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2. U NE INTERPRÉTATION DE L ’ ENSEMBLE DES SITUATIONS : QUELQUES CONSTATS EN

2.5 Des interactions sociales bénéfiques

2.5.1 Puisque les interactions sociales amènent les enfants à se décentrer,

Les enfants interagissent ensemble dans le jeu en proposant leurs idées, ce qui leur permet de faire avancer le scénario qui s’élabore tranquillement. En fait, ils proposent des idées et ils peuvent choisir de conserver celles des autres s’ils le désirent. En réalité, nous avons compris que les enfants interagissent ensemble en adhérant aux idées soulevées par les autres, et ce, de deux façons distinctes, soit de manière directe et de manière indirecte. Les demandes des enfants sont parfois claires, parfois informelles. Celles-ci amènent, peu

importe leur nature, les enfants à interagir ensemble. Dans les situations de jeu #2, #3, #4 et #9, les interactions des enfants se font de manière plutôt directe. Effectivement, elles se font verbalement de façon générale. Dans la situation #2, qui se passe au coin épicerie, un garçon accepte la proposition de jeu de son amie, en interagissant avec elle dans le rôle de client. La fillette interagit en adhérant et relançant le jeu avec du matériel disponible. Elle explicite le symbole de ce matériel (ce sont des sous), ce qui incite le garçon à devenir un partenaire du jeu et à adhérer au scénario. Dans la situation de jeu #3, où quelques enfants s’unissent pour sauver une enfant malade, au coin médecin, une enfant guide le jeu de par ses gestes et ses actions. En nommant à voix haute ce qu’elle fait dans le jeu, cela permet de diriger le scénario qui s’élabore. Les autres enfants adhèrent à ce jeu, car ils continuent le développement de celui-ci avec leurs propres actions dans leur rôle de professionnel de la santé. Dans la situation de jeu #4, la demande d’un enfant pour jouer avec une fillette et son château, au coin des blocs, est claire. Cependant, elle ne lui répond pas formellement, mais nous comprenons qu’elle accepte sa demande, en lui donnant une tâche et précisant ce qu’il reste à faire pour terminer sa construction de château. À travers la situation #9, un enfant demande aux autres s’il peut se joindre à eux dans leur jeu qui se développe autour d’un igloo construit avec des contenants en plastique. En réalité, ils acceptent l’invitation de l’enfant et ils lui précisent ce qu’ils sont en train de faire dans ce coin. De son côté, cet enfant adhère à l’idée de construire un igloo géant, car il se met à la tâche lui aussi.

En outre, nous avons remarqué que certaines interactions entre les enfants peuvent montrer que ceux-ci acceptent les idées des autres, mais de manière plutôt indirecte. C’est ce dont nous avons ressorti dans les situations de jeu #1, #4 et #6. Dans la situation de jeu #1, les enfants n’interagissent pas verbalement ensemble pour faire avancer un jeu dans le coin médecin. Ils acceptent le déroulement du scénario de jeu en considérant les idées des autres pour effectuer leurs propres actions, par la suite. Ils interagissent ainsi ensemble de manière indirecte et le jeu commun progresse. Dans la situation de jeu #4, une fillette fait une demande informelle à un autre en lui parlant de la forme de son château pour l’inviter dans un jeu. Toujours sans interaction verbale, l’enfant répond positivement à la demande de son amie, en acceptant son invitation, et ce, en faisant rouler son auto sur les parois du château. Ainsi, ils interagissent et ils commencent à jouer ensemble. Dans la

situation #6, un garçon qui cherchait un volant pour terminer la construction de son véhicule de course adhère à la proposition de son amie sans émettre de mot. Celui-ci opte pour l’idée de faire semblant d’avoir un volant, en poursuivant son jeu comme il le souhaitait. Cela était ainsi favorable à l’élaboration de son jeu et cela a même amené d’autres enfants à vouloir faire comme lui, en manifestant le désir d’avoir un véhicule de course comme le sien.

