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3.2 Interactions locales

3.2.3 Aspects dynamiques : relaxation

Comme nous l’avons introduit avec les équations de Bloch (3.9), il y a deux temps de relaxation caractéristiques d’une expérience de RMN, le temps de relaxation transverse T2 induit par le couplage entre spins, et le temps de relaxation longitudinale T1 induit par le couplage spin-réseau.

Le temps de relaxation transverse T2

Il s’agit d’une relaxation liée à l’échange dipolaire entre deux noyaux amenant à un renversement de spin de type "flip-flop", il s’agit d’un processus aléatoire donc irréversible. La perte de l’aimantation résultante est généralement exponentielle :

M (t) = M0eT2 (3.50) où τ est le temps entre les pulses π/2 et π (figure 3.2).

On peut utiliser ce processus pour faire des mesures de contraste visant à séparer les différentes phases sur un spectre de RMN. En effet, si l’échantillon est inhomogène, chaque phase présente un environnement magnétique différent pouvant mener à des spectres complexes. Ces phases peuvent être de nature très différente et donc avoir des temps de relaxation différents. Prenons l’exemple de la Volborthite, il s’agit d’un système Kagomé à base de cuivre Cu2+ S = 1/2 dont le réseau est légèrement distordu. À basse température, T=0.35 K, plusieurs phases sont présentes dans le matériau. Des mesures de contraste à temps court τ = 40 µs et à temps long τ = 200 µs ont permis de caractériser ces phases [Bert et al.,2005]. Trois phases ont été trouvées, une phase ordonnée possédant un temps de relaxation long et prépondérante à temps long, une phase désordonnée possédant un temps de relaxation court et prépondérante à temps court et une phase parasite d’environ 1 % (figure 3.8). Leurs origines physiques ont été définies grâce à l’analyse de leurs temps de relaxation.

De plus, ces expériences de contraste permettent de remonter à l’aimantation initiale M0pour les différentes parties du spectre. Elles permettent donc de connaitre précisément le nombre de noyaux sondés présent dans chaque phase et ainsi de mesurer quantitative-ment la proportion de chaque phase dans le matériau. Notons aussi que ces expériences de contraste sont à la base des expériences d’IRM.

Le temps de relaxation longitudinal T1

Par définition, le temps de relaxation longitudinal est le temps permettant aux spins nucléaires de revenir à leur état d’équilibre thermodynamique. Ici, les fluctuations du champ local ne sont pas négligées et induisent des transitions entre les différents niveaux

Figure 3.8 – Expérience de contraste sur la Volborthite [Bert et al.,2005]

d’énergie. Selon les règles de sélections seules les transitions entre les niveaux |mi et |m ± 1i sont autorisées. Les fluctuations du champ local sont analysées en terme de perturbations à l’hamiltonien :

H = H0+ δHfluct(t) (3.51) Afin de connaitre le taux de transition entre les différents niveaux, Wm→m±1, nous utilisons la règle d’or de Fermi :

Wm→m±1 = 1

~2 Z +∞

−∞

hm|Hfluct(0)|m ± 1i hm ± 1|Hfluct(t)|mie−iω0tdt (3.52)

où ω0 est la fréquence d’irradiation et f (t) représente la moyenne statistique de f (t). Si les fluctuations sont d’origine magnétique, l’hamiltonien de perturbation est l’hamiltonien magnétique. Seules les fluctuations transverses contribuent à cette relaxation. En notant

Hfluct+ et Hfluct les opérateurs du champ fluctuant transverse, l’expression (3.52) devient :

1 T1 = 2W = γn2 Z +∞ −∞ H+

fluct(t)Hfluct (0) e−iω0tdt (3.53)

Si le champ fluctuant est d’origine électronique, il est possible de réécrire l’équation précédente en fonction du couplage hyperfin Ahf et de la fonction de corrélation spin-spin hS+(t)S(0)i. Dans le cas d’un couplage entre plusieurs voisins, il est nécessaire d’introduire la transformée de Fourier spatiale du couplage hyperfin Ahf(q) :

1 T1 = γ 2 n X q |Ahf(q)|2 Z +∞ −∞ S+(t)S(0) e−iω0tdt (3.54)

Il est possible de faire apparaître la susceptibilité dynamique χ”(q, ω0) dans cette équation en utilisant le théorème de fluctuation-dissipation :

1 T1 = γ 2 nkBT µ2 B X q |Ahf(q)|2χ”(q, ω0) ω0 (3.55)

Le lecteur pourra se reporter à [Moriya,1963] pour ce calcul. Notons que l’énergie d’irra-diation ~ω0 est très faible en RMN (∼ µeV) comparée à celle sondée en neutron (∼ meV). De plus, la RMN, technique locale résolue dans l’espace réel, ne sera pas résolue dans l’espace réciproque sauf cas exceptionnels d’une forte pondération de A(q) selon certaines valeurs de q.

