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Les interactions magnétiques dans DQVOF sont dues principalement aux couplages entre les différents ions vanadium par superéchange via les ions fluor. Nous nous limiterons dans la suite uniquement aux couplages plus proches voisins. Nous pouvons distinguer deux types de couplages (figure 5.4) :

– les couplages dans les plans kagomé entre ions V4+, J et J0. – les couplages interplans entre les ions V4+ et les ions V3+, Jint.

5.2.1 Les couplages interplans

La complexité de la structure magnétique de DQVOF provient du couplage interplan possible entre les V3+ et les V4+. En effet en présence d’un tel couplage le système magnétique à considérer est une bicouche kagomé, loin du modèle kagomé quantique.

Figure 5.4 – Modèle magnétique pour les bicouches kagomé.

Fort heureusement, ce couplage semble très faible dans DQVOF. Nous donnons ici des arguments de chimie quantique en faveur d’un faible couplage et nous détaillerons plus loin des confirmations expérimentales.

L’ion V4+ n’est pas dans un environnement octaédrique parfait (figure 5.5). En effet, il est entouré de 5 ions fluor dont les distances sont assez similaires dV4+−F ≈ 2 Å et d’un ion oxygène beaucoup plus proche, dV4+−O ≈ 1.5 Å. Ainsi par effet de champ cristallin, il y a une levée de dégénérescence des orbitales t2g avec comme orbitale de plus basse énergie l’orbitale dxy. Le seul électron de valence du V4+ sera alors sur cette orbitale qui minimise la répulsion coulombienne avec l’ion oxygène voisin. L’hybridation des orbitales du V4+ avec celles des autres ions se fait donc préférentiellement dans les plans kagomé. Les orbitales du V4+ et celles des fluor F1 se recouvrent peu, le couplage Jint entre les ions V4+ et V3+ sera donc faible (figure 5.5). En première approximation nous prendrons donc Jint = 0, le réseau magnétique de DQVOF se résumant alors aux plans kagomé de V4+ et à des V3+ isolés. Des analyses non publiées de DFT réalisées par O. Janson confirment ces arguments [Janson,2014].

5.2.2 Les couplages dans les plans kagomé

Comme nous l’avons montré précédemment, le réseau kagomé de DQVOF est formé de deux triangles différents. Nous allons donc avoir deux couplages au sein du réseau kagomé, J pour les interactions dans le triangle "contenant" les V3+ et J0 pour celles dans l’autre triangle (figure 5.4). Pour une interaction de superéchange 3d − p − 3d on peut estimer la dépendance des interactions avec l’angle de la liaison par [Lepetit,2015] :

J ∝ cos2θ (5.1)

où θ est l’angle entre le cation (dans notre cas l’ion vanadium) et les anions (les ions fluor). Compte tenu des angles (V4+F2V4+) = 132˚ et (V4+F3V4+) = 147˚ nous estimons J0/J ∼ 0.6 ce qui semble confirmé par des analyses préliminaires de DFT qui conduisent à J0/J = 0.75 [Janson,2014]. Nous ne sommes donc ni dans le cas kagomé parfait (J = J0) ni dans le cas limite du modèle totalement trimérisé où le magnétisme serait porté par des

Figure 5.5 – Levée de dégénérescence des orbitales de V4+ dans DQVOF par des effets de champ cristallin. La seul orbitale occupée est dxy, il y a donc peu ou pas de couplage entre les ions V3+ et V4+.

Figure 5.6 – Schéma du modèle kagomé trimérisé. Extrait de [Mambrini and Mila,

2000]

triangles non couplés entre eux (J0 = 0). Nous parlerons dans la suite de réseau kagomé trimérisé pour décrire cette situation (figure 5.6).

Quel est l’état fondamental stabilisé sur le réseau kagomé trimérisé ?

Le réseau kagomé trimérisé de spins 1/2 est un réseau fortement frustré, bidimen-sionnel, de faible coordinence avec un petit spin, il possède donc tous les ingrédients nécessaires pour stabiliser un état liquide de spins. Il est toutefois possible que ce réseau favorise un type d’état, liquide de spins topologique, algébrique ou VBC, différent de l’état stabilisé sur le réseau kagomé régulier.

Peu d’études théoriques ont été réalisées sur ce réseau particulier [Mila, 1998; Mam-brini and Mila,2000;Zhitomirsky,2005] et, à notre connaissance, DQVOF est le premier composé à présenter un tel réseau. Le réseau fortement trimérisé, J0  J, semble logique-ment favoriser des apparielogique-ments plus proches voisins. Les études théoriques précédentes

ont donc été menées dans le but d’étudier la stabilité de l’état SRRVB sur le réseau kagomé et non pas de connaitre l’état fondamental du réseau trimérisé.

L’enjeu principal de M. Mambrini et F. Mila était de comprendre le secteur exotique des excitations de basse énergie du réseau kagomé obtenu par diagonalisation exacte [ Le-cheminant et al., 1997], notamment la présence de nombreux états singulets, 1.15N où N est le nombre de spins, entre l’état fondamental et le premier état excité triplet. Pour cela les auteurs ont fait des études de champ moyen en se plaçant dans le sous espace du SRRVB sur le réseau fortement trimérisé et ont montré que les états de basse énergie se comportaient comme ceux obtenus par diagonalisation exacte. L’état SRRVB semble bien rendre compte de la physique de basse énergie des composés trimerisés, il pourrait donc être l’état fondamental de ce système. De plus, les auteurs ont trouvé que dans le cas kagomé régulier les calculs dans le sous espace SRRVB permettaient aussi de rendre compte de la nature du secteur exotique des excitations de basse énergie sondées par diagonalisation exacte.

M. Zhitomirski a fait des calculs de champs moyen au second ordre sur les composés tri-mérisés en perturbation par rapport au paramètre J0/J  1. Ces calculs ne s’appliquent que dans le cas fortement trimérisé. Notons tout de même qu’il trouve une température limite t1 ∼ 0.047 J0 pour laquelle l’état fondamental est VBC. De plus, il semblerait que pour des températures t1  T  J0, le système présente un état fondamental SRRVB.

Ainsi, bien que peu d’études théoriques aient été réalisées sur le système kagomé trimérisé, il est probable qu’un tel système stabilise un état SRRVB dont l’énergie ca-ractéristique est J0. Néanmoins, nous ne savons pas à quelle valeur de gap triplet il est possible de s’attendre dans ce modèle en fonction du paramètre J0/J .