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Mobilité de la résistance aux antibiotiques

2) Les intégrons

Les intégrons sont des éléments génétiques bactériens capables de capturer et d'exprimer des gènes de résistance aux antibiotiques sous forme de cassettes (Stalder, Barraud et al. 2012). Tous les intégrons possèdent trois éléments fonctionnels fondamentaux. Le premier élément est l'intégrase codée par le gène intI. C'est une tyrosine recombinase spécifique de site, elle catalyse l'ntégration ou l'excision des cassettes de gènes (Messier and Roy 2001). Le deuxième élément est le site de recombinaison attI reconnu par l'intégrase, et il est le site récepteur des cassettes (Partridge, Recchia et al. 2000). Une fois qu'une cassette de gène est recombinée, elle est exprimée par le promoteur Pc qui est le troisième élément de la plateforme fonctionnelle de l'intégron (Collis and Hall 1995). Les cassettes sont des éléments mobiles non autonomes et non réplicatifs, elles sont constituées d'un cadre ouvert de

Figure 5 : (A) Constitution génétique des plasmides conjugatifs et mobilisables. Les plasmides conjugatifs comportent quatre composants nécessaires à la conjugaison: une origine de transfert (oriT) (violet), une relaxase (R) (rouge), une protéine de couplage type IV (T4CP) (vert), et un système de sécrétion de type IV (T4SS) (bleu). Les plasmides mobilisables contiennent seulement un module MOB avec ou sans le T4CP. (B) Représentation des interactions essentielles durant le processus de conjugaison. La conjugaison est initiée suite à un clivage d'un site spécifique au niveau de l'oriT, par la relaxase. Le brin d'ADN lié à la relaxase est déplacé via le processus de réplication. La relaxase interagit avec le T4CP et les composants de T4SS, ce qui initie le transfert dans la cellule réceptrice. L'ADN est ensuite pompé dans le récepteur via l'activité ATPase du T4CP (Smillie, Garcillan-Barcia et al. 2010).

17 lecture et d'un site de recombinaison spécifique attC (Collis and Hall 1995), et peuvent exister sous deux formes: une forme transitoire libre circulaire ou une forme linéaire intégrée au sein d'un intégron (Collis and Hall 1992). Les cassettes sous forme circulaire, sont insérées par une recombinaison site-spécifique entre attI et attC. Il existe deux types d'intégrons:

- Les intégrons de multirésistance associés aux séquences d'insertion, aux transposons et aux plasmides conjugatifs. Ils sont impliqués essentiellement dans la dissémination des gènes de résistance aux antibiotiques (Mazel 2006).

- Les super-intégrons localisés sur le chromosome et contenant un nombre important des cassettes de gènes dont la majorité n'a aucune fonction connue (Mazel 2006). Cependant des études ont montré que des gènes des super-intégrons codent pour des fonctions d'adaptation des bactéries aux conditions de l'environnement (Boucher, Nesbo et al. 2006).

Il est à noter que les intégrons de multirésistance ont été divisés en quatre classes, avec une majorité d’intégrons de classe 1. Ils ont essentiellement été retrouvés chez les bactéries à Gram négatif, en particulier toutes les espèces des entérobactéries dont la majorité a été isolée d’environnements d’origine clinique. Au moins 130 cassettes différentes (moins de 98% d'identité nucléotidique) portant des gènes de résistance aux antibiotiques ont été identifiées dans les intégrons de multirésistance (Partridge, Tsafnat et al. 2009). Toutes les familles d'antibiotiques sont quasiment concernées. Récemment, une étude importante a montré que l'induction de la réponse SOS par les antibiotiques entraine l'acquisition de nouvelles cassettes de résistance mais aussi le réarrangement des cassettes présentes dans l'intégron de multirésistance (Guerin, Cambray et al. 2009).

18 3) Les éléments transposables bactériens

Il y a plus de 60 ans Barbara McClintock, qui a découvert les éléments transposables (ETs), a suggéré qu’ils avaient la capacité de remodeler les génomes. Plus récemment, de nombreux travaux effectués ont appuyé l'idée énoncée par Barbara McClintock et ceci en caractérisant les ETs comme des générateurs potentiellement avantageux de la variation sur laquelle la sélection naturelle peut agir (Fedoroff 1999). En effet, la transposition est définie comme le mouvement d'un segment discret d'ADN d'un locus à un autre, entre fragments non homologues, au sein du génome qui les abrite. Les ETs ont été identifiés dans tous les organismes procaryotes et eucaryotes, occupent une grande proportion du génome des espèces. Par exemple, les éléments transposables représentent environ 10% du génome de plusieurs espèces de poissons, 12% du génome de C. elegans, 37% du génome de la souris, 45% du génome humain, 2% du génome d'E. coli et plus de 80% du génome de certaines plantes comme le maïs. De la bactérie à l'homme, les ETs se sont accumulés au fil du temps et continuent à remanier les génomes grâce à leur mobilisation. Lors de leurs insertions, ils peuvent inactiver ou moduler l'expression des gènes, ou même induire la recombinaison homologue. Certains ETs sont impliqués dans la mobilisation et la dissémination des

