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Présentation des terrains et de la méthode

2 Cinq terrains complémentaires

2.2 Intérêt de la mise en perspective

Dans le contexte actuel de la mondialisation, la pensée moderne se construit de manière multiscalaire (Veltz, 2014). L’intensification des échanges rend alors pertinente la comparaison à l’échelle mondiale. La comparaison renvoie à la mise en parallèle, la confrontation entre deux ou plusieurs objets. Elle consiste à mettre en évidence les divergences et les convergences entre différents sites en fonction d’un même critère. Elle est une mise en regard explicite et systématique, par catégorisation, des sites explorés, sous un angle d’étude commun prédéfini. En sciences sociales, la comparaison peut être perçue comme une méthode d’enquête et d’analyse de données, en ce qu’elle permet de recouper les différentes informations et sources d’une recherche et ainsi de renforcer leur fiabilité et l’administration de la preuve (Vigour, 2005). Ainsi la comparaison doit être envisagée comme une démarche, qui vise à mettre en relation des faits sociaux, sous un regard décentré, afin de les expliquer et de les comprendre. C’est la mise en

perspective de plusieurs expériences qui, pour Marcel Detienne (2000), produit des « espaces d’intelligibilité ».

C’est dans cette logique qu’il a été fait appel à la comparaison dans ce présent travail, afin de relever les points communs et les différences de chaque cas étudié selon une méthodologie similaire, bien qu’adaptée selon les contraintes de chaque terrain et les hypothèses à tester parfois différentes, voire divergentes. En effet, à première vue, les différents sites choisis apparaissaient comme incompatibles dans une démarche comparative, du fait de leurs caractéristiques souvent opposées. C’est cependant en tant que démarche exploratoire et face à la nécessité de multiplier les retours d’expérience à propos d’un objet urbain méconnu qu’elle a été envisagée. Pour Marcel Detienne (2000) et Guy Peters (1998 in Vigour, 2005), il faut également sortir du « biais » de la comparaison des comparables, c’est-à-dire de la comparaison de cas familiers. En Europe, il est courant de faire des comparaisons entre pays ou régions européens, en justifiant leur proximité (Vigour, 2005), la facilité et la sécurité offertes par une grande quantité d’homologies possibles. Pour Marcel Detienne (2000, p. 57), les comparables se construisent et ne consistent pas à comparer ce qui est comparable : « Comparons. Non pas pour trouver ou imposer des lois générales qui nous expliqueraient enfin la variabilité des inventions culturelles de l’espèce humaine, le comment et le pourquoi des variables et des constantes. Comparons [...] pour construire des comparables, analyser des microsystèmes de pensée, ces enchaînements découlant d’un choix initial, un choix que nous avons la liberté de mettre en regard d’autres, des choix exercés par des sociétés qui, le plus souvent, ne se connaissent pas entre elles. Ce comparatisme-là [...] échappe aux griefs de celles ou ceux qui décrètent « sans utilité » l’activité comparative, alléguant que comparer, c’est se laisser tomber sans élégance dans l’analogie et son cortège d’évidences plus naïves les unes que les autres. Comme si hélas il s’agissait encore et toujours de partir de ce que nous connaissons pour annexer, en hâte, ce qui lui ressemble plus ou moins. Pauvres humains condamnés à prendre un objet déjà tout constitué, tout armé, et à le rapprocher tel quel, de manière compulsive, d’un objet censément similaire, aperçu de l’autre côté du Rhin ou d’une frontière montueuse ». Ce biais de la comparaison des comparables, ce ‘pauvre humain’ dont parle Marcel Detienne, a ici été pris à ce piège, dans le cadre d’une première définition des terrains de la thèse, comme il a pu être constaté dans le choix du premier terrain étranger (Bolzano) et aux craintes quant à celui de Medellín. La comparaison n’est ni réductible à une méthodologie (quantitative, qualitative ou mixte) ni à un/des choix théoriques (Vigour, 2005). Nous verrons ci-après le choix d’avoir eu recours indépendamment aux deux méthodes, qualitative et quantitative.

Malgré les mêmes outils méthodologiques utilisés (entretiens semi-directifs, questionnaires, recherche documentaire), on ne peut observer une symétrie de ces méthodes d’investigation sur les différents terrains, pourtant propre au travail comparatif. En effet, ce ne sont pas les mêmes grilles d’entretien, pas les mêmes questionnaires qui ont été administrés et surtout, comme cela a été expliqué, pas les mêmes questionnements de départ. Pour ces raisons, le terme de comparaison n’est pas employé, mais celui de « mise en perspective » lui est préféré. En raison des hypothèses formulées précédemment, le non-recours à la démarche de comparaison ne semble cependant pas transparent. En effet, malgré des objectifs de départ différents, c’est une démarche inductive qui a permis de révéler in fine les ressemblances et dissemblances et d’effectuer un travail de comparaison a posteriori (chapitre 7). La démarche inductive part des faits observés, des données recueillies sur le terrain après enquêtes, sans référence préalable à une théorie et sans présager des observations/révélations faites sur le terrain (Vigour, 2005). Par la suite, la théorie et les hypothèses sont induites par les données recueillies. C’est donc un travail de reconstruction qui a été fait par la suite, même si un mouvement d’aller-retour permanent a été effectué tout au long de la recherche entre théorie, définition d’hypothèses et mise à l’épreuve de leur validité. Ce travail de reconstruction a permis de faire émerger la complémentarité des différents terrains, dans leurs hypothèses testées et dans leur réponse à la problématique posée (figure n°17). A priori, avant usage A posteriori, après usage

IDF Projets français Bolzano NYC

Figure n°17 : Le continuum temporel appliqué aux terrains (D. Giney, 2019)

3 Comment évaluer l’acceptabilité, l’acceptation et l’appropriation