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Les changements de combinatoire verbale

LANGUES NATIONALES ET DÉVELOPPEMENT

DE LA FRANCOPHONIE : CONTRIBUTION A UNE RÉFLEXION SUR LA NOMENCLATURE DE LA BDLP-CONGO

3. LES CONGOLISMES GRAMMATICAUX : REPÉRAGE ET TRAITEMENT

3.5. Les changements de combinatoire verbale

Les changements de valence111 sont souvent présentés comme le trait le plus emblématique de l’évolution syntaxique des français en Afrique. Attaché au comportement syntaxique d’un verbe donné, ce changement de valence fera l’objet d’une entrée au verbe concerné.

109 L’article que Queffélec-Niangouna proposent pour oui, qui « dans une réponse à une question interro-négative s’emploie là où le français standard utiliserait non » n’est guère non plus satisfaisant.

110 Les choses se présenteraient différemment dans des pays comme la Belgique, la Suisse ou le Québec où la féminisation des noms de métier concerne un nombre important de vocables.

111 On désigne ici par valence « l’ensemble des éléments construits par le verbe, sujets comme compléments ».

Assez souvent le changement de valence est associé à un changement sémantique marier une femme signifie « prendre pour époux ou épouse » et non « donner en mariage », doter signifie « pour le mari, offrir une dot à sa femme » et non « pour les parents de l’épousée, offrir une dot à leur fille », accoucher signifie « pour la mère, donner, naissance à un enfant » et non « pour le médecin ou la sage-femme, donner naissance à un enfant ».

Pour d’autres items le changement sémantique lié au changement de valence est moins perceptible : différents cas de changement de combinatoire verbale sont possibles :

- un verbe transitif indirect (construisant son complément avec les prépositions à, de, avec, etc.) en français de référence (FrR) devient transitif direct en français du Congo (FrC) : coucher une femme (« coucher avec une femme »), défendre qqn (« défendre à qqn »), demander qqn (« demander à qqn »), enseigner qqn, jouer un instrument, mentir qqn, pardonner qqn, reprocher qqn, téléphoner qqn, etc.,

- un verbe transitif direct en FrR se construit de manière absolue en FrC : animer (« mettre de l’animation »), commettre (« commettre un acte répréhensible »), cultiver (« cultiver la terre »), fêter (« faire la fête »), fréquenter (« aller à l’école »), préparer (« préparer la cuisine »),

- un verbe transitif direct en FrR devient transitif indirect en FrC : informer à qqn, - un verbe construit absolument en FrR devient transitif direct en FrC : gueuler qqn

(« engueuler qqn »).

Les changements de diathèse se rencontrent également :

- un verbe pronominal en FrR devient non pronominal en FrC : se démerder  démerder, se désister  désister, se saper  saper, se serrer la ceinture  serrer la ceinture, se tailler  tailler,

- un verbe non pronominal en FrR devient pronominal en FrC : divorcer  se divorcer, accaparer  s’accaparer, admettre  s’admettre (« être admis »).

Un changement d’auxiliaire aux temps composés (par exemple substitution d’être par avoir pour les temps auxiliés d’intervenir) fera également l’objet d’une entrée.

CONCLUSION

Au terme de ce rapide examen des comportements des Ildfn et des Ildfs à l’égard des fancophonismes grammaticaux, nous croyons avoir montré que leur attitude globalement restrictive n’excluait pas une certaine prise en compte de ces spécificités morphosyntaxiques. L’examen des différents congolismes susceptibles d’être rattachés à cette catégorie d’africanismes nous a conduit à proposer des critères de sélection précis pour une BDLP-Congo : nous proposons d’exclure de la nomenclature et de renvoyer à des ouvrages non lexicaux, tous les faits de syntaxe catégorielle ou suprapropositionnelle. La même exclusion frapperait la plupart des sigles, en particulier lorsqu’ils ne présentent pas de dérivé bien attesté ou n’offrent pas de modification sémantique par rapport à la « forme longue ». En revanche, nous adoptons une attitude beaucoup plus accueillante à l’égard des congolismes qui se

spécifient par des changements de genre, de nombre, de catégorie ou des changements de combinatoire verbale. Il ne s’agit pourtant là que de propositions et les échanges qui, nous l’espérons, auront lieu à l’occasion de ces Journées scientifiques ou de rencontres ultérieures de rédacteurs de BDLP permettont de préciser, voire de rectifier certaines des propositions ici émises.

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Premières Journées scientifiques communes Ouagadougou 2004

LES STRUCTURES LEXICOGRAPHIQUES DANS LES DICTIONNAIRES