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Chapitre II. Caractérisation d’impulsions ultra-courtes

II.6. Interférométrie de phase spectrale (SPIDER)

L’interférométrie spectrale a été démontrée comme étant une excellente technique permettant également la caractérisation d’impulsions dans le domaine de Fourier [50-60].

Suite aux travaux théoriques de Wong et de ses collaborateurs en 1994 [53] et expérimentaux de Chilla et al. en 1991 et de Chu et al. en 1995 [46, 47], c’est en 1998 et 1999 que Iaconis et ses collaborateurs proposèrent une technique permettant de mesurer la phase spectrale des impulsions [50, 52]. Cette technique nommée SPIDER (Reconstruction du champ par interférométrie de phase spectrale) est schématisée sur la Figure II-6. La technique SPIDER est basée sur les interférences produites par deux répliques retardées de l’impulsion à caractériser mais décalées en fréquence. Le spectre de cette paire d’impulsions est un interférogramme donné par [50] :

( ) ( ) ( )

2

( ) ( )

cos

( ( ) ( ) )

SPIDER

S

ω

=S

ω

+S

ω

+ Ω + S

ω

S

ω

+ Ω Φ

ω

+ Ω − Φ

ω ωτ

+ , (2.16)

S(

ω

) est la densité spectrale de l’impulsion,

le décalage fréquentiel entre les deux répliques de l’impulsion,

τ

le retard temporel entre les deux répliques et

Φ

représente la phase spectrale de l’impulsion.

L’idée est donc de faire varier

pour avoir de proche en proche la phase spectrale en fonction de la fréquence [50].

L’impulsion à caractériser est tout d’abord scindée en deux répliques identiques grâce à une séparatrice. A l’aide d’une ligne à retard, les deux répliques sont alors séparées temporellement puis recombinées grâce à une deuxième séparatrice. D’autre part une troisième réplique de l’impulsion est générée en entrée de SPIDER par une séparatrice puis largement étirée et chirpée à l’aide d’un système de réseau. Cette impulsion étirée doit alors remplir deux conditions [50] :

¾ Sa largeur doit être suffisamment grande devant le retard (τ) entre les deux autres répliques de l’impulsion.

¾ Son chirp doit être assez élevé pour séparer temporellement ses composantes spectrales de sorte que, lors de la recombinaison dans le cristal non linéaire avec les deux autres répliques, celles-ci ne voient essentiellement que deux ondes monochromatiques séparées de

.

Les trois impulsions sont finalement combinées grâce un effet de sommation de fréquence et le signal généré analysé par un spectromètre [50].

Figure II-6 Montage expérimental d’un système de caractérisation d’impulsions en intensité et en phase de type SPIDER (SFG=Génération de Somme de Fréquences).

Une procédure numérique est ensuite employée afin de déterminer la phase spectrale de l’impulsion [50]. La première étape consiste à réaliser la transformée de Fourier du spectrogramme. L’expérimentateur obtient alors un pic central à t=0 correspondant aux deux premiers termes de l’équation (2.16) et deux composantes latérales autour de

±τ

. L’information sur la phase spectrale est uniquement contenue dans les deux lobes latéraux qui présentent la même information. Il suffit donc de filtrer le pic central et un des lobes latéraux puis de repasser dans le domaine de Fourier. La phase du signal restant correspond exactement à l’argument du cosinus de l’expression (2.16). Il suffit finalement d’ôter le terme de phase linéaire

ωτ

grâce à une calibration de l’appareillage [50, 52] ou grâce à un deuxième interférogramme de référence [54] pour déterminer la différence de phase entre deux points séparés de

. En répétant cette procédure N fois, l’opérateur détermine de proche en proche la phase

spectrale de l’impulsion à caractériser. La phase spectrale et le spectre de l’impulsion étant alors connus, il ne reste finalement qu’à prendre la transformée de Fourier inverse pour avoir accès au profil d’intensité et à la phase de l’impulsion.

Quelques améliorations ont ensuite été apportées à cette technique, notamment en 2001, Müller et al.

[55] proposèrent un nouvel algorithme qui, de manière similaire à la détermination de la phase spectrale, donne un accès simultané à l’amplitude et à la phase spectrale de l’impulsion [55]. Une autre modification a été proposée par Baum et al. en 2004 [56] pour éviter toute distorsion de l’impulsion avant détection [56]. En effet, de manière générale, les impulsions caractérisées par la technique SPIDER sont relativement courtes (quelques dizaines de fs) et sont donc largement sensibles à tout effet dispersif et non linéaire [56]. Elles peuvent donc être déformées avant l’étape de sommation de fréquences par la présence des seuls éléments optiques du SPIDER types : miroirs, lentilles et séparatrices. L’idée de Baum et al. est donc de focaliser directement l’impulsion à caractériser sur le cristal à sommation de fréquence, et ce simultanément avec deux répliques étirées et fortement chirpées suivant deux angles proches [56]. Ensuite et grâce à un jeu de miroirs, les deux répliques séparées fréquentiellement sont alors séparées temporellement. L’interférogramme est finalement analysé de manière classique [56]. Cette nouvelle version du SPIDER a été baptisée ZAP-SPIDER pour Zero-Additional-Phase SPIDER. Baum et al. ont alors démontré l’efficacité de cette technique en caractérisant en intensité et en phase des impulsions de 10fs dans le visible et de 20fs dans l’UV [56]. Une fois automatisée, la technique SPIDER est donc une technique de caractérisation d’impulsions extrêmement rapide, Shuman et Dorrer ont d’ailleurs montré la caractérisation de sources lasers rafraîchie à des cadences de l’ordre de la dizaine de Hertz [51, 57]. En 2003, Kornelis a finalement augmenté de manière significative cette cadence de rafraîchissement jusqu’à 10kHz [58].

SPIDER est finalement une méthode très pratique et peu onéreuse, puisqu’une fois calibré, aucun élément n’est à mouvoir. Elle est notamment très utilisée dans le domaine de la spectroscopie pour l’optimisation directe d’impulsions et pour des études statistiques de plus en plus précises. SPIDER possède également l’avantage de ne pas recourir à une procédure itérative mais purement analytique, ce qui en fait une technique de caractérisation dite « error-free » en l’absence de bruit. Cette technique de caractérisation est cependant réservée à des impulsions ultra-courtes (< 200 fs) et très énergétiques. En effet, le fait d’étirer une réplique de l’impulsion nécessite une impulsion initiale très courte et d’autre part, le fait d’avoir à produire trois répliques de l’impulsion et de passer l’une d’elles dans un étireur optique engendre des pertes supplémentaires qui nécessitent une puissance initiale relativement grande.