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protéines sont supposées se déplacer sans contrainte dans le plan de la bicouche lipidique. Dans le même temps, ils classifient ces dernières en fonction de leur hydrophobicité et de leur ancrage dans la bicouche, séparant les protéines périphériques de celles transmembranaires. Ce modèle est la base des modèles membranaires modernes.

3.2 – Complexification des modèles membranaires : notions de domaines

Le nombre de constituants membranaires différents, ainsi que les interactions spécifiques nécessaires au bon fonctionnement de nombreuses protéines, ont laissé supposer qu’une organisation plus complexe que ne le présume le modèle de mosaïque fluide pouvait exister dans la membrane. L’existence de zones particulières dans lesquelles les lipides et les protéines resteraient de manière préférentielle a été supposée. L’origine, la nature et le rôle de ces domaines sont au cœur de nombreux débats.

3.2.1 – DRM ou raft

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Découverte

Simons et Ikonen émettent en 1997 l’hypothèse de la formation dans les membranes de domaines particuliers appelés rafts ou DRM (Simons, 1997). Ils sont caractérisés par leur mode d’obtention et leur composition. Le nom de Detergent Resistant Membrane provient de leur résistance à la solubilisation par le détergent. Ils sont séparés du reste de la membrane solubilisée, par un gradient de saccharose sur lequel ils « flottent », d’où leur second nom de radeau lipidique (raft). L’analyse de leur composition a révélé un pourcentage plus élevé de cholestérol et de sphingomyéline que dans le reste de la membrane (fig. 14). Cette composition est caractéristique de la phase liquide ordonné (Lo), phase plus structurée et plus épaisse que la phase fluide (ou désordonnée, Ld) du reste de la membrane (Brown, 2002; London, 2002). De nombreuses études ont été menées sur des systèmes modèles afin de déterminer les conditions de formation de cette phase particulière. Le cholestérol s’est avéré essentiel pour éviter la formation de phases gels et induire les phases liquides ordonnées. Ainsi, dans des GUV, la sphingomyéline s’associe spontanément avec ce dernier pour former des domaines excluant le DOPC (Baumgart, 2003).

L’analyse des rafts obtenus après extraction au détergent des membranes a permis de définir en plus de la composition lipidique des protéines dites marqueurs de rafts, en

particulier la phosphatase alcaline, les protéines à ancre GPI ou la cavéoline (fig. 14). Cette dernière est le composant principal des cavéoles, structures participant à l’endocytose et incluses dans la famille des rafts (Brown, 1998).

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Problèmes soulevés

Bien que des études sur des systèmes modèles aient permis de déterminer que l’extraction au détergent ne crée ni ne détruit de phase Lo (Brown, 1998; London, 2002 ) la méthodologie d’obtention des rafts, indirecte et surtout invasive pour la cellule, soulève des questions. Ainsi différents protocoles existent en fonction de la nature du détergent utilisé, ou bien en absence de détergent (Smart, 1995) ; et il est apparu que la composition des DRM obtenus variait avec le procédé d’extraction choisi (Mayor, 1995; Schuck, 2003; Taylor, 2002). De même, la méthode utilisée pour l’analyse des rafts sur cellules in situ, c’est-à-dire la déplétion en cholestérol, soulève des interrogations. En effet, le cholestérol est impliqué dans de nombreux processus et il est difficile de relier directement les effets de la déplétion avec les domaines rafts (Kwik, 2003; van Rheenen, 2005 ). De plus cette technique ne permet pas d’extraire la totalité du cholestérol, ce qui rajoute à la difficulté d’interprétation des résultats.

La présence de ces domaines sur l’un ou l’autre des feuillets de la membrane reste également une question en suspens. L’hypothèse majeure serait une synergie des deux feuillets, par l’intermédiaire de protéines transmembranaires (non déterminée) ou du cholestérol (Pike, 2003; Rietveld, 1998). Cette hypothèse a été récemment validée par la formation de domaines sur les deux feuillets après induction sur le seul feuillet externe (Chen, 2006b). Le rôle physiologique de ces domaines reste également non résolu. Un grand nombre de protéines, dont les protéines G et certains RCPG, y a été trouvé, amenant la question du

Ganglioside

Figure 14 : Schéma d’un raft, extrait de (Pike, 2003)

PC PE PS PI

Cholestérol SM

rôle des rafts dans leur fonctionnalité et dans la transduction du signal (Pike, 2003 ; Rietveld, 1998 ; Simons, 2000).

