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10.2.1 Analyse de la polarisation des muons aux temps longs

DDVF possède un réseau cristallographique complexe avec une partie magnétique kagomé de spins 1 comportant différents ions fluor, qui peuvent créer des complexes F-µ-F avec les muons (voir parties II et III) et des parties organiques séparant les plans kagomé. Nous pouvons donc penser à priori que les muons peuvent se thermaliser dans au moins trois sites différents :

1 Dans les plans kagomé entre deux ions fluor pour former des complexes F-µ-F. 2 Dans les plans kagomé probablement proche d’un ion fluor sans pour autant former

des complexes F-µ-F.

Figure 10.3 – Polarisation des muons à 30 K (noir) et 15 K (rouge) sans appliquer de champ magnétique. Les points sont les données expérimentales et les courbes les ajuste-ments avec l’équation (10.3).

couplage faible avec le magnétisme des plans kagomé.

Analyse dans la zone paramagnétique : T > 11 K

Nous avons ajusté les données expérimentales dans la région paramagnétique (figure 10.3) avec l’équation :

Ppara(t) = (1 − f3) (f1[F-µ-F](t, ω) + f2KT (t, ∆)) e−λparat+ f3e−λ3t (10.3) où f1 représente la fraction de muons formant des complexes muoniques à la pulsation ω, f2 = 1 − f1, KT (t, δ) une relaxation de de la forme Kubo-Toyabe gaussienne avec une distribution ∆ (voir partie II) représentant les moments nucléaires statiques couplés aux muons restants dans les plans kagomé, λpara le taux de dépolarisation dû au magnétisme électronique et f3 représente la fraction de muons se thermalisant dans les parties orga-niques couplés à des moments magnétiques, très certainement nucléaires, avec un taux de dépolarisation λ3.

Pour évaluer les différents paramètres nous avons ajusté les données à 30 K et 15 K, juste avant la transition, et partageant tous les paramètres sauf λpara que nous avons laissé libre. Nous trouvons comme valeurs f = 0.52(2), ω = 1.31(8) µs−1, ∆ = 4.4(1) G, f3 = 0.18 et λ3 = 0.32 µs−1. La valeur de ω nous permet de remonter à la distance dµ-F= 1.20(3) Å (voir parties II et III). Les différentes liaisons entre les atomes de fluor plus proches voisins sont comprises entre 2.64 Å et 2.83 Å. Ces valeurs étant toutes plus grandes que 2dµ-F, les muons vont introduire une distorsion du réseau magnétique en se thermalisant dans les plans kagomé et nous ne pouvons pas savoir de manière précise où ils vont se situer. Les valeurs de f3 et de λ3 sont de l’ordre des valeurs A = 0.24(1) et λdyn = 0.18(1) µs−1 trouvées dans les expériences avec des champs transverse précédentes (équation (10.2)), il est donc probable que la relaxation oscillante observée précédemment à 1.5 K soit due au muons se thermalisant dans les parties organiques et peu sensibles

aux moments magnétiques électroniques gelés présents dans les plans kagomé aux basses températures.

Analyse dans la zone gelée : T < 11 K

Nous avons ajusté les données dans la zone gelée en dessous de 11 K (figure 10.4) avec l’équation : Pgel(t) = (1 − f3) e−λgelt 3 + 2 3e −λ0t  + f3e−λ3t (10.4) où λ0 représente le taux de dépolarisation très rapide aux temps courts que nous ana-lyserons plus en détails au chapitre suivant, λgel le taux de dépolarisation traduisant la dynamique de spins (de type magnons) dans la partie gelée et f3 et λ3 les paramètres relatifs aux muons se situant dans les parties organiques. Notons que les muons se situant dans les parties organiques étant peu ou pas couplés au magnétisme électronique des plans kagomé, nous avons fixé ces paramètres à ceux obtenus précédemment dans la zone paramagnétique.

Les données à toutes les températures, dont certaines sont représentées sur la figure 10.4, sont bien ajustées avec les différentes expressions de la polarisation (10.3) et (10.4) relatives aux différentes zones en températures. Seules les données à 11 K n’ont pas pu être ajustées par l’une ou l’autre de ces expressions. Nous les avons ajustées avec une équation prenant en compte les deux zones :

P (t) = fgelPgel(t) + (1 − fgel)Ppara(t) (10.5) où fgel représente la fraction de muons sondant des moments magnétiques gelés. Nous trouvons fgel= 0.44(1).

Analyse du taux de dépolarisation en température : un comportement dyna-mique exotique

L’évolution du taux de dépolarisation montre un pic à 10(1) K caractéristique d’une transition entre un régime paramagnétique et une zone où le magnétisme est gelé (figure 10.5). Cette transition correspond à la transition ferromagnétique faible vers 10 K obser-vée dans la susceptibilité et la chaleur spécifique. De plus, si nous continuons à abaisser la température, nous remarquons que le taux de relaxation dans la zone gelée à un compor-tement exotique. En effet ce dernier présente un plateau entre 8 K et 6(1) K, température en deçà de laquelle il diminue fortement vers 0. Ceci est caractéristique d’une dynamique persistante originale entre 10 K et 6(1) K, température à laquelle le magnétisme mi-croscopique sondée par µSR devient plus conventionnel avec un gel rapide vers un état fondamental statique. Notons qu’il s’agit de la température à laquelle nous observons une ouverture FC-ZFC dans la susceptibilité macroscopique.

