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La fixation d’agonistes sur le récepteur entraîne, en plus de la transduction du signal, l’internalisation plus ou moins efficace du récepteur. Les deux agonistes testés (DAMGO et Morphine) sont capables de se lier au récepteur et d’entraîner une réponse de l’adénylyl cyclase (effecteur secondaire). La morphine est décrite pour ne pas induire d’internalisation mais au contraire peut entraîner une tolérance ou une dépendance (Keith, 1996 ; Whistler, 1998). Le DAMGO (ainsi que les agonistes endogènes tel que l’etorphine) entraîne la relocalisation du récepteur µ dans les puits de clathrine de manière efficace, suivie de l’endocytose (Minnis, 2003 ; Sternini, 1996).

L’origine de la différence d’efficacité de ces deux agonistes, au niveau de l’endocytose, reste sujette à discussion. Une étude menée sur hMOR, surexprimé dans des HEK293, a montré l’incapacité de la morphine à entraîner son endocytose. Néanmoins, la co-transfection avec la GRK2 (kinase des récepteurs couplés aux protéines G spécifique du récepteur µ opioïde) entraîne l’internalisation de la moitié des récepteurs après 1 h d’incubation avec 10 µM de morphine, à 37°C (von Zastrow, 2003 ; Zhang, 1998). Il semble donc que la morphine induise une internalisation moindre du récepteur (plus lente et moins efficace) que celle induite par d’autres agonistes, tel le DAMGO. Cette internalisation est observée, ou non, en fonction du type cellulaire, et des conditions d’incubation (Dang, 2005).

La phosphorylation du récepteur joue un rôle essentiel dans sa désensibilisation (Hasbi, 1998) et semble donc être l’étape qui différencie les effets des différents agonistes. La phosphorylation plus ou moins efficace du récepteur serait due à une accessibilité différente de sa queue C-terminale en fonction du changement de conformation de hMOR, consécutif à la fixation de l’agoniste. La phosphorylation des récepteurs étant nécessaire à la fixation des arrestines, une phosphorylation limitée entraîne une internalisation moindre (Whistler, 1999). Le niveau de phosphorylation ne modifie pas la liaison aux protéines G, ni la transduction du signal qui s’effectue donc correctement (Whistler, 1998). Les effets de dépendance et de tolérance rencontrés lors de traitements chroniques aux agonistes exogènes (morphine, méthadone) semblent être liés à une phosphorylation faible des récepteurs et à une faible endocytose (Yu, 1997).

De manière générale, les antagonistes sont connus pour n’entraîner ni transduction du signal par les protéines G, ni internalisation. Néanmoins des exceptions ont été observées, où

une liaison de l’antagoniste induit l’internalisation du récepteur sans transduction du signal. C’est par exemple le cas du récepteur à la cholecystokine (Roettger, 1997) ou celui du neuropeptide Y (Pheng, 2003). Les mécanismes qui rentrent en jeu lors de cette endocytose ne sont pas les mêmes que pour l’internalisation via les agonistes (Pheng, 2003 ; Roettger, 1997). De tels résultats ne sont pas décrits pour le récepteur µ.

L’internalisation d’un récepteur par un ligand dépend donc du ligand lui-même, mais également du système cellulaire et des conditions d’incubation. Afin de tester l’efficacité d’internalisation par les quatre ligands choisis, des observations en microscopie de fluorescence ont donc été effectuées. Il est essentiel pour l’étude en dynamique (FRAPrv) que le ligand n’entraîne pas d’internalisation afin de maintenir le récepteur à la membrane.

4.2 – Résultats

L’internalisation du récepteur T7-EGFP-hMOR par le DAMGO s’est révélée particulièrement efficace dans les SH-SY5Y. En effet dès 15 minutes d’incubation, en concentration saturante (1µM) et à température ambiante, des points très fluorescents apparaissent à la membrane. Ces vésicules envahissent l’ensemble du cytoplasme en 30 minutes, laissant les membranes encore visibles mais moins fluorescentes (fig. 42C). A température physiologique cette internalisation est plus rapide, la présence de nombreuses vésicules fluorescentes dans le cytoplasme étant observée dès 5 minutes d’incubation à la même concentration. Une cinétique du même ordre (quelques minutes à 37°C) est observée pour le MOR activé par le DAMGO dans des neurones (Minnis, 2003).

Les premières conditions d’incubation testées pour la morphine, identiques à celles du DAMGO, n’induisent pas l’internalisation du récepteur. Même après une heure d’incubation, en concentration saturante et à température ambiante, aucune fluorescence n’est visible dans le cytoplasme et les cellules sont toujours délimitées par des membranes fluorescentes. Des conditions d’incubation plus drastiques ont donc été testées. L’incubation des cellules en présence de morphine pendant 30 minutes à température physiologique a permis de distinguer une ponctuation fluorescente sous-membranaire, qui au bout d’une heure à cette même température, aboutit à la présence de nombreuses vésicules dans le cytoplasme. Un tel résultat est cohérent avec des résultats obtenus dans les cellules SH-SY5Y (Horner, 2004), ou bien dans les HEK293 co-transfectées avec la GRK2 (Zhang, 1998).

