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Intérêt de l’étude de la plèvre dans le FPI

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III- Rôle de la plèvre et de la cellule mésothéliale dans la fibrose pulmonaire

3- Intérêt de l’étude de la plèvre dans le FPI

a- La plévre dans les modèles classiques de fibrose pulmonaire

Le modèle de fibrose pulmonaire le plus répandu est le modèle à la bléomycine comme nous l’avons vu. Les fibroses induites par la bléomycine chez le rongeur ont souvent une atteinte de la région sous-pleurale. En analysant l’histologie des poumons dans les très nombreuses études menées sur la fibrose pulmonaire induite par la bléomycine, et quand les photographies montrent la région pleurale, on peut observer que souvent la fibrose est prédominante dans la région sous-pleurale. Dans une étude menée sur la comparaison de l’administration de la bléomycine par les voies sous-cutanées, intraveineuses, intra-trachéales ou sous-cutanées en utilisant des pompes osmotiques (permettant une diffusion continue), il a été montré que la fibrose débutait au niveau des régions sous-pleurales sauf avec les injections intra-trachéales (Figure 16). En effet, avec les injections intra-trachéales, des sites d’initiation sont retrouvés dans l’ensemble du poumon bien qu’une forte densité de fibrose soit tout de même localisée aussi au niveau des régions sous-pleurales. Dans ce travail, les injections sous-cutanées et intraveineuses conduisent à la formation de zone de fibrose hétérogène sous

forme d’agrégat éparpillé le long de la région sous-pleurale. L’utilisation de pompe osmotique donnera lieu à une fibrose homogène et continue tout le long de la région sous-pleurale (192). Lors d’une administration intra-trachéale de bléomycine, l’atteinte sous-pleurale est beaucoup moins constante et beaucoup plus hétérogène, manifestement dépendante de la distribution aléatoire de la bléomycine lors de l’injection. Cependant, malgré ces constatations, peu d’auteurs relèvent cette observation pour s’interroger sur le rôle de la plèvre elle-même.

Figure 16 : L’induction d’une fibrose pulmonaire par différentes méthodes d’administration de bléomycine, induit un début de fibrose au sein des régions sous-pleurales.

A : Poumon de souris traité par une solution saline en sous-cutané ; B : Poumon de souris traité à la bléomycine en sous-cutané ; C : Poumon de souris traité à la bléomycine en intra-veineuse ; D : Poumon de souris traité à la bléomycine en sous-cutané avec une mini pompe osmotique (d’après Harrison & Lazo, 1987 (192)).

b- La plèvre dans le FPI chez l’homme

Comme dans les modèles animaux, la FPI débute classiquement dans la région sous- pleurale suggérant un rôle potentiel de la plèvre dans l’initiation de la maladie. Dans une étude sur les pneumonies interstitielles idiopathiques, Nicholson relève que le développement de la fibrose pulmonaire s’effectue dans la région sous-pleurale (193). La FPI observée chez l’homme se propage ainsi dans les poumons à partir de la région sous-pleurale (Figure 17).

Il n’a cependant jamais été montré un rôle de la plèvre ou des cellules mésothéliales dans le développement de la pathologie. Dans l’ensemble des études faites sur la FPI c’est la région sous-pleurale qui est mise en cause et non la plèvre en elle-même qui est incriminée.

Figure 17 : Début d’FPI localisée dans la région sous-pleurale.

A gauche, un scanner de patient souffrant d’une FPI débutante, montre que cette pathologie débute dans la région sous-pleurale. A droite une coupe histologique de poumon d’un patient souffrant aussi de FPI avec zones fibreuses dans les régions sous-pleurales (d’après Souza et al., 2005 (194)).

De plus, l’analyse de la plèvre chez les patients porteurs d’une FPI montre également que celle-ci est très pathologique, remaniée avec une fibrose et une néo-vascularisation importante (Figure 18).

Figure 18. Coupe histologique de biopsie pulmonaire réalisée chez un patient souffrant de FPI.

La plèvre comme la région sous-pleurale apparaît très épaissie et remaniée.

c- Notre modèle de fibrose pleurale

Au sein de notre équipe, un modèle de fibrose pleurale chez le rat et la souris a été développé (11). Il utilise les adénovirus permettant l’expression transitoire de TGF-β1 (AdTGF-β1). Ces adénovirus sont administrés directement dans l’espace pleural. Cette administration se fait sans chirurgie, évitant ainsi des saignements et une éventuelle inflammation qui pourrait entraîner des adhésions pleurales et des pleurodèses. Elle se fait par simple injection, à l’aide d’une seringue et d’une aiguille, sur le flan droit au niveau du sixième espace intercostal. Afin de valider cette méthode et de montrer que les adénovecteurs infectaient seulement les cellules mésothéliales, des adénovirus codant pour l’enzyme LacZ ont été utilisés. Ce gène code pour la β-galactosidase capable d’hydrolyser le lactose et le galactose. La β- galactosidase peut donc hydrolyser le X-Gal (un galactoside) et former ainsi par oxydation un composé bleu, qui précipite sur le lieu de l’hydrolyse et qui sera par conséquent facilement observable. Dans notre modèle, la coloration bleue apparaît donc au sein des cellules infectées par les adénovirus produisant en abondance la β-galactosidase. Cette méthode a confirmé que les adénovirus infectaient uniquement les cellules mésothéliales et ce de façon transitoire, c'est-à-dire pendant environ quatorze jours (Figure 19).