La persistance d’une dynamique lente que entre 10(1) K et 6(1) K est certainement due à la frustration des interactions magnétiques dans les plans kagomé. En dessous de 6(1) K le magnétisme gelé devient plus conventionnel et présente un ordre à longue distance caractérisé par des oscillations spontanées que nous analysons dans la suite.

Figure 10.4 – Polarisation des muons à différentes températures sans appliquer de champ magnétique. Les points sont les données expérimentales et les courbes les ajustements (voir texte). La ligne horizontale pointillée représente la composante 1/3 caractéristique d’un matériau dont le magnétisme est complètement gelé.

Figure 10.5 – Taux de dépolarisation en fonction de la température. La ligne pointillée verticale correspond au pic de chaleur spécifique à 10 K. Les points rouges représentent le taux de dépolarisation dans la zone paramagnétique, les points noirs celui dans la zone gelée.

Figure 10.6 – Gauche : polarisation des muons sans champ appliqué à 8 K (noir), 5 K (rouge) et 0.8 K (verts) en fonction du temps entre 0 et 0.3 µs. Les courbes sont arbitrairement décalées suivant l’axe vertical pour une meilleure visibilité. Les points sont les données expérimentales et les courbes les ajustements avec l’équation (10.6). Droite : fréquence des oscillations spontanées en fonction de la température. La courbe est un guide pour les yeux permettant d’estimer la température de transition à 6.5(1.0) K.

10.2.2 Un ordre à longue distance détecté par µSR

L’une des particularité des expériences de µSR sans champ appliqué est de pouvoir détecter la présence d’ordre à longue distance. En effet, dans ce cas des oscillations spon-tanées, caractéristiques des champs locaux sondés, sont présentes dans les spectres de dépolarisation des muons aux temps courts. Dans le cas d’un gel de spins sous la forme verre de spins, il n’existe pas de champ local bien défini, nous n’avons donc pas d’oscil-lations spontanées

En dessous de 6.5(1.0) K des oscillations spontanées apparaissent et sont présentes jusqu’à la plus basse température sondée (figure 10.6). Afin d’avoir une évaluation plus fine nous avons ajusté les données expérimentales entre 0 et 0.2 µs avec :

P (t) = (1 − f3) 2 3  f e−(σ0t)2 + (1 − f )e−(σt)2cos(2πνt + φ)  +e −λgelt 3  + f3 (10.6) où f3 représente la fraction des muons ne sondant pas de champ gelés, f e−(σ0t)2

la fraction non oscillante permet d’ajuster la dépolarisation rapide aux temps très courts avec un taux de dépolarisation très grand, σ le taux de dépolarisation relatif aux muons qui fluctuent avec une fréquence ν et une phase φ et λgelun taux de dépolarisation permettant de prendre en compte les faibles champs dynamiques que les muons peuvent sonder.

Pour ajuster les données nous avons fixé λgel = 0.1 µs−1 valeur proche de celle trouvé pour les ajustements à temps long1. En ajustant les données à 0.8 K nous avons trouvé f3 = 0.20(4), f = 0.86(6), σ0 = 43(10) µs−1 que nous avons fixés dans la suite en supposant qu’ils n’évoluent pas en température. Nous avons ensuite laissé ν, φ et σ libres afin de suivre le comportement des oscillations. Sur toute la gamme de températures

sondées φ reste à peu près constant et vaut environ -1.6(6) rad. À 8 K les oscillations ne sont plus décelables nous avons fixé σ = 0 µs−1, pour les températures inférieures le taux de dépolarisation reste à peu près constant et vaut σ = 10(4) µs−1 ce qui équivaut à une distribution de champ de ∆ = 170(70) G via l’équation (voir partie II) :

σ = γµ

2 (10.7)

La fréquence de rotation des muons est caractéristique du champ local Hlocsondé par les muons via l’équation (voir partie II) :

2πν = γµHloc (10.8) Les oscillations spontannées observées aux basses températures (figure 10.6) prouvent qu’il existe une mise en ordre des spins à longue distance avec un champ local d’une valeur de 1800(100) G qui se développe de manière très rapide en dessous de 6.5(1.0) K. Cette transition s’effectue à une température plus basse que la transition ferromagnétique faible sondée par chaleur spécifique et susceptibilité macroscopique et est proche de la température de l’ouverture du cycle FC-ZFC.

En supposant que le couplage entre les muons et les ions vanadium se fait de façon dipolaire nous pouvons calculer la distance r entre les muons et les ions vanadium (voir partie II et III) en connaissant le moment magnétique des ions V3+, m :

Hloc(T) = 0.9(5)(T.µ