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HSP90

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IV- Les Heat Sock Proteins

4- HSP90

HSP90 est la protéine la plus abondante dans les cellules eucaryotes puisqu’elle représente environ 1% du pool de protéines totales (209). La famille HSP90 est composée de 4 membres principaux : TRAP1 (Tumor necrosis factor Receptor-Associated Protein 1), GP96 (Glycosylated Protein 96), HSP90α et HSP90β. Tous les membres de cette famille de protéines peuvent être induits par divers stress cellulaires et leur activité nécessite de l’ATP. Le rôle de TRAP1 n’est, encore aujourd’hui, pas toujours très bien compris. Cette protéine est connue pour avoir une localisation mitochondriale, néanmoins, malgré ces similitudes avec HSP90 elle n’interagit avec aucune protéine cliente de la famille HSP90.

GP96 est une protéine chaperonne localisée et séquestrée dans le réticulum endoplasmique grâce à une séquence de rétention (KDEL) située en C-terminal, où elle peut prendre en charge les protéines et aider leur maturation et leur repliement correct. Récemment, il a été montré que GP96 pouvait agir sur l'activation du système immunitaire. En effet, certaines études rapportent que GP96 pourrait participer à la présentation d’antigènes grâce à son rôle de chaperon des antigènes anti-tumoraux (210).

HSP90α (HSP86) et HSP90β (HSP84) sont les membres principaux de cette famille. Ces deux isoformes proviennent de la duplication du gène originel et présentent 86% d’homologie entre elles. Pendant de nombreuses années, les études ne faisaient pas de différence entre ces deux isoformes. Cette protéine est constituée de trois grandes régions :

- un domaine N-terminal comprenant le site de fixation de l’ATP. La poche de fixation de l’ATP d’HSP90 est particulière et possède un motif appelé « Bergerat fold » que l’on ne retrouve pas chez les autres domaines ATPase.

- un domaine central impliqué dans la reconnaissance des protéines clientes - un domaine C-terminal responsable de la dimérisation

HSP90 agit essentiellement en homodimère α-α ou β-β mais peut dans certains cas agir en héterodimère ou sous forme de monomère.

HSP90 a un rôle de chaperon moléculaire en se fixant à plus d’une centaine de protéines, dites « protéines clientes ». Elle permet, par cette fixation, de stabiliser et d’empêcher l’agrégation de ses protéines clientes. Succinctement, HSP90 sous forme de dimère flexible, est capable de fixer une protéine cliente (Figure 25), puis sous l’effet de l’hydrolyse de l’ATP, elle change de conformation entraînant la stabilisation de sa protéine cliente au bout de plusieurs cycles (211). HSP90 exerce son activité de chaperon en étroite collaboration avec d’autres protéines, en particulier HSP70 et son co-chaperon HSP40. Elle est aussi impliquée dans la stabilisation du cytosquelette en s’associant à la fois à l’actine et à la tubuline. Cette interaction avec les microfilaments permet de préserver l’intégrité cellulaire après un stress et le transport intra- cytoplasmique de protéines (212), suggérant un rôle de HSP90 dans le réarrangement du cytosquelette souvent observé lors de la fibrogenèse.

Figure 25 : Représentation schématique du mode d’action d’HSP90

Une fois qu’HSP90 s’est liée à une de ses protéines clientes dénaturées, la fixation ainsi que l’hydrolyse de l’ATP entrainera un changement de conformation d’HSP90 permettant le « re-folding » de la protéine cliente. Une fois stabilisée, la protéine sera libérée (d’après Pearl & Prodromou, 2006 (211))

La découverte d'inhibiteurs spécifiques d’HSP90 a donné un nouvel intérêt clinique à cette protéine. Le 17-AAG (17-(allylamino)-17-déméthoxygeldanamycine), dérivé de la geldanamycine, est un composé chimique capable de se lier spécifiquement au site de liaison de l’ATP de HSP90 inhibant ainsi son activité. Ce composé est maintenant en cours de test dans des essais cliniques de phase III pour ses propriétés anti-tumorales. Le 17-AAG présente un fort potentiel thérapeutique puisque l’inhibition de HSP90 pourrait sensibiliser les cellules à des agents cytotoxiques utilisés pour la chimiothérapie. En outre, dans la cellule cancéreuse, l'affinité de HSP90 pour l'ATP est augmentée de 100 fois. Comme 17-AAG imite l'ATP, son affinité dans des cellules tumorales est améliorée donnant une spécificité anti-tumorale à cet inhibiteur (213).

Bien que le nombre d'études reliant HSP90 et fibrogenèse soit limité, certains articles récents rapportent un effet bénéfique des inhibiteurs d’HSP90 sur la fibrose tissulaire. Noh et al. ont démontré, in vitro, en utilisant une lignée de cellules épithéliales rénales stimulées par le TGF-β1 mais également in vivo dans un modèle murin de fibrose rénale, que le 17-AAG était capable de prévenir les événements de l’EMT tels que la surexpression d’α-SMA et des composants de la MEC (fibronectine et collagène I) ainsi que la perte de l’E-cadhérine (214). Des résultats similaires ont été observés dans la fibrose hépatique où l'inhibiteur d’HSP90 empêchait l'activation et réduit la survie des « hepatic stellate cells (HSCs ) », des cellules particulières apparentées aux myofibroblastes qui sont les principaux participants à la fibrose hépatique. En effet, le 17-AAG peut induire l’inhibition de l’expression du collagène I et de l’α-SMA et favorise l'apoptose des HSCs in vitro (215).

