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Chapitre III. Génération d’impulsions à très haute cadence

III.1. Etat de l’art

III.1.2. Compression adiabatique d’un battement sinusoïdal

III.1.2.2. Fibre à dispersion décroissante

Après la diffusion des travaux de Tajima [103], un grand nombre de travaux théoriques ont été réalisés afin d’étudier la propagation d’impulsions dans les fibres optiques à dispersion décroissante. En 1988, deux équipes, Blow et al. [107] d’une part et Kuehl et al. d’autre part [117], ont alors proposé théoriquement d’ajouter un terme de gain à l’équation de Schrödinger non linéaire pour générer de manière adiabatique des impulsions ultra-courtes [107, 117]. Ce terme de gain pouvait être soit une amplification distribuée (voir section suivante sur la compression par effet Raman, paragraphe III.1.2.3), soit l’emploi d’une fibre à dispersion décroissante qui simulerait cette amplification. Suite à cette idée, en 1989, Dianov et al. [108] avancèrent la possibilité de générer des trains d’impulsions à ultra-haut débit dans une DDF à partir d’un battement sinusoïdal [108].

Le principe de cette méthode est de propager deux ondes continues de forte puissance dans une fibre dont la dispersion décroît en fonction de la distance de propagation (en régime anormal pour un train de solitons brillants et respectivement normal pour un train de solitons noirs). Tout se passe alors comme si le battement sinusoïdal voyageait dans une fibre munie d’une amplification adiabatique (gain petit devant la longueur de fibre). Au cours de sa propagation, l’impulsion initialement sinusoïdale se voit progressivement attirée vers le régime solitonique défini par les paramètres expérimentaux

(dispersion au sortir de la fibre DDF, gain d’amplification). Les simulations numériques réalisées par Dianov montrèrent qu’un train d’impulsions correctement séparées et sans piédestal pouvait être ainsi généré jusqu’à une cadence de 500-GHz dans une fibre de quelques centaines de mètres et avec une puissance moyenne initiale de l’ordre de 1.25W [108].

Nous pouvons ici illustrer cette méthode de compression par une simulation numérique adaptée à notre problème, c'est-à-dire par la génération d’un train d’impulsions à 160-GHz. La fibre utilisée possède un profil de dispersion décroissant hyperbolique qui est directement inspiré des résultats expérimentaux des références [104, 109-113].

La fibre DDF possède une dispersion décroissante de D0=10ps/km.nm à D=0.59ps/km.nm après L=4km suivant la loi représentée sur la Figure III-4(a) et donnée par :

( )

0 1 4 D D z z = + , (3.11)

Les paramètres de la simulation sont donc les suivants :

D0(ps/km.nm) Aeff (µm2) L (km) Pp (W) Période (ps) FWHM (ps)

10 50 4 0.1125 6.25 1

D0 est pris à la longueur d’onde centrale du battement sinusoïdal et Pp représente la puissance de chacune des deux pompes formant le battement initial.

Le train d’impulsions ainsi formé est représenté sur la Figure III-4(b) et correspond à un train d’impulsions correctement séparées, sans piédestal, de profil sécante hyperbolique (fit non représenté) et de largeur à mi-hauteur (FWHM) 1ps. Quant au spectre (représenté ici sur la Figure III-4(c)), il correspond bien à un train d’impulsions cadencé à 160-GHz dans lequel nous observons clairement un enrichissement de nouvelles fréquences régulièrement espacés de 160-GHz. La phase (ici non représentée) apparaît quasiment constante le long des impulsions, ce qui implique des impulsions en quasi limite de Fourier. De plus, un saut de phase de π est observé entre chaque impulsion et s’explique par le changement de signe du champ électrique en chaque point nul du battement.

Comme une suite logique à ces travaux théoriques, un grand nombre de travaux expérimentaux s’en sont alors suivis et ont démontré la faisabilité de cette technique. En 1991, Mamyshev et al. [109] ont généré un train d’impulsions d’une durée finie de 25ps et de largeur à mi-hauteur de 0.49ps à 200-GHz grâce à une DDF au profil hyperbolique [109]. Puis, en 1992, Chernikov et al. [110] générèrent un train d’impulsions d’une grande qualité, de largeur à mi-hauteur de 1.3ps et à une cadence de 70-GHz grâce à un battement sinusoïdal de 300mW et une DDF de 1.6km au profil hyperbolique décroissant la dispersion de 10 à 0.5ps/km.nm [110].