Après administration d’AdTGF-β1 suivant cette méthode, la surexpression de TGF-β1 dans l’espace pleural induit une fibrose pleurale progressive. La progression de la fibrose a été observée jusqu’à J64 (Figure 20). L’effet de l’injection ayant été naturellement stoppé autour du 14ème jour, il est probable que la fibrose continue de se développer en raison d’un

environnement profibrosant favorable avec une auto-induction du TGF-β1 (160, 195). En observant non seulement la plèvre mais aussi les régions sous pleurales, notre équipe a montré qu’il existait une progression de la fibrose dans le parenchyme pulmonaire. La forte présence de la protéine HSP47 (Heat Shock Protein 47), chaperon du collagène, dans les régions pleurales mais également sous-pleurales à J64 montre bien que le processus de fibrose est toujours actif et que le collagène continue de s’accumuler.

Figure 19 : Administration intra-pleurale d’adénovirus codant la β-galactosidase

A : Photo de poumon de rats 4, 10, 14 et 21 jours après avoir reçu une injection intra-pleurale d’adénovirus vide (contrôle, AdDl) ou d’adénovirus codant la β-galactosidase (AdLacZ).

B : Coupe histologique de poumon de rats 4 jours après administration intra-pleurale d’AdDL ou d’AdLacZ. La contre coloration est faite avec du Nuclear fast Red.

Figure 20 : Modèle de fibrose pleurale induite par le TGF-β1

Coupe histologique de poumon de rat marqué au trichrome de Masson, 64 jours après avoir reçu une injection intra-pleurale d’adénovirus. A : Poumon de rat ayant reçu une injection intra-pleurale d’adénovirus vide (AdDL). B : Poumon de rat ayant reçu une injection intra-pleurale d’adénovirus codant pour TGF-β1 (AdTGF-β1) (d’après Décologne et al., 2007 (11)).

Ce modèle a aussi permis de montrer, pour la première fois in vivo, que les cellules mésothéliales pleurales pouvaient subir une EMT. L’EMT, dans notre modèle, a été mis en évidence grâce à un marquage immunohistofluorescent. Les cellules mésothéliales étaient reconnues par la cytokératine 18 et les myofibroblastes avec l’α-SMA (figure 21). Des cellules doubles positives étaient abondantes dès le dixième jour après l’administration d’AdTGF-β1 au niveau de la plèvre et de la région sous pleurale suggérant la transformation des cellules mésothéliales en myofibroblastes.

Figure 21 : Les cellules mésothéliales peuvent subir une EMT in vivo

Marquage immunofluorescent de coupe histologique de poumon de rat 14 jours après avoir été traité avec un adénovirus vide (A) ou un adénovirus codant pour le TGF-β1 (B). Les cellules mésothéliales marquées avec de la cytokératine 18 (en vert) forment un feuillet homogène chez les animaux contrôles (A). L’α-SMA (en rouge) est très peu exprimée en condition non pathologique (A) mais présente au niveau de la plèvre lors du développement de la fibrose pleurale induite par le TGF-β1 (B). Des cellules doubles positives sont visibles au sein de la plèvre épaissie suggérant que les cellules mésothéliales subissent une EMT (d’après Décologne et al., 2007 (11)).

d- Rôle potentiel de la plèvre et des cellules mésothéliales dans la FPI

La progression de la fibrose au sein même du parenchyme dans notre modèle de fibrose pleurale ressemble au phénotype observé chez les patients souffrant de FPI. Pour la première fois, ce modèle suggère que la plèvre pourrait avoir un rôle dans l’initiation et la progression de l’IPF. Cette hypothèse a été consolidée par un autre modèle de fibrose pleurale induit par la co-administration de bléomycine et de nanoparticules de carbone développé dans notre équipe (196). L’équipe du Dr. Veena Antony a montré très récemment que, dans des biopsies de poumons de patient souffrant de FPI, des cellules positives pour la calrétinine, un marqueur des cellules mésothéliales, pouvaient être trouvées dans les zones fibreuses des poumons (197). Le nombre de cellules mésothéliales présentes dans les poumons était corrélé avec la sévérité de la pathologie. Cette même équipe a ensuite marqué des cellules mésothéliales pleurales de souris avec de la GFP et les a injectées dans la cavité pleurale alors que du TGF-β1 ou du NaCl (souris contrôles) était administré par voie nasale aux mêmes animaux afin de créer une fibrose pulmonaire. Des cellules marquées GFP ont été retrouvées dans les lavages broncho-alvéolaires des souris ayant reçu du TGF-β1 mais pas chez les souris ayant reçu du NaCl. Ces résultats semblent confirmer que les cellules mésothéliales ont la capacité de migrer de l’espace pleural vers le parenchyme pulmonaire. En utilisant le même modèle, ils ont montré que certaines de ces cellules mésothéliales, retrouvées dans le parenchyme, exprimaient le marqueur α-SMA. Ceci suggère que ces cellules auraient subi une EMT.

L’ensemble de ces études, ajoutées à l’observation de la localisation sous-pleurale de l’initiation de la fibrose pulmonaire chez les patients souffrant de FPI et dans les modèles animaux de fibrose pulmonaire, laisse penser que la plèvre joue un rôle peut être non négligeable dans cette pathologie, du moins dans son initiation. Le rôle des cellules mésothéliales dans ce processus semble dû à leur facilité à subir une EMT et à migrer dans le parenchyme pulmonaire. L’ensemble des myofibroblastes présents dans la fibrose pulmonaire ne sont à l’évidence pas tous issus des cellules mésothéliales puisque beaucoup d’études ont déjà démontré la possibilité de leur origine épithéliale ou fibroblastique, comme nous l’avons décrit précédemment. Les cellules mésothéliales pourraient cependant contribuer à la formation d’un environnement pro-fibrotique au sein du parenchyme pulmonaire.

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