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Intérêts et limites du modèle d’activation astrocytaire par tranfert lentiviral de CNTF

1. L’utilisation des vecteurs lentiviraux

Notre modèle d’activation astrocytaire s’est révélé extrêmement robuste : 100% des animaux injectés avec lenti-CNTF ont présenté une réponse astrocytaire, avec des caractéristiques très reproductibles en terme de volume d’activation astrocytaire et de stabilité. Ainsi, les changements induits par le CNTF (niveau d’expression, activité enzymatique, degré de glycosylation …) ont systématiquement été observés dans l’ensemble des animaux. Les lentivirus et la construction du plasmide utilisée ici (pSIN-W-PGK contenant la séquence WPRE et le promoteur ubiquitaire de la (pSIN-W-PGK, voir §III-A) apparaissent comme des vecteurs performants pour induire une surexpression importante, reproductible et stable du transgène. En utilisant ce lentivirus, la surexpression du CNTF transgénique est maintenue jusqu’à un an après l’infection (Zala et al., 2004), et l’activation des astrocytes est encore visible (résultats obtenus récemment au laboratoire). Plusieurs équipes ont utilisé des adénovirus comme vecteurs du gène du CNTF dans le SNC in vivo (Gravel et al., 1997; Lisovoski et al., 1997; Mittoux et al., 2002; van Adel et al., 2005). Cependant les effets du CNTF n’ont pas été étudiés à plus de trois mois post-infection (Mittoux et al., 2002) et les effets sont parfois transitoires (van Adel et al., 2005). Ceci est lié

au fait que le vecteur adénoviral, contrairement aux lentivirus, ne permet pas l’intégration du transgène dans le génome de l’hôte. Le transgène reste sous forme d’épisome qui peut être progressivement perdu ou inactivé, ce qui compromet son expression à long terme (Hermens et Verhaagen, 1998).

Les vecteurs lentiviraux ont aussi l’avantage d’être très peu immunogènes par rapport aux adénovirus. Comme ils sont dépourvus des gènes viraux sauvages, aucune protéine d’origine virale qui pourrait induire une réaction immunitaire à long terme n’est synthétisée chez l’hôte. L’absence de réponse immunitaire participe aussi à maintenir une expression stable sans effet secondaire.

Les lentivirus sont capables d’infecter des cellules post-mitotiques comme les neurones et lorsqu’ils sont injectés dans le cerveau, ils présentent un fort tropisme neuronal (99% des cellules infectées sont des neurones, de Almeida et al., 2001). Ce sont donc les neurones qui vont libérer le CNTF transgénique alors que normalement ce sont les astrocytes qui le produisent (voir § II-C-1-b). Cependant dans la construction utilisée, le gène du CNTF est fusionné à un peptide signal, il est donc sécrété et se retrouve in fine dans le milieu extracellulaire où il peut exercer ses effets biologiques en se liant à son récepteur.

Le CNTF sécrété peut diffuser dans une grande partie du striatum. Ainsi, à partir d’un nombre restreint de cellules infectées au niveau du site d’injection, les deux tiers du striatum présentent une activation astrocytaire (soit 10 à 20 fois plus que le volume d’infection, Fig. 1). De plus, avec un titre infectieux supérieur à 100 ng p24/µL, le volume d’activation astrocytaire atteint un plateau et des mécanismes de ‘down-regulation ‘semblent se mettre en place. Finalement, pour obtenir un effet de grande ampleur, il n’est pas nécessaire d’utiliser beaucoup de particules infectieuses ni d’infecter beaucoup de cellules. C’est un grand avantage car cela permet de produire des effets étendus qui facilitent les analyses tout en limitant le nombre de cellules infectées qui ‘doivent assurer’ la surexpression du transgène.

En plus d’une simple diffusion du CNTF transgénique, il est possible qu’un mécanisme d’amplification se mette en place, où les astrocytes activés par le CNTF transgénique se mettent eux-mêmes à produire du CNTF et participent ainsi à la propagation de l’activation. En effet, l’application de CNTF recombinant sur des cultures d’astrocytes active leur propre production de CNTF, ce qui augmente leur contenu en CNTF (Monville et al., 2001). In vivo, quand les cellules du striatum sont infectées avec un adénovirus contenant le gène du CNTF, deux régions immunopositives pour le CNTF sont détectées (Lisovoski et al., 1997). Une zone restreinte, centrée sur le site d’injection présentant un marquage intense est entourée d’une deuxième zone plus étendue et nettement moins marquée, ce qui suggère que les quelques cellules infectées dans la zone centrale induisent l’expression du CNTF endogène à leur périphérie (voir la discussion de Mittoux et al., 2002).

La démonstration définitive d’un tel mécanisme pourrait se faire par l’utilisation de virus codant pour le gène du CNTF couplé à l’hémagglutinine (ou ‘tag HA’) de manière à identifier le CNTF d’origine transgénique et de comparer son volume de diffusion au volume d’activation astrocytaire. Le fait que l’activation astrocytaire soit massive et étendue à la quasi-totalité du striatum facilite l’utilisation de nombreuses techniques (immunoblot, microdialyse, consommation de métabolites marqués) qui ne seraient pas assez sensibles pour détecter des changements ne concernant qu’une partie des cellules de la structure.