Figure III-4 (a) Profil de dispersion de la DDF (b) Battement sinusoïdal initial (traits pointillés), impulsions de sortie après 4km de propagation (trait continu) (c) Spectre initial (cercles), spectre des impulsions de sortie (trait continu).

Quelques améliorations notables ont été réalisées par Chernikov et ses collaborateurs [111-113]. Notamment en 1992, avec la suppression de la diffusion Brillouin stimulée par une légère modulation (environ 100-MHz) du courant d’alimentation des diodes lasers [111]. D’autre part, ils propagèrent le battement sinusoïdal dans une fibre à dispersion décalée (DSF) de 1km avant l’injection dans la fibre DDF. Ainsi, grâce au mélange à quatre ondes généré au sein de la fibre DSF, le spectre du battement initial était d’abord enrichi avant sa propagation dans la DDF, améliorant ainsi la qualité et l’efficacité de la compression [111]. Grâce à cette technique, Chernikov et al. démontrèrent alors la mise au point d’une source accordable fonctionnant à une cadence comprise entre 60 et 90-GHz et pour une durée d’impulsion variant de 1.3 à 4ps [111]. La même année, un deuxième type de DDF, d’une longueur de 2.2km et possédant une décroissance hyperbolique de la dispersion de 6.5 à 1.1ps/km.nm permit à Taylor, Chernikov et leur équipe de réaliser une seconde source accordable de 80 à 130-GHz pour une durée d’impulsion variant de 1.5 à 3ps [112]. Une autre amélioration significative de la qualité des impulsions ainsi générées fut apportée en 1993 par Chernikov et al. [113]. En effet, un train d’impulsions correctement séparées à 114-GHz et de 250fs fut généré grâce aux effets combinés de la compression d’un battement sinusoïdal dans une DDF et du décalage fréquentiel occasionné par l’effet Raman [113]. Lorsque le battement sinusoïdal est injecté avec une forte puissance dans la DDF, l’effet

(b)

(a)

d’auto-modulation de la phase prédomine et permet l’enrichissement du spectre en nouvelles fréquences, ce qui engendre la compression temporelle par effet soliton. Dans un second temps, la dispersion décroissant, la compression s’accélère, élargissant encore le spectre et donnant naissance à un train d’impulsions ultra-courtes accompagnées de piédestaux. La largeur des impulsions devenant très faible (350fs), l’effet prédominant devient alors l’effet Raman qui va engendrer un décalage fréquentiel du spectre des impulsions vers les grandes longueurs d’onde (rouge). Le piédestal et l’impulsion étant alors séparés spectralement, ils vont progressivement se séparer dans le domaine temporel via la dispersion chromatique, donnant ainsi naissance, une fois filtré, à un train d’impulsions ultra-courtes, de bonne qualité et à haut taux de répétition (voir simulation dans la section sur la compression par effet Raman, paragraphe III.1.2.3). Les autres effets d’ordre supérieur (effet d’auto-raidissement ou de dispersion d’ordre 3…) n’intervenant qu’en fin de compression, leur influence peut être négligée jusqu’à des largeurs d’impulsions d’environ 1ps et engendre simplement une saturation de la largeur des impulsions et donc du taux de compression [114].

Conclusion : Tous ces résultats nous montrent, que pour une fibre DDF donnée, il existe un intervalle de cadence et de largeur d’impulsion qui définit un intervalle de puissance dans lequel il est alors possible de générer un train d’impulsions de bonne qualité. Les principaux paramètres influençant le phénomène de compression sont la longueur de la fibre, son profil de dispersion et le rapport entre la dispersion d’entrée et de sortie qui définit le taux de compression maximal. Le principal défaut de cette méthode est le caractère prototype de la fibre à dispersion décroissante qui est non standard et donc très difficile à se procurer. D’autre part, la longueur de fibre augmentant dramatiquement avec la période du battement initial, les effets de polarisation et d’ordre supérieur apparaissent rapidement, cette méthode n’est donc applicable qu’à des taux de répétition élevés. Des améliorations ont cependant été apportées afin de pallier ce dernier problème et notamment pour des applications de multiplexage temporel. L’addition d’une boucle à miroir non linéaire (NOLM) [115, 116, 138-140] a en effet permis d’améliorer la qualité des impulsions produites mais aussi de générer des trains d’impulsions ultra-courtes (<1ps) et à débit modéré (10-GHz) tout en gardant des longueurs de fibre raisonnables mais au détriment de la complexité du dispositif expérimental [115, 116, 138-140].