Ces résultats démontrent d’une part le bon fonctionnement de la machinerie d’internalisation (reconnaissance des récepteurs et formation des vésicules) et d’autre part les comportements distincts, en termes de cinétique, des deux agonistes testés. L’internalisation efficace par la morphine, qui n’est pas toujours retrouvée lors de l’expression de hMOR dans d’autres lignées cellulaires, reflète la présence dans les SH-SY5Y de toute la machinerie protéique (notamment les GRK2) nécessaire à la régulation des récepteurs.

L’effet des antagonistes (CTAP et DPN) a également été observé. Ces derniers n’entraînent pas d’internalisation de T7-EGFP-hMOR, quelles que soient les conditions d’incubation testées (fig. 42B).

5 – Le cytosquelette

Nous avons vu dans l’introduction l’importance du cytosquelette dans la dynamique des constituants membranaire. Nous avons donc voulu tester l’effet de la perturbation du cytosquelette d’actine sous-membranaire sur la diffusion de T7-EGFP-hMOR. Il a donc tout d’abord fallu mettre au point les conditions de destruction des filaments d’actine.

La cytochalasine D (CD) utilisée ici, est une des drogues les plus efficaces permettant de dépolymériser les filaments d’actine (Flanagan, 1980). Elle est spécifique de la forme F de l’actine, in vitro elle a des constantes de fixation et d’inhibition de l’ordre du nM, soit une efficacité dix fois plus grande que les autres cytochalasine (B et E). Sa fixation sur l’extrémité polymérisante des filaments (sites de haute affinité) empêche l’ajout de nouveaux monomères d’actine. La dépolymérisation qui se poursuit à l’autre extrémité du filament conduit à sa destruction (Cooper, 1987 ; Goddette, 1986). Cette drogue a en outre l’avantage de traverser

Figure 42 : Cellules SH-SY5Y exprimant T7-EGFP-hMOR observée au microscope de fluorescence après ajout de différents ligands.

(A) A l’état basal, après 30 minutes à 22°C,

(B) Après 30 minutes d’incubation à 22°C avec l’antagoniste CTAP, (C) Après 30 minutes d’incubation à 22°C avec l’agoniste DAMGO. L’échelle représente 20 µ m.

A B C

A B C

A

la membrane plasmique, ce qui permet son utilisation avant une étude en dynamique sur cellules vivantes (Flanagan, 1980).

Le marquage du cytosquelette est fait grâce à une toxine fongique (phalloïdine) marquée à la rhodamine, qui reconnaît spécifiquement l’actine (forme filamenteuse et monomérique). Néanmoins elle ne peut traverser la membrane plasmique ; les observations ont donc été faites sur cellules fixées, après perméabilisation de la membrane. Les images obtenues (fig. 43A) montrent la présence d’un cytosquelette important ; l’actine est majoritairement présente sous forme de filaments, mais également sous forme monomérique dans le cytoplasme. Ces images correspondent à ce qui était attendu pour des cellules d’origine neuronales, et observé précédemment (Leventhal, 1997).

Dans les cellules, la destruction du cytosquelette dépend de la concentration de cytochalasine D utilisée. La différence de Kd trouvée in vitro (2 nM) et in vivo (200 nM) est probablement due à l’existence dans les cellules de protéines de capping sur les filaments (Wakatsuki, 2001). L’association de la CD avec les filaments d’actine met alors en jeu une compétition avec les protéines de capping, les concentrations nécessaires pour dépolymériser les filaments sont donc plus importantes in vivo, et probablement variables d’un type cellulaire à l’autre. De plus, in vivo, les concentrations utilisées, de l’ordre du µM, permettent à la CD de se fixer également aux dimères d’actine, favorisant ainsi la présence d’agrégats dans le cytoplasme, qui ne peuvent donc pas participer à la formation des filaments (Goddette, 1986 ; Wakatsuki, 2001 ).

La destruction du cytosquelette des cellules surexprimant T7-EGFP-hMOR par la CD est illustrée en figure 43B. On observe une plus grande présence d’agrégats dans le

Figure 43 :

Marquage du cytosquette par la phalloïdine rhodamine sur des cellules non traitées (A) ou traitées préalablement à la cytochalasine D, 30 minutes, 5µM à 37°C (B).

L’échelle représente 10µ m.

cytoplasme correspondant à de l’actine non filamenteuse. De plus il reste beaucoup moins de filaments d’actine. De ce fait il est probable que le cytosquelette ne soit pas détruit complètement. Des tests effectués à une concentration double de CD (10 µM) ont confirmé cette hypothèse car aucun filament n’est cette fois distinguable. Néanmoins cette condition n’a pas été choisie car elle entraîne un changement de morphologie accompagné d’un décollement des cellules, ce qui confirme la destruction massive du cytosquelette sous-membranaire.

Les analyses de la diffusion des récepteurs ont donc été réalisées après incubation avec la CD pendant 30 minutes, à 5 µM, à 37°C. Le système cellulaire utilisé lors de ce travail présente donc un cytosquelette important, constitué de nombreuses fibres d’actine et qui peut être (partiellement) détruit par la cytochalasine D. La présence et les conditions de destruction des microtubules n’ont pas été recherchées.

L’effet des ligands sur l’internalisation des récepteurs, dans les cellules dont le cytosquelette a été détruit a été recherché. L’endocytose des récepteurs par les agonistes ne semble pas modifiée par la destruction du cytosquelette dans les conditions choisies (fig. 44). Elle est toujours présente et la cinétique d’internalisation n’a pas été mesurée précisément pour distinguer un ralentissement faible.