Figure 6 : Structure d'un intégron de résistance aux antibiotiques. (A) Plate-forme fonctionnelle de l'intégron:

gène intI codant l'intégrase; promoteur de l'intégrase PintI; Promoteur des cassettes de gène Pc; site de recombinaison spécifique attI. (B) Cassettes de résistance libres ou intégrées avec des sites de recombinaison attC

(A)

19 séquences qui y sont adjacentes, comme les séquences codantes pour la résistance aux antibiotiques ou pour les facteurs de virulence.

Chez les bactéries, les éléments transposables impliqués dans la résistance aux antibiotiques sont les suivants : les séquences d'insertion, les transposons composites ou les transposons non-composites, les transposons conjugatifs et les transposons mobilisables.

3.1) les séquences d'insertion

3.1.1) Généralités sur les séquences d’insertion

Les séquences d'insertion ou IS, sont les éléments transposables les plus simples et les plus abondants chez les procaryotes (ISFinder: https://www-is.biotoul.fr). Elles ont une organisation génétique compacte avec une taille inférieure à 2,5 kb, et codent pour une enzyme appelée la transposase dont la fonction est de conférer la mobilité à ces IS. En général, le gène de la transposase est encadré par deux séquences inversées répétées droite et gauche, IRR et IRL (pour Inverted Repeats Right et Left respectivement), de 10 à 40 pb, et qui servent de sites de reconnaissance et de coupure à la transposase. Ces IS qui ne codent que pour des fonctions nécessaires à leur mobilité sont appelées IS classiques. A ce jour, au moins 26 familles comportant plus de 4000 membres ont été répertoriées (Siguier, Gourbeyre et al. 2015). Les IS sont classées en familles en utilisant diverses caractéristiques (MAHILLON and CHANDLER 1998) (Tableau 1), qui incluent :

- La longueur et la séquence des extrémités inversées répétées.

- La longueur et la séquence des répétitions directes (DRs ou Direct repeats) souvent générées dans l'ADN cible lors de l'insertion.

- L'organisation des cadres ouverts de lecture.

- Les séquences cibles dans lesquelles se fait l'insertion des IS

Cependant, le principal facteur dans la classification des IS est la similarité des transposases au niveau de leurs séquences primaires.

Les différentes familles de transposase et les mécanismes de transposition correspondants seront détaillés ultérieurement.

L'implication remarquable des IS dans l'évolution et la plasticité des génomes ont fait l'objet de plusieurs études dans la littérature. Les IS peuvent s'insérer en amont d'un gène et activer son expression (Glansdorff, Charlier et al. 1981) selon deux manières principales : soit

20 via des promoteurs contenus entièrement dans l'IS ou par la formation des promoteurs hybrides suite à l'insertion. Les IS peuvent également incorporer des gènes additionnels, et ensuite agir comme vecteurs pour ces gènes. Cet aspect est surtout lié au phénomène de transfert de la virulence et de la résistance antibactérienne. Les IS classiques peuvent mobiliser un ou plusieurs gènes, tels que des gènes codant pour la résistance aux antibiotiques, à condition que deux copies d'IS identiques ou similaires encadrent ces gènes, formant ainsi un transposon (Tn) composite.

Dans la littérature, on trouve des exemples très variés sur la résistance aux antibiotiques médiée par les IS.

Les insertions des IS1 ou IS10 peuvent surréguler la pompe d'efflux AcrAB-TolC chez

Salmonella enterica (Olliver, Valle et al. 2005); l'insertion de l'IS1 ou IS2 en amont de AcrEF

et l'inactivation du répresseur AcrR par insertion de l'IS186 chez E. coli, conduisent tous à une résistance accrue aux fluoroquinolones (Jellen-Ritter and Kern 2001).

