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Interprétation du droit européen à la lumière de la Convention

Panorama des règles juridiques sur les aménagements raisonnables : de la Convention internationale à la lo

B. Interprétation du droit européen à la lumière de la Convention

Interprétation de la notion de handicap à la lumière de la Convention – On se souvient

que dans un arrêt Chacon Navas du 11 juillet 20064 rendu avant la Convention de New-York, la Cour avait clairement distingué la maladie du handicap pour définir celui-ci comme la « limitation, résultant d’atteintes physiques, mentales ou psychiques et entravant la participation de la personne concernée à la vie professionnelle ». Elle avait précisé que l’importance accordée par la directive aux aménagements raisonnables atteste que pour relever de la notion de handicap, une telle limitation doit être probablement de longue durée5. Toutefois, cet arrêt ayant été rendu avant la Convention de New-York, la Cour ne s’y est pas référé.

Dans les affaires Ring et Werge, la question concernait une nouvelle fois le lien entre le handicap et la santé. L’interprétation de la notion de « handicap » était rendue nécessaire par

1

Voir, infra, II.

2 Il est vrai que la décision 2010/48 approuvant la convention de l’ONU prévoit dans son appendice II que la directive fait partie des actes de l’Union ayant trait aux questions régies par la Convention.

3 CJUE, 11 avril 2013, C-335/11 et C-337/11, HK Danmark agissant pour Jette Ring et Lone Werfge. 4

CJUE, 11 juillet 2006, C-13/05, Chacon Navas.

5 La Cour avait conclu que tout licenciement fondé sur le handicap est injustifié s’il n’est démontré que la personne n’est pas compétente, aucune disposition obligeant de recruter ou de maintenir en poste une personne ni compétente ni capable d’exercer ses fonctions. Mais pour apprécier ces capacités, il convient de tenir compte des aménagements raisonnables. Toutefois, cet arrêt ayant été rendu avant la Convention de New-York, la Cour ne s’y est pas référé.

l’absence de définition de cette notion par la directive. Il était demandé à la Cour si la notion de handicap au sens de la directive incluait l’état de santé d’une personne qui, en raison d’atteintes physiques ou mentales ou psychiques, ne peut accomplir son travail pendant une période qui risque d’être longue ou de manière permanente. A travers cette question, se jouaient aussi les possibilités de sanctionner les différences de traitement liées à la santé du travailleur dans la mesure où au sens de la directive 2000/78, l’état de santé n’est pas un motif de discrimination prohibé1.

La Cour s’est clairement référée à la Convention de New-York pour affiner sa notion de handicap2. Elle en conclut, qu’il n’y a pas lieu de distinguer selon l’origine du handicap si bien que la notion de handicap inclut les limitations physiques mentales ou psychiques résultant d’une maladie curable ou incurable dès lors que cette limitation est de longue durée. Cette définition inclut une référence à l’égalité avec les autres travailleurs car la convention vise précisément « l’obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs ».

Dans un arrêt plus récent du 18 décembre 20143, s’appuyant encore sur la définition issue de la Convention de l’ONU, la Cour s’est prononcée sur l’obésité au regard du handicap : si l’obésité ne constitue pas en tant que tel un handicap, elle peut être considérée comme tel si l’état d’obésité du travailleur « fait obstacle à sa pleine et effective participation à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs ».

Interprétation de la notion d’aménagement raisonnable la lumière de la Convention -

Dans l’arrêt Ring et Werge, la Cour de justice était également interrogée sur la notion d’aménagement raisonnable qui reste discutée en droit européen. En particulier, il lui était demandé si, au sens de la directive, la réduction du temps de travail pouvait constituer un aménagement raisonnable. Comme indiqué ci-dessus, l’article 5 de la directive ne se réfère qu’aux « mesures appropriées » sans autre précision qu’il s’agit de mesures individuelles « dans une situation concrète ». Dans ces conditions, les considérants de la directive et en particulier le considérant 20, qui énumère une liste non exhaustive d’exemples d’aménagements, s’avère utiles : y figurent, l’aménagement des locaux, l’adaptation des équipements, des rythmes de travail, de la répartition des tâches ou de l’offre de moyen de formation ou d’encadrement. La réduction du temps de travail ne figure pas en tant que telle comme aménagement.