Donc, en jouant, les enfants apprennent à observer, à regarder et à s’intéresser aux autres de même qu’à ce qu’ils font (Gouvernement du Québec, 2006). Les enfants sont en apprentissage quand ils jouent avec les autres. Effectivement, chacun des enfants apprend à jouer avec un autre enfant, à demander à un autre enfant de jouer avec lui, à accepter un autre enfant dans un jeu ou encore à s’intégrer dans un jeu déjà en cours (Ibid.). Ainsi, les enfants amorcent des interactions avec les autres. Ces compétences relationnelles qui sont développées dans le jeu participent à l’apprentissage vu comme un acte social. En fait, les enfants ont besoin d’être en relation avec les autres pour apprendre (Makovichuk, Hewes, Lirette et Thomas, 2014). De cette manière, ils essayent de collaborer et de coopérer pour jouer ensemble et ils sont amenés à se décentrer. À cet effet, cela rejoint l’idée piagétaine de la décentration.

Il y a décentration lorsqu’un être social – un individu, un groupe, etc. – devient capable, au-delà des clivages et des différences, de reprendre à son compte la position des autres, de comprendre leur point de vue, leur vécu, leur pensée, etc. La décentration, lorsqu’elle atteint un certain niveau de profondeur et de réciprocité, suppose que chaque sujet, dépassant son point de vue, se situe à un niveau supérieur – un métaniveau – d’où il puisse échanger et confronter les différents points de vue. On peut montrer qu’un tel passage au métaniveau entraîne une certaine complexification, à la fois sur le plan des capacités cognitives des sujets et sur le type de lien qui les unit. Piaget mettait la décentration au fondement du développement social et cognitif. C’est par décentration, pensait-il, que l’enfant dépasse l’égocentrisme primitif: la reconnaissance du point de vue de l’autre induit la reconnaissance de particularité de son propre point de vue et c’est cette double reconnaissance qui, sur le plan social, permet le développement de l’échange et de la coopération et qui, sur le plan cognitif, favorise le développement du raisonnement logique (Meunier, 1994, p. 35-36).

Les apprentissages sont nombreux lorsque les enfants se décentrent en jouant avec les autres. Cela touche aussi le critère du second degré, un critère de jeu d’après Brougère (2005), permettant aux enfants de s’entendre que « ceci est un jeu ». Ils en comprennent la signification, et donc, ils arrivent à développer un début de jeu ensemble. Aussi, il s’avère que les pairs contribuent au développement social des enfants en agissant comme des modèles (Makovichuk, Hewes, Lirette et Thomas, 2014). En effet, les autres commencent à devenir des modèles à imiter. Dans le prochain paragraphe, nous aborderons l’imitation, qui est une autre forme d’interaction non formelle observée dans le jeu des enfants.

Lorsqu’ils jouent, certains enfants font comme d’autres, c’est-à-dire qu’ils imitent les actions des autres pour élaborer leur jeu. D’ailleurs, Thériault (1993) mentionne que le jeu symbolique favorise l’appropriation de rôles qui constituent la vie, en favorisant ainsi l’imitation chez les enfants, leur permettant de se développer par le fait même. Justement, le fait d’observer les actions des autres joueurs permet à certains de les reproduire dans le jeu et d’interagir. Par exemple, dans la situation #2, nous remarquons qu’une enfant imite le rôle du client en interaction avec l’adulte, et ce, après avoir observé deux autres enfants qui jouaient au client-caissière, dans le coin épicerie. Cette enfant a été capable de répéter les mêmes actions qu’elle a observées, ce qui lui a permis de faire progresser son jeu, tout en interagissant avec l’adulte en venant acheter des aliments pour les rapporter à son amie malade au coin médecin. Dans la situation #8, les actions de trois filles s’inter-influencent au coin des émotions, considérant leurs paroles et leurs gestes tirés du quotidien. De cette manière, en imitant des actions connues ayant déjà été effectuées par d’autres, ces enfants peuvent interagir ensemble, et ainsi, développer un jeu. Quant à la situation #7, les enfants imitent pour faire comme les autres au coin bricolage. En fait, des idées émergent de leurs créations et celles-ci amènent les enfants à développer un potentiel scénario de jeu autour de ce qu’ils ont créé.

Dans cette sous-section, nous avons tenté de mettre en lumière la manière dont les enfants interagissent ensemble lorsqu’ils jouent. Les interactions sont nombreuses et nous comprenons que ces dernières sont bénéfiques aux apprentissages et au développement de chaque enfant. À cet égard, nous allons faire ressortir, dans les prochains paragraphes, les

impacts des interactions sociales au niveau des sphères sociale, affective et langagière des enfants.

2.5.2 Lorsque les enfants entrent en contact et s’ouvrent à l’autre, l’adulte favorise le