Récemment, un nouveau mécanisme de résistance aux carbapénèmes a été rapporté dans des souches cliniques de Pseudomonas aeruginosa, il est dû à la disruption du gène de la porine oprD par des IS variées telles que ISPa26 et ISPa46 (Wolter, Hanson et al. 2004; Evans and Segal 2007; Diene, L'Homme et al. 2013).

ISAba1, une séquence d'insertion largement répandue dans les souches d'Acinetobacter

baumannii, joue un rôle dans la surexpression des gènes blaAmpC et blaOXA-23 en fournissant des séquences promotrices très fortes (Heritier, Poirel et al. 2006; Corvec, Poirel et al. 2007). Le génome des souches cliniques de Staphylococcus epidermidis comporte plusieurs copies de l'IS256 dont la présence est associée à la formation de biofilms et à la résistance aux aminosides (Kozitskaya, Cho et al. 2004).

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Familles Sous-groupes Taille DR (bp) Extrémités IRs Nb des ORF Frameshift Résidus catalytiques Mécanisme

IS1 - 740–1,180 8–9 GGnnnTG O 2 ORFAB DDE Copier-coller et

cointégrats

Un seul ORF 800–1,200 0–9 1

ISMhu11 900–4,600 0–10 O 2 ORFAB

IS1595 ISPna2 1,000–1,150 8 GGCnnTG O 1 DDNK Copier-coller ?

ISPna2+pass 1,500–2,600 8

ISH4 1,000 8 CGCTCTT 1 DDNK

IS1016 700–745 7–9 GGGgctg 1 DDEK

IS1595 900–1,100 8 CcTGATT 1 DDNK + ER4R7

ISSod11 1,000–1,100 8 nnnGcnTATC 1 DDHK + ER4R7

ISNwi1 1,080–1,200 8 ggnnatTAT 1 DDEK + ER4

ISNwi1+pass 1,750–4,750 8 1

ISNha5 3,450–7,900 8 CGGnnTT 1 DDER/K

IS3 IS150 1,200–1,600 3–4 TG O 2 ORFAB DDE Copier-coller

IS407 1,100–1,400 4 TG

IS51 1,000–1,400 3–4 TG

IS3 1,150–1,750 3–4 TGa/g

IS2 1,300–1,400 5 TG

IS481 - 950–1,300 4–15 TGT O 1 DDE Copier-coller ?

ISNCY IS1202 1,400–1,700 5 TGT O 1 DDEQ

IS4 IS10 1,200–1,350 9 CT O 1 DDE Couper-coller

IS50 1,350–1,550 8-9 C ISPepr1 1,500–1,600 7–8 -T-AA IS4 1,400–1,600 10–13 -AAT IS4Sa 1,150–1,750 8–10 CA ISH8 1,400–1,800 10 CAT IS231 1,450–5,400 10-12 CAT IS701 - 1,400–1,550 4 O 1 DDE ISAba11 O 1 DDE ISH3 - 1,225–1,500 4–5 C-GT O 1 DDE IS1634 - 1,500–2,000 5–6 C O 1 DDE

IS5 IS903 950–1,150 9 GG O 1 DDE

ISL2 850–1,200 2–3 1

ISH1 900–1,150 8 -GC 1

IS5 1,000–1,500 4 Ga/g 1

IS1031 850–1,050 3 GAa/g 1

IS427 800–1,000 2–4 Ga/g 2 ORFAB

IS1182 - 1,330–1,950 0–60 O 1 DDE

ISNCY ISDol1 1,600–1,900 6–7 O 1 DDE

IS6 - 700–900 8 GG O 1 DDE Cointégrats

IS21 - 1,750–2,600 4–8 TG O 2 * DDE

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Abréviations : O = Oui ; N= Non ; DR = direct repeat (ou répétion directe) ; IR = inverted repeat (répétition inverse) ; ORF = open reading frame (cadre ouvert de lecture)