L’évolution du T1 en fonction de la température donne des informations importantes sur la nature du spectre d’excitations. En effet, les modèles théoriques prédisent un com-portement du temps de relaxation longitudinal différent selon la nature des excitations. Si les excitations sont gappées, 1/T1 ∝ e−∆/T où ∆ est le gap d’énergie exprimé en K. Si les excitations sont non gappées, 1/T1 ∝ Tα (voir partie I).

De plus, il est possible de calculer analytiquement le temps de relaxation longitudi-nal dans certains cas particuliers. Par exemple, dans le cas des isolants dans le régime paramagnétique (T  J ) T1 peut directement être relié à l’interaction hyperfine et à l’interaction d’échange [Moriya, 1956] :

1 T1 = √ 2πγn2g2A2 hfS(S + 1) 3z1ωe (3.56) ωe= kBJ ~ r 2 3zS(S + 1) (3.57) où z1 est le nombre de sites magnétiques sondés, z le nombre de voisins magnétiques (z = 4 pour le réseau Kagome) et g le facteur de Landé du noyau sondé. ωe est appelée fréquence d’échange.

D’un point de vue expérimental, nous mesurons le retour à l’équilibre des noyaux avec des expériences de relaxation. Nous utilisons une séquence à trois pulses. Le premier est soit un pulse de saturation (π/2), soit un pulse d’inversion (π). L’aimantation après ce premier pulse relaxe vers sa valeur à l’équilibre. Après un temps d’attente tc, la compo-sante longitudinale de l’aimantation sera Mz(tc). En appliquant une séquence de pulses π/2 - τ - π il est possible de mesurer cette composante. La séquence de pulses pour une mesure de relaxation est schématisée sur la figure 3.9.

Les mesures de temps de relaxation sont faites en mesurant Mz(tc) pour différents tc:

Mz(tc) = M 1 − αX i aie−λitc/T1 ! (3.58) oùP

iai = 1. Les coefficients λi, α et ai sont fixés par rapport aux différents paramètres expérimentaux :

– conditions de mise hors équilibre (premier pulse π ou π/2), – nature des fluctuations (magnétique, quadratique)

– nature de la raie irradiée (centrale, satellite) – valeur du spin nucléaire

Figure 3.9 – Schéma de la séquence de pulses type "inversion" pour les mesures de relaxation et direction de l’aimantation durant l’expérience.

Par exemple, si l’on sonde un spin 1/2 par une séquence π-π/2-π, l’aimantation de retour à l’équilibre devient très simple car les fluctuations ne peuvent être que magnétiques et il n’existe qu’une seule raie :

Mz(tc) = M 1 − 2e−tc/T1 (3.59) Si l’échantillon présente des inhomogénéités conduisant à une distribution de T1, le re-tour à l’aimantation aura une forme plus complexe, typiquement en forme d’exponentielle étirée :

Mz(tc) = M(1 − αe−(tc/T1)β) (3.60) où β est le paramètre de distribution et α peut évoluer en fonction de la durée du premier pulse appliqué (α = 1 pour un pulse π/2 et α = 2 pour un pulse π).

D’un point de vue expérimental, nous comparons les courbes de relaxation obtenues à différentes températures. Les paramètres intéressants sont ceux directement reliés à la relaxation, T1 et β. Cependant, M évolue en température et α peut évoluer si la cavité radiofréquence change durant l’expérience. Des calculs simples permettent de montrer que pour tous les cas nous pouvons représenter la perte d’aimantation sous la forme :

Mz(tc) − Mz(0)

M− Mz(0) = 1 − X

i

aie−(tc/T1)β (3.61)

Il est donc possible de comparer directement les courbes de relaxation obtenues comme le montre la figure 3.10

Notons de plus que pour des mesures de relaxation sur des noyaux d’17O (I=5/2), la relation devient plus complexe que dans le cas d’un spin nucléaire 1/2 et cinq termes peuvent intervenir :

Figure 3.10 – Simulations de courbe de retour à l’équilibre. Gauche : comparaison de deux relaxations homogènes possédant des T1 différents. Les courbes sont justes décalées l’une par rapport à l’autre dans cette représentation semi log. Droite : comparaison d’une relaxation homogène et une relaxation inhomogène ayant le même T1. Les formes des courbes sont différentes, la courbe de retour à l’équilibre pour la relaxation inhomogène est plus étirée.