En outre, au niveau pulmonaire, l’inhibiteur d’HSP90 induisait une abrogation totale de l’EMT dans les cellules pulmonaires (A549 et H658) en inhibant la baisse de l’E-cadhérine et la surexpression des N-cadhérines, α-SMA et de la vimentine induite par le TGF-β1. Ces résultats ont été corrélés avec l'inhibition des changements induits par le TGF-β1 dans la morphologie et la formation de fibres de stress dans les cellules A549 qui pourraient être d'importance dans le contexte de la fibrose (216). De plus, Banh et al. ont montré que le traitement d’explants de cristallin par choc thermique induisait l’expression d’HSP90 et les protégeait de l’EMT. L’apoptose induite par le TGF-β1 dans ces explants était également réduite après choc thermique comparé aux explants contrôles (217).

Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer le rôle d’HSP90 dans le processus de fibrose. De récents articles basés sur des lignées de cellules pulmonaires et rénales ont montré que le 17-AAG pouvait bloquer l'ensemble des voies de signalisation du TGF-β1 incluant l’inhibition de Smad2/3, Akt, GSK-3β, et de la phosphorylation de ERK (214, 216, 218, 219). En condition normale, HSP90 exerce un rôle protecteur grâce à ses fonctions de chaperon pour les récepteurs au TGF-β1 (TβRII principalement, Figure 26). Le 17-AAG, en inhibant HSP90, contrait se rôle protecteur d’HSP90 en diminuant l'interaction entre HSP90 et TβRII et conduisant à la dégradation de TβRII par le système ubiquitine-protéasome. Les auteurs ont identifié la protéine à activité E3-ubiquitine ligase, Smurf2, comme responsable de la dégradation TβRII en l'absence de HSP90. En effet, sans la protection d’HSP90, Smurf2 est capable de se lier au TβRII et d’induire son ubiquitination gouvernant sa dégradation par le protéasome (214, 218, 219).

Comme les HSCs ont été démontrés comme étant les principaux acteurs de la fibrose hépatique, leur inactivation et l’induction de leur apoptose est devenue une stratégie thérapeutique antifibrotique importante. Divers inhibiteurs chimiques d’HSP90 (17-AAG, VER-49009 et VER-49009M) ont montré leur action sur l’inhibition de la prolifération (220) et la favorisation de l’apoptose (215) des HSCs. Les HSCs activés sont les producteurs les plus importants de composants de la MEC au cours de la fibrose hépatique et NFkB est un médiateur essentiel pour l'activation et la survie de ces cellules (221). Au cours de l’activation des HSCs, HSP90 chaperone le récepteur des glucocorticoïdes (GR), qui est un partenaire de liaison à la fois d’HSP90 et de NFkB. Cette séquestration du GR par HSP90 libère NFkB et favorise sa translocation nucléaire résultant en une activation des HSCs. Dans ce contexte, l'inhibition d’HSP90 par le 17-AAG favorise la formation du complexe GR/NFkB et empêche l’activation de la signalisation NFkB (215). En outre, le 17-AAG inhibe l'activation de la protéine Akt, protéine cliente d’HSP90, qui participe également à l'activation de NFkB (215, 220). Par conséquent, l'inhibition d’HSP90 peut induire l'apoptose des HSCs en perturbant la signalisation NFkB de deux manières distinctes, en induisant la formation du complexe GR/NFkB et en inactivant Akt (Figure 26). En plus de leur apoptose, le 17-AAG peut également supprimer l'activation des HSCs, puisqu’il réduit l'expression d’α-SMA et du collagène I induite le par TGF-β1 dans ces cellules.

Même si la plupart des ces études n’ont pas encore été réalisées dans des modèles de fibrose pulmonaire, la littérature démontre le rôle important d’HSP90 dans les processus de fibrose tel que l’EMT et la voie de signalisation du TGF-β.

Figure 26 : L’inhibition d’HSP90 bloque la voie du TGF-β1

Gauche : HSP90 forme un complexe avec le TβRII inhibant son ubiquitination et sa dégradation par le protéasome. En parallèle, HSP90 se lie au Glucocorticoïd Receptor (GR) permettant la translocation nucléaire de NFκB et son activation. Droite: Le 17 AAG se lie au domaine de laison à l’ATP d’HSP90 et inhibe son activité. La destruction du complexe HSP90/TβRII permet la liaison de Smurf2 sur le TβRII induisant son ubiquitination et sa dégradation. Le 17AAG perturbe également le complexe GR/HSP90 permettant l’intaeraction entre GR et NFκB. Ceci induit la séquestration d’NFκB dans le cytoplasme et inhibe son activité.

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