Familles Sous-groupes Taille DR

(bp) Extrémités IRs Nb des ORF Frameshift Résidus catalytiques Mécanisme

IS30 - 1,000–1,700 2–3 O 1 DDE Copier-coller

IS66 - 2,000–3,000 8–9 GTAA O 3 * DDE *

ISBst12 1,350–1,900 8–9 GTAA O 1 DDE

IS256 - 1,200–1,500 8–9 Ga/g O 1 DDE Copier-coller

IS1249 1,300 0–10 GG O 1 DDE

ISC1250 1,250 0–9 GG O 1 DDE

ISH6 - 1,450 8 GGT O 1 DDE

ISLre2 - 1,500–2,000 9 O 1 DDE

ISKra4 ISAzba1 1,400–2,900 0 O 1 ou + * DDE

ISMich2 1,250–1,400 8 GGG O 1 ou 2 ORFAB DDE

ISKra4 1,400–3,700 9 GGG O 1 ou + * DDE

IS630 - 1,000–1,400 2 * O 1 ou 2 ORFAB DDE Couper-coller

IS982 - 1 3–9 AC O 1 DDE IS1380 - 1,550–2,000 4–5 CC O 1 DDE ISAs1 - 1,200–1,500 8–10 CAGGG O 1 ISL3 - 1,300–2,300 8 GG O 1 Tn3 - >3,000 0 GGGG O >1 DDE cointégrats ISAzo13 - 1,250–2,200 0–4 Ga/g O 1 IS110 - 1,200–1,550 0 N 1 DEDD IS1111 O *

IS91 - 1,500–2,000 0 N 1 HUH/Y2 Cercle roulant

IS200/IS605 IS200 600–750 0 N 1 * HUH/Y1 «

peel-and-paste »

IS605 1,300–2,000 2 * HUH/Y1 **

IS1341 1,200–1,500 1 *

IS607 - 1,700–2,500 0 N 2 * Sérine **

ISNCY IS892 1,600 0–8 CTAG O 2 ORFAB

ISLbi1 1,400–1,500 5 O 1 ISMae2 1,400–2,400 9 CAG O 1 ISPlu15 800–1,000 0 N 1 ISA1214 1,000–1,200 8–12 O 2 ISC1217 1,200 6–8 TAG O 1 ISM1 1,300–1,600 8–9 O 1

23 3.1.2) Cas particulier des ISEcp1, ISCRs et des éléments de la famille IS91

Il a été décrit que la mobilisation des gènes de virulence ou de résistance aux antibiotiques par les IS classiques nécessite la collaboration entre deux copies d'une même IS qui encadrent ces gènes et forment ainsi un transposon composite (dont les caractéristiques sont développées dans le paragraphe 3.2 de ce chapitre). Cependant, il existe des IS qui sont capables de capturer et de mobiliser des gènes avec une seule copie (Partridge 2011; Toleman and Walsh 2011). C'est le cas des éléments ISEcp1, ISCR et IS91. Les ISEcp1 et ISCRs sont fréquemment rencontrées dans la mobilisation très efficace des gènes de résistance aux antibiotiques chez les entérobactéries. L'ISCR a été caractérisée comme le nouveau système de capture des gènes au cours du 21ème siècle (Toleman, Bennett et al. 2006).

3.1.2.1) Eléments ISEcp1

La séquence d'insertion ISEcp1 a fréquemment été identifiée en amont des gènes blaCTX-M (blaCTX-M-1, blaCTX-M-2, blaCTX-M-3, blaCTX-M-9, blaCTX-M-13, blaCTX-M-14, blaCTX-M-15,

blaCTX-M-17, blaCTX-M-19, blaCTX-M-20 et blaCTX-M-21) (Bonnet 2004). Cette séquence est capable de mobiliser ces gènes mais également de favoriser leur expression à haut niveau en apportant un promoteur (Karim, Poirel et al. 2001; Poirel, Decousser et al. 2003; Poirel, Lartigue et al. 2005). L'ISEcp1 (1656 pb) appartient à la famille de l'IS1380 (Poirel, Lartigue et al. 2005; Poirel, Naas et al. 2008), elle est délimitée par deux extrémités inversées répétées imparfaites (IR) de 14 pb, et comprend une orf codant pour une transposase de 420 acides aminés (Lartigue, Poirel et al. 2004; Poirel, Lartigue et al. 2005). La mobilisation des gènes voisins par l'ISEcp1 se fait par un mécanisme de non-reconnaissance de l'extrémité IRR située en aval du gène de la transposase. La transposase reconnait donc une séquence légèrement ressemblante, désignée IRalt, située en aval de l'IRR; ainsi l'évènement de transposition se produit par la combinaison entre cette IRalt et l'IRL qui est située en amont du gène de la transposase (Partridge 2011). L'unité de transposition délimité par IRalt et IRL est capable de générer des séquences répétées directes DR (de 5 pb) lors de son insertion dans l'ADN cible (Poirel, Naas et al. 2008; Partridge 2011).

