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P ARTIE E XPÉRIMENTALE

4. E XPÉRIENCE DE PRODUCTION

4.1 O BJECTIFS DE L ’ ÉTUDE

4.4.2 Discussion des résultats pour /R/

Nous procédons dans cette section à une discussion en deux étapes des résultats obtenus pour la production du /R/. Dans un premier temps nous abordons les effets simples qui agissent sur le /R/, et, dans un second temps, nous discutons de ses interactions avec les différentes variables proposées dans cette étude.

108 Où, pour rappel, le /R/ et le /l/ sont transcrits par le même katakana, soit via la « ligne du R » (cf. point 1.4.2).

4.4.2.1 Effets simples

Il ressort de l’analyse des résultats que la production du /R/ est influencée par toutes les variables, soit le contexte vocalique, le mode de production et le subjects’ goodness. Ainsi, la voyelle /o/ entraîne une meilleure production que le /i/ – confirmant notre deuxième hypothèse de travail109 – ; le support orthographique porte préjudice à la production puisque la répétition entraîne de meilleurs résultats que la lecture – infirmant notre troisième hypothèse de travail qui supposait que l’orthographe était bénéfique – ; et le meilleur groupe en perception l’est aussi en production – confirmant notre quatrième hypothèse de travail. Les influences pour /R/ allant ainsi dans le même sens qu’au niveau global, nous supposons que les interprétations possibles de ces résultats sont identiques à celles évoquées au point 4.4.1. C’est pourquoi nous n’aborderons ici que ce qui ressort pour le /R/, en l’occurrence l’influence particulièrement forte du subjects’ goodness.

Les résultats des effets simples indiquent que si la VS et le MP jouent un rôle sur la production du /R/, celle-ci semble principalement affectée par la capacité des sujets à percevoir cette liquide correctement, le taux de réussite de SG1 étant plus de deux fois supérieur à celui de SG2 (Figure 5). Ce résultat concorde avec la théorie dominante et les prédictions du modèle SLM, qui explique qu’un son bien perçu sera bien produit. Suivant ce même modèle, on peut supposer que le /R/, assez éloigné des autres sons du japonais, est considéré par les japonophones comme un new phone, ce qui leur permet de créer une nouvelle catégorie phonologique pour ce son. Les meilleurs sujets en perception (SG1) de notre étude seraient ainsi parvenus à établir cette nouvelle catégorie phonologique, c’est pourquoi ils arrivent à produire relativement facilement le /R/. En revanche, on peut supposer que les moins bons sujets en perception (SG2) ne sont pas parvenus à créer une nouvelle catégorie phonologique pour le /R/ du français, ce qui expliquerait leur production du /R/ très problématique (qui n’atteignait pas 25% de taux correct).

Nous passons maintenant à une analyse plus fine des résultats, en discutant des interactions qui apparaissent pour la production du /R/.

109 A noter que notre première hypothèse de travail, soit celle concernant la production globale des deux consonnes liquides, n’entre pas en jeu dans ce point 4.4.2, puisque le /R/ et le /l/ ne sont ici plus considérés comme des variables.

4.4.2.2 Interactions

Comme vu au point 4.3.2.2, deux interactions sont significatives pour /R/ : celle entre le contexte vocalique et le mode de production (Figure 6), et celle entre le contexte vocalique et le subjects’ goodness (Figure 7). Il ressort ainsi de ces résultats que l’influence de la voyelle n’est pas la même suivant le mode de production et suivant le subjects’ goodness.

En ce qui concerne l’interaction entre le contexte vocalique et le mode de production, on remarque que la voyelle a un effet bien plus fort en lecture qu’en répétition. En effet, bien que l’influence de la voyelle aille dans le même sens pour MPLec et MPRep (i.e. le /o/ entraîne une meilleure production du /R/ que le /i/), on peut constater qu’en répétition, la différence du taux correct de production entre le /i/ et le /o/ n’est que de 5% environ (46.39% vs 51.81%), alors qu’elle est de plus du double en lecture (22.50% vs 45.28%). Par conséquent, la production du /R/ a, en lecture, 2.85 fois plus de chances d’être correcte lorsqu’elle est suivie de /o/ que lorsqu’elle est suivie de /i/, alors qu’elle a, en répétition, seulement 1.24 fois plus de chances d’être correcte lorsqu’elle est suivie de /o/ que lorsqu’elle est suivie de /i/.

Nous pouvons tenter d’expliquer ce phénomène en nous appuyant sur nos interprétations, combinées, des effets de l’orthographe et de l’articulation des voyelles. Nous supposons que la lecture, influencée par les rōmaji, entraîne une association phonographémique du « r » écrit à une prononciation du /ɾ/ du japonais – dont l’allophone principal est le [l]. S’ajoute à cela le fait que le lieu d’articulation du /ɾ/ japonais est très proche de celui du /i/. Cette voyelle renforce ainsi le risque d’une prononciation « à la japonaise », ce qui créerait un taux de confusion plus élevé que pour le /o/, qui, étant une voyelle postérieure, pourrait au contraire aider à la réalisation du /R/ du français. Cet effet combinatoire entre la lecture et les voyelles disparaîtrait logiquement en répétition, puisque l’effet phonographémique y est inexistant.

Cela expliquerait ainsi la faible différence des taux corrects de production constatée entre les deux voyelles en répétition du /R/.

Concernant l’interaction entre le contexte vocalique et le subjects’ goodness, on constate que la voyelle a un effet bien plus fort chez le moins bon groupe de sujets en perception (SG2) que chez le meilleur (SG1). En effet, bien que l’influence de la voyelle aille dans le même sens pour SG1 et pour SG2 (i.e. le /o/ entraîne une meilleure production du /R/ que le /i/), on peut

constater que pour SG1 la différence du taux de production correcte entre le /i/ et le /o/ n’est que de 7% environ (54.58% vs 61.67%), alors qu’elle est de plus du double pour SG2 (14.31%

vs 35.42%). Par conséquent, le /R/ a seulement 1.3 fois plus de chances d’être produit correctement par SG1 lorsqu’il est suivi de /o/ que lorsqu’il est suivi de /i/, alors qu’il a 3.29 fois plus de chances d’être produit correctement par SG2 lorsqu’il est suivi de /o/ que lorsqu’il est suivi de /i/.

Pour expliquer cela, nous nous basons sur le fait que le /i/ de par son lieu d’articulation, comme nous venons de le mentionner, entraîne plus facilement que le /o/ une réalisation de la liquide

« à la japonaise » (i.e. comme un /ɾ/ dont l’allophone principal est le [l]). Nous supposons que le meilleur groupe en perception, en percevant mieux le contraste /R-l/, est relativement peu sensible au contexte vocalique, et ce malgré la présence problématique du /i/. En revanche, le moins bon groupe en perception, serait bien plus sensible à cet effet du /i/ qui entraîne une prononciation « à la japonaise » – contrairement au /o/ –, créant alors une influence de la voyelle bien plus marquée. Outre rejoindre la théorie dominante qui stipule que la production L2 est tributaire de la perception L2, cette interprétation expliquerait ainsi pourquoi SG2 subit une plus forte influence de la voyelle que SG1.

On peut constater un parallélisme entre les deux interactions abordées ici : alors qu’en répétition et chez le meilleur groupe de sujets en perception l’influence de la voyelle n’est que minime, en lecture et chez les moins bons sujets en perception l’effet de la voyelle double le taux de confusion.

La discussion des résultats pour /R/ étant terminée, nous passons maintenant à la discussion concernant les résultats pour la consonne /l/.