Bien que la production du CNTF soit étendue, elle reste localisée au sein de la structure injectée et des structures de projection. Il est donc possible, dans le même animal, de conserver des structures ‘contrôles’ sans astrocytes réactifs. Par exemple, il est possible d’avoir dans le même animal un striatum témoin et un striatum avec des astrocytes réactifs. Cela est d’une grande utilité pour l’étude de certains paramètres (activité métabolique, consommation de glucose, régulation du taux extracellulaire de glutamate) qui sont relativement sensibles à l’état de l’animal. C’est un des grands avantages de l’utilisation de vecteurs viraux qui offrent beaucoup de souplesse pour contrôler le moment et la zone d’expression du transgène.

2. L’utilisation du CNTF

Dans notre modèle in vivo, l’activation astrocytaire a été induite par transfert lentiviral du gène du CNTF, qui est un activateur endogène des astrocytes (voir §II-C-2). Ainsi, notre modèle reproduit -du moins en partie- les mécanismes d’activation des astrocytes qui ont lieu en conditions pathologiques. En cela, notre modèle d’activation astrocytaire in vivo nous semble plus pertinent qu’un modèle d’induction par des stimuli non spécifiques comme l’agent bactérien lipopolysaccharide (LPS), des agents toxiques chimiques comme certains métaux ou même des lésions traumatiques, qui vont induire un ensemble de cascades d’activation non contrôlables. De plus, ce type d’induction peut activer les cellules microgliales et même parfois engendrer une rupture de la BHE et un recrutement des cellules du système immunitaire. Ces modèles ne permettent donc pas de ‘disséquer’ finement les changements qui sont spécifiquement liés à l’état réactif des astrocytes.

Notre modèle permet aussi de dissocier les processus de neurodégénéréscence de l’activation des astrocytes. C’est un outil extrêmement utile pour évaluer le fonctionnement des astrocytes activés, indépendamment des modifications profondes qui se produisent dans un tissu lésé. Mais il est également possible d’induire des processus pathologiques (dans notre cas des phénomènes excitotoxiques) et d’étudier comment les astrocytes réactifs y répondent et s’y adaptent.

Une limite de l’utilisation du CNTF comme facteur d’activation des astrocytes est son large spectre d’action sur les cellules du cerveau (voir §II-C-3 et 4). Le CNTF a le potentiel d’agir sur les neurones, les cellules microgliales et les oligodendrocytes. Cependant, ces effets sont fréquemment rapportés sur des cellules en culture qui ne sont pas complètement différenciées. Ces conditions expérimentales sont loin de refléter notre situation expérimentale (cerveau de rat normal adulte), où tous les types cellulaires sont présents dans un état différencié et interagissent entre eux. Dans notre modèle, l’étude de nombreuses protéines neuronales par des techniques d’immunoblot et immunohistologie n’a révélé aucune altération dans le groupe lenti-CNTF. De même, l’observation en microscopie électronique du striatum de rats infectés n’a pas mis en évidence de changements majeurs dans l’ultrastructure des cellules non-astrocytaires, en tout cas pas du niveau de ceux observés sur les astrocytes. Evidemment, ces données ne donnent pas d’information sur le fonctionnement des neurones. Des expériences d’électrophysiologie vont être entreprises en collaboration avec le laboratoire de L. Kerkérian-LeGoff afin de caractériser le fonctionnement électrique neuronal et d’évaluer si le CNTF a des effets plus fins sur les neurones, qui seraient indétectables par nos techniques d’analyse. En définitive, le CNTF, en tant qu’activateur endogène des astrocytes est un agent pertinent pour induire l’astrogliose et en étudier les conséquences. Car même si le CNTF peut avoir des effets

parallèles sur les autres types cellulaires du striatum, ceux-ci n’ont pas l’ampleur des modifications observées dans les astrocytes.

Notre modèle d’activation astrocytaire par transfert lentiviral du CNTF, pourrait aussi permettre de caractériser les conséquences de la réactivité astrocytaire sur certaines fonctions émergentes attribuées aux astrocytes (voir § II-A-3). A titre d’exemple, il serait très intéressant de voir comment l’activation des astrocytes modifie leur effet modulateur sur la neurotransmission ou leur contrôle du débit sanguin cérébral. L’équipe de Nedergaard a montré très récemment en culture, sur des tranches et in vivo, que la libération astrocytaire de glutamate provoquait des dépolarisations massives paroxystiques caractéristiques de l’épilepsie (Tian et al., 2005). Un modèle d’activation stable des astrocytes comme le nôtre, permettrait d’en évaluer les effets sur l’apparition des crises d’épilepsie.

Dans cette étude, nous nous sommes consacrés à la caractérisation de deux fonctions capitales régulées par les astrocytes : le métabolisme énergétique et l’homéostasie glutamatergique.

B. Le métabolisme énergétique est profondément modifié lorsque