Outre sa prédominance en amont des gènes blaCTX-M, l'ISEcp1 a aussi été retrouvée en association avec les gènes de céphalosporinase blaACC-1 et blaCMY-2, le gène de résistance aux

24 quinolones qnrB19 et le gène de la méthylase rmtC qui confère une résistance aux aminosides (Partridge 2011).

3.1.2.2) Eléments ISCR

Les ISCR ne sont pas apparentées aux ISEcp1, mais elles ont potentiellement une capacité mobilisatrice supérieure à celle des ISEcp1. La taille de l'ADN mobilisé par ISEcp1 semble limitée, tandis que les éléments ISCR fonctionnent probablement par la réplication en cercle roulant (RCR, Rolling Circle Replication), un processus qui peut mobiliser des segments d'ADN extrêmement grands. Les premières ISCR (désignées ISCR1) ont été identifiées au début des années 90 dans deux intégrons complexes de classe 1 (In6 et In7) (Toleman, Bennett et al. 2006; Toleman, Bennett et al. 2006), et ont d'abord été appelées CRs (ou common regions) puis ISCR1s (insertions sequence CR1s) en raison des homologies de motifs et de séquences qu'elles partagent avec les IS de la famille de l'IS91 qui inclut l'IS91, l'IS1294 et l'IS801. Les intégrons complexes de classe 1 possèdent une région 5' conservée (5'-CS, conserved segment) contenant le gène de l'intégrase, et deux copies de la région 3' conservée (3'-CS) entre lesquelles sont localisées les ISCR1 associées à des gènes de résistance aux antibiotiques non cassettes. Les ISCR1 ont une taille de 2,1 kb et comprennent une orf de 1,5 kb codant pour une protéine putative de 513 acides aminés, l'Orf513 (Toleman, Bennett et al. 2006; Toleman, Bennett et al. 2006; Toleman and Walsh 2011).

Figure 7 : Structure et modalité de transposition de l'ISEcp1. La mobilisation d'un gène de résistance aux antibiotiques (ici blaCTX-M) via l'ISEcp1 se fait par par la combinaison entre IRL et IRalt.

25 A ce jour, il existe 23 ISCR qui sont divisées en 3 groupes sur la base du pourcentage G+C, mais également en fonction de la séquence d'acides aminés de leurs transposases. Tous les éléments ISCR identifiés ont été trouvés dans le voisinage immédiat des gènes acquis par transfert horizontal, la grande majorité étant des gènes conférant la résistance aux antibiotiques (Toleman, Bennett et al. 2006; Naas, Namdari et al. 2008; Toleman and Walsh 2008; Li, Walsh et al. 2009; Poirel, Mugnier et al. 2009; Bercot, Poirel et al. 2010; Schleinitz, Vallaeys et al. 2010; Deng, Zeng et al. 2011; Toleman and Walsh 2011; Yong, Toleman et al. 2012).

La mobilisation des gènes adjacents par les ISCR se fait probablement par la transposition en cercle roulant qui a aussi été décrite pour les éléments de la famille des IS91, et qui fait appel à une réplication en cercle roulant. A la différence des IS classiques, les ISCR ne sont pas bordées par des séquences inversées répétées, mais par des sites d'origine (oriIS) et de terminaison (terIS) de réplication, qui sont situés respectivement en aval et en amont du gène de la transposase. La réplication se serait initiée à l'extrémité oriIS et pourrait parfois se poursuivre au-delà du site terIS permettant ainsi la capture et le déplacement des régions d'ADN adjacentes. La transposition répétitive de l'ISCR qui utilise une seule extrémité (oriIS), pourrait produire un certain nombre des séquences entières ou tronquées à côté du site

terIS.

Figure 8 : Structure et fonctionnalité de l'ISCR1. L'ISCR1 fonctionnerait probablement par la réplication en cercle roulant et mobiliserait les gènes adjacents au terIS, en particulier les gènes de résistance aux antibiotiques (gène R sur le schéma).

