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C. Le CNTF : un facteur neurotrophique activateur des astrocytes

1. Le CNTF : découverte et caractéristiques

a. Identification du CNTF

Le Ciliary Neurotrophic factor (CNTF) a été identifié par l’équipe de Varon en 1979 à partir d’extraits oculaires de poulet qui augmentaient significativement la survie des motoneurones parasympathiques du ganglion ciliaire in vitro (Adler et al., 1979; Manthorpe et al., 1980). La purification partielle du CNTF à partir d’oeil de poulet (Barbin et al., 1984) a permis d’obtenir une partie de la séquence en acide aminés et du cDNA du CNTF et de caractériser son profil d’expression (Lin et al., 1989; Stockli et al., 1989). Le CNTF est une protéine cytosolique d’environ 200 acides aminés (~ 23 kDa) et sa séquence peptidique le rattache à la famille des cytokines α-hélicoïdales qui contient l’IL-6, le leukemia inhibitory factor (LIF) et l’oncostatine-M (Bazan, 1991). Le CNTF ne contient pas de site de glycosylation et sa structure tridimensionnelle putative est un ensemble de quatre hélices alpha antiparallèles (Kruttgen et al., 1995) (Fig. 4A).

Le CNTF ne possède pas de séquence signal consensus qui permette une libération par la voie classique du réticulum endoplasmique et de l’appareil de Golgi (Stockli et al., 1989) et on lui a attribué un rôle de facteur de lésion, qui n’est libéré que lorsque la membrane plasmique est rompue (Adler, 1993; Sendtner et al., 1994). Chez le poulet, la libération du CNTF est indépendante de la voie de sécrétion par le réticulum (Reiness et al., 2001), ce qui suggère que des modes ‘non-conventionnels’ de libération du CNTF pourraient se produire.

b. Profil d’expression du CNTF

Le CNTF est exprimé exclusivement dans le système nerveux central (SNC) et périphérique (SNP) (Sendtner et al., 1994). L’ARNm et la protéine du CNTF sont exprimés en plus grande quantité au niveau des nerfs périphériques, du bulbe olfactif et du nerf optique (Stockli et al., 1991; Sendtner et al., 1994). Dans les autres régions du SNC, le CNTF est faiblement exprimé en conditions basales (Stockli et al., 1991). Au niveau cellulaire, le CNTF est exprimé par les astrocytes et les cellules de Schwann (Sendtner et al., 1994). La quantité de CNTF détectable augmente significativement après une lésion aiguë ce qui est en accord avec son rôle de ‘facteur de lésion’. La quantité d’ARNm du CNTF est aussi augmentée (Ip et al., 1993a), ce qui suggère qu’il existe une régulation de l’expression du CNTF en réponse à une atteinte cérébrale (voir § C-2, pour plus de détails sur l’induction du CNTF en conditions pathologiques).

Chez le rat, le CNTF est quasiment indétectable pendant le développement embryonnaire et le niveau d’expression des ARNm de CNTF atteint son niveau définitif quatre semaines après la naissance (Stockli et al., 1989; Sendtner et al., 1994).