Mais, prenant appui sur la définition issue de l’article 2 de la Convention de New-York – « modifications et ajustements nécessaires et appropriés » - 4

qui, préconise, selon la Cour

1 Rappelons que figurent dans la liste des motifs discriminatoires les motifs suivants : la religion ou les convictions, l'handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle

2

Pour la Cour, « la notion de handicap doit être entendue comme visant une limitation, résultant notamment

d’atteintes physi es, mentales o psychi es, dont l’interaction a ec di erses barrières pe t faire obstacle à la pleine et effecti e participation de la personne concernée à la ie professionnelle s r la base de l’égalité a ec les travailleurs ».

3

CJUE, 18 décembre 2014, C-354/13, FOA agissant pour Kaltoft.

4 Selon l’article 2 de la Convention de New-York, les aménagements raisonnables sont « les modifications et

a stements nécessaires et appropriées n’imposant pas de charge disproportionnées ou indue apportées, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, s r la base de l’égalité a ec les a tre, de to s les droits de l’homme et de to tes les libertés fondamentales ».

une définition « large » de l’aménagement raisonnable visant des mesures non seulement « matérielles mais également organisationnelles », la Cour va considérer qu’au sens de la directive « l’aménagement raisonnable doit être entend comme isant l’élimination des

diverses barrières qui entravent la pleine et effective participation à la vie professionnelle sur la base de l’égalité a ec les a tres tra aille rs » (point 54) et que cette notion peut d’autant

plus inclure la réduction du temps de travail qu’il n’est pas exclu que l’on puisse la rattacher au « rythme de travail » expressément visé par le considérant 20. On soulignera, sur ce point, que la réduction du temps de travail, figure d’ailleurs comme un des exemples d’aménagements cités dans la décision « aménagements raisonnables » de la Commission du 7 avril 2004 prise pour l’application du statut de la Fonction publique1

.

Si la Cour de justice retient ainsi une acception large de la notion d’aménagement raisonnable, une telle acception ne saurait, toutefois, signifier l’obligation de satisfaire toute demande réorganisation du travail. Un exemple de refus d’aménagement est fourni par une affaire relative à la fonction publique européenne. Le Tribunal de la Fonction publique2

a considéré, dans une décision du 15 septembre 20113

, qu’une dérogation à l’obligation de rotation des fonctionnaires en poste dans les représentations de la Commission européenne ne constituait pas un aménagement raisonnable. En conséquence, le fonctionnaire ne pouvait être exonéré de son obligation de rotation au titre de tels aménagements.

Convergence entre le droit international et le droit européen - L’interprétation de la

directive conformément à la convention de New-York favorise la convergence entre les deux textes. Cette convergence se vérifie quant à l’interprétation large de la notion d’aménagement raisonnable, quant à l’application de la notion au secteur privé et au secteur public et quant au caractère raisonnable en ce sens qu’ils ne doivent pas constituer une charge disproportionnée. On peut souligner une différence : alors que la directive limite son champ d’application au milieu du travail, la convention de l’ONU concerne tous les secteurs de la vie sociale et n’est donc pas limitée au travail. L’article 24 § c de la Convention évoque les aménagements dans le domaine de l’éducation4

.

Pour mesurer l’impact réel de la directive, il faut évoquer les rapports entre la directive et la loi.

II. De la directive européenne à la loi française

Avant d’entrer dans le détail des textes (B), posons tout d’abord le cadre général de la transposition (A).

1

Voir, supra.

2 Le Tribunal de la Fonction publique, créé en 2004, a cessé ses activités le 1er septembre 2016 après avoir transféré au Tribunal ses compétences.

3 TFPE, 15 septembre 2011, F 62/10, Esders.

4 Selon l’article 24 § 2 c : les parties veillent à ce qu’il soit procédé aux aménagements raisonnables en fonction des besoins de chacun.