26 3.1.2.3) Famille des IS91

La séquence d'insertion IS91 a été découverte en 1982 au sein des plasmides conjugatifs (appelés plasmides Hly) codant pour la toxine α-hémolytique chez E. coli. Il a été montré que la transposition de l'IS91 entrainait la formation de cointégrats, transmissibles par conjugaison, entre les plasmides Hly et le plasmide pACYC184 non conjugatif. Il a aussi été suggéré que la présence ubiquitaire de l'IS91 sur les plasmides Hly était à l'origine de la dissémination du gène hly de l'α-hémolysine entre des plasmides appartenant à des groupes d'incompatibilité différents (Garcillan-Barcia and de la Cruz 2002). Les IS91, IS1294 et IS801 sont les IS les plus documentées de la famille IS91. Cependant, d'autres IS ont été décrites dans la base ISFinder (https://www-is.biotoul.fr). Des analyses génomiques ont montré que ces éléments sont surtout associés à une variété des gènes de virulence et de pathogénicité chez les bactéries. Plusieurs isoformes des IS91 et IS1294 étaient retrouvés sur des plasmides et/ou des chromosomes des souches d'E.coli et de Shigella qui causent des infections gastro-intestinales et urinaires chez les animaux. L'élément IS91, largement répandu chez des souches d'E. coli entérotoxigéniques, a été responsable de la mobilisation des gènes eltAB codant des entérotoxines thermolabiles (Garcillan-Barcia and de la Cruz 2002).

27 Pour l'IS801, des isoformes étaient associés à des plasmides et/ou des chromosomes de différents pathovars de Pseudomonas syringae, responsables de pathologies végétales variées (Romantschuk, Richter et al. 1991). L'IS91 et l'IS1294 semblent être spécifiques aux bactéries pathogènes infectant les animaux, alors que l'IS801 se trouve principalement dans les pathogènes des plantes (Garcillan-Barcia and de la Cruz 2002).

Les éléments de la famille des IS91 sont également associés aux gènes de résistance aux antibiotiques. Le premier cas d'une telle association a été révélé en 1989 ; il concernait l'élément IS1294 qui a ainsi été retrouvé à proximité du gène aph (aminoglycoside-3'-phosphotransferase type 1) conférant la résistance à la kanamycine sur le plasmide pUB2380 (Albiger, Comanducci et al. 2000). Des travaux expérimentaux publiés en 2000 ont montré la mobilisation du gène aph par l'IS1294 (Tavakoli, Comanducci et al. 2000). Plus récemment, le séquençage complet des plasmides de différents groupes d'incompatibilité (IncA/C, IncI1 et IncF), dans des souches d'E. coli ou de Salmonella, a montré une association entre cette IS1294 et le gène de la céphalosporinase plasmidique blaCMY-2 (Karczmarczyk, Wang et al. 2014; Sidjabat, Seah et al. 2014; Tagg, Iredell et al. 2014).

Comme il a été mentionné précédemment, la transposition des éléments de la famille des IS91 se fait probablement par le mécanisme du cercle roulant. Les propriétés structurelles et fonctionnelles de ces éléments seront détaillées dans le chapitre 3, paragraphe 4.5.

3.2) Les transposons composites

Un transposon composite est formé de deux copies d'une même IS en orientation directe ou inverse, encadrant un segment d'ADN qui comporte différents gènes de résistance aux antibiotiques et/ou cataboliques (MAHILLON and CHANDLER 1998; Bennett 2008). Très souvent, l'une des deux séquences IS code pour une transposase fonctionnelle, tandis que l'autre code pour un régulateur de la transposition. Les transposons composites les plus célèbres sont Tn5 (IS50), Tn9 (IS1) et Tn10 (IS10) auxquels sont associés des gènes de résistance à un antibiotique (Bennett 2008; Siguier, Gourbeyre et al. 2014).

Le transposon Tn5 est composé d'une IS50R et une IS50L en orientation inverse et encadrant des gènes de résistance à la kanamycine et à la streptomycine (Bennett 2008). Le Tn9 comporte deux IS1 en orientation directe flanquant le gène catA1a qui confère la résistance au chloramphénicol (Partridge 2011). Le transposon Tn10 formé de deux IS10, héberge les gènes tetA et tetR qui codent pour la résistance à la tétracycline (Partridge 2011).

28 3.3) Les transposons non-composites

Les transposons non-composites ou unitaires ne possèdent pas deux IS à leurs extrémités, comme précédememnt décrit. Ils comprennent des séquences terminales répétées en orientation inverse (IR) encadrant un gène tnpA codant pour la transposase, un gène tnpR codant pour la résolvase et un site de résolution (res). En plus des protéines essentielles à leur dissémination, ces transposons portent des gènes de résistance aux antibiotiques ou aux métaux lourds. La famille des Tn3 est la plus connue, elle inclut deux sous-groupes : transposons Tn3-like et Tn21-like. Les 2 sous-groupes se distinguent par des différences à la fois dans la séquence et dans l'organisation. Pour les membres du sous-groupe Tn3-like, le site res est compris entre tnpA et tnpR qui sont orientés en sens opposés