c. La voie de signalisation du CNTF

Le CNTF se fixe sur un récepteur tripartite composé de gp130, du récepteur β au LIF (LIFRβ) et du récepteur α au CNTF (CNTFR-α) (Stahl et Yancopoulos, 1994). Gp130 et LIFRβ sont des récepteurs partagés avec d’autres cytokines comme l’IL-6 et le LIF (Fig. 4B). Le CNTF se fixe d’abord sur son récepteur spécifique CNTFR-α, et le complexe s’associe avec gp130 puis LIFRβ. La janus kinase (JAK) est constitutivement liée à gp130 qui la phosphoryle quand le complexe ligand-récepteur est formé (Fig. 4C). Phospho-JAK phosphoryle à son tour gp130 et LIFRβ qui deviennent des sites d’ancrage pour les protéines contenant un domaine SH2, comme les facteurs de transcription ‘signal transducers et activators of transcription’ (STAT3 majoritairement et STAT1) (Turnley et Bartlett, 2000). STAT3 et STAT1 sous forme phosphorylée forment alors des homo ou des hétérodimères et entrent dans le noyau où ils activent l’expression d’un ensemble de gènes dont le promoteur contient la séquence consensus TTN(5)AA (Bonni et al., 1993). L’expression du gène de la GFAP et des IEG vip, tis-11, SOCS-3 et c-fos est ainsi activée par CNTF (Rao et al., 1992; Kahn et al., 1997; Kelly et al., 2004). SOCS3 est un inhibiteur de la voie JAK-STAT qui exerce un rétrocontrôle négatif sur la voie (Wang et Campbell, 2002). Le CNTF peut aussi activer la voie des mitogen activated protein (MAP) kinase et de la PI3 kinase (Alonzi et al., 2001; Dolcet et al., 2001; Kuroda et al., 2001)(Fig. 4C). Ces deux voies de signalisation classiques ont des effets extrêmement variés comme le contrôle du cycle cellulaire, de la différenciation et de la survie (Brunet et al., 2001; Chen et al., 2001).

Le CNTFR-α est exprimé au niveau du SNC et des muscles squelettiques (Davis et al., 1991). Le CNTFR-α n’ a pas de domaine de transduction intracellulaire, il est ancré dans la membrane par un groupement glycosyl-phosphatidylinositol (GPi) qui peut être clivé par une phospholipase C spécifique (PiPLC), ce qui produit une forme soluble du récepteur (Davis et al., 1993). En conditions basales, CNTFR-α est majoritairement exprimé par les neurones (Ip et al., 1993b), bien qu’une expression astrocytaire ait été observée chez la souris (Dallner et al., 2002) et que les astrocytes de rat en culture présentent des sites de liaison spécifiques et fonctionnels pour le CNTF (Alderson et al., 1999). Les astrocytes réactifs surexpriment CNTFR-α (voir §C-2). Gp130 et LIFRβ ont une expression ubiquitaire et sont exprimés dès le stade blastocyste du développement embryonnaire (Nichols et al., 1996).

d. Les expériences de knock-out: un autre ligand endogène pour le CNTFR-α?

Les souris invalidées pour le gène du CNTF n’ont pas de phénotype majeur, elles présentent une diminution transitoire du nombre de motoneurones faciaux entre quatre semaines et six mois après la naissance (-30%), ainsi qu’une légère atrophie cellulaire (Masu et al., 1993). En revanche, les souris invalidées pour le gène du CNTFR-α ont de graves déficits, ne présentent pas le réflexe moteur de succion et meurent quelques heures après la naissance (DeChiara et al., 1995). De plus, ces souris présentent une diminution de 27 à 50% du nombre de motoneurones à la naissance alors que le nombre de neurones sympathiques est normal.Cette différence flagrante de phénotype entre les souris invalidées pour le CNTF ou son récepteur, suggère qu’il existe un autre ligand endogène pour le CNTFR-α, qui aurait un rôle important, en particulier au cours du développement embryonnaire quand CNTF n’est pas exprimé. Le groupe de Gascan a ainsi mis en évidence deux ligands endogènes potentiels : le complexe formé par la cardiotrophin like cytokine (CLC) et la cytokine-like factor 1 (CLF) (Elson et al., 2000) et la neuropoiétine (Derouet et al., 2004).

Le CNTF n’est donc pas un facteur neurotrophique ‘classique’ comme le NGF : il n’est pas exprimé pendant les phases critiques du développement embryonnaire cérébral quand se fait la sélection des neurones et des synapses, il n’est pas exprimé par les organes cibles (ex. les muscles) pour favoriser les motoneurones qui les innervent par action rétrograde et il n’est pas présent en quantité suffisante pour véritablement participer au soutien trophique des neurones en conditions normales. Ainsi, la fonction du CNTF parait être restreinte aux conditions de lésion, au cours desquelles il pourrait participer à l’activation des astrocytes.