Relier les domaines obtenus après solubilisation de la membrane avec ceux présents dans la membrane plasmique de cellule vivante reste malaisé. De plus la taille supposée des rafts ne permet pas une visualisation directe sur cellules et il est dès lors difficile de corréler ces domaines, connus uniquement par leur composition, avec des domaines observés sur cellules vivantes par des méthodes dynamiques. Une définition des rafts a finalement été établie en 2006 au Symposium on lipid rafts and cell function : “Membrane rafts are small (10-200 nm), heterogeneous, highly dynamic, sterol- and sphingolipid-enriched domains that compartmentalize cellular processes. Small rafts can sometimes be stabilized to form larger platforms through protein-protein and protein-lipid interactions.” (Pike, 2006). Cette définition, relativement large et imprécise, reflète les incertitudes qui entourent la notion de rafts à l’heure actuelle, les preuves de leur existence étant aussi nombreuses que celles ne la confortant pas (Jacobson, 1999).

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Rafts et dynamique

Ces domaines ont également été recherchés sur cellules in-situ, par des techniques de biophysique (décrites dans le chapitre II) non-invasives pour les cellules. La diffusion et l’organisation de molécules marqueurs de rafts (protéine à ancre GPI et GM1) ont été analysées par suivi de particule unique. Près du tiers de ces deux molécules présente un confinement temporaire dans des domaines de l’ordre de 200 à 350 nm de diamètre, pendant des durées inférieures à 10 secondes. Les résultats obtenus après déplétion en cholestérol des cellules (domaines plus petits, temps de résidence moins longs) vont dans le sens de l’existence de domaines rafts dans les cellules (Dietrich, 2002; Sheets, 1997). Une autre étude a été effectuée par FRAP sur l’hémagglutinine (HA), cette dernière étant retrouvée dans les zones rafts, ou non-rafts, en fonction des mutations qu’elle porte. Les coefficients de diffusion des protéines rafts (sauvages, ou fusionnées avec une ancre GPI) sont plus faibles que ceux des protéines mutées non-rafts (Shvartsman, 2003). Lors de cette étude, et d’une autre s’intéressant à des protéines différentes, la déplétion en cholestérol entraîne une augmentation du coefficient de diffusion des protéines rafts, qui devient dès lors équivalent à celui des protéines non-rafts (Pralle, 2000 ; Shvartsman, 2003). Les protéines rafts typiques que sont Thy1 et GM1 ont également été étudiées par FCS à waist variable et révèlent une organisation en domaines, qui n’est plus présente après des traitements enzymatiques modifiant le

cholestérol ou la sphingomyéline. Dans ce cas le coefficient de diffusion des protéines est plus lent lorsqu’elles ne sont plus dans les domaines. Il est possible que cela soit lié à une différence de la composition membranaire due aux traitements enzymatiques utilisés (Lenne, 2006).

Un consensus semble donc se dégager sur les protéines dites marqueurs de rafts. En effet, ces protéines retrouvées dans les fractions non-solubilisées par le détergent sont présentes, dans les membranes de cellules in-situ, dans des domaines et ont des coefficients de diffusion influencés par la présence du cholestérol. Nous allons voir que les études portant sur les lipides rafts ou non rafts sont moins unanimes.

Ainsi la comparaison du comportement diffusionnel de deux lipides : l’un marqueur de rafts (saturé), et l’autre non (insaturé) a également été effectuée par SPT. Le premier a une diffusion confinée dans des grands domaines (600 à 700 nm) alors que le second n’a pas de limite à sa diffusion. Cette organisation membranaire différente est interprétée par les auteurs comme la preuve de rafts présents dans la membrane des cellules (Schutz, 2000). La diffusion de trois lipides a été observée par FCS à waist variable : deux avec la fluorescéine insérée dans une des chaînes grasses (la sphingomyéline et un lipide PC) et le troisième qui a des chaines saturées en C16 et le groupement fluorescent sur la tête polaire (PE). Seule la sphingomyeline présente une diffusion en accord avec l’hypothèse rafts, les deux autres lipides n’étant ni présents dans des domaines, ni sensibles à la modulation de la teneur en cholestérol (Lenne, 2006).

Les deux lipides rafts testés dans ces études ont des structures proches (di-C14 :0 et di-C16 :0 ; marqués sur la tête polaire PE) ; il semble donc que la notion de lipides rafts et non-rafts soit plus complexe que dans le cas des protéines. Ces différents résultats démontrent néanmoins l’importance du cholestérol dans la diffusion de certains des constituants membranaires. D’autres causes sont également supposées participer au confinement observé, tel que le cytosquelette cortical.