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INTERFÉRENCES DU SUBSTRAT LINGUISTIQUE CAS DU BAMBARA ET DU FRANÇAIS

DYNAMIQUE DES LANGUES AFRICAINES

ARTICULATION LANGUE NATIONALE / FRANÇAIS : PROBLÈMES, MÉTHODES, OUTILS

I. INTERFÉRENCES DU SUBSTRAT LINGUISTIQUE CAS DU BAMBARA ET DU FRANÇAIS

Il y a interférence lorsqu’un apprenant, face à un problème dans la langue cible, recourt instinctivement, à des ressources de la langue qu’il maîtrise.

Voici quelques manifestations de ce phénomène dans certaines productions d’élèves maliens. Nos citations relèvent aussi bien de l’oral que de l’écrit.

1. Interférences phonétiques et phonologiques

Substitution aux phonèmes étrangers de phonèmes proches dans la langue nationale.

A/ A l’oral

Phonèmes vocaliques

Un premier problème se situe au niveau des voyelles antérieures labialisées et à celui de la voyelle centrale du français, toutes inexistantes en bambara.

Il s’agit de : [y], [ø], [œ], [ə].

Systèmes vocaliques bambara et français Français Bambara i y u i u e ø o e o

ə

Le français possède les voyelles nasales correspondant aux brèves suivantes : []̃, [œ̃], [ɔ̃], [̃]. La longueur vocalique n’a pas de valeur phonémique en français.

Tableau synoptique

En bambara les longues s’opposent aux brèves. La longueur est marquée par le redoublement de la voyelle.

La longueur en français n’a pas une valeur phonémique : elle n’est pas marquée.

- A la voyelle antérieure fermée labialisée, est substituée la voyelle antérieure fermée non labialisée. Ainsi la séquence [kylɔt] est réalisée [kilɔt]

- A la voyelle antérieure fermée labialisée est substituée la voyelle antérieure mi-fermée non labialisée [fø] est réalisé [fe]

- A la voyelle antérieure ouverte labialisée est substituée la voyelle antérieure ouverte non labialisée, ou plus souvent la voyelle antérieure mi-fermée non labialisée : [fœj]

(feuille) est réalisé soit [fj] soit [fej].

- A la voyelle centrale est substituée également la voyelle antérieure mi-fermée non labialisée : [tə] est réalisé [te] (te pronom personnel de la deuxième personne du singulier)

Autres réalisations liées aux phonèmes vocaliques :

- L’absence de consonne finale dans la langue maternelle entraîne la sonorisation du « e caduc » ou « e muet »: [pasə] au lieu de [pas] (passe)

- La reproduction de la forme canonique de la syllabe dans la langue maternelle [cvcv].

est cause de l’insertion d’une voyelle entre deux consonnes consécutives : [kɔrd]

(corde) est réalisé [kɔrɔd].

La confusion de certains graphèmes communs aux deux systèmes de transcription, mais n’ayant pas la même valeur phonétique, a pour résultat, des fautes de prononciation : [p̃tad] (pintade) est réalisé [pintad].

La caractéristique particulière de certains idiomes  la dénasalisation par exemple 

entraîne un autre type de faute :

[d̃sɔ̃

̃] (dansons) est réalisé [dasɔ̃].

Phonèmes consonantiques

Tableau synoptique des phonèmes consonantiques français et bambara

Labiales Dentales Palatales Vélaires Uvulaire Glottales

A la fricative labio-dentale sonore [v] est substituée la fricative labio-dentale sourde correspondante : [elv] (élève) est réalisé [elf].

En début de mot ou en position intervocalique, c’est la semi-consonne bilabiale qui lui est substituée :

[vwasi] (voici) est réalisé [wasi]

[sava] (ça va) est réalisé [sawa]

Aux fricatives palatales sourde et sonore []43 et [ʒ] sont substituées respectivement les fricatives alvéolaires [s] et [z].

[a] (chat) est réalisé [sa]

[ʒə] (je) est réalisé [zə]

A la semi-voyelle [ч] est substituée la voyelle [u] ou [y]. « Lui » (lчi), pronom de la 3e personne, est réalisé [lui].

Telles sont les principales interférences à l’oral. Nous n’insistons pas sur la différence entre le « r » uvulaire (grasseyé) [R] du français standard et le « r » alvéolaire (roulé) du bambara ni entre la différence au niveau de la tension et du timbre entre les voyelles orales et nasales françaises et les voyelles bambara. Ces différences bien que sensibles ne sont pas aussi importantes dans leurs effets que celles mentionnées plus haut.

B/ A l’écrit

La tendance à la pratique d’une orthographe phonologique en français s’explique par le fait que l’orthographe bambara est phonologique

* Dan au lieu de dans

* A pein au lieu de à peine

43 La valeur phonétique de la fricative palatale sourde n'est pas attestée en bambara. Absent de plusieurs parlers, il se trouve être une variante idiomatique du phonème /s/. [] poulet [i] karité.

* ma mer au lieu de ma mère

* encor au lieu de encore

Les différentes graphies représentant un même son, se trouvent être indifféremment utilisées et cela, non seulement au sein de la langue cible mais aussi en référence au système de la langue maternelle.

* matèn pour matin

* pin pour pain

* demèn pour demain

* butique pour boutique

Le problème de la segmentation est souvent lié à l’interférence morpho-syntaxique : Madameba (madame Ba)44.

Les fautes sont également imputables à la mauvaise lecture, à la bonne aussi hélas!

Les groupes rythmiques et mots phoniques faisant problème.

* Sur l’é ta gè re (l’étagère)

* Manger dupain (du pain)

* Mets le danton sac (dans ton)

* Nous enmettions dans nos poches (en mettions)

Morphosyntaxe et phénomènes suprasegmentaux :

Au cours des exercices de dictée et d’orthographe, le fait de scander les mots amène les élèves à détacher les syllabes : le respect des groupes rythmiques et des mots phoniques est à l’origine de phénomènes d’intégration morphologique où, des éléments comme l’article ou la préposition perdent leur autonomie.

Interférences syntaxiques

Les caractéristiques structurales des syntagmes nominaux et verbaux, de la langue maternelle se retrouvent parfois dans des production en français : déterminant article placé après le nom : syntagme nominal objet placé avant le verbe transitif direct.

Exemple : *Le gardien cloche la sonne. On constate effectivement que l’objet direct en bambara se place entre l’auxiliaire et le verbe.

Interférences lexico-sémantiques

Avec la traduction littérale, une pratique courante qui a ses implications lexico-sémantiques voire intonatives, nous nous retrouvons à la limite entre la faute et l’africanisme : Exemple : Mais toi aussi ! Cette séquence selon le schéma intonatif peut signifier soit « mais dis donc », soit « je t’en prie ».

Un élément faisant l’objet de faute courante dans divers milieu est le relatif « dont » généralement confondu avec « que » : * Le cahier dont j’ai acheté est vert.

44 L'introduction de l'allographe qu'est la majuscule est relativement récente et son emploi n'est pas encore complètement généralisé dans l'orthographe du bambara. De là, la graphie ba (nom de famille) qui est formellement identique à l'augmentatif -ba. Ce dernier étant un suffixe, est donc automatiquement collé.

L’apprenant qui se réfère à sa langue maternelle où le relatif, quelle que soit sa fonction, n’a qu’une seule et unique forme, peut penser que les différentes formes pronom relatif français sont équivalentes et peuvent se substituer les unes autres sans problème.