiques qu’ils ne produisent jamais est celle du français. En plus de devoir créer une nouvelle catégorie phonémique pour ce son, les apprenants doivent donc également assimiler une articulation totalement inédite pour le /R/ du français, alors que l’articulation du [l] est présente en japonais en tant qu’allophone du /ɾ/. Dans notre partie expérimentale, au moment d’analyser les résultats des sujets japonophones ayant pris part à notre expérience, nous pourrons observer si ces difficultés se manifestent ou non.

Notre description au niveau segmental du français et du japonais étant finie, nous passons maintenant à une présentation de ces langues à un niveau regroupant plusieurs segments (i.e. pluri-segmental) : la syllabe pour le français, et la syllabe ainsi que la more pour le japonais. Ces notions, qui renvoient à une différence dans le découpage de la parole entre les deux langues, sont essentielles dans notre étude, car le découpage minimal de la parole en japonais ne peut se faire en phonèmes consonantiques. Notre but étant d’examiner la production de phonèmes consonantiques uniques (i.e. le /R/ et le /l/), il est donc nécessaire de comprendre ce découpage, et ce qu’il implique pour des japonophones.

1.3 N IVEAU PLURI - SEGMENTAL DU FRANÇAIS ET DU JAPONAIS

Nous présentons dans cette partie les regroupements phonémiques du français (la syllabe) (point 1.3.1) et du japonais (la syllabe et/ou la more) (point 1.3.2). Bien que notre étude s’intéresse à des segments simples (i.e. les phonèmes /R/ et /l/) et qu’en français on puisse découper la parole en phonèmes consonantiques simples, le plus petit découpage de la parole en japonais se fait en mores, qui se composent – habituellement – d’une voyelle simple ou d’une consonne suivie d’une voyelle, mais jamais d’une consonne simple (à une exception près, comme nous le verrons). C’est pourquoi après avoir présenté ces systèmes pluri-segmentaux des deux langues, nous effectuons une comparaison interlinguistique qui tente de mettre en évidence d’éventuelles difficultés d’apprentissage, et ce que cela implique pour notre étude.

Références

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